Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 10 février 2011 à 9h30
Immigration intégration et nationalité — Article 49

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Par cet amendement, nous demandons la suppression de la possibilité instituée par l’article 49 de refuser l’accès au territoire à une personne qui a précédemment fait l’objet d’une mesure d’éloignement, alors qu’elle vivait régulièrement sur le territoire et y exerçait un emploi sans autorisation, y compris lorsqu’il s’agit d’un ressortissant communautaire. On imagine bien quel est l’objectif du Gouvernement.

Ce refus pourra être motivé par la menace pour l’ordre public, dont l’appréciation est laissée au juge national dans les limites du droit communautaire. Or l’article 28 de la directive relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres énonce très clairement les catégories protégées contre la notification d’une mesure d’éloignement motivée par la menace de trouble à l’ordre public : l’administration doit prendre en compte les éléments personnels de l’intéressé comme la durée du séjour, l’âge, l’état de santé, la situation familiale et économique, l’intégration sociale et culturelle dans l’État membre d’accueil et l’intensité de ses liens avec le pays d’origine.

De plus, l’article 27 de la même directive dispose que « les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné », ajoutant que « l’existence de condamnations pénales antérieures ne peut, à elle seule, motiver de telles mesures. Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. »

À l’évidence, les garanties posées par le droit communautaire sont absentes de cet article, puisque le refus d’accès au territoire français pourra être fondé sur les motifs prévus aux alinéas 7 et suivants, qui ne sont ni légitimes ni conformes aux principes du droit communautaire.

On peut d’ailleurs lire à la page 161 de l’excellent rapport de notre collègue François-Noël Buffet, qui, une fois de plus, a été très objectif : « votre rapporteur s’est interrogé sur la pertinence de cette sélection, au sein du code pénal, d’infractions qui constitueraient une atteinte à l’ordre public. » Il poursuit : « En effet, soit l’on considère que le code pénal pose les interdits fondamentaux indispensables à la vie en société, et dans ce cas toute infraction pénale est une atteinte à l’ordre public. Soit, selon une jurisprudence constante du Conseil d’État, il s’agit toujours d’évaluer la proportionnalité entre le degré de menace contre l’ordre public et la réaction des pouvoirs publics à cette menace. »

Comme mes collègues l’ont souligné, nous assistons, une fois encore, à un glissement qui n’est pas conforme à nos principes, ni à la jurisprudence.

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