Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention est nourrie par ma mission d’administrateur de l’association hospitalière de Bourgogne-Franche-Comté, qui représente 2 000 salariés, mais aussi, et surtout, par les constats tirés de mes contacts avec les soignants des services de pédopsychiatrie confrontés à des cas concrets.
Je leur ai communiqué les conclusions du rapport de nos collègues Alain Milon et Michel Amiel présenté au début de 2017. Ce retour sur nos travaux passés s’est révélé à la fois satisfaisant et préoccupant.
Satisfaisant, tout d’abord, parce que le diagnostic était fidèle à la dure réalité vécue par les services de pédopsychiatrie. De l’avis des personnels, la grande majorité des 52 propositions est utile et pertinente pour engager des actions sérieuses permettant de sauver cette discipline, mais ces propositions ont-elles été entendues et appliquées ? C’est là que le bât blesse ! Et c’est là que la situation est préoccupante.
Nous manquons de pédopsychiatres un peu partout sur le territoire national. Dans certaines facultés de médecine, il n’y a même plus de professeurs dans cette spécialité. Ces derniers représentent 0, 73 % de l’ensemble des professeurs de médecine. On continue de mal diagnostiquer les troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent. L’offre de soins et de prise en charge est insuffisante ou inadaptée par manque de moyens et de cohérence dans la politique menée.
Sans « sur-psychiatriser », le repérage et la détection sont pourtant indispensables pour réduire, voire faire disparaître, les troubles des enfants qui doivent être pris en charge, comme dans les autres pathologies, suffisamment tôt. Cette absence de prise en charge précoce en pédopsychiatrie ou en psychologie est une perte de chance. Il ne faut toutefois pas confondre les difficultés psychologiques avec les pathologies psychiatriques.
Je veux tirer un signal d’alarme sur la nécessité d’assurer un repérage des plus précoce chez l’enfant. Les spécialistes rencontrent trop de jeunes adultes en soins sans consentement ; c’est tout simplement un marqueur des échecs antérieurs.
On continue également avec des entrées dans le parcours de soins qui, trop souvent, relèvent plus du hasard que de la cohérence. Il s’agit là d’associer étroitement l’ensemble des intervenants. Je pense évidemment à la famille que l’on ne doit pas négliger, à l’éducation nationale et son service santé, aux centres médico-psycho-pédagogiques et à la protection judiciaire de la jeunesse. L’objectif est d’œuvrer dans un ensemble multidisciplinaire à la gestion individuelle de cas particuliers.
Si ces volontés communes existent souvent, elles se heurtent, monsieur le secrétaire d’État, au manque de moyens humains et financiers.
En Bourgogne-Franche-Comté, l’urgence dure depuis trente ans. Les listes d’attente s’allongent de jour en jour, semaine après semaine, et les services n’ont plus les moyens d’assurer leurs missions, faute de places ou de lits disponibles pour répondre aux demandes d’hospitalisation des familles, des écoles ou de l’aide sociale à l’enfance.
On continue aussi de délaisser la recherche en psychiatrie des mineurs. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, le Gouvernement a baissé les dotations des associations de médecins psychiatres, dont le travail est pourtant essentiel en matière d’études épidémiologiques, d’évaluation des stratégies non médicamenteuses et de neuroscience.
De l’avis des professionnels eux-mêmes, la pédopsychiatrie et plus généralement la psychiatrie ont besoin d’une réflexion globale et d’une loi portant sur son fonctionnement, son financement et la formation des psychiatres et des pédopsychiatres. C’est le moment, monsieur le secrétaire d’État, de laisser votre nom à une loi…