Intervention de Martin Lévrier

Réunion du 15 janvier 2020 à 15h00
Droits sociaux des travailleurs numériques — Rejet d'une proposition de loi modifiée

Photo de Martin LévrierMartin Lévrier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne saurions débattre d’une proposition de loi relative aux droits sociaux des travailleurs numériques sans rappeler le contexte dans lequel ces derniers évoluent.

Les travailleurs des plateformes représentent 200 000 personnes en France, soit 0, 8 % des actifs occupés. Parmi ceux-ci, nous pouvons distinguer trois catégories de travailleurs : ceux qui sont salariés et utilisent les plateformes afin de compléter leurs revenus, ceux qui sont travailleurs indépendants et utilisent les plateformes comme forme d’activité exclusive et ceux qui sont hautement qualifiés et souhaitent bénéficier de davantage de flexibilité en se tournant vers un intermédiaire numérique, comme les free-lances.

La première de ces catégories est couverte par la protection sociale des salariés. En revanche, les deux autres font l’objet de débats.

Actuellement, la loi prévoit des droits individuels, tels que la prise en charge, plafonnée par décret, de la cotisation du travailleur pour une assurance couvrant le risque d’accidents du travail, un droit d’accès à la formation professionnelle continue et le bénéfice de la validation des acquis de l’expérience, et des droits collectifs, tels que la protection des travailleurs participant à des mouvements en vue de la défense de leurs revendications professionnelles ou encore la faculté pour les travailleurs visés de constituer une organisation syndicale.

En outre, le Gouvernement a souhaité approfondir cette démarche de régulation de la relation entre plateformes numériques et travailleurs indépendants au travers du projet de loi d’orientation des mobilités, notamment à l’article 20 de celui-ci.

Déposée le 28 novembre 2019 par des sénateurs du groupe socialiste et républicain, la présente proposition de loi part du postulat que les plateformes de mise en relation par voie électronique précarisent les travailleurs et « utilisent des algorithmes favorisant l’effacement des avancées sociales du siècle dernier », menaçant ainsi la « citoyenneté sociale » et la « solidarité nationale ».

Afin de réguler la relation entre les travailleurs numériques et les plateformes, les auteurs de cette proposition de loi proposent d’obliger les travailleurs qui recourent à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique sans en être salariés à être des entrepreneurs salariés ou associés d’une coopérative d’activité et d’emploi. Ainsi leur activité s’inscrirait dans le cadre juridique existant, à l’instar du statut d’entrepreneur salarié en CDI.

Si l’objectif est louable, de nombreuses réserves ont émergé en commission des affaires sociales, pour plusieurs motifs, auxquels nous souscrivons.

Il est difficile de contraindre l’ensemble de ces travailleurs à créer des coopératives d’activités et d’emplois, en raison souvent de leurs aspirations, tournées vers une recherche de liberté, d’indépendance et d’autonomie.

La diversité des plateformes n’est pas prise en compte. En effet, la notion de « plateforme » recouvre une grande diversité d’acteurs. Les conditions des travailleurs sont aussi diverses que les plateformes elles-mêmes et ne sont pas forcément plus mauvaises que celles des salariés d’une CAE.

Par ailleurs, comme je l’ai expliqué précédemment, la loi d’orientation des mobilités, promulguée le 24 décembre 2019, autorise, à travers son article 20 et dans un délai d’un an, le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures pour déterminer les modalités de représentation des travailleurs indépendants utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique.

Enfin, la commission des affaires sociales a lancé, en septembre 2019, une mission d’information sur le droit social applicable aux travailleurs indépendants économiquement dépendants. Il est essentiel, selon nous, d’attendre les conclusions de ce rapport.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les réponses proposées dans cette proposition de loi ne sont pas à la hauteur des vastes problèmes posés par le développement de l’économie des plateformes. Pour cette raison, le groupe La République En Marche votera contre ce texte.

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