Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’enfant et l’adolescent sont des êtres en devenir. L’un de leurs premiers droits est celui d’être en bonne santé. Il s’agit d’un défi de premier plan, et nous devons, avec l’ensemble des acteurs, tout mettre en œuvre pour parvenir à cet objectif.
Si, depuis le début des années 2000, la santé physique des enfants s’est considérablement améliorée, le bilan est nettement plus contrasté en ce qui concerne les troubles mentaux. Anxiété, dépression et troubles du comportement sont désormais en tête du podium des maladies qui touchent les jeunes.
L’état de la pédopsychiatrie en France est plus que préoccupant, et de nombreux spécialistes nous alertent depuis des années, notamment sur les délais de prise en charge des enfants. Ainsi, le professeur Maurice Corcos, pédopsychiatre à l’Institut mutualiste Montsouris à Paris, rappelle que, dans certaines régions, les délais d’attente pour une prise en charge peuvent atteindre de six mois à un an.
Nous constatons une offre de soins en nette diminution, due notamment au manque de professionnels qualifiés pour répondre à la demande.
Nous ne pouvons accepter que, par manque de lits, des enfants qui se présentent aux urgences après une tentative de suicide ou en cas de crise d’anxiété ou d’agitation aigüe ne puissent être pris en charge immédiatement.
En 2017, le rapport d’information de notre collègue Michel Amiel pointait une réalité face à laquelle nous devons réagir. Entre 1991 et 2003, le nombre de mineurs jusqu’à l’âge de 15 ans vus au moins une fois dans l’année par les intersecteurs de pédopsychiatrie a connu une hausse de plus de 80 %. Ce rapport notait également que, sur une centaine de postes de professeurs de psychiatrie dans les universités, seule une trentaine était spécialisée en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Il est donc particulièrement difficile pour les étudiants de se former. En dix ans, le nombre de pédopsychiatres recensés par l’Ordre des médecins a ainsi été divisé de moitié.
Face à ce constat désolant, le Gouvernement, par la voix de la ministre Agnès Buzyn, a annoncé aux professionnels du secteur que la psychiatrie et la santé mentale allaient disposer de moyens supplémentaires : 40 millions d’euros de plus sont ainsi promis pour « sauver la psychiatrie ». Ils financeront la mise en œuvre des mesures dévoilées fin juin par le Gouvernement, notamment en ce qui concerne le développement de la pédopsychiatrie, avec la formation de davantage de professionnels. Ainsi, en deux ans, ce sont vingt postes de chef de clinique en pédopsychiatrie qui ont été créés.
Dans la stratégie nationale que vous avez présentée, monsieur le secrétaire d’État, 20 millions d’euros sont alloués à la pédopsychiatrie dans le cadre du plan pour la santé mentale. Nous nous en réjouissons, même si l’ampleur des dégâts nous oblige à faire davantage et à aller plus loin.
Nous devons également entendre les propositions des différents acteurs, notamment celles du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), qui, chaque année, formule des propositions intéressantes en la matière.
Je pense notamment à la mise en œuvre d’un parcours de soins pédiatrique et pédopsychiatrique spécialisé pour les enfants et adolescents maltraités ou négligés, qu’ils soient dans leur famille ou accueillis par l’aide sociale à l’enfance. Le CNPE pointe également la nécessité que ce parcours soit porté par des professionnels de santé publics et privés formés.
La création d’un panier de soins pour les enfants victimes de violence pour une prise en charge totale des dépenses de soins somatiques et psychiques, médicaux et paramédicaux, en particulier ceux qui sont pratiqués par les psychologues et les psychomotriciens, serait aussi une réponse satisfaisante pour améliorer la prise en charge des enfants.
Mieux former les professionnels de santé, mieux repérer les troubles dès le plus jeune âge, en liaison notamment avec l’éducation nationale, garantir une offre de soins solide sur l’ensemble du territoire : tels sont les enjeux auxquels nous devons faire face aujourd’hui. Les récentes annonces du Gouvernement permettent d’y répondre en partie.
D’ailleurs, vous présenterez prochainement, monsieur le secrétaire d’État, les conclusions de la commission sur les « 1 000 premiers jours », présidée par le pédopsychiatre Boris Cyrulnik. Nous le savons, cette période comprise entre le quatrième mois de grossesse et l’âge de 2 ans est cruciale pour le développement de l’enfant. C’est pourquoi nous attendons beaucoup des conclusions de cette commission, qui, je l’espère, permettront un meilleur repérage et une meilleure prise en charge des enfants.
Enfin, l’intervention de pédopsychiatres dans les services de protection de l’enfance est une exigence, tant les enfants qui y sont accueillis constituent un public fragile sur le plan psychologique et psychiatrique.
C’est à la fois la responsabilité des départements de garantir une protection et un accompagnement de ces enfants, mais aussi à l’État de mieux former les professionnels.
Mes chers collègues, les défis sont nombreux. Je nous invite à travailler ensemble, avec les professionnels de santé, le tissu associatif et les acteurs locaux, dans l’intérêt supérieur des enfants. Ils sont à la fois l’avenir de notre pays et les graines de l’avenir.