Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le texte sur lequel nous nous apprêtons à voter vise deux objectifs majeurs.
En premier lieu, il permet la délivrance d’une ordonnance de protection en un délai six jours, alors qu’il en faut, aujourd’hui, quarante et un. Comment ? En multipliant le recours à ce dispositif hautement protecteur, par lequel le juge aux affaires familiales peut organiser la séparation du couple dans un contexte de violences. Grâce à ce dispositif, la victime de violences conjugales peut obtenir, au travers d’une même décision de justice, des mesures tout à la fois civiles et pénales.
Les mesures civiles concernent l’organisation de la vie familiale, avec, au premier chef, les droits de visite et d’hébergement, la pension alimentaire ou encore l’attribution du logement du couple.
Les mesures pénales sont relatives à l’interdiction d’entrer en contact avec la victime et à l’interdiction, pour le conjoint violent, de port d’arme.
En second lieu, ce texte a été conçu pour sauver des vies, en généralisant l’utilisation du bracelet anti-rapprochement. Trop souvent, l’actualité s’est fait l’écho du décès de personnes tombées sous les coups de leur conjoint, alors qu’elles avaient indiqué qu’il avait menacé de la tuer s’il revenait.
Ainsi, le bracelet pourra être imposé aux auteurs de violences conjugales à titre de peine, mais aussi avant tout jugement pénal dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou, en dehors de toute plainte, dans le cadre civil d’une procédure d’ordonnance de protection.
Nous approuvons, sans aucune réserve, l’ensemble de ces mesures. Néanmoins, une priorité absolue demeure : faire reculer les violences. Cela a été dit, 145 ou 146 femmes ont été tuées en 2019 par leur conjoint ou par leur ex-conjoint ; ce chiffre insupportable nous appelle à la responsabilité.
La réduction du délai de délivrance de l’ordonnance de protection est l’un des leviers d’action absolument nécessaires. Pour que cet objectif législatif soit entièrement effectif, il faudra non seulement ajuster en conséquence les dispositions du code de procédure civile relatives à l’ordonnance de protection, mais également poursuivre la revalorisation budgétaire de nos structures judiciaires, sans lesquelles notre opiniâtreté pourrait se dissoudre en vœux pieux.
Je veux maintenant dire quelques mots sur l’heureuse issue des mesures relatives à l’autorité parentale.
Nous avions déposé, en séance, un amendement ayant pour objet de suspendre de plein droit l’autorité parentale lorsque l’un des deux parents est décédé des suites d’un homicide volontaire et dont les faits font l’objet d’une enquête pénale mettant en cause l’autre parent, ou d’une information judiciaire ouverte à l’encontre de celui-ci. Pour assortir ce dispositif d’un brevet de respectabilité constitutionnelle, nous avions laissé toute liberté d’appréciation à la juridiction compétente, laquelle pouvait, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer ce retrait total, notamment lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant le commandait.
Cet amendement, souvenez-vous-en, avait été rejeté, avec un avis défavorable de la commission. Toutefois, la CMP a finalement intégré une disposition analogue, qui prévoit la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale en cas de poursuites ou de condamnation pour un crime commis par un parent sur la personne de l’autre parent, et ce dans l’attente de la décision du juge aux affaires familiales.
Juridiquement, vous avez décidé d’ajuster le droit aux dimensions du réel, et le réel, en tout état de cause, ce sont les victimes de violences conjugales. Aujourd’hui, le droit leur répond, la raison a prévalu. Nous ne pouvons que nous en féliciter, mais cela s’est fait en substituant à une demande de rapport une disposition substantielle de fond. Vous avez, nous avons, dérogé, en connaissance de cause, au fameux principe de l’entonnoir, en incorporant dans le texte de la CMP une disposition qui n’avait, finalement, pas été adoptée par le Sénat et qui n’avait même pas été débattue par l’Assemblée nationale. Sans doute, nous aurions pu faire l’économie d’un désaccord de procédure qui nous a occupés, en adoptant, dès l’examen du texte en séance, l’amendement que certains collègues et moi-même portions et qui a finalement connu cette issue favorable en CMP.
Cette réserve étant exprimée et l’essentiel étant le but à atteindre – et ce but est aujourd’hui atteint –, il va de soi que les membres du groupe La République En Marche apporteront tout leur soutien à cette proposition de loi, à cette conclusion heureuse de la CMP.