Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, le Conseil européen de la semaine dernière avait un ordre du jour chargé, avec en toile de fond les élections législatives britanniques. La victoire très nette de Boris Johnson met fin à l’incertitude qui régnait quant à une mise en œuvre effective du Brexit. Sauf énorme surprise, le Royaume-Uni quittera bel et bien l’Union européenne d’ici au 31 janvier prochain. Le Premier ministre Johnson a désormais une majorité très confortable, et surtout un mandat clair pour négocier à Bruxelles, ce qui rééquilibre le rapport de force entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Il importe donc que les vingt-sept restent unis dans les prochains mois, comme ils l’ont toujours été depuis le résultat du référendum britannique.
C’est en effet une nouvelle phase délicate qui va s’ouvrir le 1er février 2020, date à laquelle les Vingt-Sept entameront la négociation de leur futur partenariat stratégique avec Londres. Cette nouvelle relation devra bien entendu être la plus étroite possible. Mais elle devra aussi, et surtout, être fondée sur un équilibre de droits et d’obligations, notamment pour éviter toute concurrence déloyale. Le mandat de négociation que la Commission européenne est en train de préparer devra être clair sur ce point !
Je me réjouis par ailleurs que Michel Barnier ait été nommé chef des futures négociations. Je fais confiance à son expérience et à ses talents de négociateur pour aboutir à un résultat juste et équitable.
Le cadre financier pluriannuel pour 2021-2027 était l’autre sujet important à l’ordre du jour de ce Conseil européen. Les dirigeants de l’Union européenne ont invité le président du Conseil européen, Charles Michel, à faire avancer les négociations pour trouver un accord final. Toutefois, au regard des divergences profondes qui persistent, il ne sera sans doute pas évident de conclure en 2020 cette négociation, l’unanimité étant requise.
Sur ce sujet, je souhaite revenir sur les points de vigilance soulignés à de nombreuses reprises par notre assemblée.
Nous devons tout d’abord préserver l’enveloppe budgétaire de la politique agricole commune, qui est une politique stratégique pour l’Union, pour sa capacité à assurer un niveau de vie correct à ses agriculteurs, pour sa souveraineté alimentaire et pour sa transition climatique.
Il faut ensuite supprimer les rabais. Si cette suppression n’intervient pas à l’occasion du départ des Britanniques, elle ne se fera jamais !
Il importe de revoir les ressources propres, en les mettant en rapport avec les objectifs ambitieux et nombreux que nos concitoyens assignent à l’Union européenne.
Il faut enfin soumettre conditionner l’octroi des fonds européens, afin d’en faire des leviers utiles, au service notamment de l’État de droit.
Le Conseil européen a aussi été marqué par des désaccords sur la future capacité budgétaire de la zone euro telle qu’elle a été élaborée par l’Eurogroupe. Le Portugal, en particulier, a ainsi manifesté son mécontentement au regard des coupes à venir dans le budget de la politique de cohésion post-2020.
Le budget de la zone euro voulu par le Président de la République a décidément du plomb dans l’aile ! Le faible montant de ce budget – 17 milliards d’euros sur sept ans – ne révolutionnera pas l’économie européenne. J’ajoute que les pays du Nord s’opposent à la volonté française d’élaborer un accord intergouvernemental visant à mobiliser davantage de moyens nationaux pour accroître ce budget de l’eurozone.
Bien sûr, nous partageons tous l’objectif de renforcer la résilience de la zone euro et la convergence économique en son sein. Pour l’atteindre, la durabilité des finances publiques, qui partout ailleurs en Europe se rétablit, doit demeurer une priorité. Au vu de son incapacité à redresser ses comptes publics et à transformer son économie, la France n’est sans doute pas l’avocat le plus indiqué pour défendre une telle évolution de la zone euro…
D’autres réformes semblent plus urgentes, comme l’achèvement de l’union bancaire et de l’union des marchés de capitaux. Cela permettrait de mieux absorber les chocs économiques en diversifiant les risques, sans qu’il soit nécessaire de recourir à un budget commun de stabilisation.
Sur ces dossiers, l’Union européenne avance trop lentement ! Début décembre, les ministres de la zone euro n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord sur la mise en place du système européen de garantie des dépôts bancaires. Ces évolutions sont pourtant la base indispensable pour donner à l’euro sa vraie dimension dans les échanges internationaux. Dans le contexte géopolitique actuel, la monnaie unique doit être un instrument stratégique, capable de concurrencer enfin le dollar, grâce auquel les États-Unis exercent leur tutelle sur l’économie mondiale et sur leurs concurrents, via l’extraterritorialité de leur droit.
Je voudrais maintenant évoquer le projet de conférence sur l’avenir de l’Europe, voulu par le Conseil européen. Cette conférence devrait débuter en 2020 pour s’achever en 2022. Elle réunira des citoyens et des représentants des institutions de l’Union européenne, qui, ensemble, travailleront sur de nouveaux textes européens et des modifications des traités.
Si l’on ne peut qu’être d’accord avec le principe d’une telle concertation, je mettrai l’accent sur deux points de vigilance.
D’abord, il ne faut pas oublier les territoires. Pour l’instant, l’échelon local semble absent des discussions. Or cette conférence doit être l’occasion, pour les institutions européennes, de marquer leur volonté de travailler avec les élus de terrain. Les exclure relèverait d’une vision de l’Europe dépassée, à l’heure où nos concitoyens ne se sont jamais sentis aussi éloignés du projet européen.
Ensuite, il est prévu que la conférence aborde la question de la démocratisation des élections européennes, au travers notamment de la mise en place de listes transnationales par les familles politiques européennes. Cette idée de faire des listes « hors sol » est un non-sens démocratique. L’affirmation du rôle du Parlement européen dans la fabrication des lois renforce le besoin d’un contrôle démocratique et d’une proximité avec les électeurs. L’élu doit leur rendre des comptes, mais encore faut-il qu’ils le connaissent ! C’est d’ailleurs ce manque de proximité qui explique l’importance du vote contestataire alors des élections européennes. N’en rajoutons pas !
Pour conclure, mes chers collègues, je ne voudrais pas oublier nos sapeurs-pompiers, avec qui l’on échange beaucoup sur le terrain en cette période de la Sainte-Barbe. Leur inquiétude est toujours vive concernant la directive Temps de travail, qui menace le statut de pompier volontaire.