Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 18 décembre 2019 à 15h00
Violences au sein de la famille — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, au moment où nous parlons, on recense 145 ou 146 victimes de féminicide depuis le début de l’année ; il y a un doute sur la cent quarante-sixième, car les services de police n’ont pas encore rendu leurs conclusions à son propos. C’est plus que les années précédentes !

Cette augmentation importante, non pas simplement marginale, je ne l’impute, bien entendu, à aucun responsable politique. Reste qu’il serait intéressant que votre ministère, madame la garde des sceaux, étudie les raisons pour lesquelles le nombre de féminicides augmente. En effet, je m’interroge : est-ce que cela s’inscrit dans le cadre de l’augmentation globale, que l’on constate, des atteintes aux personnes ? C’est une possibilité. Est-ce lié à une dislocation plus importante des familles ? Ou bien est-ce lié au fait que, depuis deux ans, les femmes sont engagées à parler, à partir et que, beaucoup de féminicides se produisant, on le sait, au moment de la séparation, une augmentation des séparations entraînerait un accroissement du nombre de tels actes ? Il vaudrait le coup que l’on sache ce qu’il en est, pour être plus efficace dans la prévention et pour comprendre quel est l’état de notre société, surtout quand celle-ci va mal.

Cela étant dit, je veux revenir sur quelques éléments.

Les enquêtes menées par vos services ou par l’inspection générale de la justice, notamment, révèlent la sous-évaluation historique, traditionnelle, par la justice, des violences faites aux femmes et la sous-utilisation des outils juridiques mis à la disposition des juges. Or nous essayons, au travers de ce texte, du Grenelle et de l’engagement des associations et de tout un chacun, de sensibiliser la justice. Je regrette donc qu’un certain nombre d’amendements que nous avions déposés en première lecture n’aient pas été adoptés.

En effet, je connais la philosophie de la Chancellerie – je parle non pas de la vôtre, madame la garde des sceaux, mais de celle qui vous préexistait et qui demeurera toujours, même si cela peut évoluer – ; cette philosophie consiste à s’en tenir à un code pénal et à un code civil fondés sur un principe : « le juge peut ». Quand le code prévoit que « le juge peut », la Chancellerie est contente ; surtout, n’y touchons pas. Or, en matière de violences faites aux femmes, il faut maintenant passer au principe « le juge doit » ; en effet, si « le juge peut », il ne fait pas. Tel est le constat que vous avez dressé, avec les groupes de travail sur la justice, pendant le Grenelle : les juges n’utilisent pas les outils juridiques existants.

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