Il est difficile d'intervenir après ces rapports et ces prises de paroles très complets. Quand on touche à la liberté de chacun, renvoyer à la responsabilité individuelle est un bon réflexe : à chacun de juger de ce qui est bien et de ce qui est mal. Mais il y a une limite à ce principe : la loi reste une source d'inspiration pour les comportements, et elle apporte une protection aux plus faibles. Michel Amiel a raison : il est ennuyeux de mélanger bioéthique et éthique sociétale dans un même texte ; ce qui l'est encore plus, c'est de devoir traiter un texte qui, tel qu'issu des travaux de l'Assemblée nationale, rétroagit sur des points qui ont été réglés récemment ou qui n'ont pas besoin de législation pour l'être.
Si nous devons intervenir en matière d'AMP, nous ne devrions le faire qu'en tant que de besoin, sans remettre en cause la filiation maternelle liée à l'accouchement. La protection de l'enfant exige en effet que les contestations de la filiation et leurs causes soient les plus limitées possible. Or quoi de plus sûr que l'accouchement ? À mes yeux, c'est donc un recul de penser que la maternité d'intention serait supérieure à l'accouchement.
Je souscris aux propos de Roger Karoutchi : si l'accès à l'AMP est ouvert, encore faut-il qu'il le soit avec discernement, pour assurer les meilleures conditions, dans l'intérêt de l'enfant à naître.
Inutile de trop nous attarder : aucun de nous ne changera d'avis. La question posée au législateur est : faut-il organiser la naissance d'enfants sans père ? Je réponds que non. Plutôt qu'un bienfait, je vois dans l'absence totale de référence paternelle et même de lignée paternelle un manque pour l'enfant. Je crois que c'est très imprudent. Puisque la question de la liberté de chacun est posée, je pense que cela ne devrait pas en relever. J'admets qu'on puisse trouver comme moi que c'est un manque et non un bienfait, et accepter que cela relève de la liberté de chacun, comme le fait Roger Karoutchi. Mais ce n'est pas mon cas : je ne crois pas qu'il faille imposer aux médecins de procéder à l'AMP pour toutes les femmes, à l'assurance maladie de la financer aux frais de tous les Français si nous sommes convaincus que ce n'est pas une bonne chose.
Je suivrai notre rapporteur sur sa proposition de supprimer l'article 1er. Si elle n'était pas suivie, je serais très vigilant sur l'encadrement à construire autour du texte inabouti issu de l'Assemblée nationale.