Intervention de Nicole Bonnefoy

Réunion du 15 janvier 2020 à 15h00
Réforme du régime des catastrophes naturelles — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, du fait de sa situation géographique, notre pays est exposé à une grande diversité de risques naturels d’origine climatique.

Ainsi, un Français sur quatre est exposé à un risque d’inondation, presque toutes les communes de France ont été frappées par une catastrophe naturelle depuis 1982, la sécheresse et ses dommages diffus sur les constructions concernent la quasi-totalité du territoire national et une grande partie du littoral est menacée par des risques de submersion marine et par l’érosion croissante du trait de côte. Les tempêtes, les orages de grêle, les inondations qui ont eu lieu récemment ont encore illustré de manière tragique la vulnérabilité de notre territoire.

Cette exposition aux catastrophes naturelles va s’amplifier dans les prochaines années à cause du dérèglement climatique. Ainsi, les pluies extrêmes augmenteront dans toutes les régions et les vagues de chaleur deviendront plus nombreuses et plus fortes, engendrant tous les deux ou trois ans des sécheresses comparables à celle de 2003.

Face à cette situation, le groupe socialiste et républicain, auquel j’appartiens, a demandé, en janvier 2019, la création d’une mission d’information.

Après six mois de travaux et une trentaine d’auditions, deux déplacements et quelque 600 contributions écrites via la mise en place d’une consultation en ligne, la mission d’information dont j’étais la rapporteure, présidée par notre collègue Michel Vaspart, rendait, le 3 juillet dernier, un rapport intitulé Catastrophes climatiques : mieux prévenir, mieux reconstruire, rapport – je tiens à le rappeler – voté à l’unanimité avant de faire l’objet d’un débat dans cet hémicycle le 29 octobre 2019.

Face au constat de l’accroissement prévisible du nombre de sinistrés, notre mission a examiné l’efficacité du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, dit régime « CatNat ». Malgré des fondamentaux pertinents, force est de constater que le système actuel reste incompréhensible et injuste pour de nombreux sinistrés.

Les remontées d’informations émanant du terrain dont nous avons été destinataires dressent un bilan sans appel de ce système : opacité de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, inintelligibilité des critères utilisés, manque d’explications sur les motifs des décisions prises, délais d’instruction extrêmement longs, etc.

Les griefs retenus par les sinistrés à l’encontre du régime d’indemnisation sont légion et conduisent souvent à une remise en cause de la légitimité des décisions de non-reconnaissance. Il est inacceptable que nos concitoyens, après avoir tout perdu lors d’une catastrophe, n’aient d’autre choix que de s’engager, pendant plusieurs années, dans un véritable « parcours du combattant » pour tenter, souvent en vain, d’obtenir une aide des pouvoirs publics ou des assureurs.

Notre mission a également pu constater que tous les sinistrés n’étaient pas sur un pied d’égalité face à ces sinistres, dans la mesure où il existe des difficultés supplémentaires s’agissant des dommages liés à la sécheresse. En effet, les particularités du phénomène de retrait-gonflement des argiles, et notamment le décalage entre la sécheresse et l’apparition des fissures, rendent son indemnisation plus complexe. À cela s’ajoute le fait que les critères retenus pour apprécier l’intensité de ces épisodes ne rendent pas compte de la réalité du terrain et n’intègrent pas la fréquence croissante de cet aléa. Ces mêmes critères sont également à l’origine d’inégalités de traitement difficilement justifiables entre des territoires voisins, qui engendrent un vif sentiment d’injustice parmi les sinistrés.

J’ajouterai que les techniques de réparation proposées par les experts d’assurance ne sont pas toutes efficaces ; certaines aggravent même la vulnérabilité future des habitations !

Dans ce contexte, et pour concrétiser certaines recommandations de notre mission d’information, j’ai déposé la proposition de loi que nous allons examiner aujourd’hui. Nous appelons à une modernisation durable du système d’indemnisation des dommages résultant de catastrophes naturelles.

Il s’agit de renforcer les droits des assurés et de revaloriser le montant des indemnisations dont ils bénéficient. En effet, seul un arsenal juridique adapté nous permettra de préserver notre modèle unique de solidarité dans ce domaine.

D’autres évolutions, qui ne relèvent pas nécessairement de la loi, seront indispensables pour garantir la pérennité et l’efficacité de ce modèle, dans un souci d’équité et de transparence.

Je pense notamment à la méthodologie retenue pour qualifier un phénomène de catastrophe naturelle, aux dispositifs de franchise qui pénalisent excessivement certains sinistrés, ou encore aux relations entre les assurés et les assureurs, qu’il convient de clarifier.

Un effort global de pédagogie à l’égard des sinistrés est également nécessaire, l’information concernant les critères et les seuils d’intervention du régime devant être rendue claire et intelligible.

Cette proposition de loi, au-delà d’une meilleure indemnisation des sinistrés, prévoit également de renforcer le pouvoir des maires, qui sont en première ligne lorsque survient une catastrophe naturelle. Ils se trouvent souvent isolés, parfois même désemparés, quand ils doivent faire reconnaître l’état de catastrophe naturelle de leur commune, ou quand leur revient le devoir d’expliquer la situation à leurs administrés et de se faire le relais de décisions ministérielles parfois difficiles à comprendre et à entendre.

Nous proposons donc de réformer la composition de la commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ; d’allonger la durée pendant laquelle une demande de reconnaissance peut être formulée ; de permettre aux maires de soumettre une deuxième demande de reconnaissance dès lors qu’ils produisent des données complémentaires ; de créer une cellule départementale de soutien aux maires.

J’évoquerai à présent l’article 1er de cette proposition de loi, dont l’objet est la nécessaire réforme du fonctionnement du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier.

L’un des constats essentiels de notre mission d’information est que ce fonds manque aujourd’hui de marges financières, du fait du plafonnement de ses ressources par l’État. Il manque également de souplesse, du fait de l’existence de dispositifs de sous-plafonnement. Il se trouve en outre qu’il est victime de ponctions régulières sur sa trésorerie, chaque année, par l’État.

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