Intervention de Patrice Leclerc

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 19 décembre 2019 : 1ère réunion
Table ronde : « alimentation saine et durable : quels moyens d'action pour les collectivités territoriales ? »

Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers :

Les discussions les plus vives sur l'agriculture sont celles que j'ai avec les membres de ma famille qui sont agriculteurs dans la Manche. L'agriculture raisonnée est un piège : les agriculteurs ont le sentiment de respecter la nature et les hommes, alors que les pesticides sont toujours répandus et font toujours autant de dégâts. Il serait intéressant de voir comment on pourrait enseigner dans les écoles d'agriculture un autre mode de production, moins productiviste et sans pesticides.

Je reviens sur le débat entre la tradition et la rupture. Je suis issu d'une tradition politique plutôt portée sur la rupture, mais je partage votre idée, on peut inscrire la rupture dans le temps. L'interdiction de fumer a été brutale et a profondément bouleversé nos vies. Chacun avait beau savoir qu'il était dangereux de fumer, il était très difficile de s'arrêter. Lorsque l'on ne fumait pas et que d'autres fumaient, il fallait tout simplement que les non-fumeurs sortent de la pièce. En définitive, cette interdiction brutale a permis à ceux qui le désiraient d'arrêter de fumer. Ainsi la rupture peut être nécessaire, surtout lorsqu'il s'agit de questions de santé.

Comme maire, il faut acter la rupture. On peut mesurer la capacité d'acceptation de la population. À Gennevilliers, on a interdit les produits phytosanitaires dans les cimetières en 2008. Il a fallu deux ans pour que les gens s'habituent, comme lorsque l'on a instauré le fauchage raisonné des pelouses publiques ou que l'on a réintroduit des herbes au pied des arbres. C'est le temps nécessaire aux personnes pour redéfinir leur rapport au beau et, dans les cimetières, à la dignité. L'effort est d'ailleurs sans doute plus difficile dans les villes populaires qui aspirent à reproduire les canons classiques du chic, symbolisés couramment par des gazons anglais ou des buissons bien taillés.

Les maires doivent donc dire non seulement ce qu'ils font, mais pourquoi ils le font. Il convient en fait de donner du sens et de faire oeuvre de pédagogie, notamment à travers des débats publics pour associer les populations. La politique passe par le conflit, qui permet d'avancer par la délibération commune et de parvenir à un compromis dans le sens de l'intérêt général. Mais pour cela, il faut afficher une position de rupture pour donner un sens et permettre d'organiser la transition. Mais, à l'inverse, si on privilégie la transition sans afficher d'objectif de rupture, il n'y aura pas de transition et on maintiendra l'existant, comme l'a bien montré Yves Salesse dans Réformes et révolution.

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