Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 30 janvier 2007 à 21h30
Droit opposable au logement — Demande de renvoi à la commission

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit au logement opposable est une grande chose, un principe fondamental qui doit changer en profondeur nos pratiques. Il est bon qu'il soit présenté aujourd'hui au Parlement de la République.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure d'autres droits.

Le droit à l'éducation est le résultat du combat des forces de progrès pour que chaque enfant, parce qu'il est un être humain, bénéficie de ce droit.

Le droit à un revenu minimum, le RMI, est une conquête de la gauche : chaque personne a droit à un revenu, parce qu'elle est un être humain.

Une loi absolument fondamentale du gouvernement de Lionel Jospin a créé la couverture maladie universelle, la CMU : chaque personne a droit à la santé, pour la seule raison qu'elle est un être humain.

Affirmer le droit, pour chaque homme, chaque femme, chaque jeune, de disposer d'un toit, d'un logement, c'est une chose positive, et nous voterons bien sûr l'article 1er.

Dans le même temps, je pense qu'au moment où l'on discute de ce sujet il est opportun de ne pas rouvrir un certain nombre de débats, car on pourrait se trouver face à des arguments totalement divergents. Je me souviens par exemple du travail qui a été effectué par Roger Quilliot ou Louis Besson et des difficultés que nous avons rencontrées avec un certain nombre de textes de loi ici même.

Ce qui est important pour nous dans ce droit au logement opposable, si l'on va au bout de la logique, - d'ailleurs, à entendre cet après-midi ce qu'ont dit les uns et les autres, je ne suis pas certain que tous nos collègues soient sur cette longueur d'onde -, c'est la révolution copernicienne qu'il opère dans la mesure où le droit à la propriété, fondement d'un grand nombre de décisions juridictionnelles, n'est plus tout-puissant, n'est plus premier, et que le droit au logement devra lui être supérieur dans un certain nombre de cas. C'est donc une grande révolution.

Notre seule interrogation, mes chers collègues, porte évidemment sur les moyens et non sur le fond.

Je me souviens de l'amendement qu'a déposé Jack Ralite le 6 avril 2006, ainsi que des interventions de Thierry Repentin et d'autres de nos collègues ; je m'étais également exprimé. Mme Vautrin nous a répondu que la proposition était irréaliste, prématurée et totalement inappropriée.

C'est pourquoi plusieurs de nos collègues, dont M. Desessard à l'instant, ont parlé d'une conversion soudaine. Il pourrait en être ainsi, monsieur le ministre, si un certain nombre de mesures concrètes n'étaient prises conjointement dans le sens d'une application stricte de l'article 55 de la loi SRU et préalablement à de nouveaux progrès par rapport à ces dispositions.

La question est de savoir si nous sommes tous d'accord pour cela. J'ai écouté tout à l'heure M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économique, Dominique Braye, et je ne suis pas certain qu'il partage cette position. Mais c'est son choix, et il est tout à fait respectable.

Je me souviens de certains débats que nous avons eus ici même sur la loi SRU, au cours desquels on nous expliquait qu'il était urgentissime de modifier celle-ci pour raisonner à l'échelon des agglomérations et non des communes, de façon à diluer l'effort.

Lors de la discussion générale, presque tous les intervenants ont parlé de l'abbé Pierre. Et, pour parler franchement, je finis par éprouver une certaine gêne à voir comment chacun récupère ou s'accroche à une partie de la cape du saint homme !

J'ai envie de dire : « laissez-le en paix ! ». Je me souviens, par exemple, de la dernière visite de l'abbé Pierre, ancien député, à l'Assemblée nationale. Tout le monde l'a naturellement congratulé et puis, à peine eut-il quitté l'hémicycle, qu'est arrivé en discussion l'amendement de Patrick Ollier nous expliquant qu'il fallait comptabiliser différemment l'accession à la propriété. Chacun s'en souvient.

Les tentatives et tentations pour édulcorer la loi SRU sont tellement nombreuses ! J'ai encore assisté ces dernières semaines, ici ou là, à certaines cérémonies de voeux durant lesquelles les élus promettaient à leurs concitoyens de veiller particulièrement à l'équilibre démographique et au caractère résidentiel de leur commune.

Toutes les raisons sont bonnes pour ne pas appliquer cette loi SRU. Cela m'amène à formuler une proposition qui figure d'ailleurs dans les amendements présentés par Thierry Repentin et les membres du groupe socialiste.

Je trouve profondément scandaleux que l'on puisse payer pour ne pas appliquer la loi. Souvenez-vous de cette période où il était possible de payer pour ne pas remplir ses obligations militaires. Ceux qui étaient riches pouvaient donc s'y soustraire. De la même façon, je trouve profondément anormal que l'on puisse acheter la non-mixité sociale pour rester entre soi et que l'on ait la possibilité, en payant, de refuser la construction de logements sociaux et l'arrivée de certaines catégories de la population dans sa commune.

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