Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lors du débat préalable au Conseil européen, nous nous étions concentrés sur les enjeux budgétaires. En effet, la négociation du cadre financier pluriannuel de l’Union figurait en bonne place dans l’ordre du jour de ce sommet. La présidence finlandaise avait d’ailleurs publié, début décembre, un nouveau cadre de négociation chiffré, auquel chacun des groupes politiques du Sénat avait pu réagir lors de ce débat préalable.
Pourtant, le Conseil européen des 12 et 13 décembre ne s’est pas attardé sur ce sujet. La cacophonie entre les États membres, tant sur la question des ressources propres que sur la ventilation des dépenses, est apparue telle que le cadre financier pluriannuel fera finalement l’objet d’un sommet extraordinaire en février.
C’est en fait l’ambition européenne pour le climat qui aura focalisé l’attention lors de ce Conseil européen et qui sera, de ce fait, au cœur de mon propos en introduction à ce débat. Il faut dire que la présidente de la Commission européenne avait habilement présenté la veille au Parlement européen les grandes lignes du Pacte vert qui doit permettre d’assurer la transition climatique et écologique de notre continent.
Le Conseil européen a donc été conduit à prendre note de cette communication. Surtout, il a fixé à l’Union européenne l’objectif d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050, conformément aux objectifs déterminés par l’accord de Paris. Même si cette décision résulte de longs mois de préparation pour convaincre les États membres de l’endosser, elle n’était pas facile à prendre. La Pologne, très dépendante du charbon, est restée récalcitrante, si bien que le Conseil européen indique, dans ses conclusions, qu’un État membre, à ce stade, ne peut s’engager sur cet objectif. L’Union évite ainsi d’être prise en otage par un seul État membre qui faisait monter les enchères pour prix de son ralliement. Par cette entorse à la tradition consensuelle du Conseil européen, son nouveau président, Charles Michel, s’est montré innovant, et ce précédent est une subtilité qui mérite d’être saluée. Il ouvre, je l’espère, une autre voie que celle de la recherche à tout prix de l’unanimité, synonyme de paralysie.
En affirmant ainsi son ambition en matière climatique, l’Union européenne montre l’exemple, alors même que la COP25 réunie à Madrid n’a pas tenu ses promesses. En effet, les parties à l’accord de Paris ont reporté à plus tard le traitement des questions qui fâchent.
Nous pouvons aussi nous féliciter de la confirmation expresse par le Conseil européen du respect du principe de neutralité technologique pour parvenir à l’objectif de neutralité carbone. La liberté de chaque État de choisir son mix énergétique est donc préservée. Nos voisins tchèques, hongrois et slovaques ont même obtenu qu’à ce titre le nucléaire soit mentionné dans les conclusions du Conseil européen. En tant qu’élu de la Manche, je tiens à les saluer tout particulièrement. §Je vois que je fais plaisir à mon collègue André Gattolin !
Je salue aussi, à cet égard, le compromis trouvé par le Coreper (Comité des représentants permanents) sur le règlement qui jette les bases de la future taxonomie. Ce compromis prévoit que le nucléaire, ainsi que le gaz, pourront être reconnus comme des sources d’énergie participant à la transition climatique. C’est une avancée importante : pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d’État, si elle a des chances d’être consacrée dans le texte final, puisque le Parlement européen aura son mot à dire ? Chacun sait la sensibilité de ce dernier à ces questions.
Enfin, je me réjouis que le Conseil européen se soit attaché à souligner la nécessité, pour l’Union, de veiller à ce que sa transition climatique n’entame pas sa compétitivité – au sein de cette assemblée, madame la secrétaire d’État, nous y sommes extrêmement attachés. C’est pourquoi il appuie le projet de mécanisme d’inclusion carbone aux frontières. Ce mécanisme, que vous nous aviez clairement présenté lors du débat préalable à ce Conseil européen, est vertueux. Tout en étant compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), il doit permettre de corriger l’écart entre nos normes environnementales et celles des pays dont nous importons les biens. C’est donc une nouvelle politique commerciale très offensive qui se profile pour l’Union européenne ; il s’agit d’un grand pas en avant.
J’évoquerai, en conclusion de nos débats, les autres perspectives ouvertes par ce Conseil européen, sur lesquelles nos échanges apporteront certainement des éclairages précieux.