Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous commençons à être familiers du concept de droit à l’erreur, mais un bref rappel peut être utile : ce qu’on appelle communément « droit à l’erreur » constitue en réalité un droit à régularisation en cas d’erreur. Pour les citoyens, ce dispositif figure désormais au sein du code des relations entre le public et l’administration. Il ne s’agit pas de consacrer pour les collectivités un droit à l’impunité, un droit à la faveur, comme l’a dit notre rapporteur, un droit à la négligence, à l’incompétence ou un passe-droit !
Divers projets de loi de simplification, ces dernières années, ont ancré ce principe dans notre droit.
Un ancien ministre chargé de ces sujets, M. Thierry Mandon, rappelait cependant, à la fin de 2017, que beaucoup de ces questions ont été monopolisées par Bercy au sein de l’exécutif, et ce quelles que soient les majorités. Cela a eu des avantages : des progrès importants ont été faits en matière de dialogue sur la sphère fiscale. Cela a aussi eu des inconvénients : une vision très, trop centrée autour des questions de finances.
La chambre haute, dans sa grande sagesse, avait tenté d’introduire des inflexions à destination des collectivités locales. C’est la genèse de notre débat du jour, qui s’appuie sur l’amendement de notre collègue Vermeillet au projet de loi dit « Société de confiance ». Pour notre collègue, l’extension de ce dispositif de droit à l’erreur aux collectivités repose sur les mêmes principes que ceux qui ont présidé à sa création pour les usagers. Il s’agit d’assurer que les relations entre l’État et ses services, d’un côté, et les collectivités territoriales, de l’autre, soient fondées sur le conseil et l’accompagnement, plutôt que sur le contrôle et la sanction. C’est d’autant plus nécessaire pour les collectivités qui ont des moyens humains et juridiques limités, dans un environnement où les contraintes administratives restent importantes, et ce en dépit des efforts de simplification entrepris depuis plusieurs années.
Le Gouvernement s’était opposé à ce dispositif, pourtant largement soutenu ici. Les arguments sont connus : d’abord, le Gouvernement ne voulait pas que l’on rende confus le message principal d’une loi tournée vers le grand public. Admettons… Mais cet argument ne tient plus aujourd’hui grâce à cette proposition de loi dédiée. Ensuite, le Gouvernement ne voyait pas du tout quelles situations étaient visées. Mes collègues, notamment Sylvie Vermeillet, ont donc illustré par de nombreux exemples très étayés les situations concernées.
Les collectivités sont soumises à de nombreuses obligations déclaratives : par exemple, à l’occasion d’une demande de subvention. Le droit à régularisation en cas d’erreur leur évitera, si elles régularisent leur situation, d’être privées de tout ou partie d’une prestation.
Enfin, le Gouvernement nous dit que le contrôle de légalité et le rescrit permettraient de régler tous les problèmes potentiels. J’ai des doutes sur l’effectivité du contrôle de légalité sur le terrain ; je pense que les sénateurs expérimentés me rejoindront sur ce point. Par ailleurs, le rescrit ne prend pas en considération tous les champs couverts par le droit à l’erreur.
Un débat existe sur des limites à apporter à ce droit à l’erreur pour les collectivités. Les grandes collectivités n’en auraient pas besoin. Je ne comprends pas cet argument ! La complexité existe à tous les étages. Si l’on procède par analogie, il faudrait restreindre le droit à l’erreur pour les particuliers sur des critères de ressources ou d’éducation. Cela n’a pour moi guère de sens. A-t-on mis en place des limites pour le droit à l’erreur des plus grandes entreprises ?
Vous l’aurez compris, je soutiens pleinement cette proposition de loi, de la même manière que nous avons soutenu, avec le groupe socialiste, l’amendement de Mme Vermeillet lors de l’examen du projet de loi Darmanin.