Intervention de Jean-François Longeot

Réunion du 18 décembre 2019 à 21h30
Débat à la suite de la réunion du conseil européen des 12 et 13 décembre 2019

Photo de Jean-François LongeotJean-François Longeot :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen qui vient de se conclure était stratégique à plusieurs égards. Il parachève une année marquée par les incertitudes du Brexit, par des élections européennes déstabilisant le statu quo institutionnel et par de fortes attentes quant à l’action de l’Union européenne. À ce titre, la France a joué un rôle moteur, illustrant bien une citation de Victor Hugo toujours d’actualité : « L’Europe ne peut être tranquille tant que la France n’est pas contente. »

En effet, cette année, sur de nombreux sujets, la France s’est distinguée par un positionnement singulier, qu’il s’agisse de défendre une souveraineté européenne à construire, de repenser une politique commune de concurrence obsolète ou bien d’interroger une stratégie d’élargissement qui ne peut pas constituer la seule perspective pour le voisinage de l’Union. Ce Conseil européen n’a pas fait exception à cet égard, et nous pouvons nous en féliciter.

J’aimerais tout d’abord insister sur l’importance de ce sommet. Avec une nouvelle équipe et l’esquisse de nouveaux projets ambitieux à court, moyen et long termes, l’Europe revient à un agenda positif, alors que celui de la précédente Commission avait été davantage dicté par les nombreuses crises qu’elle avait dû assumer. Au cœur de ce nouvel agenda réside l’objectif de faire de l’Union européenne le premier continent neutre en matière d’émissions de carbone en 2050. Je salue une telle ambition, reflétant un pouvoir d’initiative retrouvé, qui permettra à l’Europe – j’en suis sûr – d’orienter les grandes transformations que connaît notre monde.

Relever ce défi nécessitera des efforts communs, consentis au travers d’une solidarité accrue. Ce sera une occasion idéale de réaliser un travail d’introspection.

D’une part, la solidarité sera essentielle au regard de la diversité des mix énergétiques, sachant que l’Union s’effectuera nécessairement dans la diversité. À ce titre, la défense de la transition écologique ne doit pas se réduire à des mesures punitives envers nos voisins de l’Est. Il s’agit de considérer l’effort de transition comme offrant de vraies perspectives, qui doivent être socialement justes, démocratiquement acceptables et territorialement différenciées.

D’autre part, les objectifs du new green deal imposent de « mettre en place un cadre facilitateur » comprenant « un soutien et des investissements adaptés ». À cet égard, je suis convaincu que faciliter les investissements dits « verts » doit se faire en permettant aux États membres de les extraire du pacte de stabilité et de croissance, comme l’a suggéré notamment le nouveau commissaire à l’économie, Paolo Gentiloni. Je partage pleinement cette position ; je l’ai d’ailleurs défendue au travers d’une proposition de résolution que j’ai déposée au Sénat le 10 septembre dernier.

Je tiens à saluer la prise en compte d’un critère climatique dans les accords commerciaux et la décision de l’Europe de ne plus contracter d’accords commerciaux avec des puissances qui ne sont pas signataires de l’accord de Paris.

L’agenda positif que j’évoquais précédemment permet de comprendre les tensions et les enjeux entourant le prochain cadre financier pluriannuel. Bruxelles, comme il est coutume de l’appeler, ne saurait faire plus avec moins. Les discussions portent à l’heure actuelle tant sur le niveau du budget que sur les arbitrages entre les politiques dites « historiques » et les politiques nouvelles, en matière climatique, numérique et de défense.

Madame la secrétaire d’État, si le Conseil européen n’a pas été l’occasion d’obtenir des avancées sur le sujet, permettez-moi de vous alerter sur les risques de ce futur budget. En effet, s’il est indéniable que le soutien à l’innovation et aux politiques numériques est indispensable, le futur budget, conjugué à la diminution des fonds destinés à l’agriculture et à la pêche, serait potentiellement susceptible de venir creuser les disparités régionales, alors même que l’on constate un écart économique de plus en plus important entre les capitales et les périphéries, en dépit des tentatives de réajustement.

Une nouvelle dynamique est insufflée à l’Europe. Nous ne pouvons que nous en réjouir. L’Europe ne souhaite plus se contenter de réagir aux crises ; elle veut dorénavant tracer sa propre trajectoire. Cela démontre que son histoire est celle d’un destin voulu. À la suite des élections européennes du mois de mai dernier, certains voient un Parlement divisé et fragmenté. Pour ma part, j’y vois un Parlement qui a démontré qu’il entendait, lui aussi, assumer un rôle actif et ne pas se contenter de celui de chambre d’enregistrement. Le Parlement européen restant la seule institution européenne directement élue par les citoyens, j’accueille une telle position avec bienveillance.

Toutefois, devant le constat d’une bataille institutionnelle, et alors que la nouvelle Commission européenne a pris ses fonctions avec un mois de retard, le Conseil souhaite repenser le processus des nominations à l’échelon européen. Il propose à ce titre d’organiser dès le mois de février 2020 une réflexion sur le fonctionnement des institutions : c’est la conférence sur l’avenir de l’Europe. Celle-ci serait en effet l’occasion de considérer la pertinence – ou pas – de listes transnationales pour les prochaines élections européennes, mais je ne suis pas persuadé que c’est avec un débat institutionnel que l’on redonnera à nos concitoyens goût à l’Europe et que l’on parviendra à mieux les associer à la vie de l’Union.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous éclairer sur les enjeux de cette conférence, sur les ambitions du Gouvernement à cet égard et sur le rôle qui sera accordé aux parlementaires nationaux ? En raison de leur ancrage et de leur présence sur nos territoires, ceux-ci restent des relais indispensables pour vulgariser une telle conférence et inciter nos concitoyens à y participer pleinement. Je trouve d’ailleurs que les échanges sur les Conseils européens que nous avons ici au Sénat sont pertinents et constituent un bon début.

Si des progrès ont été observés s’agissant de la réforme de la zone euro, je partage le constat du Président de la République : le compte n’y est pas. La zone euro reste la première à avoir mis en commun la souveraineté monétaire de ses membres sans prévoir de moyens fiscaux intégrés permettant de répondre aux chocs qui l’affectent dans son ensemble. Nous avons, certes, mis en place un premier budget de convergence, ce qui était impensable voilà encore quelques mois, mais nous avons véritablement besoin d’un budget de stabilisation. À l’heure actuelle, la zone euro reste également celle qui investit le moins, malgré une épargne disponible importante.

Enfin, alors que l’Union a donné son feu vert à l’« Airbus des batteries », en autorisant sept États à subventionner à hauteur de 3, 2 milliards d’euros le consortium de dix-sept entreprises créé pour l’occasion, quelles sont les ambitions du Gouvernement en matière de politique européenne de concurrence après le rejet regrettable, en février dernier, de la fusion entre le français Alstom et l’allemand Siemens ?

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