La première partie du rapport est consacrée à la présentation de la politique de cohésion et des fonds européens.
La politique de cohésion s'est progressivement mise en place et ses moyens, avec 454 milliards d'euros sur la période 2014-2020, se sont considérablement accrus au fil des programmations successives. Ils représentent aujourd'hui un tiers du budget de l'Union européenne. Les caractéristiques de la programmation en cours sont les suivantes : fixation de deux objectifs - investissement pour la croissance et l'emploi et coopération territoriale européenne - ; répartition des régions en trois catégories - moins développées, en transition, plus développées - ; renforcement de l'articulation entre les fonds européens structurels et d'investissement (FESI), la politique agricole commune (PAC) et la politique maritime commune ; importance de l'accord de partenariat conclu entre la Commission européenne et les États membres ; existence de onze objectifs thématiques.
Le montant des fonds structurels alloués à la France s'établit à 27,8 milliards d'euros sur la période 2014-2020, dont 4,8 milliards pour les outre-mer. Notre pays bénéficie des FESI via quatre fonds : le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE), le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), qui est le second pilier de la PAC, et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) ; en revanche, la France n'est pas éligible au Fonds de cohésion. Ce budget permet de cofinancer de nombreux projets qui n'auraient probablement pas vu le jour sans les fonds européens. Pour autant, la France est largement contributrice nette à la politique de cohésion et son taux de retour, qui s'établit à 17 %, a tendance à se dégrader.
Depuis 2014, à leur demande, la gestion des fonds structurels a été transférée aux régions. Néanmoins, ce transfert n'est que partiel, pour le FSE par exemple, ou en trompe-l'oeil, pour le FEADER, puisque l'État demeure largement décisionnaire. Par ailleurs, le système de gestion des programmes opérationnels est complexe et foisonnant : la France, avec 83 programmes opérationnels, figure parmi les États membres qui en comptent le plus.
Enfin, le rapport présente le dispositif de contrôle des fonds européens en France, qui se révèle particulièrement complexe.
La deuxième partie du rapport analyse en détail l'utilisation des fonds européens dans notre pays au regard de l'intitulé de notre mission d'information : la France sous-utilise-t-elle vraiment les fonds européens dont elle dispose ?
Il ressort de nos travaux que ce diagnostic doit être nuancé. Nous l'avons souvent entendu, au cours de nos auditions comme lors de nos déplacements : le ressenti des territoires est indéniablement négatif. Pour autant, les chiffres démontrent une utilisation française des fonds structurels dans la moyenne européenne : à ce stade de la programmation, le taux d'utilisation global se situe à 61 %. La trajectoire non linéaire de l'utilisation des fonds et la possibilité de les consommer jusqu'à la fin de l'année 2023 sont plutôt des signes encourageants pour la consommation du solde. Je rappelle d'ailleurs que le taux de consommation de ces fonds au titre de la programmation précédente s'était établi à 99 % pour la France.
Certes, la France connaît des difficultés à consommer ses fonds européens, mais celles-ci sont, pour l'essentiel, circonscrites au FEADER - et plus spécifiquement au programme LEADER - et au FEAMP ; de même, elles concernent plus particulièrement les collectivités territoriales de petite taille dont les ressources administratives sont limitées.
La troisième partie du rapport expose les facteurs qui expliquent les difficultés d'utilisation des fonds structurels en France. Ils sont de quatre ordres.
Premièrement, le transfert aux régions de la gestion des fonds européens, qu'elles réclamaient de longue date, n'a pas été anticipé et ne s'est pas déroulé dans des conditions sereines : adoption tardive des règlements européens, contexte de la fusion des régions, transfert concomitant au début de la nouvelle programmation, moyens limités des régions pour y faire face, défaillances des systèmes d'information, etc.
Deuxièmement, les compétences sont imparfaitement délimitées. D'une part, le transfert de la gestion par l'État n'est pas toujours allé à son terme, en particulier pour le FEADER. D'autre part, les régions n'ont pas toujours une doctrine stabilisée sur les critères et la réglementation à appliquer au financement de projets infrarégionaux.
Troisièmement, la gestion des fonds européens souffre d'une réelle complexité administrative, accentuée par une accumulation de normes à chaque niveau décisionnel, y compris régional. L'ensemble de la réglementation applicable représenterait quelque 4 300 pages !
Quatrièmement, le contrôle des fonds européens devient de plus en plus lourd et tatillon.
Enfin, la quatrième partie du rapport est consacrée à l'avenir, une fois la programmation actuelle achevée.
Le rapport dresse un état des lieux des négociations en cours sur la prochaine programmation 2021-2027, avec les points d'attention de la France tels que la prise en compte progressive du socle européen des droits sociaux, le maintien et l'élargissement de la catégorie des régions en transition et davantage de souplesse entre les différents objectifs thématiques. La Commission européenne propose des mesures de simplification bienvenues.
Le second point de la dernière partie du rapport porte sur les treize propositions qui résultent de nos travaux, classées en trois axes.
En premier lieu, la décentralisation des fonds européens doit être confirmée, en clarifiant les compétences respectives de l'État et des régions. À ce titre, je formule trois propositions. S'agissant de la proposition n° 2 relative au FEADER, je propose de confier aux régions l'instruction et le suivi de l'intégralité des mesures dites non surfaciques, dans le cadre de la prochaine programmation. En effet, si les régions sont, depuis 2014, les autorités de gestion du FEADER, nous savons tous que cette compétence est plus théorique que réelle, « en trompe-l'oeil », selon l'expression de la Cour des comptes. Confier aux régions les mesures non surfaciques constituerait en réalité une avancée. Toutefois, ne limitons pas les compétences régionales à ces seules mesures ; étendre les compétences régionales aux mesures surfaciques permettrait aussi d'assurer la cohérence des politiques agricoles et des politiques de développement durable.
En deuxième lieu, la gouvernance des programmes opérationnels doit reposer sur une plus grande participation de tous les niveaux de collectivités pour tenir compte des spécificités des territoires. En la matière, cinq propositions tendent à renforcer l'approche partenariale entre l'État et les différents niveaux de collectivités territoriales, et pas seulement les régions ; sur la nécessité de réduire le nombre de programmes opérationnels, trop nombreux en France ; sur l'amélioration de l'ingénierie des fonds européens au niveau local et de la mutualisation de l'expertise entre différentes collectivités, l'intercommunalité devenant un guichet de soutien pour les porteurs de projets ; sur le renforcement des moyens de la future Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) afin de soutenir et accompagner les collectivités territoriales.
En troisième et dernier lieu, il faut rapprocher l'Europe du citoyen en simplifiant et en valorisant la politique de cohésion de l'Union européenne. Il me semble qu'il est possible d'alléger certains contrôles afin de réduire les délais de paiement. Il est également indispensable de moderniser le fonctionnement des systèmes d'information pour qu'ils soient opérationnels dès le début de la prochaine programmation et qu'ils permettent une dématérialisation totale de la demande de financement. Nous aurions aussi intérêt à mieux communiquer sur les cofinancements assurés par les FESI de manière à mettre en évidence cette valeur ajoutée européenne dans nos territoires. Enfin, l'analyse de la performance des fonds européens devrait permettre d'évaluer leur contribution au développement économique et social des territoires et à la réduction des inégalités infrarégionales.