La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle le débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 12 et 13 décembre 2019.
Dans le débat, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil européen des 12 et 13 décembre a constitué le premier rendez-vous européen en présence de Charles Michel, d’Ursula von der Leyen et de Christine Lagarde, chacun dans son nouveau rôle. Ce Conseil européen a marqué le lancement d’un nouveau cycle institutionnel.
Les discussions ont été dominées par la question de la lutte contre le changement climatique. Comme ils en étaient convenus au mois de juin dernier, les chefs d’État et de gouvernement ont endossé l’objectif de la neutralité carbone d’ici à 2050. Il s’agit là d’un succès, il faut le dire, de la coalition de pays ambitieux menée par la France. Composée de trois pays au départ, cette coalition, qui comptait huit pays à Sibiu en mai, puis un peu plus d’une vingtaine à l’été, a obtenu que l’unanimité se fasse autour de cet objectif. En s’engageant à devenir le premier continent neutre en carbone en 2050, l’Union européenne donne un signal clair sur son ambition. Le Pacte vert présenté par la Commission le 11 décembre fixe non seulement un objectif, mais également une feuille de route en vue de l’atteindre. Une loi climat sera présentée en mars 2020.
Le Premier ministre polonais a sollicité un délai avant de s’engager non pas sur l’objectif lui-même, mais sur les modalités de sa mise en œuvre à l’échelon national, au regard de la situation de départ de son pays, de la place qu’occupe le charbon au sein de son mix énergétique et du coût élevé de la transition pour la Pologne. Cette exemption temporaire n’a pas conduit à repousser l’adoption de l’objectif collectif ; elle n’empêche en rien l’engagement de l’Union européenne, la loi climat devant être votée par le Conseil à la majorité qualifiée. De ce fait, nous ne devrions pas connaître de nouvelle situation de blocage en raison de l’opposition d’un seul pays. En outre, le Conseil européen est convenu de revenir en juin 2020 sur le cas de la Pologne, qui devra alors préciser sa position. La Pologne pourrait bénéficier d’un accompagnement financier de la part de l’Europe, en fonction des engagements qu’elle prendra.
Les conclusions adoptées par le Conseil européen montrent que nous sommes lucides sur l’ampleur de la tâche et sur les efforts que nous devrons consentir pour atteindre cet objectif. Elles soulignent la nécessité de mettre en place un cadre afin de faciliter la transition des États membres : celui-ci devra comprendre des instruments, des mesures incitatives, un réel soutien financier et des investissements adaptés, afin que la transition puisse se faire et qu’elle soit juste et socialement équilibrée. Un certain nombre de propositions ont été faites en ce sens par la Commission dans son Pacte vert. J’insisterai sur le mécanisme d’inclusion carbone aux frontières, essentiel pour protéger l’emploi industriel en Europe. Cela est nécessaire si nous voulons atteindre notre objectif sans remettre en cause la source d’une partie de notre croissance.
Les conclusions rappellent également que les États membres peuvent décider souverainement des types d’énergie qu’ils utiliseront à l’échelon national pour atteindre les objectifs climatiques de l’Union, conformément à ce que prévoient les traités, notamment l’article 194 du traité de Lisbonne. Certains États pourront ainsi, s’ils le souhaitent, utiliser l’énergie nucléaire pour décarboner leur mix énergétique. C’est une clarification utile. J’y reviendrai si vous le souhaitez.
Enfin, le Conseil européen a invité la Commission à préparer en temps utile, avant la COP26 de Glasgow, au terme d’une analyse d’impact approfondie, la proposition relative à la mise à jour de la contribution déterminée au niveau national (CDN) de l’Union européenne pour 2030. Si nous avons un objectif pour 2050, il nous faut aussi tracer un chemin en vue de l’atteindre. À cet égard, le rendez-vous de 2030 est important. Cette COP sera en effet décisive pour la mise en œuvre effective de l’accord de Paris. Nous souhaitons donc que la prochaine CDN soit rehaussée de manière substantielle, afin d’inciter les autres grands pays émetteurs de la planète à faire de même.
La conférence sur l’avenir de l’Europe a également été évoquée lors de ce Conseil. Le président du Parlement européen, David Sassoli, a rappelé devant les chefs d’État et de gouvernement que cette conférence était une priorité de la nouvelle législature et que le Parlement européen entendait jouer un rôle moteur dans son organisation et son déroulement, aux côtés du Conseil et de la Commission, bien sûr : un tel exercice n’aurait pas de sens s’il était mené par un seul élément du triangle organisationnel européen.
Alors que les institutions se préparent à l’organisation de cette conférence – nous attendons une communication de la Commission en janvier 2020, ainsi qu’une résolution du Parlement européen –, le Conseil européen a demandé à la future présidence croate d’établir une position du Conseil sur le contenu, la portée, la composition et le fonctionnement d’une telle conférence. Il a notamment insisté, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le rôle des parlements nationaux dans cet exercice. Une mobilisation citoyenne doit bien entendu être encouragée, mais dans le respect plein et entier de la démocratie représentative.
Nos trois priorités, définies notamment avec les Allemands, sont les suivantes.
Nous voulons tout d’abord recréer une relation plus approfondie avec les citoyens, afin de sortir d’un pur exercice de communication et de réellement prendre en compte leurs apports et leurs idées.
Il s’agit ensuite de répondre à l’urgence démocratique, en renforçant la transparence, en prévenant les conflits d’intérêts, en nous protégeant mieux contre l’ingérence de puissances étrangères, en contrôlant le financement des partis européens. Il faudra se pencher sur la question des listes transnationales, qui posent question.
Enfin, dans un souci d’efficacité, il importe de conduire une revue des différentes politiques européennes, afin d’évaluer si nous sommes assez souverains, assez solidaires et assez réactifs dans nos prises de décisions.
Ce Conseil a également été l’occasion de discuter du cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027. La Première ministre finlandaise a présenté la boîte de négociation chiffrée soumise par la présidence le 2 décembre, portant à la fois sur le volume global et sur les principaux programmes composant le budget pour l’Union européenne.
La présidence a présenté un projet de budget s’établissant à hauteur de 1, 07 % du revenu national brut, soit une proposition intermédiaire entre celle de la Commission et celle des États dits « frugaux », qui voudraient s’en tenir à 1, 00 %.
La proposition finlandaise permet une hausse de 10 milliards d’euros du budget de la politique agricole commune (PAC) et le maintien de la notion de régions en transition au titre de la politique de cohésion. Elle prévoit la fin des rabais. Tous ces points sont positifs, mais il convient de rester très vigilants. Nous devons en particulier nous assurer que l’augmentation de la PAC repose non seulement sur le second pilier, comme c’est le cas aujourd’hui, mais également sur le premier. Je le redis devant vous : il ne peut y avoir de développement rural sans agriculteurs. Si nous voulons accroître le développement rural, nous devons faire en sorte que les agriculteurs puissent bénéficier d’aides directes et à l’investissement.
Si la catégorie élargie des régions en transition est bien conforme à nos demandes, nous serons vigilants sur les allocations réservées aux régions françaises, notamment aux régions ultrapériphériques et aux pays et territoires d’outre-mer (PTOM).
Nous continuons également à réclamer plus d’ambition et de cohérence en ce qui concerne le climat, ainsi que des conditionnalités sociales et fiscales pour accélérer la convergence sociale en Europe. À cet égard, nous avons créé une coalition d’États, avec l’Espagne, l’Italie, la Grèce, la Belgique et l’Espagne, notamment, afin de lutter contre le dumping social.
De même, nos priorités en matière de défense, de migration ou d’action extérieure ne sont pas encore suffisamment prises en compte.
Faute de temps, ce débat difficile, complexe ne s’est pas tenu dans la nuit du 12 décembre, mais Charles Michel a toutefois repris le dossier. Les conclusions adoptées par le Conseil européen sur ce sujet sont procédurales. Des consultations bilatérales techniques et politiques vont maintenant avoir lieu au début de l’année 2020 afin de définir un calendrier pour la poursuite de la discussion collective, que nous espérons voir se tenir avant le printemps 2020.
Au cours du dîner du 12 décembre, les chefs d’État, réunis autour de Josep Borrell, ont abordé différents sujets de politique étrangère. Ils ont notamment évoqué l’Afrique, en particulier le Sahel, mais aussi la Russie, la Turquie, l’Albanie ou encore la situation à l’OMC (Organisation mondiale du commerce), dont l’organe de règlement des différends a cessé de fonctionner la nuit même du 12 décembre.
Un sommet de la zone euro a ensuite eu lieu le vendredi matin, en présence de la nouvelle présidente de la Banque centrale européenne et du président de l’Eurogroupe, Mario Centeno. Les débats ont porté sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, la poursuite des travaux sur le mécanisme européen de stabilité, le renforcement de l’union bancaire et le budget de la zone euro.
Le Président de la République a souligné que si les progrès sur ces différents sujets étaient certains, ils restent largement insuffisants, en particulier parce que nous voudrions que ces outils, au service notamment de la zone euro, soient non seulement des instruments de convergence, mais aussi de stabilisation.
Enfin, nous avons terminé cette longue réunion par une session en format « article 50 », puisque nous étions au lendemain des élections britanniques. La nette victoire de Boris Johnson nous permet d’entrevoir une sortie ordonnée du Royaume-Uni après plus de trois ans de débats complexes. Nous avons surtout, pendant cette réunion, posé les principes qui guideront la négociation de la relation future avec le Royaume-Uni.
Il est extrêmement important, cela a été souligné à l’unanimité, que l’accord de retrait agréé en octobre dernier entre l’Union et le gouvernement de Boris Johnson puisse être ratifié très rapidement et de manière ordonnée à Westminster puis au Parlement européen. Nous pourrons alors nous consacrer au mandat de négociation. Il importe que les relations futures entre l’Union et le Royaume-Uni soient intenses, mais équilibrées et loyales. Nous devrons en particulier pouvoir avancer sur les points où la prise en compte de nos normes environnementales, fiscales, sociales est déterminante pour la qualité de nos relations avec nos partenaires commerciaux.
Michel Barnier a été chargé de rédiger ce mandat. La pêche, la sécurité ou la défense sont pour nous des sujets essentiels des négociations à venir. Boris Johnson souhaite qu’elles soient terminées au 31 décembre 2020. Nous avons donc de quoi travailler avec ardeur, selon une ligne directrice très forte : une relation équilibrée, c’est aussi une relation qui protège les citoyens européens au Royaume-Uni.
Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE, ainsi qu ’ au banc des commissions. – Mme Michèle Vullien applaudit également.
La parole est à M. Philippe Paul, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au moment même où se tenait le Conseil européen des 12 et 13 décembre, le Royaume-Uni nous adressait enfin un message clair sur le Brexit. Avec cette victoire sans appel de Boris Johnson, le peuple britannique nous dit enfin ce qu’il veut, après plus de trois ans d’une incertitude qui a affaibli l’Europe dans son ensemble. Nous regrettons le Brexit, contresens historique majeur, mais nous respectons le choix du peuple britannique.
De nouvelles négociations sur la relation future vont s’ouvrir. Des questions épineuses se poseront.
Le compromis trouvé sur la frontière irlandaise, le fameux « backstop », sera tout sauf simple à mettre en œuvre. Je le dis avec force : l’intégrité du marché unique européen doit être préservée.
Le groupe de suivi sur le Brexit, coprésidé par les présidents Cambon et Bizet, a révélé les risques pesant sur l’intégrité territoriale du Royaume-Uni du fait du Brexit. Les Écossais, qui avaient voté à 62 % pour le maintien dans l’Union européenne, ont massivement accordé leur confiance, jeudi dernier, au parti indépendantiste SNP, qui remporte quarante-huit sièges à Westminster sur cinquante-neuf. La question d’un second référendum sur l’indépendance écossaise se pose donc, comme nous l’avions prédit. La question irlandaise elle-même pourrait rebondir, alors que les unionistes font partie des grands perdants de cette élection.
Notre groupe de suivi a enfin pointé le risque d’un dumping fiscal, social et réglementaire aux frontières de l’Europe, avec le fameux « Singapour sur Tamise ». La forte légitimité dont bénéficie désormais Boris Johnson pourrait l’inciter à frapper vite et fort. Restons vigilants dans la nouvelle phase de négociation. La relation future devra maintenir les intérêts européens et aboutir à un degré élevé de coopération avec le Royaume-Uni, en particulier sur les plans de la sécurité et de la défense. J’invite le Gouvernement à profiter de la célébration des dix ans du traité de Lancaster House, en novembre prochain, pour obtenir des avancées fortes en la matière. La commission des affaires étrangères va préparer cette échéance avec son homologue britannique.
La défense européenne, justement, doit être une priorité. Le budget du Fonds européen de la défense (Fedef) est « une ligne rouge pour la France », nous avez-vous dit ici même, madame la secrétaire d’État. Dont acte ! La commission des affaires étrangères et de la défense estime que nous ne pouvons pas manquer le tournant du Fedef.
Le Conseil européen a rappelé son opposition aux activités de forage illégales de la Turquie dans la zone économique exclusive de Chypre et a estimé que le protocole d’accord entre la Turquie et la Libye sur la délimitation en mer Méditerranée violait le droit. Je tenais à réaffirmer ici sans équivoque notre solidarité avec la Grèce et Chypre en ce qui concerne ces actions de la Turquie.
Madame la secrétaire d’État, l’Union a une nouvelle page de son histoire à écrire. Nous comptons sur vous pour qu’elle soit ambitieuse.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et RDSE, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le dernier Conseil européen de l’année s’est tenu dans un paysage institutionnel renouvelé, marqué par l’entrée en fonction de la nouvelle Commission européenne et de celle de Charles Michel à la tête du Conseil européen.
Si la présentation par la Commission de son Pacte vert a occupé une part significative des échanges, d’autres sujets qui intéressent plus particulièrement la commission des finances ont été abordés.
Tout d’abord, ce Conseil européen était une échéance très attendue en vue des négociations du prochain cadre financier pluriannuel (CFP) pour les années 2021 à 2027.
Or force est de constater que la dernière proposition de la présidence finlandaise, établissant le budget européen à 1, 07 % du revenu national brut (RNB) de l’Union européenne, n’a pas remporté l’adhésion des États membres et n’a pas permis de surpasser les divergences maintenant bien connues entre ceux-ci. Si les conclusions quelque peu lapidaires du Conseil européen ne cèdent pas à l’inquiétude, le calendrier des négociations s’avère toutefois de plus en plus contraint pour permettre un démarrage des programmes opérationnels dès janvier 2021.
En confiant désormais le suivi des négociations au président du Conseil européen, les États membres ont voulu opter pour un changement de méthode, dont nous espérons qu’il portera rapidement ses fruits. Un sommet dédié à ces négociations pourrait se tenir au début de l’année prochaine.
Madame la secrétaire d’État, vous avez été interrogée à plusieurs reprises, y compris lors du dernier débat préalable au Conseil européen, sur les « lignes rouges » du Gouvernement en matière de calibrage du budget européen, qu’il s’agisse de son niveau global ou des sous-enveloppes dédiées aux principales politiques communes. Or la France ne s’est pas encore engagée formellement sur le budget européen exprimé en pourcentage du RNB qu’elle souhaite défendre. Pourriez-vous, madame la secrétaire d’État, clarifier la position de la France quant au niveau minimal que devrait atteindre le budget européen pour les années 2021 à 2027 ?
De plus, si les négociations semblent traîner depuis plusieurs mois, les données de l’équation ne cessent d’évoluer. Alors que les États membres ne parviennent à s’accorder ni sur le niveau global du budget ni sur les priorités à financer, la Commission européenne vient de présenter sa feuille de route pour un « pacte vert », incluant notamment un « mécanisme pour une transition juste » pouvant engendrer jusqu’à 100 milliards d’euros d’investissements.
Madame la secrétaire d’État, comment la création de ce nouveau fonds s’articulera-t-elle avec les négociations budgétaires en cours ? Plus qu’à financer de nouvelles dépenses, ce fonds ne vise-t-il pas à compenser les coupes budgétaires annoncées pour la politique de cohésion ?
Un autre instrument budgétaire à financer a vu le jour depuis le début des négociations relatives au prochain cadre financier pluriannuel, il y a dix-huit mois. Il s’agit de l’instrument budgétaire de convergence et de compétitivité, auparavant désigné comme le « budget de la zone euro », dont le président de la commission des finances, Vincent Éblé, que je remplace ce soir, a dénoncé le manque d’ambition à plusieurs reprises. Si son financement devra être prévu par le cadre financier pluriannuel, les conclusions sommaires du sommet de la zone euro du 13 décembre témoignent de la difficulté à avancer collectivement sur ce dossier.
Enfin, le Conseil européen a permis aux États membres de faire le point sur l’avancée du Brexit, juste après que les élections législatives britanniques ont confirmé le soutien de la majorité de l’électorat au parti conservateur. Il est vrai que les États membres ont accueilli avec un soulagement certain l’issue de ce scrutin, qui permet de clarifier la majorité à la Chambre des communes et de confirmer la tenue d’un Brexit d’ici à la fin du mois de janvier. Pour autant, un nouveau front de négociations s’ouvre désormais, et il n’est pas des moindres, puisqu’il s’agit maintenant de déterminer nos relations futures avec le Royaume-Uni. Si le Conseil européen a réaffirmé son souhait d’établir des relations aussi étroites que possible avec le Royaume-Uni, le Gouvernement britannique a confirmé qu’il ne souhaitait pas une extension de la période de transition, imposant ainsi qu’un accord commercial soit trouvé d’ici à la fin de 2020.
Madame la secrétaire d’État, comment un accord commercial permettant de garantir des relations étroites et équitables peut-il être trouvé dans un temps aussi contraint ? Ne craignez-vous pas que seul un accord a minima soit conclu, au risque de favoriser une forme de dumping social et fiscal outre-Manche ? Vous nous préciserez également les contours du mandat de négociation qui devrait être proposé par la Commission européenne.
Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, RDSE, LaREM, Les Indépendants et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.
La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lors du débat préalable au Conseil européen, nous nous étions concentrés sur les enjeux budgétaires. En effet, la négociation du cadre financier pluriannuel de l’Union figurait en bonne place dans l’ordre du jour de ce sommet. La présidence finlandaise avait d’ailleurs publié, début décembre, un nouveau cadre de négociation chiffré, auquel chacun des groupes politiques du Sénat avait pu réagir lors de ce débat préalable.
Pourtant, le Conseil européen des 12 et 13 décembre ne s’est pas attardé sur ce sujet. La cacophonie entre les États membres, tant sur la question des ressources propres que sur la ventilation des dépenses, est apparue telle que le cadre financier pluriannuel fera finalement l’objet d’un sommet extraordinaire en février.
C’est en fait l’ambition européenne pour le climat qui aura focalisé l’attention lors de ce Conseil européen et qui sera, de ce fait, au cœur de mon propos en introduction à ce débat. Il faut dire que la présidente de la Commission européenne avait habilement présenté la veille au Parlement européen les grandes lignes du Pacte vert qui doit permettre d’assurer la transition climatique et écologique de notre continent.
Le Conseil européen a donc été conduit à prendre note de cette communication. Surtout, il a fixé à l’Union européenne l’objectif d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050, conformément aux objectifs déterminés par l’accord de Paris. Même si cette décision résulte de longs mois de préparation pour convaincre les États membres de l’endosser, elle n’était pas facile à prendre. La Pologne, très dépendante du charbon, est restée récalcitrante, si bien que le Conseil européen indique, dans ses conclusions, qu’un État membre, à ce stade, ne peut s’engager sur cet objectif. L’Union évite ainsi d’être prise en otage par un seul État membre qui faisait monter les enchères pour prix de son ralliement. Par cette entorse à la tradition consensuelle du Conseil européen, son nouveau président, Charles Michel, s’est montré innovant, et ce précédent est une subtilité qui mérite d’être saluée. Il ouvre, je l’espère, une autre voie que celle de la recherche à tout prix de l’unanimité, synonyme de paralysie.
En affirmant ainsi son ambition en matière climatique, l’Union européenne montre l’exemple, alors même que la COP25 réunie à Madrid n’a pas tenu ses promesses. En effet, les parties à l’accord de Paris ont reporté à plus tard le traitement des questions qui fâchent.
Nous pouvons aussi nous féliciter de la confirmation expresse par le Conseil européen du respect du principe de neutralité technologique pour parvenir à l’objectif de neutralité carbone. La liberté de chaque État de choisir son mix énergétique est donc préservée. Nos voisins tchèques, hongrois et slovaques ont même obtenu qu’à ce titre le nucléaire soit mentionné dans les conclusions du Conseil européen. En tant qu’élu de la Manche, je tiens à les saluer tout particulièrement. §Je vois que je fais plaisir à mon collègue André Gattolin !
Je salue aussi, à cet égard, le compromis trouvé par le Coreper (Comité des représentants permanents) sur le règlement qui jette les bases de la future taxonomie. Ce compromis prévoit que le nucléaire, ainsi que le gaz, pourront être reconnus comme des sources d’énergie participant à la transition climatique. C’est une avancée importante : pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d’État, si elle a des chances d’être consacrée dans le texte final, puisque le Parlement européen aura son mot à dire ? Chacun sait la sensibilité de ce dernier à ces questions.
Enfin, je me réjouis que le Conseil européen se soit attaché à souligner la nécessité, pour l’Union, de veiller à ce que sa transition climatique n’entame pas sa compétitivité – au sein de cette assemblée, madame la secrétaire d’État, nous y sommes extrêmement attachés. C’est pourquoi il appuie le projet de mécanisme d’inclusion carbone aux frontières. Ce mécanisme, que vous nous aviez clairement présenté lors du débat préalable à ce Conseil européen, est vertueux. Tout en étant compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), il doit permettre de corriger l’écart entre nos normes environnementales et celles des pays dont nous importons les biens. C’est donc une nouvelle politique commerciale très offensive qui se profile pour l’Union européenne ; il s’agit d’un grand pas en avant.
J’évoquerai, en conclusion de nos débats, les autres perspectives ouvertes par ce Conseil européen, sur lesquelles nos échanges apporteront certainement des éclairages précieux.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Mme Michèle Vullien applaudit.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si le Brexit n’était pas à l’ordre du jour du Conseil européen, on peut néanmoins se réjouir de la clarification apportée par le résultat des élections britanniques à la Chambre des communes. La large victoire des conservateurs ouvre théoriquement la voie à une sortie négociée du Royaume-Uni le 31 janvier prochain. En attendant, nous savons déjà que ce départ va priver le budget européen de 12 milliards d’euros chaque année.
J’en viens ainsi au prochain cadre financier pluriannuel, qui a une nouvelle fois occupé une partie des discussions du Conseil, en particulier la dernière proposition de la présidence finlandaise d’un budget s’établissant à 1 087 milliards d’euros pour les années 2021 à 2027.
À ce stade, sans préjuger du montant qui sera finalement retenu, il s’agit clairement d’un compromis qui fixe le budget à 1, 07 % du RNB de l’Union européenne à vingt-sept États membres. Cette proposition suppose une baisse des moyens de l’ordre de 47 milliards d’euros sur sept ans. Peut-on s’en satisfaire, alors même qu’il est demandé à l’Union européenne de poursuivre ses politiques traditionnelles tout en assumant de nouvelles priorités, en particulier en matière de sécurité, de défense et de gestion des migrations ?
Pour sortir de cette équation difficile, je crois qu’il faut dépasser le débat entre les moins-disants et les mieux-disants en matière de contributions nationales et se pencher sur les ressources propres, qui ont le mérite, je le rappelle, de ne pas peser sur le contribuable européen.
Mon groupe est favorable à ce que ces ressources propres soient modernisées et accrues. Il le faudrait d’autant plus que, parmi celles-ci, le produit des droits de douane est de moins en moins dynamique avec la multiplication des accords de libre-échange.
Pour alimenter le budget, l’idée de créer une taxe carbone aux frontières est pertinente ; je salue, madame la secrétaire d’État, votre détermination à la faire avancer. Outre que le mécanisme s’inscrirait dans la politique de l’Union pour la neutralité climatique, sa mise en œuvre induirait un rapport d’équité entre nos entreprises européennes, soumises à des normes strictes, et celles des pays tiers qui ne sont pas contraintes par les mêmes exigences. Attendons cependant de voir ce que l’OMC pensera de tout cela.
Je m’inquiète en revanche du manque de soutien de plusieurs États membres à la création d’une taxe sur les activités numériques, que la France souhaite ardemment.
Je rappelle que la déclaration franco-allemande préconisait de « parvenir d’ici à la fin 2018 à un accord de l’Union européenne sur une taxation équitable du numérique ». Les initiatives de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ne semblent pas aboutir. Quel est l’avenir de ce projet, dont la concrétisation rétablirait pourtant une fiscalité plus juste entre les entreprises du continent ? En effet, en dehors du caractère de ressource propre que le produit de la taxe numérique pourrait avoir, selon la théorie Mundell-Fleming, une zone monétaire n’est optimale qu’à plusieurs conditions, dont un encadrement de la concurrence fiscale et sociale. Mais c’est là un autre débat…
Au sujet de la ventilation des crédits, mes chers collègues, je ferai quelques observations sur la proposition finlandaise.
Je note avec satisfaction l’effort de 10 milliards d’euros consenti au bénéfice de la politique agricole commune (PAC), même si son fléchage au profit du second pilier est discutable, compte tenu des attentes des agriculteurs en matière de soutiens directs.
Par ailleurs, je m’interroge, comme plusieurs de mes collègues, sur la diminution de 6 milliards d’euros du budget du Fonds européen de la défense. Cette coupe est un mauvais signal au moment où l’on répète souvent que l’Europe doit garantir son autonomie stratégique et capacitaire. La semaine dernière encore, ici au Sénat, dans le cadre du débat que nous avons consacré à l’OTAN, le RDSE, à l’instar d’autres groupes, a rappelé son souhait de voir renforcer l’Europe de la défense. Le ministre des affaires étrangères a lui-même souligné la nécessité, pour les États membres, d’être plus proactifs et de prendre davantage leurs responsabilités pour assumer la sécurité collective. Je sais que le Gouvernement français déplore cette baisse. Nous comptons sur vous, madame la secrétaire d’État, pour la contester.
Dans le prochain cadre financier pluriannuel, il faudra aussi tenir compte de l’enveloppe dédiée au budget de la zone euro, soit 14 milliards d’euros pour le nouvel instrument budgétaire de convergence et de compétitivité. À cet égard, le Président de la République aurait souhaité davantage. Si cela ne suffit pas, quel type de financement additionnel peut-on imaginer ?
Cet instrument pourrait constituer un véritable pare-feu à un éventuel choc asymétrique. En cas de crise, les réponses budgétaires ne suffisent bien souvent qu’à panser les plaies. Il faut donc encourager les réponses macroéconomiques au sein de la zone euro. Dans le même esprit, il faut absolument débloquer le dossier du troisième pilier de l’union bancaire.
Enfin, l’ampleur du défi climatique impose d’engager des moyens importants, en rapport avec les objectifs fixés. Je rappelle le principal de ces objectifs, que le Conseil européen vient d’entériner : atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050. On ne peut que souscrire à cet horizon, car pour reprendre une formule de l’ancien ministre Hubert Védrine, il y a « la nécessité vitale de garder la terre habitable ». Est-il utile de rappeler que l’urgence s’ajoutera à l’urgence si l’on ne prend pas les bonnes décisions dès aujourd’hui ?
Dans cette perspective, le Pacte vert pour l’Europe récemment dévoilé par la commissaire Ursula von der Leyen va dans le bon sens. Sans entrer dans le détail, je dirai simplement que si l’objectif de neutralité climatique doit être partagé par tous les États membres, le rythme pour l’atteindre doit être différencié afin de lever les inquiétudes de certains partenaires, au premier rang desquels la Pologne. À cet égard, la mention, dans les conclusions du Conseil européen, du droit de décider de son mix énergétique, apporte une flexibilité souhaitable.
Pour le financement à long terme de cette politique, le fonds de transition juste de 100 milliards d’euros sera-t-il suffisant ? Nous attendons des clarifications de l’exécutif européen sur la répartition de ce financement.
Mes chers collègues, le groupe RDSE, attentif à l’approfondissement du projet européen, observe avec intérêt les quelques décisions de ce Conseil européen qui permettront, je l’espère, d’améliorer la réponse collective aux grands défis qui nous attendent.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen qui s’est tenu la semaine dernière était le premier depuis le renouvellement des principales institutions de l’Union européenne. Pour Charles Michel, le nouveau président du Conseil européen, cette première réunion, essentiellement consacrée aux enjeux climatiques et au prochain cadre financier pluriannuel, ne sera à coup sûr pas la dernière, tant les points de désaccord entre États membres sont encore nombreux et délicats à arbitrer.
On peut bien sûr se féliciter de ce que les dirigeants européens aient approuvé l’objectif de rendre l’Union européenne neutre pour le climat d’ici à 2050, même si la Pologne estime, à ce stade, qu’elle ne peut s’engager à mettre en œuvre cet objectif.
Le Pacte vert présenté par la nouvelle Commission, qui porte sur un investissement de 1 000 milliards d’euros, devrait être le principal levier de cet ambitieux projet qui ferait de l’Union européenne le seul grand acteur mondial à se conformer strictement aux accords de Paris sur le climat.
Après la piètre COP25 qui se déroulait en parallèle à Madrid, il est bon que l’Union ait, lors de ce Conseil européen, affirmé ses ambitions climatiques et esquissé les moyens envisagés pour leur donner une portée concrète. Mais, là encore, des objectifs proclamés à leur atteinte, la route risque d’être longue et parsemée d’embûches.
La première d’entre elles concerne l’adoption du prochain cadre financier pluriannuel de l’Union. La Commission souhaite qu’à terme 25 % de ce budget soit consacré à la transition écologique. Elle a raison d’affirmer que l’objectif climatique est transversal à tous les secteurs d’activité et que toutes les politiques de l’Union devront contribuer à l’effort.
Pour autant, même échelonnée sur plusieurs années, la mutation risque d’être rude et se heurtera à coup sûr à nombre de réticences, d’autant que le cadre financier présenté par la présidence finlandaise quelques jours avant la tenue du Conseil européen est très loin d’avoir fait l’unanimité. C’était bien évidemment prévisible. C’est en effet le sort attendu de tout « texte martyr » que de subir le martyre. Or la proposition finlandaise était bel et bien un texte martyr, et il eût été étonnant que ses arbitrages assez abrupts entre les différentes politiques de l’Union obtinssent l’assentiment des États membres. En la matière, le président Charles Michel aura, il le sait, encore beaucoup à faire dans les mois à venir pour accorder les violons avant d’entendre retentir une triomphale Ode à la joie au dernier étage du Berlaymont…
Mais, au-delà des détails, il ne faut pas manquer de lire dans cette proposition de la présidence finlandaise plusieurs messages forts à l’endroit des États membres et des autres institutions de l’Union européenne.
Le premier message, c’est que le Conseil n’est pas prêt à procéder à une augmentation très substantielle du budget de l’Union. Avec 1 087 milliards d’euros proposés pour le cadre financier pluriannuel 2021-2027, l’Union à vingt-sept entend rester au même niveau budgétaire que l’Union à vingt-huit au cours du CFP précédent, soit bien en deçà des propositions de la Commission européenne, et plus encore de celles du Parlement européen. On peut le regretter, mais, en matière d’élargissement du budget européen, il en va, à notre sens, probablement de même qu’en matière d’élargissement tout court de l’Union : il convient de s’assurer du bon fonctionnement et de l’équité des procédures aujourd’hui à l’œuvre avant de se lancer tête baissée dans l’aventure.
Pour pallier le départ du Royaume-Uni, les pays contributeurs nets vont devoir mettre encore un peu plus la main à la poche, et cette solidarité budgétaire entre États membres doit s’accompagner d’une solidarité politique de la part des États bénéficiaires, en matière de respect tant des engagements pris dans les domaines de la lutte contre la corruption et de l’indépendance de la justice que des normes sociales et environnementales de l’Union.
C’est là le deuxième message adressé par la présidence finlandaise en cette fin de mandat : celui de la conditionnalité de l’attribution de certains fonds européens, en particulier dans le domaine de la politique de cohésion, au respect effectif de certains principes fondamentaux de l’État de droit et de la lutte contre le détournement des aides allouées.
Certains pays bénéficiaires nets, qui réclament une augmentation importante du budget européen, sont ici très directement visés. La solidarité des régions riches de l’Union envers celles qui le sont moins fait partie des principes fondamentaux de l’Union. Mais, il faut le dire très clairement, il ne s’agit en rien d’un droit de tirage automatique, sans exigence quant au respect des engagements pris en contrepartie par les pays bénéficiaires. Il est bon de le rappeler, l’Union européenne n’a pas qu’un objet économique ; elle est également une communauté de valeurs et de pratiques entre des pays aux règles démocratiques qui s’engagent à respecter et à faire vivre l’État de droit. Ce principe de conditionnalité et de vérification systématique du respect effectif des conditions fixées commence enfin à entrer dans les mœurs des instances de l’Union ; c’est là une très bonne chose.
Le troisième message fort du Conseil s’adresse à une partie des États les plus prospères de l’Union : il annonce sa volonté d’en finir avec l’incongruité que constituent les « rabais sur le rabais », qui font que certains pays compensent moins qu’ils ne le devraient le fameux rabais accordé dans les années quatre-vingt au Royaume-Uni sur sa contribution nationale au budget de l’Union.
Avec la mise en œuvre du Brexit, entérinée par les élections du 12 décembre dernier, ce système complexe de compensation n’a plus de raison d’être. Parce que ces États devront mécaniquement contribuer davantage au budget de l’Union, cela les rend évidemment peu enclins à accepter de dépasser le niveau de 1, 07 % du RNB proposé par la Finlande pour le prochain cadre financier pluriannuel.
C’est là précisément que la question du futur cadre budgétaire européen croise celle de la conférence sur l’avenir de l’Europe qui s’ouvrira au printemps prochain. Ce n’est pas seulement le financement effectif du Pacte vert qui est en cause ; c’est aussi celui des nouvelles politiques voulues par la nouvelle Commission, en matière tant de sécurité et de défense que de politique spatiale ou d’investissements dans les nouvelles technologies. Force est de reconnaître qu’aujourd’hui le compte n’y est pas.
Le Président de la République, mais aussi Paolo Gentiloni, le nouveau commissaire à l’économie, et quelques autres ont récemment suggéré d’assouplir les règles de Maastricht en matière de déficit autorisé des États s’agissant d’investissements stratégiques en matière de transition énergétique. Compte tenu du fait que l’Union semble ne pas être en mesure d’augmenter substantiellement son budget, s’agit-il là, madame la secrétaire d’État, d’une alternative envisagée, qui consisterait à s’appuyer sur une action coordonnée de plusieurs États européens à travers leurs budgets et sur une politique de la concurrence moins dogmatique pour donner à notre continent les moyens de relever les défis du futur qui semblent désormais avoir été clairement identifiés par la nouvelle Commission ?
Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et RDSE. – M. le président de la commission des affaires européennes et Mme Michèle Vullien applaudissent également.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, six mois après les élections européennes, nous aurions pu nous attendre à des annonces politiques fortes lors de ce premier Conseil européen depuis la nomination de la nouvelle Commission, d’autant qu’il faisait suite au sommet de l’OTAN et était concomitant avec la COP25, extrêmement décevante, et le mouvement social contre la réforme des retraites en France, observé partout en Europe. Il intervenait en outre au lendemain de la victoire électorale de Boris Johnson au Royaume-Uni, dont je m’étonne d’ailleurs que certains ici semblent se réjouir. Il ne suffit pas que la situation soit plus claire pour que tout aille mieux. C’est tout de même un petit Trump qui vient de remporter les élections à Londres ; je ne pense pas que ce soit une très bonne nouvelle…
Au regard des enjeux, le dernier Conseil européen a été bien terne. Manifestement, il n’y a pas qu’à l’OTAN que l’encéphalogramme est désespérément plat !
M. André Gattolin sourit.
À Madrid, la COP25 n’a pas permis d’avancer sur la question climatique, alors que les scientifiques s’affolent. Mais à Bruxelles, c’est, paraît-il, la mobilisation générale autour de l’objectif de la neutralité carbone en 2050. Tant mieux, mais il ne faut pas en rester aux effets d’annonce.
Le communiqué final du Conseil européen annonce la mobilisation par la Banque européenne d’investissement (BEI) de 1 000 milliards d’euros et la création d’un fonds pour la transition juste doté de 100 milliards d’euros, mais pour quoi faire exactement ? À quoi et à qui va servir cet argent ? Sur quels critères les fonds seront-ils accordés ? Pour quels projets ? Sous le contrôle de qui ? S’il s’agit de financer les mêmes stratégies d’entreprise, le même modèle de développement économique et social au service des mêmes exigences de rentabilité qu’aujourd’hui, c’est-à-dire de prétendument « verdir » le même système, on aboutira aux mêmes résultats ! On nous parle de transition juste : une transition juste, c’est une transition écologique et sociale réductrice d’inégalités ! Où sont les critères sociaux et écologiques nouveaux ? Qui les définit et contrôle leur respect ? Nous n’avons pas de réponse à ces questions.
Le fonds de transition juste servira-t-il à financer de grands projets publics, par exemple des infrastructures ferroviaires publiques, fret et voyageurs, avec les emplois nécessaires à la clé ? C’est indispensable pour réduire les émissions de carbone dues à un trafic routier en pleine explosion en Europe à cause des libéralisations liées à la mise en œuvre des paquets ferroviaires, qui sont en vérité des paquets antiferroviaires. Continuera-t-on au contraire à encourager la guerre concurrentielle dans ce secteur, à fonds perdu pour l’intérêt public ? En clair, va-t-on financer la SNCF ou d’autres compagnies ferroviaires publiques et des coopérations publiques utiles à tous en Europe, ou les grandes multinationales de la logistique et des plateformes comme Amazon ?
Il n’y a pas de transition juste sans nouveaux critères de financement. Le fonds de transition juste doit être géré de manière transparente. À cet égard, quel mécanisme précis de transparence le Gouvernement est-il prêt à mettre en place pour les projets qui seront financés en France avec cet argent ?
Concernant les questions de défense, le sommet de l’OTAN qui a précédé le Conseil européen n’a levé aucune des contradictions stratégiques qui mettent en péril la sécurité des Européens.
Ainsi, le Président de la République déclare vouloir tout à la fois renouer le dialogue avec la Russie et européaniser l’OTAN en faisant de la défense européenne son pilier européen, alors même que la déclaration finale du sommet de l’OTAN désigne la Russie comme la principale menace. Comment allons-nous régler cette contradiction ?
Le président Macron a organisé, et c’est une bonne chose, la relance du processus de Minsk. De premiers signaux positifs sont envoyés. Pourquoi ne pas poursuivre dans cette voie ? Pourquoi continuer à soutenir la stratégie de la tension de l’OTAN à l’égard de la Russie et une politique de sanctions qui ne donne pas de résultats ?
De même, ceux qui prônent au Conseil européen la fermeté à l’égard de la Turquie sur la question chypriote sont les mêmes qui signent une déclaration finale, au sommet de l’OTAN, avec la Turquie, alors que l’accord entre la Turquie et la Libye pose de très sérieux problèmes à deux États membres de l’Union européenne : la Grèce et Chypre.
Allons-nous continuer à accompagner, au nom de l’OTAN, la montée des dépenses militaires en Europe au profit des industries de défense et des programmes d’armement américains tout en soutenant, au nom du développement du Fonds européen de la défense, la création d’un marché européen des équipements de défense « ouvert et compétitif », comme l’indique la lettre de mission de Thierry Breton à la Commission ? En agissant ainsi, nous perdrons sur les deux tableaux.
Depuis le « non » au traité constitutionnel européen (TCE), cela fait quinze ans que les Français attendent un grand débat sur l’Europe. Ils ne le voient jamais venir. Dans sa déclaration finale, le Conseil européen indique s’être « penché sur l’idée d’une conférence sur l’avenir de l’Europe, qui débuterait en 2020 et s’achèverait en 2022 ». Ne vous penchez pas trop, au risque de chuter ; agissez plutôt, en organisant un débat transparent devant les citoyens !
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce Conseil européen, le dernier de 2019 et le premier des nouveaux visages européens, aura été marqué une nouvelle fois par le Royaume-Uni. La question du Brexit, ombre orageuse dans le ciel bruxellois depuis plusieurs mois, semble s’éclaircir, et 2020 pourrait bien être l’année du dénouement. Les Britanniques ont donné une large majorité à Boris Johnson, faisant le choix de rendre le Brexit réalité.
Ainsi, le 1er février prochain, nous pourrions n’être que vingt-sept. Je parle au conditionnel, car les Britanniques nous ont habitués à devoir nous méfier des affirmations les concernant. De nombreuses questions se poseront sur le futur de l’Irlande, celui de l’Écosse, si elle décidait de se tourner vers l’Europe, mais surtout celui de l’Union européenne. Le risque d’un Brexit dur n’est pas écarté.
Le Président de la République a été clair, évoquant le maintien d’une relation étroite, notamment en matière de commerce et de défense. Il a aussi rappelé que la protection et la garantie des intérêts européens sont une priorité. Par ailleurs, les conclusions du Conseil européen – je fais référence à l’article 50 – sont limpides : elles réaffirment la volonté d’aboutir à un « retrait ordonné » et à « des relations futures aussi étroites que possible ». Le Conseil a d’ailleurs chargé la Commission européenne de présenter un projet de mandat global. La nouvelle phase de négociations est cruciale pour nous tous.
Madame la secrétaire d’État, les lignes rouges européennes, qui ont été tenues jusque-là, seront-elles respectées sous ce mandat ? Pouvez-vous nous assurer que la volonté de nouer une relation étroite avec le Royaume-Uni ne nous empêchera pas de garder notre unité et de protéger nos intérêts face à ce pays allié qui souhaite tout de même se désolidariser d’une construction inédite au regard de l’histoire ?
Ce Conseil européen sera aussi à intégrer à l’échelle de l’histoire. La question du changement climatique a été mise à l’honneur. Nous ne pouvons que nous féliciter de l’obtention d’un accord sur l’objectif de la neutralité carbone de l’Union européenne en 2050, et ce dans la dernière semaine de la COP25 et de la présentation d’un new green deal ambitieux par la Commission européenne. Le calendrier proposé par cette dernière est exigeant et traduit la volonté d’aller dans le sens d’une transition juste, équitable, sociale et efficace. Nous serons attentifs aux propositions, notamment à celles qui seront formulées au mois de mars prochain au travers de la loi climatique.
Je tiens aussi à saluer le fait que l’objectif de la neutralité carbone en 2050 prenne en compte les questions sociales, mais également celle de la compétitivité de l’Union européenne. À ce propos, le mécanisme d’ajustement des émissions de carbone aux frontières est intéressant. Quelle est la position de la France sur ce sujet cher au Gouvernement ?
La question de la sécurité énergétique a aussi été abordée. Elle est essentielle. Nous croyons à un mix énergétique efficace et décarboné faisant toute leur place aux sources d’énergie renouvelables, ainsi qu’au nucléaire. Il y va de l’indépendance de l’Union européenne.
Nous ne pouvons que regretter que cet engagement majeur de neutralité carbone ne concerne pas la Pologne. Ce pays, gros émetteur de CO2, devrait s’attaquer réellement à sa propre transition. Ne serait-il pas plus efficace d’orienter les aides octroyées à la Pologne dans une perspective de transition énergétique respectueuse des volets sociaux et économiques, plutôt que de casser notre politique du consensus et de créer un précédent ? De mémoire récente, les mécanismes d’opt-out et les précédents n’ont pas vraiment prouvé leur efficacité au sein de l’Union européenne.
Enfin, viser la neutralité carbone suppose un budget. Or de budget, il a été peu question lors du sommet européen. Bien sûr, il y a eu des déclarations concernant la nécessité d’un budget solide pour assurer une transition efficace et équilibrée. Nous avons entendu affirmer une nouvelle fois que 25 % du prochain cadre financier pluriannuel devrait être consacré à la lutte contre le changement climatique, mais les discussions ont été remises à plus tard…
Nous l’avions noté avant le Conseil européen, le cadre de négociation du cadre financier pluriannuel proposé par la présidence finlandaise est loin de faire l’unanimité. Qu’il s’agisse des nouvelles ressources, de la question des rabais ou du pourcentage du revenu national brut alloué au budget européen, il semble que nous soyons encore loin d’un accord, malgré les efforts déjà fournis.
Je souhaite le rappeler encore aujourd’hui, nous approuvons les nouvelles orientations politiques de la Commission européenne et souhaitons qu’on leur affecte des moyens suffisants. Cependant, nous continuons à éprouver de vives inquiétudes quant aux politiques historiques, comme la PAC, dont les dotations, concernant notamment les aides directes et les dépenses de marchés, ne sont pas suffisantes. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire ce qu’il en est des négociations sur le budget de la PAC ? Vos objectifs concernant le premier pilier seront-ils tenus ?
Enfin, je souhaite saluer les discussions au sujet de la tenue d’une conférence sur l’avenir de l’Europe. L’après-Brexit et le début de la nouvelle mandature européenne sont propices à une grande réflexion sur notre système et sur notre avenir. Je forme le souhait qu’une consultation citoyenne soit engagée durant le processus. Une partie de l’avenir de l’Europe se jouera en 2020 sur les questions du budget et de la transition, ainsi que sur l’invention du futur. Soyons au rendez-vous !
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen qui vient de se conclure était stratégique à plusieurs égards. Il parachève une année marquée par les incertitudes du Brexit, par des élections européennes déstabilisant le statu quo institutionnel et par de fortes attentes quant à l’action de l’Union européenne. À ce titre, la France a joué un rôle moteur, illustrant bien une citation de Victor Hugo toujours d’actualité : « L’Europe ne peut être tranquille tant que la France n’est pas contente. »
En effet, cette année, sur de nombreux sujets, la France s’est distinguée par un positionnement singulier, qu’il s’agisse de défendre une souveraineté européenne à construire, de repenser une politique commune de concurrence obsolète ou bien d’interroger une stratégie d’élargissement qui ne peut pas constituer la seule perspective pour le voisinage de l’Union. Ce Conseil européen n’a pas fait exception à cet égard, et nous pouvons nous en féliciter.
J’aimerais tout d’abord insister sur l’importance de ce sommet. Avec une nouvelle équipe et l’esquisse de nouveaux projets ambitieux à court, moyen et long termes, l’Europe revient à un agenda positif, alors que celui de la précédente Commission avait été davantage dicté par les nombreuses crises qu’elle avait dû assumer. Au cœur de ce nouvel agenda réside l’objectif de faire de l’Union européenne le premier continent neutre en matière d’émissions de carbone en 2050. Je salue une telle ambition, reflétant un pouvoir d’initiative retrouvé, qui permettra à l’Europe – j’en suis sûr – d’orienter les grandes transformations que connaît notre monde.
Relever ce défi nécessitera des efforts communs, consentis au travers d’une solidarité accrue. Ce sera une occasion idéale de réaliser un travail d’introspection.
D’une part, la solidarité sera essentielle au regard de la diversité des mix énergétiques, sachant que l’Union s’effectuera nécessairement dans la diversité. À ce titre, la défense de la transition écologique ne doit pas se réduire à des mesures punitives envers nos voisins de l’Est. Il s’agit de considérer l’effort de transition comme offrant de vraies perspectives, qui doivent être socialement justes, démocratiquement acceptables et territorialement différenciées.
D’autre part, les objectifs du new green deal imposent de « mettre en place un cadre facilitateur » comprenant « un soutien et des investissements adaptés ». À cet égard, je suis convaincu que faciliter les investissements dits « verts » doit se faire en permettant aux États membres de les extraire du pacte de stabilité et de croissance, comme l’a suggéré notamment le nouveau commissaire à l’économie, Paolo Gentiloni. Je partage pleinement cette position ; je l’ai d’ailleurs défendue au travers d’une proposition de résolution que j’ai déposée au Sénat le 10 septembre dernier.
Je tiens à saluer la prise en compte d’un critère climatique dans les accords commerciaux et la décision de l’Europe de ne plus contracter d’accords commerciaux avec des puissances qui ne sont pas signataires de l’accord de Paris.
L’agenda positif que j’évoquais précédemment permet de comprendre les tensions et les enjeux entourant le prochain cadre financier pluriannuel. Bruxelles, comme il est coutume de l’appeler, ne saurait faire plus avec moins. Les discussions portent à l’heure actuelle tant sur le niveau du budget que sur les arbitrages entre les politiques dites « historiques » et les politiques nouvelles, en matière climatique, numérique et de défense.
Madame la secrétaire d’État, si le Conseil européen n’a pas été l’occasion d’obtenir des avancées sur le sujet, permettez-moi de vous alerter sur les risques de ce futur budget. En effet, s’il est indéniable que le soutien à l’innovation et aux politiques numériques est indispensable, le futur budget, conjugué à la diminution des fonds destinés à l’agriculture et à la pêche, serait potentiellement susceptible de venir creuser les disparités régionales, alors même que l’on constate un écart économique de plus en plus important entre les capitales et les périphéries, en dépit des tentatives de réajustement.
Une nouvelle dynamique est insufflée à l’Europe. Nous ne pouvons que nous en réjouir. L’Europe ne souhaite plus se contenter de réagir aux crises ; elle veut dorénavant tracer sa propre trajectoire. Cela démontre que son histoire est celle d’un destin voulu. À la suite des élections européennes du mois de mai dernier, certains voient un Parlement divisé et fragmenté. Pour ma part, j’y vois un Parlement qui a démontré qu’il entendait, lui aussi, assumer un rôle actif et ne pas se contenter de celui de chambre d’enregistrement. Le Parlement européen restant la seule institution européenne directement élue par les citoyens, j’accueille une telle position avec bienveillance.
Toutefois, devant le constat d’une bataille institutionnelle, et alors que la nouvelle Commission européenne a pris ses fonctions avec un mois de retard, le Conseil souhaite repenser le processus des nominations à l’échelon européen. Il propose à ce titre d’organiser dès le mois de février 2020 une réflexion sur le fonctionnement des institutions : c’est la conférence sur l’avenir de l’Europe. Celle-ci serait en effet l’occasion de considérer la pertinence – ou pas – de listes transnationales pour les prochaines élections européennes, mais je ne suis pas persuadé que c’est avec un débat institutionnel que l’on redonnera à nos concitoyens goût à l’Europe et que l’on parviendra à mieux les associer à la vie de l’Union.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous éclairer sur les enjeux de cette conférence, sur les ambitions du Gouvernement à cet égard et sur le rôle qui sera accordé aux parlementaires nationaux ? En raison de leur ancrage et de leur présence sur nos territoires, ceux-ci restent des relais indispensables pour vulgariser une telle conférence et inciter nos concitoyens à y participer pleinement. Je trouve d’ailleurs que les échanges sur les Conseils européens que nous avons ici au Sénat sont pertinents et constituent un bon début.
Si des progrès ont été observés s’agissant de la réforme de la zone euro, je partage le constat du Président de la République : le compte n’y est pas. La zone euro reste la première à avoir mis en commun la souveraineté monétaire de ses membres sans prévoir de moyens fiscaux intégrés permettant de répondre aux chocs qui l’affectent dans son ensemble. Nous avons, certes, mis en place un premier budget de convergence, ce qui était impensable voilà encore quelques mois, mais nous avons véritablement besoin d’un budget de stabilisation. À l’heure actuelle, la zone euro reste également celle qui investit le moins, malgré une épargne disponible importante.
Enfin, alors que l’Union a donné son feu vert à l’« Airbus des batteries », en autorisant sept États à subventionner à hauteur de 3, 2 milliards d’euros le consortium de dix-sept entreprises créé pour l’occasion, quelles sont les ambitions du Gouvernement en matière de politique européenne de concurrence après le rejet regrettable, en février dernier, de la fusion entre le français Alstom et l’allemand Siemens ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen qui s’est tenu la semaine dernière était un rendez-vous important. Son ordre du jour était dominé par deux sujets déterminants pour l’action de l’Union européenne : l’ambition climatique à l’horizon 2050 et les marges de manœuvre budgétaires jusqu’en 2027.
Cette réunion importante marque en outre le coup d’envoi du nouveau cycle institutionnel ouvert avec les élections européennes et la mise en place de la Commission von der Leyen.
Avant la tenue de ce sommet, la présidence finlandaise avait formulé le vœu que la nouvelle donne fasse « souffler un vent de fraîcheur » sur le Conseil, lui permettant ainsi de surmonter ses divergences, sur le plan tant climatique que budgétaire.
Mais l’événement le plus significatif du 12 décembre se déroulait davantage au Royaume-Uni qu’à Bruxelles. En effet, sauf énième rebondissement, la large victoire électorale des conservateurs ouvre enfin la voie à l’adoption de l’accord de retrait. Il ne s’agit en aucune manière d’un point final apporté au Brexit, eu égard à la nécessité de retisser les liens rompus avec le Royaume-Uni et de préserver autant que possible une relation stratégique, commerciale, sécuritaire et géopolitique vitale tant pour les Britanniques que pour les Européens. C’est finalement sur cet enjeu que portera la véritable négociation du Brexit, et ne nous y trompons pas : elle sera aussi exigeante que longue, certainement beaucoup plus longue que la période de transition définie par l’accord de retrait. Nous sommes donc loin d’en avoir fini avec le Brexit. Durant la nouvelle phase qui va s’ouvrir, les Européens devront veiller à demeurer aussi unis qu’ils l’ont été jusqu’à maintenant sous la conduite de Michel Barnier.
Les résultats du Conseil européen sont plutôt en demi-teinte.
Les conclusions concernant le cadre financier pluriannuel sont particulièrement laconiques : le Conseil européen « a débattu des principaux éléments du nouveau CFP » et « invite son président à faire avancer les négociations en vue de parvenir à un accord final ». Voilà tout ce qui ressort des discussions. Cela illustre à quel point les positions des uns et des autres restent figées.
Comme on pouvait le supposer, la boîte de négociation chiffrée proposée par la présidence finlandaise, en baisse de 50 milliards d’euros par rapport à la proposition de la Commission, n’a pas permis de rapprocher les points de vue. Les divers groupes d’États membres qui se sont constitués, et qui parfois s’entrecroisent, autour des grands enjeux de ce CFP ne semblent pas encore décidés à bouger. Dans ces conditions, on peut craindre que l’issue de la négociation ne permette pas à l’Union de disposer, à partir de 2021, d’un budget réellement à la hauteur de tous les objectifs.
Deux points me paraissent particulièrement inquiétants : d’une part, le niveau toujours insuffisant, malgré la revalorisation proposée pour le deuxième pilier, du budget de la PAC ; d’autre part, la baisse drastique envisagée de la dotation pour le Fonds européen de la défense.
Madame la secrétaire d’État, malgré une ambition vraisemblablement bridée, sur ces deux sujets, par une enveloppe globale contrainte, pensez-vous, au vu de vos discussions avec vos homologues, qu’une évolution favorable puisse être espérée d’ici à la fin du mois de février, échéance désormais envisagée pour un accord ?
Les conclusions du Conseil sont un peu plus loquaces concernant la question climatique. Néanmoins, la situation n’est pas si différente de celle du mois de juin, quand l’objectif de la neutralité carbone d’ici à 2050 n’avait pas pu être endossé en raison de l’opposition de quatre États membres particulièrement dépendants du charbon. Aujourd’hui, il n’en reste plus qu’un : la Pologne. Il est toutefois raisonnable d’espérer que des discussions plus approfondies sur le green deal présenté la semaine dernière, mais aussi sur le CFP, s’agissant notamment du fonds pour une transition juste, seront de nature à convaincre Varsovie de se joindre au reste de l’Union européenne.
Notre continent s’apprête donc à passer à la vitesse supérieure en matière climatique et à accélérer sa transition écologique. Après la définition des objectifs globaux, il convient désormais d’établir la stratégie.
Le changement climatique est clairement visible dans les Alpes et dans nos territoires de montagne. Les évolutions de paramètres climatiques ont de fortes incidences sur l’environnement physique, mais également sur le monde vivant et sur l’activité économique dans nos massifs.
Mais, en montagne comme ailleurs, si la transition écologique exige des efforts colossaux pour transformer en profondeur notre économie et l’ensemble de nos activités, elle doit constituer un véritable levier de développement. Dans le cas contraire, elle sera vouée à l’échec. Si elle est conçue ou même perçue comme punitive et simplement destinée à produire de nouvelles taxes, elle ne pourra que s’enliser. En revanche, si l’on parvient à mobiliser le génie européen pour concevoir et pour exploiter les technologies bas carbone de demain, la transition écologique réussira. Elle réussira si nous sommes en mesure d’en faire aussi un levier de création d’emplois et de valeur ajoutée.
Toute politique climatique ambitieuse devra donc nécessairement aller de pair avec une politique industrielle intelligente et ambitieuse qui prenne pleinement en compte toutes les réalités de l’économie du XXIe siècle.
Je le souligne une nouvelle fois, dans le cadre de la grande transformation de nos politiques publiques, nous aurons un impérieux besoin de conditions de concurrence équitables à l’échelle mondiale pour préserver notre compétitivité. Faire de l’Europe une île décarbonée au milieu d’un monde qui, lui, n’évoluerait pas ne serait cohérent ni économiquement ni écologiquement. L’introduction d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Europe qui rééquilibrerait les conditions de l’échange international et découragerait les fuites de carbone, notamment via des délocalisations vers les pays moins exigeants en matière climatique, me paraît dès lors indispensable. Il faut mettre en place rapidement cet outil.
Si un certain consensus semble se dessiner en Europe sur la direction à prendre, le travail sur la manière d’atteindre les objectifs ne fait que commencer. Pour relever cet immense défi, gardons à l’esprit que si l’ambition est non plus une option, mais une nécessité, elle ne pourra se concrétiser qu’en combinant deux qualités aussi fondamentales que complémentaires des Européens : la créativité et le pragmatisme.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le vote britannique du 12 décembre nous inspire une immense tristesse : Boris Johnson n’a pas obtenu la majorité des suffrages, …
… mais il a gagné selon la tradition électorale britannique. À présent, le Brexit est malheureusement irréversible. Je tire trois enseignements de cet état de fait.
Premièrement, les liens d’interdépendance que nous avons tissés selon la méthode Schuman – « l’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait » – ne suffisent pas si les Européens n’ont plus envie d’être solidaires.
Deuxièmement, mettre les affaires européennes au service de considérations de politique intérieure peut avoir de graves conséquences. Attention aux apprentis sorciers !
Troisièmement, le Brexit nous a obligés pendant des années à travailler à rebours de ce que nous aurions dû faire. Nous avons déconstruit au lieu de construire, alors que le monde changeait. Il faut donc tourner la page et rattraper le temps perdu.
Dans le cadre de la future relation avec le Royaume-Uni, nous devrons être très attentifs à la situation de l’Irlande, le compromis actuel étant particulièrement fragile. Ensuite, il faudra veiller à ne pas faire dépendre le cadre financier pluriannuel d’une éventuelle contribution britannique. Enfin, nous devrons placer au cœur des négociations sur la future relation avec le Royaume-Uni les droits des citoyens européens affectés par le Brexit : qu’il s’agisse de leur droit au séjour, de leur droit à l’activité ou de leurs droits sociaux, ils expriment de réelles inquiétudes, qui doivent absolument être prises en compte.
Je donnerai à ce Conseil européen un très bon point pour le Pacte vert, et un très mauvais pour le cadre financier pluriannuel.
Il faut saluer l’engagement sur la neutralité carbone pour l’Union européenne à l’échéance de 2050. Quelques jours plus tôt, la Commission avait réaffirmé l’ambition d’une diminution dès 2030 de 50 % à 55 % des émissions de CO2 de l’Union européenne par rapport à leur niveau de 1990. Cet engagement devrait être concrétisé bien avant la COP26 de Glasgow, de manière que l’Union européenne soit exemplaire et puisse entraîner l’ensemble de ses partenaires en utilisant sa puissance économique et commerciale.
Nous devons veiller à ce que cette neutralité carbone intègre les importations, qui représentent aujourd’hui 50 % de nos émissions de gaz à effet de serre. La compensation carbone de nos importations est essentielle. Madame la secrétaire d’État, vous nous expliquerez probablement comment cela peut fonctionner, en particulier dans le cadre d’accords commerciaux du type du CETA. Ceux-ci sont nécessaires, mais ils doivent prendre en compte cette exigence.
Le green deal doit mobiliser la finance privée aux côtés des moyens publics. Les règlements Disclosure, Benchmark et Taxonomie sont en cours de finalisation pour mieux caractériser les investissements durables et éviter le greenwashing. Il n’y a pas d’économie durable sans finances durables. Ces éléments, qui devront être progressivement améliorés, sont essentiels. Il faudra aussi que l’Union européenne pèse pour que les critères de Bâle III évoluent afin de tendre vers un « Bâle vert ». Les actifs des banques doivent être pondérés en fonction de leur caractère durable ou non.
Enfin, le Pacte vert représente plusieurs milliers de milliards d’euros. Que financer ? Nous avons besoin de compétences techniques et industrielles pour faire les bons choix. Pour l’instant, nous constatons plutôt un affaiblissement. Par exemple, nous avons bataillé pour intégrer le nucléaire, tout en renonçant au projet Astrid. Nous travaillons sur une génération d’ores et déjà plus faible que celle de nos concurrents, en utilisant de surcroît une technologie américaine, au détriment de notre souveraineté. Les décisions prises sur ce sujet par le Gouvernement au cours des derniers mois sont particulièrement inquiétantes. Voilà où en est l’Europe aujourd’hui : il faut que cela change !
Enfin, nous devrons aussi revoir notre politique de concurrence, en introduisant s’il le faut des éléments extraterritoriaux.
Concernant le cadre financier pluriannuel, je ne vois pas de bons points à décerner à ce Conseil européen. Les deux principales déceptions relatives aux propositions de la présidence finlandaise demeurent. D’une part, nous n’avons pas de nouvelles du Fonds européen de la défense. D’autre part, l’Italie et le Portugal ont critiqué les propositions finlandaises sur la ligne de crédit devant tenir lieu de budget de la zone euro. Que faire ?
Un problème encore plus essentiel tient à la faiblesse des ressources propres. La zone euro doit travailler à davantage d’intégration budgétaire et fiscale, afin d’être en mesure d’apporter au budget européen une contribution en ressources propres lors du prochain cadre budgétaire, qui démarrera en 2027.
L’Europe n’est pas simplement une juxtaposition de politiques. Si nous n’arrivons pas à transformer notre communauté de destin en communauté de dessein, pour reprendre la formule d’Edgar Morin, le Brexit ne sera que le commencement de l’histoire.
L’euro exige des politiques budgétaires et fiscales plus intégrées qu’elles ne le sont aujourd’hui. L’espace Schengen suppose une meilleure coordination des politiques migratoires et davantage d’intégration en matière de droit au séjour. Comment aller plus loin sans mettre en place un contrôle démocratique ? La belle idée d’une armée européenne restera une fiction en l’absence d’un exécutif démocratique en mesure de décider rapidement de l’envoi des troupes.
Dans cette perspective, la démocratisation de l’Union européenne doit être notre priorité. L’Europe doit être plus lisible pour les citoyens et ces derniers doivent pouvoir contrôler les politiques de l’Union européenne.
Il convient que les parlements nationaux soient directement associés à la réflexion. Ils disposent en effet, dans chaque État, de la compétence budgétaire qui peut permettre d’avancer. Nous devrons à mon sens travailler dès la rentrée, monsieur le président de la commission, à une résolution européenne pour préciser la manière dont nous souhaitons que les parlements nationaux puissent intégrer la conférence sur l’avenir de l’Union européenne.
Les listes transnationales sont certes difficiles à mettre en œuvre, mais cela peut au moins s’envisager pour les Européens qui vivent hors du territoire de l’Union européenne, sans trop bousculer les traditions des différents États membres. Je vous soumets cette idée, madame la secrétaire d’État.
Au-delà des conclusions du Conseil européen, je veux saluer le travail de la présidence finlandaise pour satisfaire aux exigences du traité de Lisbonne s’agissant de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Permettre, comme pour nos droits nationaux, un contrôle externe de la conformité du droit de l’Union européenne aux exigences de la CEDH est indispensable. Je pense en particulier aux négociations sur l’accueil des migrants et l’asile.
Le sujet des migrations n’a guère été débattu lors de ce Conseil européen. Appliquer intelligemment le règlement de Dublin oblige à travailler, entre les États qui le peuvent, à une reconnaissance mutuelle des décisions en matière d’asile. Nous devons aussi nous pencher sur le système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (Etias) et les assurances demandées aux personnes entrant dans l’Union européenne avec un visa de court séjour.
Concernant les relations avec la Russie, malgré toute la bonne volonté du Président de la République, le sommet en « format Normandie » fut très décevant. Il est nécessaire de construire une relation entre l’Union européenne et la Russie excluant toute rivalité géopolitique, mais cela ne saurait nous conduire à renoncer à la fermeté. Pour l’instant, les résultats obtenus sont assez faibles.
En conclusion, je voudrais appeler à travailler sur la mobilité européenne, madame la secrétaire d’État. Elle a déjà permis à beaucoup d’Européens de trouver un emploi après la crise de 2008, mais son développement exige une coordination plus forte des différents régimes de protection sociale. On parle en France d’un régime unique, universel, mais les Français n’auront jamais un régime universel dès lors qu’ils bougent au sein de l’Europe. Plutôt que de chercher à bâtir un tel régime, nous devrions travailler à l’interopérabilité des systèmes, en France comme en Europe. Je pense en particulier aux régimes de retraite complémentaires. En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, j’ai écrit à l’ancien haut-commissaire aux retraites sur ce sujet, mais je n’ai obtenu aucune réponse de sa part. J’espère que nous pourrons avancer sur ce dossier.
M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite bonne chance à la Croatie, qui entame sa première présidence de l’Union européenne au 1er janvier 2020.
M. le président de la commission des affaires européennes applaudit.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, le Conseil européen de la semaine dernière avait un ordre du jour chargé, avec en toile de fond les élections législatives britanniques. La victoire très nette de Boris Johnson met fin à l’incertitude qui régnait quant à une mise en œuvre effective du Brexit. Sauf énorme surprise, le Royaume-Uni quittera bel et bien l’Union européenne d’ici au 31 janvier prochain. Le Premier ministre Johnson a désormais une majorité très confortable, et surtout un mandat clair pour négocier à Bruxelles, ce qui rééquilibre le rapport de force entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Il importe donc que les vingt-sept restent unis dans les prochains mois, comme ils l’ont toujours été depuis le résultat du référendum britannique.
C’est en effet une nouvelle phase délicate qui va s’ouvrir le 1er février 2020, date à laquelle les Vingt-Sept entameront la négociation de leur futur partenariat stratégique avec Londres. Cette nouvelle relation devra bien entendu être la plus étroite possible. Mais elle devra aussi, et surtout, être fondée sur un équilibre de droits et d’obligations, notamment pour éviter toute concurrence déloyale. Le mandat de négociation que la Commission européenne est en train de préparer devra être clair sur ce point !
Je me réjouis par ailleurs que Michel Barnier ait été nommé chef des futures négociations. Je fais confiance à son expérience et à ses talents de négociateur pour aboutir à un résultat juste et équitable.
Le cadre financier pluriannuel pour 2021-2027 était l’autre sujet important à l’ordre du jour de ce Conseil européen. Les dirigeants de l’Union européenne ont invité le président du Conseil européen, Charles Michel, à faire avancer les négociations pour trouver un accord final. Toutefois, au regard des divergences profondes qui persistent, il ne sera sans doute pas évident de conclure en 2020 cette négociation, l’unanimité étant requise.
Sur ce sujet, je souhaite revenir sur les points de vigilance soulignés à de nombreuses reprises par notre assemblée.
Nous devons tout d’abord préserver l’enveloppe budgétaire de la politique agricole commune, qui est une politique stratégique pour l’Union, pour sa capacité à assurer un niveau de vie correct à ses agriculteurs, pour sa souveraineté alimentaire et pour sa transition climatique.
Il faut ensuite supprimer les rabais. Si cette suppression n’intervient pas à l’occasion du départ des Britanniques, elle ne se fera jamais !
Il importe de revoir les ressources propres, en les mettant en rapport avec les objectifs ambitieux et nombreux que nos concitoyens assignent à l’Union européenne.
Il faut enfin soumettre conditionner l’octroi des fonds européens, afin d’en faire des leviers utiles, au service notamment de l’État de droit.
Le Conseil européen a aussi été marqué par des désaccords sur la future capacité budgétaire de la zone euro telle qu’elle a été élaborée par l’Eurogroupe. Le Portugal, en particulier, a ainsi manifesté son mécontentement au regard des coupes à venir dans le budget de la politique de cohésion post-2020.
Le budget de la zone euro voulu par le Président de la République a décidément du plomb dans l’aile ! Le faible montant de ce budget – 17 milliards d’euros sur sept ans – ne révolutionnera pas l’économie européenne. J’ajoute que les pays du Nord s’opposent à la volonté française d’élaborer un accord intergouvernemental visant à mobiliser davantage de moyens nationaux pour accroître ce budget de l’eurozone.
Bien sûr, nous partageons tous l’objectif de renforcer la résilience de la zone euro et la convergence économique en son sein. Pour l’atteindre, la durabilité des finances publiques, qui partout ailleurs en Europe se rétablit, doit demeurer une priorité. Au vu de son incapacité à redresser ses comptes publics et à transformer son économie, la France n’est sans doute pas l’avocat le plus indiqué pour défendre une telle évolution de la zone euro…
D’autres réformes semblent plus urgentes, comme l’achèvement de l’union bancaire et de l’union des marchés de capitaux. Cela permettrait de mieux absorber les chocs économiques en diversifiant les risques, sans qu’il soit nécessaire de recourir à un budget commun de stabilisation.
Sur ces dossiers, l’Union européenne avance trop lentement ! Début décembre, les ministres de la zone euro n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord sur la mise en place du système européen de garantie des dépôts bancaires. Ces évolutions sont pourtant la base indispensable pour donner à l’euro sa vraie dimension dans les échanges internationaux. Dans le contexte géopolitique actuel, la monnaie unique doit être un instrument stratégique, capable de concurrencer enfin le dollar, grâce auquel les États-Unis exercent leur tutelle sur l’économie mondiale et sur leurs concurrents, via l’extraterritorialité de leur droit.
Je voudrais maintenant évoquer le projet de conférence sur l’avenir de l’Europe, voulu par le Conseil européen. Cette conférence devrait débuter en 2020 pour s’achever en 2022. Elle réunira des citoyens et des représentants des institutions de l’Union européenne, qui, ensemble, travailleront sur de nouveaux textes européens et des modifications des traités.
Si l’on ne peut qu’être d’accord avec le principe d’une telle concertation, je mettrai l’accent sur deux points de vigilance.
D’abord, il ne faut pas oublier les territoires. Pour l’instant, l’échelon local semble absent des discussions. Or cette conférence doit être l’occasion, pour les institutions européennes, de marquer leur volonté de travailler avec les élus de terrain. Les exclure relèverait d’une vision de l’Europe dépassée, à l’heure où nos concitoyens ne se sont jamais sentis aussi éloignés du projet européen.
Ensuite, il est prévu que la conférence aborde la question de la démocratisation des élections européennes, au travers notamment de la mise en place de listes transnationales par les familles politiques européennes. Cette idée de faire des listes « hors sol » est un non-sens démocratique. L’affirmation du rôle du Parlement européen dans la fabrication des lois renforce le besoin d’un contrôle démocratique et d’une proximité avec les électeurs. L’élu doit leur rendre des comptes, mais encore faut-il qu’ils le connaissent ! C’est d’ailleurs ce manque de proximité qui explique l’importance du vote contestataire alors des élections européennes. N’en rajoutons pas !
Pour conclure, mes chers collègues, je ne voudrais pas oublier nos sapeurs-pompiers, avec qui l’on échange beaucoup sur le terrain en cette période de la Sainte-Barbe. Leur inquiétude est toujours vive concernant la directive Temps de travail, qui menace le statut de pompier volontaire.
M. le président de la commission des affaires européennes approuve.
La France doit agir au niveau européen pour préserver le modèle de sécurité civile français. Exploiter les dérogations offertes par la directive de 2003, comme l’envisage le Gouvernement, ne suffira pas. La seule solution pérenne, vous la connaissez, madame la secrétaire d’État : c’est l’adoption d’une directive européenne ad hoc destinée à promouvoir l’engagement citoyen. Le projet en est écrit et attend votre soutien. J’espère que vos propos seront rassurants pour nos sapeurs-pompiers, dont l’engagement quotidien est exemplaire. Voilà au moins un sujet européen que tous les territoires ont en commun !
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.
Madame Gruny, sur le dossier des pompiers volontaires, nous travaillons de façon positive avec la Commission européenne pour nous assurer que le lien de subordination que certains voudraient voir établir, sur le fondement de la directive Temps de travail, entre les pompiers volontaires et les services départementaux d’incendie et de secours ne soit pas reconnu. Nous devons encore obtenir une formalisation, mais les signaux sont positifs et les échanges ont manifesté une grande compréhension, par la Commission, de la spécificité du modèle français, et nous avons des signaux positifs.
Je vous remercie, monsieur le sénateur Paul, de vos encouragements.
Monsieur Raynal, concernant le volume du budget européen, la France n’a pas d’objectif totémique. Vouloir fixer un pourcentage magique, à un ou deux chiffres après la virgule au-dessus de l’unité, est une façon un peu étrange d’entrer dans le débat. Vous êtes membre de la commission des finances du Sénat, j’ai siégé au sein de celle de l’Assemblée nationale : nous savons qu’un budget, c’est d’abord la concrétisation chiffrée d’ambitions politiques. Nous devons donc être clairs sur ce que nous voulons vraiment faire ensemble et sur ce que nous mettons en commun pour nous donner les moyens de notre ambition collective : voilà ce que dit le Président de la République. Cela peut signifier qu’il faut cesser de faire certaines choses à l’échelon national, car les doublons sont très coûteux. Nous jugerons de la qualité et du volume du budget en fonction des ambitions communes qui auront été définies. Par exemple, si l’on arrive à réorienter davantage vers le premier pilier les 10 milliards d’euros supplémentaires prévus pour la PAC, …
… nous serons plus disposés à accepter un volume important. Aujourd’hui, 1, 07 % du RNB, cela se traduit par un « ressaut » du prélèvement sur recettes français de 4 milliards à 6 milliards d’euros, selon les modalités de calcul et de financement retenues. La moitié de cette somme correspond à l’inflation, un quart à la contribution demandée à la France au titre du Brexit, le dernier quart aux nouvelles politiques ou aux nouveaux efforts. Il faut avoir ces éléments en tête.
Quels sont les liens entre le CFP et le mécanisme de transition juste ? La vocation de ce dernier est d’allouer des moyens spécifiques à des territoires socialement désavantagés, tandis que la politique de cohésion profite à des régions sans forcément faire le lien entre leur mix énergétique et leur situation sociale. Les deux sont complémentaires, mais pas complètement superposables. Le mécanisme de transition juste comporte un critère d’éligibilité supplémentaire. La Commission cherche à cibler beaucoup plus, à travers lui, des territoires où la transition est plus difficile à réaliser qu’ailleurs et qui sont en outre socialement désavantagés.
Le lien entre le budget de la zone euro et le CFP est aujourd’hui formel. Certains d’entre vous l’ont rappelé, la France milite pour que des ressources propres puissent être allouées au budget de la zone euro et que l’architecture du budget de celui-ci reste ouverte. Si nous trouvons, par exemple, un accord sur une taxe sur les transactions financières d’ici à 2022 ou à 2023, il faudra que l’on puisse brancher cette ressource sur le budget de la zone euro sans avoir à attendre 2027. Il y a là un point de méthode. Aujourd’hui, cette ligne budgétaire de 17 milliards d’euros est ancrée dans le CFP. La France préférerait, vous le savez, que la gouvernance se fasse à dix-neuf. Surtout, nous voudrions que si les États membres de la zone euro se mettent d’accord pour partager des ressources, celles-ci puissent être branchées en cours de route sur cet outil budgétaire.
Concernant le Brexit, je tiens à vous rassurer : ce n’est pas parce que Boris Johnson dit que la négociation sera conclue dans les onze mois que nous sacrifierons le contenu de l’accord et les garanties attachées. Bien sûr, il faut aller suffisamment vite pour que l’économie ne s’enlise pas et que les citoyens ne perdent pas confiance. Cependant, nous ne sacrifierons pas la qualité de l’accord sous prétexte que nous serions pris par le temps. Michel Barnier est très clair sur le sujet.
Oui, monsieur le président Bizet, Charles Michel a la volonté d’instaurer de nouvelles méthodes de travail. Nous avons déjà pu échanger sur ce sujet.
Obtenir un consensus sur l’objectif de neutralité carbone est essentiel. Mme Mélot a évoqué un mécanisme d’opt-out à propos de la Pologne. Je ne crois pas que cela corresponde à la réalité des choses. L’idée est d’avoir la plus grande ambition possible, en évitant l’affaiblissement qu’entraînerait la recherche du plus petit dénominateur commun. Il importe de ne pas s’en tenir à de simples déclarations d’intentions. L’objectif d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 est partagé par tous. La Pologne ne remet pas en cause cet objectif pour l’Union européenne, mais elle estime avoir besoin de réfléchir à ce que cela implique de mettre en œuvre à l’échelon national, en termes de calendrier, de difficultés à surmonter, d’éventuelles demandes d’exceptions sectorielles ou normatives. La Pologne, madame Mélot, pourrait demander, d’ici au mois de juin, à bénéficier d’un mécanisme d’opt-out sur certains points spécifiques, mais tel n’est pas le cas pour l’heure.
Concernant la neutralité technologique, monsieur le président Bizet, la perspective est désormais plutôt positive. Le règlement Taxonomie a fait l’objet d’un accord entre le Parlement européen et le Conseil ; il doit encore être validé. L’amendement de Christophe Grudler adopté le 28 novembre par le Parlement européen est très intéressant : aux termes de cet amendement, le Parlement européen estime que l’énergie nucléaire peut contribuer à atteindre les objectifs en matière de climat, dès lors que cette énergie n’émet pas de gaz à effet de serre, et qu’elle peut donc représenter une part non négligeable de la production électrique en Europe ; le Parlement considère néanmoins que, en raison des déchets qu’elle génère, cette énergie nécessite une stratégie à moyen et long termes qui tienne compte des avancées technologiques – laser, fusion, etc. – visant à améliorer la durabilité du secteur. L’adoption de cet amendement peut, me semble-t-il, tracer la voie à une approbation majoritaire, dans les semaines à venir, de l’accord trouvé entre le Conseil et le Parlement européen dans un format réduit.
Madame Guillotin, le mécanisme d’inclusion carbone n’est, je le rappelle, ni une taxe ni une mesure protectionniste. Il vise les produits basiques dont on sait exactement quelle quantité de gaz à effet de serre engendre leur fabrication. S’il existe un marché du carbone dans le pays de production, il y aura un ajustement du prix du bien importé pour prendre en compte l’écart entre les prix du carbone dans ce pays et sur le marché européen, afin de garantir une concurrence loyale. Si l’on prend l’exemple d’une barre d’acier en provenance de Chine, il ne lui sera donc pas appliqué de tarif prédéfini. Aujourd’hui, la moitié des provinces chinoises disposent d’un marché du carbone. Si cette barre d’acier vient d’un pays ou d’une zone où n’existe aucun marché du carbone, le tarif européen s’appliquera alors dans son entièreté.
Il s’agit donc d’appliquer à tous les biens vendus sur notre territoire une norme compréhensible, transparente et ajustée, et non pas un tarif arbitraire déterminé dans un bureau. Le mécanisme s’ajusterait si le prix du carbone venait à baisser en Europe pour une raison quelconque – ce que nous ne souhaitons pas. De même, si le prix du carbone était supérieur dans d’autres États à ce qu’il est chez nous, nous baisserions alors le prix du bien importé et rembourserions la différence. Cette dernière hypothèse est purement théorique, car il n’existe pas aujourd’hui de marché sur lequel le prix du carbone serait plus élevé que le nôtre !
Par ailleurs, l’objectif est qu’une taxe numérique puisse s’appliquer en Europe. Les différents pays européens négocient en ce sens dans le cadre de l’OCDE. Bruno Le Maire l’a dit ici même, me semble-t-il : si aucun accord n’intervient à l’OCDE, nous traiterons le sujet entre Européens. Je rappelle que vingt-quatre pays de l’Union européenne soutiennent le principe de la création d’une telle taxe. La France l’a mise en place, la République tchèque le fera au 1er janvier et, de mémoire, sept autres pays travaillent à la mettre en œuvre, pas forcément au même taux mais selon des régimes proches.
Le mouvement est donc lancé, et je ne pense pas qu’il faille désespérer. En revanche, nous devons suivre de très près les négociations à l’OCDE et mettre les États-Unis devant leurs responsabilités, sachant qu’une partie de l’accord trouvé entre Donald Trump et Emmanuel Macron à Biarritz est remise en cause par certains. Nous sommes extrêmement attentifs au respect de la parole donnée.
Les 100 milliards d’euros du fonds de transition juste sont constitués à la fois d’argent public, de subventions et de prêts. Ce fonds vise à accompagner, selon un modèle potentiellement complémentaire de celui de la Banque européenne d’investissement, des régions où la transition est plus difficile à réaliser qu’ailleurs et qui sont dans une situation sociale défavorisée.
Monsieur le sénateur Gattolin, les bureaux de Charles Michel sont situés dans le bâtiment Europa, et non au Berlaymont.
Je connais bien les lieux. J’ai parlé du Berlaymont pour faire référence à la Commission européenne.
En tout cas, c’est bien Charles Michel qui chantera l’Ode à la joie si un accord sur le cadre financier pluriannuel est trouvé, car cela lui demandera beaucoup de travail…
Une réflexion est ouverte pour qu’au sein de l’Union européenne nous puissions retrouver une capacité d’investissement. Les taux sont négatifs, nous devons faire face au défi climatique et l’épargne est chez nous surabondante : nous sommes une des seules zones au monde à exporter de l’épargne, pour acheter des bons du Trésor américains ou financer des entreprises asiatiques… Dans le même temps, de nombreux projets ne se concrétisent pas en Europe.
Une partie de la solution dépend peut-être – je n’en suis pas si sûre – du pacte de stabilité, une partie de notre tuyauterie financière – à ce titre, les travaux de Fabrice Demarigny sur l’union des marchés de capitaux sont essentiels. Vous connaissez l’investissement du Président de la République et de Bruno Le Maire sur ces sujets. Ce qui est certain, c’est que la règle des 3 % de déficit public ne saurait constituer notre seul horizon de pensée et de politique économiques, sauf à nous diriger vers un avenir très sombre…
Monsieur le sénateur Laurent, il est vrai que la COP25 n’a pas été à la hauteur des attentes. C’est pourquoi l’Union européenne unanime a tenu à envoyer un signal très fort et très clair via l’engagement d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Cela nous permettra de nous présenter unis et forts lors de la prochaine COP, qui sera un rendez-vous stratégiquement plus important que celui de Madrid. En effet, il y sera débattu de la révision des contributions nationales. Je rappelle que l’Union européenne entend réduire, d’ici à 2030, de 50 % à 55 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.
Vous m’interrogez sur la différence entre les bénéficiaires de la BEI et ceux du fonds de transition juste : la BEI accorde des prêts sur la base de projets, tandis que le fonds de transition juste s’attachera davantage à accompagner des territoires, notamment sur le plan des politiques sociales, de formation et de reconversion. Les approches sont donc un peu différentes.
Concernant le fret, il importe de favoriser son transfert sur le rail. Il se trouve que l’une des priorités du « pacte vert » présenté par Mme von der Leyen le 11 décembre dernier est le report d’une part substantielle des 75 % du fret intérieur actuellement transporté par la route sur le ferroviaire et les voies navigables. La Commission européenne proposera des mesures en ce sens dès 2021. Le Gouvernement s’en félicite. D’ici là, un travail important doit être mené en vue d’établir un diagnostic, car il existe aujourd’hui beaucoup d’incohérences entre cet objectif et la politique de concurrence, la politique industrielle ou des règles qui s’appliquent aux acteurs dits publics. Il est aujourd’hui difficile de trouver un modèle économique satisfaisant pour le fret ferroviaire, alors même que nombre de secteurs de la société souhaitent un transfert du fret de la route vers le rail.
Le port de Hambourg est très en pointe pour viser la neutralité carbone : les dispositifs de manutention font largement appel à l’électricité et un système de transfert des conteneurs sur le rail a été développé. Le ferroutage a aussi été mis en œuvre à Calais, grâce à un mécanisme d’interconnexion européen. Il faut que nous regardions attentivement ce type d’expériences, mais je suis d’accord avec vous, monsieur Laurent, pour dire que c’est un sujet essentiel.
Je suis également tout à fait d’accord avec vous pour que les mécanismes de transparence nationaux s’appliquent à l’utilisation des aides du fonds de transition juste, comme pour les projets financés au titre du plan Juncker.
Concernant l’OTAN, le Président de la République demande d’abord de la cohérence ; c’est pour cette raison qu’il a proposé le lancement d’une réflexion stratégique au sein de l’OTAN sur le rôle des Européens après la chute du mur de Berlin et la fin du pacte de Varsovie. Cette proposition a été acceptée, et nous essayons de reconstruire une cohérence stratégique. La Russie pouvait être définie avant tout comme un pays ennemi dans les années soixante, mais, le Président de la République l’a dit très clairement, l’ennemi, aujourd’hui, c’est le terrorisme. La Russie peut être une menace – nous le voyons bien en Crimée, dans le Donbass ou ailleurs –, mais elle est aussi un voisin et un partenaire. Nous ne devons être, à son égard, ni naïfs ni belliqueux sans raison, mais fermes et exigeants.
La France réfléchit, en collaboration avec de nombreux autres États – je pense notamment à la Pologne –, sur les conséquences à tirer pour l’architecture européenne de sécurité collective de la suspension de fait du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI). Les suites du sommet de l’OTAN de Londres ont bien évidemment fait l’objet de discussions au Conseil européen, quand les chefs d’État et de gouvernement ont évoqué les questions de politique extérieure et de défense.
En ce qui concerne le Fonds européen de la défense, il est évident que proclamer notre souveraineté tout en continuant à acheter des matériels américains pose un problème de cohérence. Nous souhaitons que ce fonds monte en puissance et qu’une véritable industrie européenne partagée émerge dans ce secteur. Les États européens doivent avoir la possibilité de choisir des équipements européens pour leurs armées ; ce sera bénéfique à la fois pour leurs économies, leurs emplois et leur souveraineté collective.
Dans tout cela, je ne vois pas d’incohérence, mais une grande exigence. Nous devons avancer rapidement sur ces sujets, parce que créer un pilier européen efficace et crédible au sein de l’OTAN va demander des investissements.
Pendant le sommet de l’OTAN, beaucoup de demandes de clarification ont été adressées à la Turquie à propos de l’accord passé avec la Libye. Nous devons mettre en cohérence les travaux du Conseil européen et ceux menés au sein d’autres instances internationales.
En ce qui concerne la conférence sur l’avenir de l’Europe, j’ai souri quand vous nous avez dit d’agir plutôt que de nous « pencher » sur la question, monsieur Laurent. Le Président de la République a lui-même parlé de « forces castratrices autour de la table du Conseil européen »… Il a pour sa part une grande ambition en la matière, comme en témoigne la lettre qu’il a adressée à tous les citoyens européens au printemps. La France et l’Allemagne ont fait des propositions fortes. La Commission européenne remettra les siennes en janvier ; j’ai eu des échanges avec la commissaire chargée du sujet et je pense qu’elle est tout à fait bien disposée à cet égard. Les parlementaires européens ont quant à eux déjà commencé leurs travaux. La France sera un aiguillon en termes d’ambition et d’action. Si l’on contraint la réflexion dès le départ, nous perdrons la confiance des citoyens.
Madame la sénatrice Mélot, concernant la réforme de la PAC, la clé est de réorienter une partie du deuxième pilier vers le premier. La PAC n’est pas en diminution, comme a pu le dire M. Longeot. Les 10 milliards d’euros supplémentaires nous permettent d’envisager de manière assez sereine l’évolution des aides aux agriculteurs français par rapport à la période 2014-2020. Il y avait un risque, mais les propositions sur la table pour la période 2021-2027 sont beaucoup plus rassurantes aujourd’hui.
C’est justement parce que nous constatons des inégalités et des tensions entre les territoires que nous avons très activement défendu le concept des régions en transition. Il recouvre des territoires ne figurant ni parmi les moins favorisés ni parmi les métropoles.
Nous voulons réformer la politique de la concurrence parce que nous voulons développer une souveraineté européenne. Au-delà de la défense, elle doit notamment concerner l’innovation. Ainsi, dans le secteur des batteries électriques, sept pays et dix-sept entreprises ont uni leurs forces, en mobilisant notamment 3, 2 milliards d’euros d’argent public. De telles initiatives peuvent se développer plus largement avec une politique de la concurrence révisée.
Madame Morhet-Richaud, notre méthode de travail repose précisément sur la créativité et le pragmatisme. Nous entendons dégager des majorités en étant souples dans les moyens, mais fermes et cohérents sur les objectifs.
Monsieur le sénateur Leconte, l’Irlande et les droits des citoyens européens sont bien des sujets prioritaires dans la perspective du Brexit. Je ne crois pas qu’il faille lier le Brexit et le budget européen. En tout cas, nous partons du principe qu’il n’y aura pas de contribution britannique et nous construisons un budget à vingt-sept. Si les Britanniques veulent contribuer à certaines politiques dans le cadre de leur relation future avec l’Union européenne, ils le feront de façon marginale, mais ce n’est pas une hypothèse de travail : nous entendons être crédibles et sérieux.
Concernant le climat, nous cherchons, avec la Commission européenne, à réduire la déforestation importée. C’est un sujet que le Sénat connaît bien, pour avoir notamment travaillé sur le dossier de l’huile de palme.
L’une des priorités de la présidence française du Conseil de l’Europe, qui s’est exercée du mois de mai dernier à la fin de novembre, était d’œuvrer pour que la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme mettent en commun leurs jurisprudences dans un esprit de respect mutuel. Il y a encore du travail à accomplir, mais nous avons engagé la démarche.
Quant à la coordination des systèmes de sécurité sociale, elle est organisée par le règlement européen n° 883/2004, dont la révision est en cours de discussion dans le cadre du trilogue entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission. Il est effectivement essentiel d’améliorer l’interopérabilité des systèmes de retraite, d’assurance chômage et de protection sociale en général.
J’espère avoir répondu de manière synthétique à l’ensemble de vos questions, mesdames, messieurs les sénateurs. Je vous remercie pour ces échanges tout à fait intéressants. J’ai proposé au président Bizet de réfléchir ensemble à rendre ce dialogue un peu plus interactif, peut-être en adoptant un format de questions-réponses plus dynamiques.
En tout cas, il est important de rendre compte à la représentation nationale et aux citoyens de ce qui se passe dans les couloirs de Bruxelles. Certains imaginent des choses bien plus complexes qu’elles ne sont en réalité. Nous travaillons avec toute notre énergie à accroître la solidarité et la souveraineté européennes ! Je vous donne rendez-vous après les fêtes pour reprendre nos échanges, avec toujours la même ambition pour l’Europe.
Applaudissements sur la plupart des travées.
Pour conclure le débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de la qualité de nos échanges et de l’honnêteté intellectuelle avec laquelle vous avez répondu à toutes nos interrogations.
Concernant la politique commerciale de l’Union européenne, je me réjouis que, devant la paralysie de l’instance d’appel de l’organe de règlement des différends de l’OMC causée par les États-Unis, le Conseil européen ait saisi la proposition de la Commission de s’orienter vers la voie de l’arbitrage pour appliquer des sanctions en proportion des dommages subis. Nous aurons besoin de cette approche dans la perspective de l’épilogue du contentieux relatif à Boeing. Il faudrait aussi l’utiliser pour traiter des dossiers bien spécifiques, tels que ceux de l’acier ou de l’aluminium.
Nous n’avons peut-être pas toujours été suffisamment attentifs aux critiques des États-Unis, exprimées notamment par leur ambassadeur auprès de l’OMC, M. Dennis Shea, sur le fait que les juges de l’organe de règlement des différends de l’OMC sont souvent allés au-delà de leurs attributions. Je salue le travail réalisé par la Commission européenne, le Canada et le Japon pour essayer de trouver des solutions.
Parallèlement, je me réjouis que la position de la commissaire Margrethe Vestager sur la politique européenne de la concurrence ait évolué. La commission des affaires européennes du Sénat soulève ce problème depuis plusieurs années.
Nous n’avons pas abordé la question de l’approfondissement des relations entre l’Union européenne et l’Afrique. C’est pourtant un dossier important, que nous devrons ouvrir dès 2020. Je reste pour ma part très intéressé par le « plan Marshall » évoqué par M. Juncker juste avant qu’il ne quitte la présidence de la Commission. Le continent africain reçoit désormais des investissements chinois, voire russes, mais, contrairement à l’Europe, ni la Chine ni la Russie n’ont la culture de l’Afrique. Nous devrons trouver des solutions pour faire face aux conséquences de vagues migratoires n’ayant rien à voir, en termes d’ampleur, avec celles que nous avons connues il y a quelques années.
En ce qui concerne la future relation avec le Royaume-Uni, les choses sont un peu plus claires : il semble assuré que ce pays quittera l’Union européenne d’ici au 31 janvier prochain. Je ne sais pas comment on peut raisonnablement imaginer conclure un accord de libre-échange en onze mois, sachant qu’il aura fallu sept ans pour aboutir au CETA… S’agira-t-il d’un accord mixte ou d’un accord simple ? Un accord mixte aurait plutôt ma préférence d’un point de vue démocratique, mais viser un accord simple est beaucoup plus réaliste… Cela étant, si la Commission européenne s’oriente vers un accord simple, il faudra, tout au long du processus, associer très étroitement les parlements nationaux et les peuples, singulièrement dans la conjoncture présente.
En tout cas, nous devrons être très vigilants sur plusieurs sujets particuliers : je pense à la pêche, au ciel européen, à la défense… Il faudra que l’Union européenne reste particulièrement unie, comme cela a été le cas sous l’autorité de Michel Barnier. Nous avons le privilège de la puissance, il ne faut pas l’oublier, mais nous ne devrons pas pour autant faire preuve de cette arrogance qui peut souvent être reprochée aux institutions européennes…
En ce qui concerne la conférence sur l’avenir de l’Europe annoncée pour 2020, le groupe de suivi du Sénat sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l’Union européenne a commencé à y réfléchir. Le Sénat apportera bien évidemment sa pierre. Il faudra certainement revoir le « paquet Tusk » et les dispositions négociées par David Cameron. Il faudra aussi remettre sur le tapis l’accord trouvé lors du sommet social de Göteborg en novembre 2017 sur le socle européen des droits sociaux. Cela va dans le sens de l’histoire.
Je terminerai mon propos par la question des sapeurs-pompiers évoquée par notre collègue Pascale Gruny. Nous attendons avec impatience la lettre de confort que le ministre de l’intérieur nous promet depuis longtemps.
Je suis parallèlement intervenu à plusieurs reprises devant la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires des parlements de l’Union européenne (Cosac) pour indiquer que nous souhaitons que l’on commence à élaborer une directive sur l’engagement citoyen. Un certain nombre d’États membres sont très attentifs à cette question.
En tout état de cause, il convient de ne pas laisser nos sapeurs-pompiers et nos territoires dans l’inquiétude. Merci à tous !
Applaudissements sur la plupart des travées.
Nous en avons terminé avec le débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 12 et 13 décembre 2019.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 7 janvier 2020 :
À quatorze heures trente :
Débat sur l’avenir des Transports express régionaux (TER) ;
Débat sur le plan d’action en faveur des territoires ruraux ;
Débat sur la réforme des retraites.
À vingt et une heures trente :
Débat sur les conclusions du rapport d’information « Sauvetage en mer : replacer les bénévoles au cœur de la décision ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures trente-cinq.
La liste des candidats désignés par la commission de l ’ aménagement du territoire et du développement durable pour faire partie de l ’ éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l ’ économie circulaire, en cours d ’ examen, a été publiée conformément à l ’ article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. Hervé Maurey, Mme Marta de Cidrac, MM. Patrick Chaize, Didier Mandelli, Joël Bigot, Mme Angèle Préville et M. Frédéric Marchand ;
Suppléants : MM. Guillaume Chevrollier, Louis-Jean de Nicolaÿ, Mmes Françoise Ramond, Anne-Catherine Loisier, Nelly Tocqueville, MM. Éric Gold et Guillaume Gontard.
La liste des candidats désignés par la commission des lois pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet a été publiée conformément à l ’ article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Philippe Bas, Christophe-André Frassa, Mme Catherine Di Folco, MM. Philippe Bonnecarrère, David Assouline, Mme Marie-Pierre de la Gontrie et M. Thani Mohamed Soilihi ;
Suppléants : Mmes Agnès Canayer, Jacqueline Eustache-Brinio, Marie Mercier, MM. Hervé Marseille, Franck Montaugé, Mme Maryse Carrère et M. Pierre Ouzoulias.