Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer l’initiative du président de notre groupe, Hervé Marseille, qui nous permet de débattre aujourd’hui d’un texte relatif à la déclaration de naissance auprès de l’officier d’état civil du lieu de résidence des parents.
Autrement dit – je le précise afin d’éviter certaines confusions dont on retrouve l’écho dans la presse de ce matin ! –, il s’agit d’offrir aux parents la faculté de choisir le lieu de déclaration de naissance de leur enfant, qui pourrait être soit celui de l’accouchement, soit celui du domicile de l’un d’entre eux. Il s’agit donc d’ouvrir une nouvelle possibilité, et non de créer une obligation. Il n’est nullement question de modifier le lieu de naissance, qui reste attesté par le certificat délivré par la maternité.
Avant de revenir sur les fondements de cette proposition de loi, force est de constater que l’idée d’une déclaration de naissance au lieu du domicile avait été avancée au Sénat dès 1999 par des parlementaires de tous bords, mais sans faire l’objet d’une discussion en séance publique. Nos collègues députés ont également été nombreux, au cours des dernières années, à déposer des propositions de loi sur ce sujet sur le bureau de l’Assemblée nationale.
Comme cela a été rappelé, ce texte tend à répondre à un problème souligné de manière récurrente par les maires des petites communes, notamment rurales, à savoir le « dépeuplement » des registres de naissance. Aujourd’hui, il est de plus en plus rare d’accoucher à domicile, dans sa commune de résidence, et donc d’inscrire les enfants sur les registres de naissance de celle-ci. À titre d’illustration, en 2016, 99, 6 % des naissances ont été enregistrées dans seulement 500 communes de notre pays.
Ce constat n’est pas sans poser quelques difficultés pour les élus locaux et les citoyens.
Tout d’abord, sur le plan symbolique, s’il y a bien un territoire auquel sont attachés nos concitoyens, c’est celui de la commune. Or la commune de résidence n’apparaît pas sur les documents officiels – acte de naissance, carte nationale d’identité, passeport… Pour nos voisins et amis suisses, le village d’origine est un élément très important de leur identité ! La concentration des naissances met à mal l’attachement de nos concitoyens à leur commune de domicile. En outre, pour les maires et leurs adjoints, ce dépeuplement des registres de naissance est un signal négatif pour la revitalisation des petites communes et peut être perçu comme non représentatif de la démographie réelle de celles-ci.
Ensuite, ce dépeuplement des registres exprime, pour les usagers, la perte d’un service public de proximité dans de nombreuses communes. À l’heure de la dématérialisation des procédures, certaines démarches administratives doivent cependant toujours être accomplies en mairie, notamment la délivrance de copies ou d’extraits d’actes de naissance.
Enfin, il y a également un impact sur le tourisme, qui mérite d’être souligné même s’il est moins significatif. De nos jours, du fait de la concentration des naissances dans un petit nombre de lieux, la plupart des communes voient de moins en moins de personnalités célèbres naître sur leur territoire. Or nombreuses sont les petites communes rurales qui valorisent leur patrimoine en ouvrant au public les maisons natales d’écrivains ou de compositeurs. Ainsi, La Côte-Saint-André, petite commune d’Isère, a ouvert au public la maison natale d’Hector Berlioz dans les années 1930, en recréant le cadre dans lequel l’illustre compositeur a vécu.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, afin de limiter ces effets négatifs, la présente proposition de loi tend à laisser aux parents le choix du lieu de déclaration de la naissance de leur enfant. Ils pourraient ainsi déclarer celle-ci au lieu de naissance, comme c’est le cas aujourd’hui, ou au lieu du domicile de l’un d’eux. Par ailleurs, le délai pour effectuer cette déclaration serait porté à huit jours.
Je tiens à saluer le travail effectué par notre rapporteur, Agnès Canayer, qui a parfaitement compris l’intérêt et l’enjeu, pour nos communes, de la proposition de loi présentée par notre groupe. Elle a opportunément pris l’initiative d’un certain nombre de modifications techniques adoptées en commission, avec l’accord de l’auteur du texte, et nous propose cette après-midi d’adopter une rédaction qui n’est sans doute pas encore parfaite, mais qui permet d’amorcer la navette parlementaire.
Le Gouvernement a autorisé l’expérimentation pour une durée de trois ans des actes dits « miroirs » : le même acte serait enregistré et pourrait être exploité dans deux registres distincts, ceux du lieu de naissance et du lieu de résidence. J’espère qu’il veillera à ce que l’esprit de notre proposition de loi soit maintenu.
Pour conclure mon propos, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais mettre en exergue une disposition introduite dans le texte de notre commission grâce à l’adoption d’un amendement de mon collègue Michel Canevet. Il s’agit d’inclure le « ñ » parmi les lettres portant des signes diacritiques que peuvent comporter les prénoms inscrits à l’état civil. Mon propre prénom comportant un signe diacritique – un tréma ou umlaut –, je ne peux que soutenir cette démarche ! Admis dans la langue française depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, le tilde est peu à peu tombé en désuétude et n’est aujourd’hui mentionné dans aucune disposition réglementaire. Un tel vide juridique peut être source d’incompréhension pour des parents qui se voient refuser, dans certains cas, d’introduire ce signe dans la graphie du prénom de leur enfant.