Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie mercredi dernier n’a pu aboutir favorablement, dans la mesure où un trop grand nombre d’articles – 282 articles – restaient en discussion.
En première lecture, l’Assemblée nationale et le Sénat avaient adopté dans les mêmes termes 110 articles et confirmé la suppression d’un article.
M. le secrétaire d’État en a fait état, l’Assemblée nationale a retenu, en nouvelle lecture, un certain nombre d’apports du Sénat. Je ne pourrai évidemment mentionner tous les articles concernés, mais je donnerai quelques exemples.
L’Assemblée nationale a partiellement entendu le Sénat sur l’article 3, qui concerne la domiciliation fiscale en France des dirigeants des grandes entreprises françaises. Elle a maintenu l’exclusion du président du conseil de surveillance et du président du conseil d’administration lorsque ce dernier n’assume pas la fonction de président-directeur général.
Confirmant le vote du Sénat, l’Assemblée nationale est revenue sur la suppression de la taxe sur les spectacles perçue au profit de l’Association pour le soutien du théâtre privé, ainsi que sur le bornage dans le temps de l’exonération d’impôt sur le revenu des gains nets réalisés lors des cessions à titre onéreux de titres de sociétés de capital-risque, que l’Assemblée nationale avait pourtant elle-même introduite en première lecture.
L’Assemblée nationale a également conservé plusieurs aménagements que nous avions introduits dans le texte. Je pense notamment au taux de TVA à 5, 5 % dans le secteur du logement social. Elle a adopté conforme l’article 50 octies relatif à la réduction d’impôt « Madelin », en conservant le renforcement des clauses anti-abus adopté par le Sénat.
Parmi les principaux apports, on peut également citer les modifications substantielles introduites à l’article 58 quater relatif à la création d’une réduction d’impôt pour les investissements au sein des foncières solidaires, y compris son extension aux foncières solidaires à vocation agricole.
L’Assemblée nationale a aussi repris plusieurs mesures de clarification ou de simplification des régimes juridiques portés par le Sénat. Je citerai, à l’article 62, l’amendement, voté sur l’initiative de notre collègue Roger Karoutchi, qui visait à exonérer les chaînes d’information de la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs.
L’Assemblée nationale a également rejoint le Sénat sur l’essentiel des modifications techniques que la commission des finances avait portées à l’article 68 relatif à l’interdiction de l’octroi de garanties de l’État au commerce extérieur pour la recherche, l’extraction et la production de charbon. Elle a en outre confirmé la suppression de plusieurs articles proposés par le Sénat, en particulier l’article 59 undecies qui prévoyait l’extension du dispositif relatif aux aviseurs fiscaux aux sociétés d’investissement immobilier cotées.
Bref, on peut avoir l’impression que l’Assemblée nationale nous a suivis sur beaucoup de points – je pense notamment à la suppression de rapports inutiles, mais elle en a aussi beaucoup rétabli…
Malgré ces apports du Sénat dont il a été tenu compte, des divergences importantes subsistent entre les deux assemblées.
Du point de vue macroéconomique, nous ne pouvons que regretter, comme nous l’avons fait tout au long de la première partie, que le Gouvernement ait renoncé à redresser les comptes publics. J’avais expliqué, en première lecture, que le recul du déficit nominal masquait en réalité l’absence d’amélioration structurelle, notamment l’absence d’économies. On le voit en particulier sur différents postes du budget de l’État. La trajectoire budgétaire n’a en définitive jamais été aussi éloignée des règles européennes.
En outre, malheureusement, les efforts nécessaires pour diminuer les dépenses ne sont pas entrepris, ce qui ne permet pas de financer des baisses de prélèvements obligatoires – je veux parler du renoncement de l’État à tout objectif de réduction des effectifs.
Il est très regrettable que l’Assemblée nationale n’ait pas retenu les propositions d’économies que nous avions formulées.
Nous regrettons également que, s’agissant des différentes mesures fiscales prises tant en première qu’en seconde partie, l’Assemblée nationale ait rétabli, en nouvelle lecture, certaines dispositions auxquelles le Sénat s’était fortement opposé. Je pense notamment à la question du mécénat d’entreprises, qui a fait l’objet d’un très large consensus au sein de notre assemblée, mais aussi à celle – n’est-ce pas, Christine Lavarde ? – du financement du Grand Paris, qui a suscité, sur toutes les travées, des oppositions.
Malheureusement, l’Assemblée nationale a conservé assez peu des amendements que nous avions adoptés sur les articles les plus emblématiques.
Comme nous sommes au Sénat, je voudrais m’arrêter un instant sur l’article 5. L’Assemblée nationale n’a retenu aucun des amendements proposés par la commission des finances et adoptés par le Sénat à une très large majorité concernant le schéma de financement des collectivités territoriales. Monsieur le secrétaire d’État, je vous rappelle qu’Alain Richard, membre de La République En Marche, chargé de la mission Richard-Bur, avait appelé le Gouvernement à retenir un certain nombre de propositions du Sénat. Il n’en a rien été.
L’Assemblée nationale n’a pas retenu l’idée de décaler d’un an la mise en œuvre des nouveaux modes de financement ; elle n’a pas non plus souhaité reprendre les dispositifs de financement des départements que nous proposions ni la revalorisation des valeurs locatives à 1, 2 % au lieu de 0, 9 %. Elle n’a pas retenu notre proposition supprimant les effets de l’année blanche et prévoyant une prise en compte plus sérieuse des dynamiques liées aux recettes relatives aux rôles supplémentaires de taxe d’habitation.
L’Assemblée nationale est également revenue – Philippe Dallier, qui propose chaque année cette mesure, en sera désolé, et le Sénat tout autant – sur la compensation intégrale des exonérations de taxe sur le foncier bâti concernant les logements sociaux, qui prend une acuité toute particulière avec la réforme de l’article 5.
La fiscalité écologique, autre pan important du projet de loi de finances, a fait l’objet d’un long débat un lundi après-midi, au moment de l’examen de la première partie. Nous avions jugé que cette fiscalité était une fiscalité de rendement. La position du Gouvernement et de l’Assemblée nationale nous le confirme.
Ainsi, l’article 19, qui augmente le prix du gazole pour les transporteurs routiers de marchandises, a été rétabli. Les transporteurs étrangers, qui font le plein en Belgique, au Luxembourg ou en Espagne, où le différentiel de fiscalité avec la France est de plus de 10 euros par hectolitre, seront favorisés, au détriment des transporteurs français, en particulier des plus petits, qui subissent de plein fouet cette hausse des charges. En l’espèce, monsieur le secrétaire d’État, il s’agit bien d’un impôt de production, relevant, donc, d’une catégorie que le Gouvernement entend pourtant, nous dit-on, réduire.
En outre, toutes les mesures proposées par le Sénat pour accompagner les compagnies aériennes face à l’augmentation de la taxe de solidarité ont été supprimées. Il me semblait pourtant que le transport aérien ne se portait pas particulièrement bien cette année ; il est vrai que nous n’avons enregistré que deux faillites… Le mécanisme de suramortissement, notamment, que nous avions introduit n’a pas été retenu, alors que vous l’aviez proposé pour les navires…
Les députés ont aussi refusé tous les aménagements que nous avions votés à l’article 4 concernant le CITE (crédit d’impôt pour la transition énergétique).
L’Assemblée nationale n’a pas conservé non plus le mécanisme complet que nous avions instauré de lutte contre les opérations d’arbitrage de dividendes. C’est un sujet dont nous reparlerons : regardez ce qui se passe en Allemagne, où vient d’avoir lieu un procès assez retentissant.
En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a également adopté un amendement du Gouvernement que le Sénat avait refusé en première lecture. Il s’agit d’un amendement visant à augmenter la dotation élu local. C’est une mesure très sympathique, puisqu’elle sera financée pour moitié par les départements et pour moitié par les régions… Le Sénat l’avait considérée comme inacceptable.
L’Assemblée nationale a supprimé la proposition du Sénat de relever le plafond du quotient familial.
Elle a supprimé plusieurs dispositions qui avaient pourtant été adoptées par le Sénat à l’unanimité ou, plutôt, pour être tout à fait honnête, à la quasi-unanimité. Je pense au dispositif de lutte contre les opérations d’arbitrage de dividendes ou encore à l’exonération de fiscalité des sommes misées dans le cadre du loto du patrimoine. Sur ce sujet, la réponse du secrétaire d’État fut plus qu’embrouillée. Les Français ne comprennent pas que, en jouant pour sauvegarder le patrimoine, cela puisse engendrer 17 millions d’euros de taxes supplémentaires.
L’Assemblée nationale n’a pas non plus retenu les amendements que nous avions défendus concernant la révision des valeurs locatives, à l’article 52 – je pense notamment au « planchonnement » et au lissage.
Enfin, pour être tout à fait complet, l’Assemblée nationale a rétabli, à l’article 61, les dispositions qui prévoient le transfert par ordonnance – nous ne le souhaitons pas – de certaines missions de la direction générale des douanes et droits indirects à la DGFiP (direction générale des finances publiques). Elle n’a pas souhaité non plus conserver le décalage d’un an prévu par le Sénat à l’article 51 concernant les fameux contrats d’usage.
J’arrête là la liste. Vous le voyez, mes chers collègues, les sujets de désaccord restent nombreux, et même si le Sénat se livrait – pour ma part, j’y suis prêt – à une nouvelle lecture complète, les désaccords sont tels que ladite lecture ne serait pas de nature à faire évoluer les choses et à infléchir la position de l’Assemblée nationale.