Notre mission d'information a été constituée à l'initiative du groupe Les Indépendants - République et territoires, en application de l'article 6 bis du Règlement du Sénat relatif à la procédure du droit de tirage. La Conférence des présidents a pris acte de cette demande le 14 mai dernier. Les membres de la mission d'information ont été désignés au cours de la séance publique du 22 mai, notre réunion constitutive s'est tenue le 28 mai et nos travaux ont débuté le 11 juin.
Notre rythme de travail a été intense puisqu'en moins de trois mois nous avons procédé à vingt auditions, qui nous ont permis d'entendre trente-sept personnalités, dont Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Notre mission d'information a par ailleurs effectué trois déplacements : à Bordeaux, siège de la région Nouvelle-Aquitaine, à Melun, où nous avons rencontré des responsables de la communauté d'agglomération de Melun-Val-de-Seine, et à Bruxelles. Je tiens à remercier les nombreuses personnes que nous avons rencontrées au cours de ces déplacements et les différents services qui ont facilité le bon déroulement de nos travaux.
Comme ma lettre du 12 septembre dernier vous y invitait, vous avez pu consulter le projet de rapport, mis à votre disposition depuis jeudi dernier. Plusieurs d'entre vous ont usé de cette faculté. Je vous rappelle que les groupes politiques et les commissaires ont la possibilité d'établir des contributions écrites qui seront annexées au rapport. Permettez-moi également de vous rappeler la confidentialité qui entoure nos travaux d'aujourd'hui, dans l'attente de la conférence de presse programmée la semaine prochaine.
La présidente donne lecture des pouvoirs accordés par certains membres de la mission.
La première partie du rapport est consacrée à la présentation de la politique de cohésion et des fonds européens.
La politique de cohésion s'est progressivement mise en place et ses moyens, avec 454 milliards d'euros sur la période 2014-2020, se sont considérablement accrus au fil des programmations successives. Ils représentent aujourd'hui un tiers du budget de l'Union européenne. Les caractéristiques de la programmation en cours sont les suivantes : fixation de deux objectifs - investissement pour la croissance et l'emploi et coopération territoriale européenne - ; répartition des régions en trois catégories - moins développées, en transition, plus développées - ; renforcement de l'articulation entre les fonds européens structurels et d'investissement (FESI), la politique agricole commune (PAC) et la politique maritime commune ; importance de l'accord de partenariat conclu entre la Commission européenne et les États membres ; existence de onze objectifs thématiques.
Le montant des fonds structurels alloués à la France s'établit à 27,8 milliards d'euros sur la période 2014-2020, dont 4,8 milliards pour les outre-mer. Notre pays bénéficie des FESI via quatre fonds : le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE), le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), qui est le second pilier de la PAC, et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) ; en revanche, la France n'est pas éligible au Fonds de cohésion. Ce budget permet de cofinancer de nombreux projets qui n'auraient probablement pas vu le jour sans les fonds européens. Pour autant, la France est largement contributrice nette à la politique de cohésion et son taux de retour, qui s'établit à 17 %, a tendance à se dégrader.
Depuis 2014, à leur demande, la gestion des fonds structurels a été transférée aux régions. Néanmoins, ce transfert n'est que partiel, pour le FSE par exemple, ou en trompe-l'oeil, pour le FEADER, puisque l'État demeure largement décisionnaire. Par ailleurs, le système de gestion des programmes opérationnels est complexe et foisonnant : la France, avec 83 programmes opérationnels, figure parmi les États membres qui en comptent le plus.
Enfin, le rapport présente le dispositif de contrôle des fonds européens en France, qui se révèle particulièrement complexe.
La deuxième partie du rapport analyse en détail l'utilisation des fonds européens dans notre pays au regard de l'intitulé de notre mission d'information : la France sous-utilise-t-elle vraiment les fonds européens dont elle dispose ?
Il ressort de nos travaux que ce diagnostic doit être nuancé. Nous l'avons souvent entendu, au cours de nos auditions comme lors de nos déplacements : le ressenti des territoires est indéniablement négatif. Pour autant, les chiffres démontrent une utilisation française des fonds structurels dans la moyenne européenne : à ce stade de la programmation, le taux d'utilisation global se situe à 61 %. La trajectoire non linéaire de l'utilisation des fonds et la possibilité de les consommer jusqu'à la fin de l'année 2023 sont plutôt des signes encourageants pour la consommation du solde. Je rappelle d'ailleurs que le taux de consommation de ces fonds au titre de la programmation précédente s'était établi à 99 % pour la France.
Certes, la France connaît des difficultés à consommer ses fonds européens, mais celles-ci sont, pour l'essentiel, circonscrites au FEADER - et plus spécifiquement au programme LEADER - et au FEAMP ; de même, elles concernent plus particulièrement les collectivités territoriales de petite taille dont les ressources administratives sont limitées.
La troisième partie du rapport expose les facteurs qui expliquent les difficultés d'utilisation des fonds structurels en France. Ils sont de quatre ordres.
Premièrement, le transfert aux régions de la gestion des fonds européens, qu'elles réclamaient de longue date, n'a pas été anticipé et ne s'est pas déroulé dans des conditions sereines : adoption tardive des règlements européens, contexte de la fusion des régions, transfert concomitant au début de la nouvelle programmation, moyens limités des régions pour y faire face, défaillances des systèmes d'information, etc.
Deuxièmement, les compétences sont imparfaitement délimitées. D'une part, le transfert de la gestion par l'État n'est pas toujours allé à son terme, en particulier pour le FEADER. D'autre part, les régions n'ont pas toujours une doctrine stabilisée sur les critères et la réglementation à appliquer au financement de projets infrarégionaux.
Troisièmement, la gestion des fonds européens souffre d'une réelle complexité administrative, accentuée par une accumulation de normes à chaque niveau décisionnel, y compris régional. L'ensemble de la réglementation applicable représenterait quelque 4 300 pages !
Quatrièmement, le contrôle des fonds européens devient de plus en plus lourd et tatillon.
Enfin, la quatrième partie du rapport est consacrée à l'avenir, une fois la programmation actuelle achevée.
Le rapport dresse un état des lieux des négociations en cours sur la prochaine programmation 2021-2027, avec les points d'attention de la France tels que la prise en compte progressive du socle européen des droits sociaux, le maintien et l'élargissement de la catégorie des régions en transition et davantage de souplesse entre les différents objectifs thématiques. La Commission européenne propose des mesures de simplification bienvenues.
Le second point de la dernière partie du rapport porte sur les treize propositions qui résultent de nos travaux, classées en trois axes.
En premier lieu, la décentralisation des fonds européens doit être confirmée, en clarifiant les compétences respectives de l'État et des régions. À ce titre, je formule trois propositions. S'agissant de la proposition n° 2 relative au FEADER, je propose de confier aux régions l'instruction et le suivi de l'intégralité des mesures dites non surfaciques, dans le cadre de la prochaine programmation. En effet, si les régions sont, depuis 2014, les autorités de gestion du FEADER, nous savons tous que cette compétence est plus théorique que réelle, « en trompe-l'oeil », selon l'expression de la Cour des comptes. Confier aux régions les mesures non surfaciques constituerait en réalité une avancée. Toutefois, ne limitons pas les compétences régionales à ces seules mesures ; étendre les compétences régionales aux mesures surfaciques permettrait aussi d'assurer la cohérence des politiques agricoles et des politiques de développement durable.
En deuxième lieu, la gouvernance des programmes opérationnels doit reposer sur une plus grande participation de tous les niveaux de collectivités pour tenir compte des spécificités des territoires. En la matière, cinq propositions tendent à renforcer l'approche partenariale entre l'État et les différents niveaux de collectivités territoriales, et pas seulement les régions ; sur la nécessité de réduire le nombre de programmes opérationnels, trop nombreux en France ; sur l'amélioration de l'ingénierie des fonds européens au niveau local et de la mutualisation de l'expertise entre différentes collectivités, l'intercommunalité devenant un guichet de soutien pour les porteurs de projets ; sur le renforcement des moyens de la future Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) afin de soutenir et accompagner les collectivités territoriales.
En troisième et dernier lieu, il faut rapprocher l'Europe du citoyen en simplifiant et en valorisant la politique de cohésion de l'Union européenne. Il me semble qu'il est possible d'alléger certains contrôles afin de réduire les délais de paiement. Il est également indispensable de moderniser le fonctionnement des systèmes d'information pour qu'ils soient opérationnels dès le début de la prochaine programmation et qu'ils permettent une dématérialisation totale de la demande de financement. Nous aurions aussi intérêt à mieux communiquer sur les cofinancements assurés par les FESI de manière à mettre en évidence cette valeur ajoutée européenne dans nos territoires. Enfin, l'analyse de la performance des fonds européens devrait permettre d'évaluer leur contribution au développement économique et social des territoires et à la réduction des inégalités infrarégionales.
Je tiens à féliciter la présidente et la rapporteure du travail accompli. Je déplore le ton général du rapport qui semble se satisfaire d'une position tout juste moyenne de la France. Nous devons avoir une ambition plus offensive pour améliorer la situation. Ne pourrait-on pas aller plus loin dans nos propositions et préconiser la systématisation de l'avance de trésorerie, alors que seules deux régions la pratiquent aujourd'hui ? Le rapport mériterait d'être plus précis et plus concret sur les pistes de simplification. Je soutiens la proposition n° 7 relative aux intercommunalités ; c'est à cette échelle que la communication sur les programmes européens et la formation des acteurs seraient les plus efficaces.
Je tiens à remercier la présidente et la rapporteure pour l'initiative de cette mission et le travail accompli. Je suis très soucieux de l'évolution annoncée du FEADER, dont les crédits pourraient baisser de près de 30 % dans la prochaine programmation. Le monde rural risque d'être très pénalisé.
Le territoire de l'ancienne région Auvergne bénéficiait d'un taux de cofinancement de 60 %. Or, après la fusion avec Rhône-Alpes, plus riche, ce taux risque de tomber à 40 %. Sera-t-il possible de conserver des taux de cofinancement différenciés au sein des régions fusionnées ?
Les fonds européens sont difficiles à consommer et sont souvent captés par les grosses collectivités ou les grandes entreprises qui disposent de l'ingénierie nécessaire. À l'inverse, les petites collectivités, les commerçants, les artisans sont souvent évincés, faute d'ingénierie. Or, on a besoin de cette ingénierie de proximité et il faut donner les moyens ad hoc aux petites intercommunalités, rurales notamment.
Permettez-moi de féliciter la rapporteure pour la qualité de ce projet de rapport. Le rapport a le mérite de revenir sur l'idée reçue d'une très forte sous-consommation française des fonds européens. Je partage les inquiétudes exprimées par mes collègues sur la situation des petites collectivités locales qui manquent des compétences nécessaires pour le montage des projets. Je déplore que le transfert de compétences entre l'État et les régions n'ait été qu'un trompe-l'oeil : il est temps que l'État mette de l'ordre dans ses services. Enfin, les contrôles doivent être allégés et rendus plus efficaces.
À mon tour, je souhaite saluer le travail accompli en un temps réduit. Je partage l'idée qu'il faut renforcer l'information et l'accompagnement, car une large partie des bénéficiaires potentiels des fonds européens a le sentiment de ne pas avoir accès à ces fonds ou de devoir y renoncer au vu des difficultés d'accès. Sur les avances de trésorerie, je m'interroge : les régions ont certes la capacité financière de les accorder, mais il s'agit d'une faculté. S'agissant de la proposition n° 7, n'écartons pas le département qui, dans certains territoires, peut être un échelon pertinent. Enfin, d'une manière générale, je m'interroge sur toutes nos propositions qui aboutiraient à restreindre la libre administration des collectivités territoriales. Le Sénat doit rester cohérent. Certaines collectivités - c'est le cas de la région Auvergne-Rhône-Alpes - font le choix de ne pas mettre de moyens humains sur l'ingénierie.
Je tiens à remercier et à féliciter notre présidente et notre rapporteure. Il existe un décalage fort entre la perception des acteurs de terrain et le contenu de notre rapport. Attention à ne pas nier les difficultés rencontrées sur le terrain, qu'elles soient liées à l'Europe ou non ! La région Grand-Est est dotée de trois programmes opérationnels et lorsque les actions ne sont pas éligibles au programme, la région s'implique sur ses fonds propres. S'agissant de la proposition n° 8 qui prévoit de doter l'ANCT de moyens humains supplémentaires, n'oublions pas de réorganiser aussi, en conséquence, ce qui existe sur le terrain. En lien avec la proposition n° 10, je suggère d'améliorer la lisibilité des documents. Nous serons plus efficaces avec des dossiers simples.
Je remercie ceux qui ont travaillé sur ce projet de rapport, et en premier lieu la rapporteure. Ce rapport aura une vertu pédagogique indéniable : il permettra d'améliorer la connaissance des mécanismes européens. Je partage l'inquiétude de mes collègues sur la baisse annoncée des crédits du FEADER. Je m'interroge sur la compatibilité des propositions n° 1 et n° 8 car les préfets seront les représentants de l'ANCT sur les territoires, avec un risque de concurrence entre la région et la préfecture. Je partage les remarques de mes collègues qui tendent à réintroduire le département dans son rôle d'ingénierie de projet, tout particulièrement en ce qui concerne le FSE qui relève de ses compétences sociales.
S'agissant de la proposition n° 10, je souhaiterais que le rapport aille plus loin et soit plus concret. Dans la perspective du projet de loi « 3D » que l'on nous annonce sur la décentralisation, la déconcentration et la diversification, il me semblerait intéressant de sortir de notre organisation actuelle en silos pour aller vers plus de diversification dans la gestion des fonds européens.
Je tiens, moi aussi, à remercier notre présidente et notre rapporteure. Nous manquons de percussion sur nos propositions ! Soyons provocateurs et novateurs !
Je propose qu'un médiateur, ou un haut-commissaire, soit nommé pour établir, dans un délai d'un an, une liste précise de mesures de simplification d'usage des fonds européens. Nous devons aussi prêter une plus grande attention aux quartiers et aux territoires les moins favorisés.
Merci à la présidente et à la rapporteure qui ont fourni un travail extraordinaire en si peu de temps. Quelle est la signification exacte du taux de retour de 17 % que vous avez évoqué ? Je forme le voeu que ce rapport ait des suites, notamment dans le cadre des prochains programmes opérationnels. Je m'interroge sur la disproportion entre le contrôle des fonds européens et celui de nos subventions publiques classiques, régionales ou départementales par exemple. La lourdeur du contrôle des fonds européens est telle qu'elle décourage les porteurs de projets : c'est dommage !
Je voudrais féliciter notre présidente et notre rapporteure pour ce projet de rapport. Je partage nombre des remarques de mes collègues, en particulier celles qui sont relatives à l'ingénierie sur les petits territoires ruraux, pour lesquels le siège de la région est parfois bien éloigné ! L'idée d'une avance de trésorerie me semble essentielle car les porteurs de projets attendent parfois jusqu'à quatre ans pour toucher leur aide. J'ai déposé une proposition de modification pour que soient publiées en open data les données relatives aux fonds européens. Enfin, je suis favorable aux mesures de simplification pour éviter d'inutiles pertes de temps pour les porteurs de projets.
Merci pour la qualité et la pertinence de ce travail. Ayons le courage de dire les choses ! Nos homologues européens ne rencontrent pas les mêmes difficultés dans l'accès aux fonds européens : il y a une regrettable particularité française en la matière. Simplifions avant de développer l'ingénierie. Et revenons à plus de proximité. Nous n'avons pas tranché dans notre organisation : il existe encore deux chefs, l'État et la région ; pour le citoyen, c'est illisible. Comme mes collègues, je déplore les sur-contrôles conduits par notre administration « franco-française ».
Nos propositions de simplification sont très nombreuses et documentées dans notre rapport. Je m'aperçois cependant que le mot « simplification » n'apparaît pas explicitement dans le texte de nos propositions. Je vous proposerai de l'y introduire pour que notre volonté simplificatrice soit manifeste. Nous avons aussi choisi de formuler des propositions réalistes, ce qui peut décevoir certains d'entre vous, je l'entends.
S'agissant de la baisse annoncée des crédits du FEADER, permettez-moi de vous rappeler que, à l'initiative de notre collègue André Reichardt, le Sénat avait adopté une résolution européenne sur la politique régionale en juillet 2018.
Par ailleurs, à la demande de la France, la catégorie des régions intermédiaires a été maintenue afin de ne pas pénaliser les territoires les moins riches.
Pourra-t-on maintenir des taux de cofinancement différenciés afin de tenir compte de la situation d'avant la fusion des régions ?
Je vais le vérifier, mais je crains que nous n'ajoutions de la complexité...
Il me semble que les régions ont déjà la capacité de fixer des taux différenciés. Certaines régions comptent plusieurs programmes opérationnels sur leur territoire lorsque ceux-ci préexistaient.
La région peut identifier, via ses pactes territoriaux, des territoires sur lesquels elle déploiera des programmes ou des modulations spécifiques. Cela devrait permettre de corriger l'existence d'un programme opérationnel unique, comme c'est le cas dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Cela me semble une bonne idée, que nous allons intégrer dans le rapport.
Notre proposition n° 9 devrait permettre de limiter les contrôles en les modulant en fonction de l'historique des fraudes ou du montant de l'aide. Il me paraît en outre de bonne politique de ne plus demander plusieurs fois les mêmes documents aux porteurs de projets et que les autorités européennes puissent s'appuyer sur les contrôles qui auraient déjà été conduits par les autorités nationales. Notre proposition n° 2 devrait permettre de confier aux régions la gestion des mesures non surfaciques, voire, dans un deuxième temps, les mesures surfaciques également.
Comme Cécile Cukierman, je crains qu'une proposition relative aux avances de trésorerie ne soit contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales. Sur la proposition n° 7, je suis favorable à ce que le département soit ajouté comme elle le suggère.
Oui, car nos petites intercommunalités de montagne n'ont pas d'ingénierie !
Un calendrier des négociations en cours figure dans le rapport et la notion de taux de retour y est également définie.
Nous examinons la proposition de modification n° 1 présentée par M. Pierre Louault.
Je comprends l'objectif poursuivi avec cette proposition. Elle appelle néanmoins, de ma part, plusieurs observations : les règles dont il s'agit sont fixées au niveau européen ; par conséquent, leur contenu dépend des négociations entre les États membres en cours à Bruxelles ; certains des critères mentionnés sont déjà pris en compte par la programmation actuelle, par exemple au niveau du FSE pour la politique de la ville ; enfin, les positions françaises défendues dans les négociations sur le cadre financier pluriannuel prennent déjà en compte cet objectif - je vous rappelle les propos de la ministre au cours de son audition sur le critère territorial. Au total, je considère que cette proposition de modification est déjà satisfaite et j'en demande le retrait ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable à son adoption.
La réalité, c'est qu'il y a de moins en moins de fonds européens pour les territoires les moins favorisés !
L'ensemble de nos propositions devrait contribuer à améliorer la capacité de ces territoires à accéder aux fonds européens.
Un rapport de l'Assemblée nationale démontre que les taux sont trois fois moins élevés sur les territoires les moins favorisés. Les métropoles sont clairement favorisées par les règles européennes alors qu'il faudrait, au contraire, que les règles soient plus généreuses pour les zones défavorisées.
N'oublions pas qu'il peut y avoir des quartiers défavorisés au sein des métropoles. J'ajoute que les chiffres du rapport de l'Assemblée nationale que vous citez font apparaître que 50 % des projets ne sont pas classés selon le critère territorial.
Je propose que nous modifiions le contenu du rapport ainsi que le texte de notre proposition n° 5 afin d'affirmer clairement notre souci des zones les plus défavorisées.
Nous examinons la proposition de modification n° 2 présentée par M. Pierre Louault.
Il s'agirait de confier aux régions le paiement des mesures non surfaciques du FEADER. Les régions sont responsables de l'instruction et du contrôle administratif de la demande d'aide et de paiement.
La question soulevée par cette proposition de modification est complexe. Actuellement, l'Agence de services et de paiement (ASP) assure le paiement des mesures surfaciques du second pilier de la PAC. Elle est aussi l'organisme payeur des mesures non surfaciques pour le compte des autorités de gestion que sont les régions, comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport.
Cette proposition de modification soulève des difficultés. Le paiement est déjà assuré pour le compte des régions. Mais surtout, cela multiplierait le nombre d'organismes payeurs pour les exploitants, alors que leur prolifération est déjà une critique récurrente. Lors de l'audition de la Cour de comptes, il nous a été conseillé d'altérer le moins possible le fonctionnement de l'architecture de la gestion institutionnelle : toute modification a un coût important et mobilise des énergies, avec des conséquences sur les délais et retards de paiement. Ensuite, je rappelle que l'ASP verse déjà les aides du 1er pilier de la PAC. Il semble donc y avoir une certaine logique à optimiser cette fonction de paiement. Enfin, les régions seraient-elles demandeuses de cette compétence nouvelle, source de dépenses de fonctionnement supplémentaires ?
Je propose le retrait de cette proposition de modification ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable à son adoption.
Nous sommes sur un terrain sensible. Notre proposition vise à octroyer les mesures non surfaciques aux régions, en lien avec leurs compétences en matière d'aménagement du territoire et de développement rural.
On constate de graves dysfonctionnements dans le système de paiement de l'ASP, mais aussi dans les pratiques des services.
La proposition de modification n° 2 est retirée.
Nous examinons la proposition de modification n° 3 présentée par M. Pierre Louault.
Cette proposition de modification vise à contenir la période de négociation et de concertation ainsi que le règlement des fonds avant le 31 décembre 2020. Sa portée opérationnelle me paraît faible.
Le prochain cadre financier pluriannuel, qui couvrira les années 2021 à 2027, débutera le 1er janvier 2021. Bien sûr, les négociations à Bruxelles sont assez lentes et le calendrier est serré - le rapport souligne ce point. Par ailleurs, la résolution européenne que le Sénat avait adoptée le 2 juillet 2018 sur la politique de cohésion affirmait également la nécessité d'accélérer les négociations.
Il me semble que la portée de cette proposition de modification est davantage interne. Si c'est le cas, son caractère opérationnel ne me paraît pas évident non plus. Certes, pour l'actuelle programmation, les décrets ont parfois été publiés avec beaucoup de retard, comme ce fut le cas pour le FEAMP. Mais qui fixera le « délai ferme » que vous évoquez ?
Les règles du jeu sont connues beaucoup trop tard, avec un décalage d'un an et demi, voire deux ans. On se satisfait de notre éternelle médiocrité française en attendant que tout descende de l'Europe : cela suffit !
Par ailleurs, les retards sont dus à divers phénomènes qui vont de l'adoption tardive des règlements européens à l'exercice de nouvelles compétences par les régions. Si les prochains règlements européens sont également adoptés avec retard, il est probable que la nouvelle programmation soit aussi retardée, mais notre proposition ne sera pas réaliste. Sur le plan interne, on peut raisonnablement penser que les régions auront tiré les leçons de leur période d'apprentissage, d'autant que certaines règles auront été simplifiées.
En outre, j'indique dans le rapport que l'État et les régions se mobilisent pour un démarrage plus rapide. Un comité de partenariat État-régions s'est d'ailleurs tenu en juillet dernier ; un autre doit se réunir à l'automne. Les autorités françaises sont tout à fait conscientes de cet impératif d'anticipation, et je suis optimiste quant à une prochaine amélioration. Je demande donc le retrait de cette proposition de modification ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable à son adoption.
Toutes les programmations ont accusé des retards. Les administrations en profitent pour refaire de la trésorerie et ne sont pas très motivées pour accélérer les processus.
La contractualisation entre l'État et les régions intervient désormais en amont de la négociation européenne afin que les besoins des territoires soient pris en compte dans la programmation européenne.
J'accepte de retirer ma proposition de modification, à condition toutefois que nous soyons très fermes sur l'impérieuse nécessité de simplifier les procédures.
Nous examinons une proposition de modification présentée par notre rapporteure.
Je vous propose de formuler ainsi notre proposition n° 7 : « Afin de développer une réelle ingénierie des fonds européens au niveau local, encourager la formation et la mutualisation de l'expertise entre différentes collectivités, et faire de l'intercommunalité ou du département un véritable guichet de soutien pour les porteurs de projets. »
La rédaction de la proposition n° 7 issue des travaux de la mission d'information est adoptée.
Nous examinons la proposition de modification n° 4 présentée par M. Jean-Yves Roux.
L'objectif poursuivi est clair et légitime : il s'agit de soutenir les porteurs de projets, en particulier les plus fragiles, en améliorant la lisibilité du circuit de cofinancement par les fonds européens, grâce à un interlocuteur institutionnel unique.
Je suis néanmoins dubitative sur la nécessité de faire de cet objectif louable une proposition supplémentaire de notre rapport. En effet, il me semble que les autorités de gestion ont déjà mis en place cette pratique.
Les porteurs de projets que nous avons rencontrés sur le terrain ont salué l'appui et l'accompagnement des collectivités territoriales. J'ajoute que, si un tel interlocuteur unique n'existe pas, c'est sans doute faute de ressources humaines suffisantes de la part des collectivités.
Il me semble plutôt que nos déplacements et auditions ont mis en évidence le fort turn over des agents chargés du suivi de l'instruction des dossiers, ce qui est facteur de confusion pour les porteurs de projets. Ce problème va de pair avec la nécessité de développer une réelle ingénierie au niveau local.
Par conséquent, il me semble que cette proposition de modification pourrait être intégrée dans la proposition n° 7 en ajoutant le membre de phrase suivant : « et inciter les autorités de gestion à désigner une personne référente unique pour le suivi de l'instruction des dossiers. »
J'accepte cette proposition de la rapporteure, même si je pense que le problème restera inchangé. Je retire donc ma proposition de modification.
Ces services connaissent en effet un très fort turn over. Cela rend les choses d'autant plus compliquées pour les porteurs de projets, en dépit de la bonne volonté des agents.
La culture du projet européen commence néanmoins à se développer au sein des collectivités territoriales.
Nous examinons la proposition de modification n° 5 présentée par M. Jean-Yves Roux.
Ici aussi, je comprends l'objectif de cette proposition de modification relative aux avances de trésorerie. Il est vrai que beaucoup de nos interlocuteurs ont fait état de difficultés de trésorerie pour les porteurs de projets en raison des délais parfois très longs pour obtenir les financements européens.
Néanmoins, cette proposition me semble soulever au moins deux difficultés, sur la forme et sur le fond. Sur la forme, la rédaction me paraît à la fois insuffisamment précise et excessivement impérative. Toutes les autorités de gestion ne pratiquent pas l'avance de trésorerie aux porteurs de projets. Certes, les régions Nouvelle-Aquitaine et Île-de-France y recourent, mais elles sont prospères. Certaines n'en ont pas les moyens et d'autres, pour des raisons qui leur appartiennent, ne le souhaitent pas. Avec cette proposition, nous obligerions les autorités de gestion à accroître leur avance de trésorerie, au mépris de la libre administration locale. Sur le fond, je pense que nous devons prendre garde à l'interprétation du message que nous porterons. Il faut, selon moi, éviter que l'on dise que le Sénat veut contraindre les collectivités territoriales à financer des dépenses qui devraient l'être par l'Union européenne. Sans compter que les régions assurent déjà le préjudice financier des éventuelles corrections financières appliquées par l'Union européenne.
Je demande donc le retrait de cette proposition de modification ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable à son adoption.
Cela me semble relever du règlement financier des collectivités territoriales.
La proposition de modification n° 5 est retirée.
Nous examinons la proposition de modification n° 6 présentée par M. Jean-Yves Roux.
Je suis d'accord avec le principe de cette proposition de modification. Tant les élus locaux que les porteurs de projets ont besoin d'informations fiables et pouvant faire l'objet de recoupements. Une meilleure connaissance de l'utilisation des fonds européens ne peut que contribuer à leur meilleure utilisation.
Je note d'ailleurs qu'il existe plusieurs sites Internet sur l'utilisation des fonds européens en France. La Commission européenne publie également des statistiques en fonction de critères territoriaux.
Compte tenu de ma proposition n° 8 relative à l'ANCT, il me semble que nous pourrions la compléter par une phrase ainsi rédigée : « L'Agence établira notamment une base de données précise comportant des informations accessibles en open data relatives au suivi des projets cofinancés par les fonds européens. »
La mission d'information adopte, à l'unanimité, le rapport dans la rédaction issue de ses travaux et en autorise la publication.
La réunion est close à 16 h 10.