Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 30 janvier 2007 à 21h30
Droit opposable au logement — Article 1er

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

... mais également des étrangers, qu'ils soient en situation régulière ou non, j'y reviendrai.

Les critères cumulatifs de régularité et de stabilité peuvent donner lieu à des refus de reconnaissance d'éligibilité des demandes de migrants étrangers, souvent titulaires d'un titre de séjour autre que la carte de résidence de dix ans.

Ainsi seront exclus du dispositif les migrants étrangers qui vivent dans une précarité et un dénuement extrêmes, pour la seule raison qu'ils sont titulaires d'une carte de séjour « étudiant », d'une carte temporaire d'un an ou de l'un des nombreux titres de séjour précaires institués depuis près de dix ans.

Comme je l'ai signalé, cette restriction s'étendrait également aux demandeurs d'asile, alors même que la directive 2003/9/CE du Conseil de l'Union européenne du 27 janvier 2003, relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres, prévoit que les demandeurs d'asile doivent être logés, soit dans des centres de réception, soit dans des logements décents indépendants.

Les dispositions de l'article 1er sont donc contraires à cette directive européenne, qui instaure une obligation de logement au profit des demandeurs d'asile.

Une autre catégorie d'étrangers se voit frapper par cette exclusion, ceux qui sont en situation irrégulière ou qui sont en cours de régularisation, possédant seulement un récépissé de demande de carte de séjour.

Cela fait parfaitement écho aux propos du ministre Nicolas Sarkozy, qui déclarait le jeudi 11 janvier, en parlant du droit au logement opposable, qu' « il va de soi que les sans-papiers ne doivent pas y avoir accès » et qui ajoutait : « Je ne souhaite pas non plus que tous les étrangers en situation régulière y aient droit. »

Au moins c'est clair, certains responsables politiques, et pas seulement Jean-Marie Le Pen, proposent un régime où est assumée et renforcée la préférence nationale. N'ayons pas peur des mots : pour moi, c'est une discrimination raciale !

Entre-t-on dans une ère où la misère n'est inacceptable et combattue que si elle touche des pauvres français ou, comme le déclarait une heure après les propos du président de I'UMP, le député Thierry Mariani, des « étrangers parfaitement intégrés qui ont obtenu une carte de résident de dix ans » ?

Lors de la discussion générale, notre collègue Dominique Braye déclarait qu'à notre époque, en France, il est inacceptable que des familles dorment dans la rue ! Est-ce inacceptable seulement pour les Français ? Serait-ce acceptable que les étrangers, eux, dorment dans la rue ? Ne sont-ils pas des êtres humains comme les autres ?

À l'instar de certains employeurs racistes qui font suivre leur offre d'embauche de codes et de signes censés favoriser le tri entre « Français de souche » et « étrangers de l'intérieur », le Gouvernement va-t-il être amené à faire suivre, après le numéro d'enregistrement des demandes de logement, la mention « BBR » - bleu blanc rouge ?

Je vous rappelle que l'article 1er de la loi du 6 juillet 1989 dispose que « le droit au logement est un droit fondamental ». Or un droit au logement réellement opposable doit pouvoir être exercé par toutes et tous, quel que soit le statut juridique dans lequel ils se trouvent. Ce n'est pas la régularité du séjour qui doit primer dans les critères d'éligibilité au logement, seule doit compter la réalité, l'exclusion dont sont victimes les familles, les demandeurs de logement.

Les arguments de « l'appel d'air », que certains vont s'empresser de lancer, ne sont pas fondés moralement et dans la réalité des faits.

La mise en oeuvre de l'aide médicale d'État, dont peuvent bénéficier les personnes défavorisées sans revenu, y compris les étrangers en situation irrégulière, n'a jamais entraîné un appel d'air de migrants clandestins, en tout cas pas plus que le soutien que notre gouvernement apporte aujourd'hui à des dictateurs qui pillent allègrement leur pays, massacrent leur population et étouffent toute expression démocratique.

Les beaux discours faciles contre les discriminations ne seront crédibles que s'ils prennent corps dans des actes.

Pour toutes ces raisons, j'en appelle au bon sens de tous mes collègues et je leur demande de faire preuve de courage politique afin de saisir cette opportunité de lever toute ambiguïté de ce projet de loi en votant l'amendement de suppression que je propose.

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