Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, postes vacants, personnels en sous-effectif permanent, crédits en berne… Des mots durs qui font directement écho à la crise historique que vit la pédopsychiatrie depuis une dizaine d’années dans notre pays. Pourtant, il n’y a jamais eu autant de demandes de soins en raison d’une grande précocité des troubles, mais aussi du climat socio-environnemental.
En 2018, ce sont 700 000 enfants et adolescents qui ont été pris en charge par les centres de soins spécialisés dédiés à la pédopsychiatrie. L’activité des centres a ainsi augmenté de 60 % entre 1996 et 2006, et de 16 % entre 2006 et 2017. Le nombre de patients suivis est en hausse de 14 %.
Parallèlement, le fonctionnement de ces structures se voit de plus en plus menacé par une pénurie de professionnels : près de 16 % des postes de pédopsychiatres sont vacants. Pour cause, être aujourd’hui praticien hospitalier en pédopsychiatrie, c’est être constamment accablé de travail et isolé, et ne pas être rémunéré à la hauteur de son engagement.
En 2016, la densité de pédopsychiatres était de 4 praticiens pour 100 000 habitants âgés de 0 à 20 ans, faisant de la France le pays européen le plus pauvre en ce domaine.
Pour illustrer mon propos, je vous parlerai de la situation de mon département, la Haute-Savoie, où le secteur ne déroge malheureusement pas à la règle du sous-effectif et où le problème se révèle encore plus aigu qu’ailleurs. En effet, les directeurs des établissements hauts-savoyards connaissent d’autant plus de difficultés de recrutement que le coût de la vie est élevé sur notre territoire et que la concurrence avec la Suisse voisine, où les salaires sont multipliés par deux, voire trois, est forte. Le dynamisme de la progression démographique du département aggrave encore cette situation.
La saturation des structures atteint aujourd’hui un niveau critique : les patients doivent désormais attendre plusieurs jours, voire plusieurs mois, avant d’être accueillis ou transférés dans d’autres services.
Cela peut avoir des conséquences dramatiques. J’ai, à cet instant, une pensée émue pour un jeune Haut-Savoyard décédé récemment lors d’un accident de montagne en pleine crise de schizophrénie, alors que ses appels à l’aide étaient restés lettre morte faute de place disponible auprès de psychiatres de ville débordés et de centres médico-psychologiques parfois purement et simplement dépourvus de psychiatres.
Par manque de places dans ces établissements, les patients sont le plus souvent placés en pédiatrie, côtoyant ainsi d’autres malades n’ayant pas de pathologie psychiatrique et mobilisant du personnel soignant déjà bien occupé et pas forcément formé pour une prise en charge adéquate de ces cas lourds.
Face à une hausse continue de l’activité du service, les horaires des soignants sont constamment allongés ; un tiers d’entre eux a un salaire inférieur à la moyenne régionale. Découragés, ils finissent par quitter la discipline, brisant ainsi à contrecœur la chaîne des soins, laissant les malades et les familles démunis.
Les financements ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées par l’État : en Haute-Savoie, le montant de la dotation annuelle de fonctionnement des établissements publics est inférieur à la moyenne régionale. Lorsque le montant moyen de cette dotation est de 132 euros par habitant en Auvergne-Rhône-Alpes, il est de 81 euros dans mon département et il tombe même à 66 euros aux abords du Léman.
Face à tous ces griefs, le Président de la République a récemment affiché son ambition de redonner une perspective à la pédopsychiatrie en France. En Haute-Savoie, comme partout dans l’Hexagone, nous avons besoin de savoir quelles mesures concrètes le Gouvernement compte mettre en place pour renforcer les pôles pédopsychiatriques. Quels moyens financiers pourront leur être accordés dans les années à venir, eu égard notamment à leur spécificité frontalière ? L’enjeu est de taille et mérite toute notre attention.