Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la déclaration de naissance auprès de l’officier d’état civil de la commune de résidence des parents, présentée par M. Marseille et plus de quatre-vingts de nos collègues, répond à une demande régulière des maires, qui souhaitent pouvoir faire vivre l’état civil de leur commune alors que plus aucune naissance n’a lieu sur le territoire de celle-ci.
Comme l’a justement relevé M. Marseille, la concentration des lieux de naissance a entraîné, automatiquement, celle des lieux de déclaration à l’officier d’état civil. Ainsi, selon l’Insee, les officiers d’état civil dressent des actes de naissance sur leur territoire dans seulement 7, 8 % des communes. En 2016, sur 35 900 communes existant alors, seules 2 800 avaient été le lieu de naissance d’un enfant et 99, 6 % des naissances étaient survenues dans seulement 500 communes. Cette concentration des lieux de déclaration des naissances aboutit au dépeuplement des registres d’état civil des 33 100 communes restantes.
La présente proposition de loi tend donc à remédier au dépeuplement des registres des naissances de nombreuses communes. Des modifications significatives lui ont été apportées lors de son examen en commission, afin de garantir l’opérationnalité du dispositif.
Ces modifications ont visé, dans un premier temps, à sécuriser juridiquement le dispositif prévu dans la rédaction initiale de la proposition de loi. Pour ce faire, la commission des lois a adopté deux amendements : le premier avait pour objet de clarifier la procédure dans le cas où les parents auraient des domiciles distincts ; le second tendait à supprimer plusieurs coordinations que le texte initial effectuait dans le code civil et qui auraient eu pour conséquence de substituer, dans la détermination de l’identité juridique de la personne, le « lieu de déclaration de naissance » au « lieu de naissance ». La commission a également adopté un amendement, déposé par notre collègue Michel Canevet, visant à ajouter le « ñ » à la liste des lettres comportant des signes diacritiques qui peuvent être utilisées dans les prénoms inscrits à l’état civil.
Malgré ces modifications adoptées la semaine dernière en commission, le dispositif du texte n’était pas pleinement satisfaisant du point de vue juridique.
Premièrement, son coût pour les communes concernées n’avait pas fait l’objet d’une évaluation claire. Je précise que, dans sa contribution écrite, l’AMF avait attiré notre attention sur ce point. Il me semble que le dispositif adopté par le Sénat ne doit en aucun cas compliquer la gestion financière qui incombe aux maires des petites communes.
Deuxièmement, certains risques pour la fiabilité des registres d’état civil persistaient dans le texte adopté par la commission : à titre d’exemple, le raccordement des communes concernées au dispositif de communication électronique des données de l’état civil (Comedec), qui permet aux communes de vérifier les données d’état civil, n’était pas prévu ; le risque de double enregistrement n’était donc pas tout à fait écarté.
Enfin, la rédaction initiale de la proposition de loi pouvait engendrer une certaine confusion en faisant coexister une distinction juridique entre lieu de naissance et lieu de déclaration de naissance. Malgré les améliorations apportées par la commission, en particulier par la suppression de plusieurs coordinations à l’article 2 du texte initial, nos débats ont montré que cette complexité suscitait de nombreuses questions et était source de confusion.
Je souhaiterais donc apporter, à ce stade, une clarification qui me semble nécessaire au vu des échanges que nous avons eus en commission. De fait, remplacer la mention du lieu de naissance, sur les actes de naissance et les documents officiels, par celle du lieu de déclaration de naissance n’est en aucun cas souhaitable. Une telle évolution reviendrait à complexifier considérablement l’état civil et serait un contresens juridique, puisque l’identité de la personne repose sur son lieu de naissance, et non sur celui de la déclaration de naissance. En effet, la création d’une personnalité juridique par l’acte de naissance repose sur le constat de la naissance d’une personne physique à une date et en un lieu donnés. Le lieu de naissance est donc constitutif de l’identité des personnes, et il me semble que l’objet de la présente proposition de loi n’est pas de modifier cet état de fait.
En raison de ces difficultés juridiques persistantes et à la suite de nos échanges avec le Gouvernement, il nous a donc paru préférable d’adopter le dispositif prévu au travers de l’amendement n° 3, que j’ai déposé au nom de la commission. Il s’agit d’une solution alternative, que nous avions évoquée lors de l’élaboration du texte en commission, mais que les règles de recevabilité financière nous empêchaient de déposer sans l’accord du Gouvernement. L’amendement est le fruit d’échanges avec la Chancellerie ; M. le secrétaire d’État devrait nous confirmer l’accord du Gouvernement sur le dispositif proposé.
Cette rédaction permettrait d’expérimenter, pour une durée de trois ans, les registres d’actes dits « miroirs ». Cela répondrait aux difficultés juridiques soulevées plus tôt. Premièrement, le coût pour les communes concernées fera, au même titre que l’ensemble des impacts, l’objet d’une évaluation précise remise au Parlement six mois avant le terme de l’expérimentation. Deuxièmement, les éventuelles difficultés en matière de fiabilité des registres d’état civil seront traitées par le biais d’un décret en Conseil d’État.
En effet, le fonctionnement du dispositif serait le suivant : les conditions de déclaration d’une naissance, dont le lieu, ne seraient pas modifiées ; après avoir dressé l’acte de naissance, l’officier d’état civil du lieu de naissance en enverrait une copie intégrale à l’officier d’état civil du lieu de domicile du ou des parents ; si les domiciles des parents sont distincts, une copie intégrale serait envoyée à l’officier d’état civil de chacun des lieux de domicile ; enfin, les officiers d’état civil concernés seraient tenus non seulement de transcrire la copie d’acte sur leurs registres de naissance, mais également de les tenir à jour afin de pouvoir en délivrer des copies et extraits.
En résumé, le lieu de déclaration de la naissance et le lieu de naissance resteraient identiques, à l’image de ce qui est pratiqué aujourd’hui. En revanche, le service public que représente l’état civil des petites communes serait revivifié, ce qui représente, à l’heure où la proximité des services publics fait l’objet de débats nourris, un avantage indéniable pour les citoyens. Par ailleurs, le poids symbolique d’un registre des naissances vide pour les maires de petites communes disparaîtrait, puisque les actes de naissance d’enfants de foyers installés dans leur commune, mais nés sur le territoire d’une autre commune, seraient dorénavant transcrits sur leur registre des naissances.
L’expérimentation proposée permettra, à tout le moins, de lever les ambiguïtés sur ce sujet qui revient de manière lancinante nourrir nos débats. Je précise enfin que l’arrêté du garde des sceaux fixant la liste des communes retenues pour cette expérimentation serait pris en tenant compte de la capacité et de la volonté des communes en question de mener à bien ladite expérimentation, afin de ne mettre aucune commune en difficulté.
Ainsi, je suis convaincue que ce dispositif, si nous l’adoptons, permettra de satisfaire pleinement l’intention des auteurs de la proposition de loi, tout en instaurant un mécanisme pleinement opérationnel.