… nous serons plus disposés à accepter un volume important. Aujourd’hui, 1, 07 % du RNB, cela se traduit par un « ressaut » du prélèvement sur recettes français de 4 milliards à 6 milliards d’euros, selon les modalités de calcul et de financement retenues. La moitié de cette somme correspond à l’inflation, un quart à la contribution demandée à la France au titre du Brexit, le dernier quart aux nouvelles politiques ou aux nouveaux efforts. Il faut avoir ces éléments en tête.
Quels sont les liens entre le CFP et le mécanisme de transition juste ? La vocation de ce dernier est d’allouer des moyens spécifiques à des territoires socialement désavantagés, tandis que la politique de cohésion profite à des régions sans forcément faire le lien entre leur mix énergétique et leur situation sociale. Les deux sont complémentaires, mais pas complètement superposables. Le mécanisme de transition juste comporte un critère d’éligibilité supplémentaire. La Commission cherche à cibler beaucoup plus, à travers lui, des territoires où la transition est plus difficile à réaliser qu’ailleurs et qui sont en outre socialement désavantagés.
Le lien entre le budget de la zone euro et le CFP est aujourd’hui formel. Certains d’entre vous l’ont rappelé, la France milite pour que des ressources propres puissent être allouées au budget de la zone euro et que l’architecture du budget de celui-ci reste ouverte. Si nous trouvons, par exemple, un accord sur une taxe sur les transactions financières d’ici à 2022 ou à 2023, il faudra que l’on puisse brancher cette ressource sur le budget de la zone euro sans avoir à attendre 2027. Il y a là un point de méthode. Aujourd’hui, cette ligne budgétaire de 17 milliards d’euros est ancrée dans le CFP. La France préférerait, vous le savez, que la gouvernance se fasse à dix-neuf. Surtout, nous voudrions que si les États membres de la zone euro se mettent d’accord pour partager des ressources, celles-ci puissent être branchées en cours de route sur cet outil budgétaire.
Concernant le Brexit, je tiens à vous rassurer : ce n’est pas parce que Boris Johnson dit que la négociation sera conclue dans les onze mois que nous sacrifierons le contenu de l’accord et les garanties attachées. Bien sûr, il faut aller suffisamment vite pour que l’économie ne s’enlise pas et que les citoyens ne perdent pas confiance. Cependant, nous ne sacrifierons pas la qualité de l’accord sous prétexte que nous serions pris par le temps. Michel Barnier est très clair sur le sujet.
Oui, monsieur le président Bizet, Charles Michel a la volonté d’instaurer de nouvelles méthodes de travail. Nous avons déjà pu échanger sur ce sujet.
Obtenir un consensus sur l’objectif de neutralité carbone est essentiel. Mme Mélot a évoqué un mécanisme d’opt-out à propos de la Pologne. Je ne crois pas que cela corresponde à la réalité des choses. L’idée est d’avoir la plus grande ambition possible, en évitant l’affaiblissement qu’entraînerait la recherche du plus petit dénominateur commun. Il importe de ne pas s’en tenir à de simples déclarations d’intentions. L’objectif d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 est partagé par tous. La Pologne ne remet pas en cause cet objectif pour l’Union européenne, mais elle estime avoir besoin de réfléchir à ce que cela implique de mettre en œuvre à l’échelon national, en termes de calendrier, de difficultés à surmonter, d’éventuelles demandes d’exceptions sectorielles ou normatives. La Pologne, madame Mélot, pourrait demander, d’ici au mois de juin, à bénéficier d’un mécanisme d’opt-out sur certains points spécifiques, mais tel n’est pas le cas pour l’heure.
Concernant la neutralité technologique, monsieur le président Bizet, la perspective est désormais plutôt positive. Le règlement Taxonomie a fait l’objet d’un accord entre le Parlement européen et le Conseil ; il doit encore être validé. L’amendement de Christophe Grudler adopté le 28 novembre par le Parlement européen est très intéressant : aux termes de cet amendement, le Parlement européen estime que l’énergie nucléaire peut contribuer à atteindre les objectifs en matière de climat, dès lors que cette énergie n’émet pas de gaz à effet de serre, et qu’elle peut donc représenter une part non négligeable de la production électrique en Europe ; le Parlement considère néanmoins que, en raison des déchets qu’elle génère, cette énergie nécessite une stratégie à moyen et long termes qui tienne compte des avancées technologiques – laser, fusion, etc. – visant à améliorer la durabilité du secteur. L’adoption de cet amendement peut, me semble-t-il, tracer la voie à une approbation majoritaire, dans les semaines à venir, de l’accord trouvé entre le Conseil et le Parlement européen dans un format réduit.
Madame Guillotin, le mécanisme d’inclusion carbone n’est, je le rappelle, ni une taxe ni une mesure protectionniste. Il vise les produits basiques dont on sait exactement quelle quantité de gaz à effet de serre engendre leur fabrication. S’il existe un marché du carbone dans le pays de production, il y aura un ajustement du prix du bien importé pour prendre en compte l’écart entre les prix du carbone dans ce pays et sur le marché européen, afin de garantir une concurrence loyale. Si l’on prend l’exemple d’une barre d’acier en provenance de Chine, il ne lui sera donc pas appliqué de tarif prédéfini. Aujourd’hui, la moitié des provinces chinoises disposent d’un marché du carbone. Si cette barre d’acier vient d’un pays ou d’une zone où n’existe aucun marché du carbone, le tarif européen s’appliquera alors dans son entièreté.
Il s’agit donc d’appliquer à tous les biens vendus sur notre territoire une norme compréhensible, transparente et ajustée, et non pas un tarif arbitraire déterminé dans un bureau. Le mécanisme s’ajusterait si le prix du carbone venait à baisser en Europe pour une raison quelconque – ce que nous ne souhaitons pas. De même, si le prix du carbone était supérieur dans d’autres États à ce qu’il est chez nous, nous baisserions alors le prix du bien importé et rembourserions la différence. Cette dernière hypothèse est purement théorique, car il n’existe pas aujourd’hui de marché sur lequel le prix du carbone serait plus élevé que le nôtre !
Par ailleurs, l’objectif est qu’une taxe numérique puisse s’appliquer en Europe. Les différents pays européens négocient en ce sens dans le cadre de l’OCDE. Bruno Le Maire l’a dit ici même, me semble-t-il : si aucun accord n’intervient à l’OCDE, nous traiterons le sujet entre Européens. Je rappelle que vingt-quatre pays de l’Union européenne soutiennent le principe de la création d’une telle taxe. La France l’a mise en place, la République tchèque le fera au 1er janvier et, de mémoire, sept autres pays travaillent à la mettre en œuvre, pas forcément au même taux mais selon des régimes proches.
Le mouvement est donc lancé, et je ne pense pas qu’il faille désespérer. En revanche, nous devons suivre de très près les négociations à l’OCDE et mettre les États-Unis devant leurs responsabilités, sachant qu’une partie de l’accord trouvé entre Donald Trump et Emmanuel Macron à Biarritz est remise en cause par certains. Nous sommes extrêmement attentifs au respect de la parole donnée.
Les 100 milliards d’euros du fonds de transition juste sont constitués à la fois d’argent public, de subventions et de prêts. Ce fonds vise à accompagner, selon un modèle potentiellement complémentaire de celui de la Banque européenne d’investissement, des régions où la transition est plus difficile à réaliser qu’ailleurs et qui sont dans une situation sociale défavorisée.
Monsieur le sénateur Gattolin, les bureaux de Charles Michel sont situés dans le bâtiment Europa, et non au Berlaymont.