Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 30 janvier 2007 à 21h30
Droit opposable au logement — Article 1er

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout comme il a fallu que le film Indigènes soulève l'indignation de l'opinion pour que le Gouvernement rectifie enfin l'iniquité de la situation des anciens combattants étrangers, dont les pensions sont gelées depuis 1959, il aura fallu la démonstration des Enfants de Don Quichotte pour que ce même gouvernement en vienne à déposer un texte sur le droit au logement opposable que nous avions défendu lors de discussion de la loi portant engagement national pour le logement.

Il convient donc de saluer la prééminence des effets médiatiques dans la gouvernance de ce pays !

Cela nous conduit à examiner un texte à quelques semaines de l'élection présidentielle, en urgence comme bien d'autres textes qui auraient pourtant nécessité le temps de l'analyse et de la concertation.

J'en veux pour preuve la frustration partagée par les rapporteurs des commissions et les responsables d'associations engagées sur cette question qui, face à un texte historique, auraient souhaité un traitement beaucoup plus approfondi, au regard tant des moyens affectés au droit au logement que de ses formes administratives et juridiques.

Il est inqualifiable de jouer ainsi avec la précarité, le chômage, en mettant en concurrence ceux qui souffrent de l'insuffisance de logements sociaux et très sociaux.

Vous ne rassurerez personne, et certainement pas ceux qui espèrent un logement depuis plusieurs années, en suggérant à l'article 1er un droit qui, de fait, se trouve déjà réduit à l'article 2 par le jeu des conditions d'accès.

Comme le constate le DAL, dans mon département, par exemple, le délai d'attente pour accéder au logement social est passé à quatre ans : c'est toute une frange de la population déjà cruellement touchée par la récession économique qui se trouve rejetée à la rue.

Par ailleurs, des promoteurs immobiliers, profitant de cette pénurie, investissent dans la pierre dans un but purement spéculatif : les logements ainsi acquis demeurent vides de tout occupant. Dans la métropole lilloise, des bailleurs sociaux laissent des appartements vides pour ne pas avoir à gérer le relogement des locataires dans l'éventualité d'un programme de « démolition-reconstruction » fixé pour 2009.

Ce sont 3 400 000 personnes qui vivent de minimas sociaux, et il est question de 7 millions de travailleurs vivant dans des conditions de pauvreté avérée.

La crise du logement que nous connaissons depuis maintenant quinze ans est aussi la traduction de la précarisation dramatique des salariés, des jeunes, des familles monoparentales.

Que représentera donc cette loi si elle n'est pas assortie d'un plan volontariste de construction de logements réellement sociaux, d'un engagement national effectif pour que les conditions de vie, particulièrement l'accès au logement, participent concrètement à l'amélioration du quotidien de nos concitoyens ?

Il est plus que temps, monsieur le ministre, que pour garantir ce droit fondamental au logement, à l'instar de celui à l'éducation et à la santé, l'État reprenne la main sur l'ensemble du dispositif du logement social par la création d'un vrai service public de l'habitat, seul outil capable de faire respecter ce droit sur l'ensemble du territoire.

Nous avons défendu cette position à de multiples occasions. Aujourd'hui, aux côtés des associations d'insertion, du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, nous posons comme incontournable le principe que le droit opposable au logement soit assorti d'une obligation de résultat, et nous comptons bien, au travers des débats qui s'engagent ici, proposer toutes les dispositions susceptibles de porter la politique du logement au rang de priorité nationale.

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