Intervention de Annick Billon

Réunion du 18 décembre 2019 à 15h00
Violences au sein de la famille — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Annick BillonAnnick Billon :

… qui a permis d’aboutir à une CMP conclusive.

Les violences au sein de la famille sont souvent difficiles à caractériser et à dénoncer, car elles pâtissent encore de nombreux stéréotypes. Pour exemple, les mots « crime passionnel » persistent encore dans certains esprits. Souvent minorées et considérées comme relevant de la sphère intime, ces violences relèvent avant tout d’un caractère systémique et nécessitent d’interroger de façon plus générale les rapports de domination qui animent notre société. Nous avons, nous, législateurs, une responsabilité forte et une capacité d’action pour faire baisser ces violences.

Cette CMP est fondamentale dans la mesure où elle propose de compléter notre arsenal juridique par des avancées concrètes en matière de protection des victimes de violences conjugales. La mise en place du bracelet électronique anti-rapprochement au début de l’année prochaine, les aides au logement, les modalités de recours au téléphone grave danger, la facilitation de la délivrance de l’ordonnance de protection constituent autant de mesures concrètes et attendues qui amélioreront de manière significative la protection des femmes.

Je me félicite tout particulièrement de ce que la question de l’autorité parentale, que j’avais portée avec la délégation aux droits des femmes, ait été reprise à la faveur de cette CMP, même si cette disposition ne va pas assez loin à mon sens : le caractère provisoire de la suspension de l’autorité parentale, d’une durée de six mois, en limite notamment sa portée. Les nombreux travaux de la délégation ont montré que, bien souvent, l’existence d’enfants permet l’exercice d’un chantage visant à poursuivre le harcèlement ou les violences sur l’ex-conjointe ; nous sommes convaincus qu’un mari violent ne saurait être un bon père.

En effet, sans l’organisation adaptée des modalités d’exercice de l’autorité parentale, les mesures de protection de la femme victime de violences seront mises en échec et les enfants ne seront pas protégés. Une prise en compte élargie des violences conjugales est indispensable pour assurer une protection effective de la mère et de l’enfant. Dès lors, la suspension de plein droit de l’autorité parentale ne saurait se cantonner qu’aux cas les plus graves.

Je souhaite par ailleurs revenir sur la question de l’indignité successorale, qui n’a pas pu être débattue lors de la réunion de la CMP. Mes collègues de la délégation et moi-même avions proposé, par voie d’amendement, de dispenser les enfants de l’obligation d’aliment en cas de retrait total de l’autorité parentale et d’exclure cette obligation en cas de condamnation pour le meurtre ou l’assassinat de l’autre parent. J’ai regretté que cette proposition, pourtant consensuelle, ait été rejetée par le Gouvernement ; comment accepter qu’un enfant conserve une obligation d’aliment vis-à-vis de son parent auteur d’un assassinat sur son autre parent ?

Madame la garde des sceaux, cette disposition, que vous avez rejetée, figure pourtant parmi les annonces du Gouvernement dans le cadre du Grenelle. Elle devrait donc trouver une transcription législative dans un prochain texte. Sans vouloir faire preuve d’esprit de polémique, il eût été plus opportun de l’intégrer dans cette proposition de loi ; cela nous aurait fait gagner du temps, que nous savons précieux.

Je souhaite terminer en évoquant une question fondamentale : la question financière. Si ce texte constitue une avancée indéniable, ses dispositions ne sauraient se concrétiser sans des moyens massifs. Je n’ai eu de cesse, au cours de mon mandat de présidente, que de déplorer le hiatus existant entre les ambitions affichées par le Gouvernement, dans le cadre de la « grande cause du quinquennat », et la réalité des moyens qui y sont consacrés.

Une fois de plus, je crains que les crédits annoncés à l’issue du Grenelle ne soient pas à la hauteur des enjeux. Ainsi en va-t-il de la question de l’aide juridictionnelle, qui devra être prise à bras-le-corps. Trop de familles se trouvent démunies face à la procédure judiciaire et aux frais de justice importants que celle-ci induit.

La responsabilité qui nous incombe est forte, tout comme l’attente de notre société. Soyons à la hauteur des enjeux, soyons au rendez-vous !

Cette proposition de loi d’Aurélien Pradié, point de départ d’un combat que nous savons long, va dans le bon sens. C’est pourquoi le groupe Union Centriste, souhaitant encourager le travail accompli, votera ce texte.

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