Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 janvier 2020 à 10h00
Nouveau code de la justice pénale des mineurs — Audition de Mme Josiane Bigot présidente du conseil d'administration de la convention nationale de protection de l'enfant

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président :

Avant de commencer nos auditions sur le nouveau code de la justice pénale des mineurs, permettez-moi de rappeler le contexte dans lequel elles s'inscrivent.

Contre le vote du Sénat, le Gouvernement a obtenu de l'Assemblée nationale, dans la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, une habilitation à prendre par voie d'ordonnance un code de la justice pénale des mineurs. Néanmoins, la garde des sceaux s'était engagée à ce que ce code n'entre pas en vigueur avant la loi de ratification. Le code existe, mais le projet de loi de ratification n'a pas encore été inscrit à l'ordre du jour du Parlement.

Il s'agit d'un texte d'une importance majeure, raison pour laquelle nous avions refusé le recours aux ordonnances. La réflexion sur ce sujet est ouverte depuis longtemps, puisqu'en 2008, Mme Dati, alors garde des sceaux, avait demandé à la commission Varinard des préconisations, dont le texte actuel est largement inspiré.

Le code adopté par le Gouvernement a consacré la primauté de l'éducation sur la répression, l'exemption de peine en dessous de 13 ans et la diminution de peine à partir de 13 ans. Ces principes fondateurs de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante ne sont pas remis en cause, et le caractère dérogatoire du droit des mineurs par rapport au droit commun en matière pénale est maintenu.

J'en viens aux réformes contenues dans ce nouveau code.

Actuellement, le magistrat se prononce sur la responsabilité pénale en fonction de son appréciation du discernement du mineur. Le nouveau code conserve cette disposition de sorte que le discernement reste bien le fondement de la responsabilité pénale des mineurs, mais il ajoute un critère d'âge, fixé à 13 ans. Les mesures éducatives, qui constituent une contrainte exercée sur l'enfant, sont donc encourues en principe à partir de l'âge de 13 ans, même s'il est possible de descendre en dessous de ce seuil, si l'on écarte la présomption de non-discernement. En revanche, les peines ne sont applicables qu'à partir de l'âge de 13 ans.

Le nouveau code procède à une réorganisation des mesures éducatives : sont prévus l'avertissement judiciaire, pour les faits les moins graves, et la mesure éducative judiciaire, qui comprend elle-même plusieurs déclinaisons. Les mesures éducatives pourront être prononcées à titre provisoire, avant qu'il ne soit statué sur la peine. C'est un motif d'accélération de la réponse judiciaire qui a guidé les auteurs de l'ordonnance.

La procédure connaît des réformes substantielles : une réforme profonde de l'instruction et la mise en place d'un nouveau schéma procédural.

Le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2011, avait estimé contraire au principe d'impartialité le fait que le même juge des enfants puisse mener l'instruction, puis prononcer la peine. L'instruction ne devrait concerner que les crimes ou les délits les plus complexes.

Le nouveau schéma procédural prévoit que le mineur soit jugé sur sa culpabilité dans un délai très court, de dix jours à trois mois maximum, et que la décision sur la sanction intervienne ensuite dans un délai de six à neuf mois. Cette dissociation entre la décision sur la culpabilité et le prononcé de la sanction est le point qui concentre le plus de critiques des acteurs. L'idée est d'accélérer la réponse judiciaire, et de mieux prendre en compte les victimes qui attendent une réponse judiciaire. Mais, en limitant drastiquement l'instruction, il a aussi pour résultat de réduire les droits de la défense et le contradictoire.

Ce sont ces évolutions qui nourrissent les critiques adressées à la réforme, accusée de renforcer la « pénalisation » des mineurs. La période de transition s'annonce également complexe à gérer.

Je vous propose d'entamer aujourd'hui une série d'auditions avant même qu'un rapporteur soit désigné sur le projet de loi de ratification, afin de prendre conscience des enjeux de la réforme. Nous entendons aujourd'hui la protection judiciaire de la jeunesse et le secteur associatif habilité, puis nous auditionnerons les magistrats pour enfants, les représentants des parquets pour mineurs et ceux des barreaux.

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