Intervention de Daniel Cueff

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 19 décembre 2019 : 1ère réunion
Table ronde : « alimentation saine et durable : quels moyens d'action pour les collectivités territoriales ? »

Daniel Cueff, maire de Langouët :

Ces questions sont fondamentales. Comment parvenir à la transition ? Sur l'usage des pesticides en agriculture, la France est soumise à une directive européenne qu'elle doit transposer afin de protéger les riverains. Or, elle ne l'a toujours pas fait. C'est une carence manifeste et le maire est donc dans son bon droit en agissant.

Les plans Écophyto ont été confiés, à grands frais, au syndicat majoritaire, avec pour objectif une réduction de 50 % de l'usage des pesticides. Ceux-ci ont pourtant augmenté de 17 % dans mon secteur. Je connais bien les agriculteurs, ils me disent que cette histoire de glyphosate ne débouchera jamais sur rien, que les ministres passent, mais que le syndicat reste et qu'il les protégera toujours. Je ne constate pas du tout de préparation de la profession à un changement de modèle, car ces agriculteurs sont encombrés par la notion d'agriculture raisonnée, inventée en 2002 par la FNSEA et l'industrie chimique, et ils se félicitent de faire des efforts par rapport à leurs parents. Ils n'imaginent pas un instant nuire à la population du voisinage et cette idée leur est insupportable.

On peut échanger sans difficulté avec les agriculteurs, mais le syndicat lui-même ne veut pas discuter. En Bretagne, il préside 100 % des coopératives qui vendent des pesticides, suite à des décisions de cogestion prises après la guerre. M. Edgar Pisani, qui avait été ministre du Général de Gaulle, me disait que c'était un grand succès que d'avoir réussi à nourrir la France et à sortir l'agriculture de sa misère après la guerre, mais qu'il aurait fallu que la machine productiviste s'arrête. Or de puissants intérêts empêchent cette transition.

Les agriculteurs sont perdus : on leur annonce la fin du glyphosate, puis on recule, puis on trouve encore des arguments pour en repousser la date. Si on leur disait fermement « dans cinq ans, c'est terminé ! », on ouvrirait au contraire des possibilités, car les paysans ont des solutions.

Monsieur le sénateur Antoine Lefèvre, votre question touche au « métabolisme territorial » : la fourniture des cantines bio est liée aux circuits courts, c'est ainsi que l'on fait des économies, car les menus sont conçus selon les saisons. L'agriculture conventionnelle est trop coûteuse en logistique pour cela, elle est mieux adaptée à l'exportation, à l'international. Techniquement, il n'est pas possible de se fournir localement en conventionnel, c'est pourquoi ces démarches dégagent un espace magnifique pour l'agriculture bio.

À Langouët, cette transition est portée par quatre, bientôt cinq, anciennes familles du village, mais dans le silence. On s'en rend compte quand des agriculteurs demandent le développement de haies bocagères pour protéger les terres et les bêtes. S'ils fanfaronnent à ce sujet, ils sont en revanche rattrapés par un monde agricole qui les accuse de le trahir.

L'agriculture laitière intensive chimique a commencé à Langouët, dans les années 1960, et la totalité des haies bocagères ont été arrachées pour permettre la mécanisation. Jean-Michel Lemétayer, ancien président de la FNSEA, était d'ici -- je le connaissais très bien --, il défendait ainsi le productivisme, la mécanisation et l'agriculture raisonnée qui devait, disait-il, empêcher de se passer des pesticides !

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