Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances (PLF) constitue toujours un exercice particulier. Cette année ne fait pas exception à la règle, puisque la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à un accord sur l’ensemble des dispositions du PLF pour 2020.
Je veux tout d’abord saluer l’implication de tous les sénateurs, ces dernières semaines, sur ce texte, pendant de nombreuses heures de débat. Sur les 393 articles figurant dans le texte adopté par le Sénat, 111 ont tout de même été votés conformes, soit un peu moins d’un quart.
Le texte qui vous est soumis aujourd’hui a été modifié par l’Assemblée nationale. Sans surprise, le Gouvernement a d’abord souhaité rétablir les crédits des cinq missions que vous aviez rejetées : « Sécurités », « Écologie, développement et mobilité durables », « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », « Justice » et « Immigration, asile et intégration ». Ces annulations conduisaient à une réduction, évidemment artificielle, des dépenses de 52, 7 milliards d’euros, ce qui n’est, compte tenu de l’importance de chacune de ces missions, ni souhaitable ni crédible.
Le Gouvernement s’est aussi opposé à toutes les mesures qui visaient à remettre en cause les réformes que nous conduisons depuis plus de deux ans et demi. Vous le savez, nous avons un objectif de redressement de nos comptes publics. Des ajustements étaient dès lors nécessaires, car, à l’issue de l’examen de la première partie par le Sénat, le solde avait été dégradé de près de 4 milliards d’euros, même si ce chiffre diverge de celui qui a été établi par la commission des finances, plus optimiste, pour ne pas dire trop optimiste, s’agissant des recettes résultant de la lutte contre la fraude.
Aussi le Gouvernement propose-t-il dans ce projet de loi de finances de poursuivre la démarche initiée l’année dernière pour réduire le nombre de dépenses fiscales inefficientes. Nous avons ainsi renouvelé notre opposition aux dispositions que vous avez adoptées et qui visaient au contraire à renforcer certaines dépenses fiscales. Je pense notamment au relèvement du plafond de la réduction d’impôts « IFI-dons » ou au relèvement du plafond de déduction annuelle des dépenses d’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants.
J’évoquerai également certaines mesures intéressantes que vous aviez introduites en première lecture. Je suis satisfait que l’Assemblée nationale ait souhaité en garder l’esprit. Je pense notamment à l’exonération du paiement de la taxe d’habitation pour les Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Le Gouvernement est favorable à une telle exonération, et nous avons soutenu un amendement reprenant un dispositif adopté ici même.
Par ailleurs, nous avons souhaité reprendre des mesures de simplification et de clarification, notamment en matière de TVA, sur la fiscalité des jeux, en particulier du PMU, ou sur la taxe Logista, tout en adaptant ces mesures d’un point de vue technique.
Je le souligne, l’article 3 conserve le critère « occasionnel » défini par le Sénat lors de nos débats. Toutefois, nous avons souhaité élargir la liste que nous jugions trop réduite.
Je souhaite m’attarder particulièrement sur la réforme de la fiscalité locale à l’article 5.
L’Assemblée nationale, sur notre proposition, n’a pas souhaité repousser cette réforme, ce qui constitue à nos yeux une très bonne chose. Cela aurait réduit la lisibilité pour les contribuables et les élus des modalités de la suppression et de la compensation de la taxe d’habitation.
Néanmoins, le Gouvernement s’est engagé à établir des simulations extrêmement précises, afin de s’assurer que la réforme de la fiscalité ne désorganise pas la répartition des dotations versées par l’État aux collectivités à partir de 2022, notamment au regard des potentiels fiscal et financier. Ce travail permettra de s’interroger sur la pertinence de certains indicateurs. Comme je l’avais annoncé, le PLF pour 2021 portera les mesures nécessaires pour que les effets de bord soient neutralisés.
Ainsi, un groupe de travail du CFL (Comité des finances locales) est d’ores et déjà prévu dès la mi-janvier, pour aborder les conséquences de la réforme fiscale sur les indicateurs de ressources utilisés pour le calcul des dotations et des fonds de péréquation.
Celle nouvelle lecture a été l’occasion pour le Gouvernement de tirer les conséquences de certaines annonces intervenues depuis la première lecture, notamment s’agissant du déplafonnement du malus automobile et du plan de soutien à la filière automobile.
Le dispositif d’accompagnement financier des régions dans le cadre de la réforme de l’apprentissage a été également ajusté et renforcé, en rehaussant le niveau des ressources qui leur sont affectées à l’article 24. Ce point avait été soulevé par M. Bruno Retailleau. Nous avons trouvé une solution, grâce à un soutien supplémentaire à l’apprentissage à hauteur de 50 millions d’euros, en sus des 228 millions d’euros déjà prévus dans le projet de loi de finances, comme le Gouvernement s’y était engagé ici même. L’État et France compétences verseront donc environ 600 millions d’euros aux régions, tout en reprenant les charges induites.
Les 50 millions d’euros supplémentaires ont été répartis au prorata des primes d’apprentissage en 2020 et 2021, avec un abondement spécifique pour les trois régions Pays de la Loire, Centre-Val de Loire et, plus subsidiairement, Guyane, de 11 millions d’euros, lesquels, au vu des travaux réalisés pour l’évaluation des transferts de charges, auraient dû être reversés à l’État.
En ce qui concerne les modalités de financement de l’Association pour le soutien du théâtre privé, le Gouvernement a proposé de poursuivre la concertation avec les acteurs du secteur préalablement à toute évolution.
Concernant le GNR (gazole non routier), deux amendements du Gouvernement ont été adoptés par l’Assemblée nationale, afin d’accompagner les artisans des travaux publics dans le cadre de la suppression du tarif réduit du GNR.
La première mesure met en œuvre un suramortissement pour le renouvellement des engins de plus de cinq ans, afin de renouveler le parc avec des engins moins polluants. La seconde instaure un renforcement des contrôles sur le terrain, impliquant notamment une coloration spécifique de carburant pour les travaux publics et l’établissement d’une liste d’engins de chantier réputés non éligibles au tarif agricole, définie par arrêté et qui fera l’objet d’une concertation. Un renforcement des responsabilités des donneurs d’ordre est également prévu avec la création d’un registre des travaux relevant du secteur des travaux publics réalisés par les entreprises agricoles, assortie de sanctions douanières en cas de non-tenue du registre ou d’absence de mise à jour.
Je le souligne, mesdames, messieurs les sénateurs, la sincérité de notre budget est une priorité. Cette nouvelle lecture est l’occasion d’actualiser nos prévisions de recettes et de dépenses, en cohérence avec les dernières informations qui vous ont été présentées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2019.
La reprise des plus-values fiscales de l’année 2019, notamment sur les droits de mutation, nous conduit à rehausser la prévision de recettes de 1, 4 milliard d’euros en 2020.
Pour ce qui concerne les dépenses, au vu du dynamisme des prestations sociales observé en 2019, nous proposons d’augmenter significativement, à hauteur de 750 millions d’euros, les crédits consacrés à la prime d’activité et à l’allocation aux adultes handicapés. En tenant compte des prévisions de fin d’année dès la loi de finances initiale, dans l’objectif d’une budgétisation au plus juste des dépenses obligatoires, nous préparons une gestion plus soutenable et plus sereine. Je le répète, nous ne souhaitons pas nous trouver contraints de prendre des décrets d’avance.
Ces ajustements nous conduisent à revoir très légèrement à la hausse le déficit de l’État, d’environ 93 millions d’euros. Il s’établira ainsi à un peu plus de 93 milliards d’euros, ce qui n’entraîne pas de modification de notre prévision du déficit public en 2022, que nous maintenons à 2, 2 %.
Dans la continuité de notre action depuis deux ans, nous maintenons notre exigence de discipline budgétaire. Les amendements relatifs aux crédits que nous vous soumettrons participeront ainsi de notre démarche de sincérisation des comptes.