Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a échoué, sans grande surprise : il paraissait impossible de trouver un accord global sur un texte qui comportait plus de 400 articles – un record sous la Ve République –, dont 238 restaient encore en discussion. Nous regrettons toutefois que l’Assemblée nationale n’ait pas davantage tenu compte des votes du Sénat, y compris pour des mesures qui avaient été adoptées à l’unanimité. Cela dénote d’une conception particulière de l’intérêt général. Je citerai quelques exemples, en commençant naturellement par les collectivités locales.
Puisque notre chambre représente ces entités, nous avons pris le temps de travailler en détail sur le contenu de l’article 5. Nous aurions pu le rejeter en bloc, mais cela aurait été irresponsable. Le Gouvernement a choisi de ne retenir aucun de nos amendements, ce que je regrette. Prenons le pari que les effets de bord seront considérables et que certaines dispositions reviendront dans le PLF de l’année prochaine, car vous nous avez d’ores et déjà annoncé une phase de révision, monsieur le secrétaire d’État. Je vous ai notamment entendu dire que toutes les questions relatives aux impacts sur le calcul des potentiels financiers et fiscaux seront à l’ordre du jour du CFL, qui se réunira au mois de janvier prochain.
Il n’aurait pas été déshonorable d’accepter de reporter la mise en œuvre de la réforme d’une année pour se donner le temps, tous ensemble, de faire des simulations et d’évaluer les conséquences sur chacune de nos collectivités. Permettez-moi d’être sceptique sur l’argument que vous avez avancé concernant le manque de lisibilité pour les contribuables et pour les collectivités. Pour tout le monde aujourd’hui, cette réforme est particulièrement floue.
J’évoquerai par ailleurs la fiscalité écologique. Le PLF pour 2020 devait incarner l’orientation du Gouvernement vers un verdissement de sa politique. Dans un passé récent, nous vous avions alerté sur la hausse de la TICPE. Vous nous aviez alors adressé une fin de non-recevoir avant de faire volte-face en réaction au mouvement des « gilets jaunes ». Nous dénoncions à l’époque une fausse fiscalité écologique qui était en réalité une fiscalité de rendement. Nous continuons de dénoncer cette fiscalité ; vous continuez de ne pas nous écouter.
La majorité présidentielle a choisi de maintenir la suppression des comptes d’affectation spéciale, qui permettent pourtant une traçabilité de cette fiscalité : c’est une erreur.
Pour incarner au plus près des territoires le tournant vert de votre politique, le Sénat, pour la quatrième année consécutive, a voté à l’unanimité une affectation partielle des recettes de la TICPE aux régions et aux EPCI. À travers les plans territoriaux et les schémas régionaux, ces acteurs mènent des actions concrètes et visibles des citoyens. L’Assemblée nationale a supprimé cette disposition.
Mesure au coût anecdotique – 300 000 euros –, mais forte en symboles, le bénéfice du FCTVA pour la location longue durée d’un véhicule à faibles émissions par les collectivités locales a également été rejeté par les députés. Le Sénat, à l’unanimité, l’avait pourtant voté. Je m’interroge sur les capacités des collectivités à atteindre les objectifs qui leur ont été fixés dans la loi d’orientation des mobilités.
Autre exemple : le domaine de la culture, qui a déjà été largement évoqué par le rapporteur général et lors des questions d’actualité au Gouvernement. Notre groupe croit à la nécessité de préserver le patrimoine historique de notre pays. Après la baisse des crédits du patrimoine dans le projet de loi de finances rectificative, nous nous demandons si ce souci est partagé par le gouvernement actuel. Il est vrai que le Président de la République, alors en campagne, avait expliqué qu’il n’y a pas de « culture française ».
Chacun connaît les difficultés pour les particuliers d’entretenir des demeures historiques, qui sont des gouffres financiers. L’impôt sur la fortune immobilière les pénalise fortement alors qu’ils ne retirent aucun bénéfice de leur bien ouvert au public, les recettes étant réinjectées pour l’entretien et la rénovation. Cela fait par ailleurs travailler les entreprises et préserve un savoir-faire artisanal français unique.
Le Sénat avait proposé d’exonérer d’IFI à hauteur de 75 % les monuments historiques ou classés en zone rurale, ouverts au public, avec un engagement de conservation. Quelle est la justification du rejet de cette mesure ? Quelle raison justifie également la suppression de l’exonération de taxation pour le loto du patrimoine ou encore la réforme du mécénat d’entreprise, rétablie à l’Assemblée nationale, qui va faire économiser environ 20 millions d’euros sur le mécénat patrimonial ?
Le dernier exemple, enfin, est la lutte contre la fraude. Comme l’an passé, nous constatons avec regret que vous ne voulez toujours pas reprendre notre proposition de lutte contre la fraude aux dividendes : vous la jugez mal calibrée. Pourtant, nous reprenons le dispositif mis en place par les Allemands, dispositif qui va leur rapporter un montant considérable.
L’outil que vous avez mis en œuvre en juillet, figurant à l’article 119 bis A du code général des impôts, est calibré bien au-dessous de ce que nous proposons. L’Autorité des marchés financiers avait estimé que notre proposition pourrait rapporter entre 1 milliard et 3 milliards d’euros aux caisses de l’État. Peut-être aurons-nous raison dans un an ?