Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce Conseil européen, le dernier de 2019 et le premier des nouveaux visages européens, aura été marqué une nouvelle fois par le Royaume-Uni. La question du Brexit, ombre orageuse dans le ciel bruxellois depuis plusieurs mois, semble s’éclaircir, et 2020 pourrait bien être l’année du dénouement. Les Britanniques ont donné une large majorité à Boris Johnson, faisant le choix de rendre le Brexit réalité.
Ainsi, le 1er février prochain, nous pourrions n’être que vingt-sept. Je parle au conditionnel, car les Britanniques nous ont habitués à devoir nous méfier des affirmations les concernant. De nombreuses questions se poseront sur le futur de l’Irlande, celui de l’Écosse, si elle décidait de se tourner vers l’Europe, mais surtout celui de l’Union européenne. Le risque d’un Brexit dur n’est pas écarté.
Le Président de la République a été clair, évoquant le maintien d’une relation étroite, notamment en matière de commerce et de défense. Il a aussi rappelé que la protection et la garantie des intérêts européens sont une priorité. Par ailleurs, les conclusions du Conseil européen – je fais référence à l’article 50 – sont limpides : elles réaffirment la volonté d’aboutir à un « retrait ordonné » et à « des relations futures aussi étroites que possible ». Le Conseil a d’ailleurs chargé la Commission européenne de présenter un projet de mandat global. La nouvelle phase de négociations est cruciale pour nous tous.
Madame la secrétaire d’État, les lignes rouges européennes, qui ont été tenues jusque-là, seront-elles respectées sous ce mandat ? Pouvez-vous nous assurer que la volonté de nouer une relation étroite avec le Royaume-Uni ne nous empêchera pas de garder notre unité et de protéger nos intérêts face à ce pays allié qui souhaite tout de même se désolidariser d’une construction inédite au regard de l’histoire ?
Ce Conseil européen sera aussi à intégrer à l’échelle de l’histoire. La question du changement climatique a été mise à l’honneur. Nous ne pouvons que nous féliciter de l’obtention d’un accord sur l’objectif de la neutralité carbone de l’Union européenne en 2050, et ce dans la dernière semaine de la COP25 et de la présentation d’un new green deal ambitieux par la Commission européenne. Le calendrier proposé par cette dernière est exigeant et traduit la volonté d’aller dans le sens d’une transition juste, équitable, sociale et efficace. Nous serons attentifs aux propositions, notamment à celles qui seront formulées au mois de mars prochain au travers de la loi climatique.
Je tiens aussi à saluer le fait que l’objectif de la neutralité carbone en 2050 prenne en compte les questions sociales, mais également celle de la compétitivité de l’Union européenne. À ce propos, le mécanisme d’ajustement des émissions de carbone aux frontières est intéressant. Quelle est la position de la France sur ce sujet cher au Gouvernement ?
La question de la sécurité énergétique a aussi été abordée. Elle est essentielle. Nous croyons à un mix énergétique efficace et décarboné faisant toute leur place aux sources d’énergie renouvelables, ainsi qu’au nucléaire. Il y va de l’indépendance de l’Union européenne.
Nous ne pouvons que regretter que cet engagement majeur de neutralité carbone ne concerne pas la Pologne. Ce pays, gros émetteur de CO2, devrait s’attaquer réellement à sa propre transition. Ne serait-il pas plus efficace d’orienter les aides octroyées à la Pologne dans une perspective de transition énergétique respectueuse des volets sociaux et économiques, plutôt que de casser notre politique du consensus et de créer un précédent ? De mémoire récente, les mécanismes d’opt-out et les précédents n’ont pas vraiment prouvé leur efficacité au sein de l’Union européenne.
Enfin, viser la neutralité carbone suppose un budget. Or de budget, il a été peu question lors du sommet européen. Bien sûr, il y a eu des déclarations concernant la nécessité d’un budget solide pour assurer une transition efficace et équilibrée. Nous avons entendu affirmer une nouvelle fois que 25 % du prochain cadre financier pluriannuel devrait être consacré à la lutte contre le changement climatique, mais les discussions ont été remises à plus tard…
Nous l’avions noté avant le Conseil européen, le cadre de négociation du cadre financier pluriannuel proposé par la présidence finlandaise est loin de faire l’unanimité. Qu’il s’agisse des nouvelles ressources, de la question des rabais ou du pourcentage du revenu national brut alloué au budget européen, il semble que nous soyons encore loin d’un accord, malgré les efforts déjà fournis.
Je souhaite le rappeler encore aujourd’hui, nous approuvons les nouvelles orientations politiques de la Commission européenne et souhaitons qu’on leur affecte des moyens suffisants. Cependant, nous continuons à éprouver de vives inquiétudes quant aux politiques historiques, comme la PAC, dont les dotations, concernant notamment les aides directes et les dépenses de marchés, ne sont pas suffisantes. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire ce qu’il en est des négociations sur le budget de la PAC ? Vos objectifs concernant le premier pilier seront-ils tenus ?
Enfin, je souhaite saluer les discussions au sujet de la tenue d’une conférence sur l’avenir de l’Europe. L’après-Brexit et le début de la nouvelle mandature européenne sont propices à une grande réflexion sur notre système et sur notre avenir. Je forme le souhait qu’une consultation citoyenne soit engagée durant le processus. Une partie de l’avenir de l’Europe se jouera en 2020 sur les questions du budget et de la transition, ainsi que sur l’invention du futur. Soyons au rendez-vous !