Intervention de François Calvet

Réunion du 16 janvier 2020 à 14h30
Déclaration de naissance au lieu de résidence des parents — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de François CalvetFrançois Calvet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je félicite Mme le rapporteur de son travail et des propositions d’expérimentation qu’elle a formulées.

J’avais cosigné, en 2013, une proposition de loi présentée par Philippe Dominati, dont l’objet était proche de celui de la proposition de loi d’Hervé Marseille. En 2011, j’avais déposé, à l’Assemblée nationale, un texte visant à permettre aux officiers de l’état civil français d’enregistrer les naissances intervenant au sein de l’hôpital transfrontalier franco-espagnol dans les registres des communes françaises du ressort de cet hôpital. Cette proposition de loi n’avait malheureusement pu aboutir.

Huit ans ont passé et, à ce jour, l’article 55 du code civil n’a pu être modifié. Aujourd’hui, des parents sont contraints de déclarer la naissance de leur enfant dans une commune différente de leur commune de résidence. La modification des modalités d’enregistrement des naissances leur faciliterait l’accès à un service public de proximité et leur permettrait d’affirmer leur attachement à leur commune.

L’article 55 du code civil, qui découle de la loi du 20 novembre 1919, dispose que « les déclarations de naissance seront faites, dans les cinq jours de l’accouchement, à l’officier de l’état civil du lieu de naissance ».

Cette disposition se justifie précisément en raison de l’ancienneté de cette loi et des pratiques de l’époque. En effet, au début du XXe siècle, l’usage voulait que les femmes accouchent à domicile. Au fil des ans, les accouchements se sont déplacés d’abord dans des petites maternités peu éloignées du lieu de résidence, pour ne plus se dérouler de nos jours, à quelques exceptions près, que dans de grands ensembles hospitaliers, localisés dans des villes de plus grande importance.

L’exemple de l’hôpital transfrontalier franco-espagnol de Cerdagne s’inscrit parfaitement dans la problématique soulevée par cette proposition de loi. Cet établissement se situe sur le territoire espagnol, à un kilomètre de la frontière française de Bourg-Madame, dans les Pyrénées-Orientales. Sans revenir sur les étapes de sa mise en place, je rappellerai simplement qu’il a fait l’objet d’une déclaration d’intention commune lors du sommet franco-espagnol de Barcelone en 2005, en présence des deux Premiers ministres de l’époque. Cette déclaration s’appuyait sur le traité de Bayonne du 10 mars 1995, qui a posé les bases d’une coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales françaises et espagnoles.

L’Union européenne a consacré ce projet en apportant plus de 18 millions d’euros, soit 60 % du financement. Sa mise en œuvre juridique, dans le cadre d’un groupement européen de coopération territoriale (GECT) transfrontalier, a été approuvée par les parlements français et espagnol en 2014. Ce GECT définit un périmètre incluant deux cantons français et une comarque catalane.

Je ne reviendrai pas sur les difficultés d’harmonisation des législations française et espagnole dans le domaine des pratiques médicales et du droit social qui ont pu être surmontées.

Restent deux problèmes liés à l’état civil, matière sensible s’il en est dans notre droit français.

Concernant les formalités relatives au transport des corps pour les personnes de nationalité française décédées à l’hôpital sur le territoire espagnol, des solutions ont été trouvées dans le cadre du sommet franco-espagnol de Saragosse du 25 juin 2008. Un accord approuvé le 20 février 2017 à Malaga permet le transport des corps avec, pour seul document sanitaire exigé à la frontière, le laissez-passer mortuaire délivré par l’hôpital.

En revanche, nous n’avons pour l’heure pas réussi, malgré plusieurs démarches et la proposition de loi que j’avais déposée à l’Assemblée nationale, à résoudre le problème posé par la naissance d’une centaine de bébés français à l’hôpital de Cerdagne.

En effet, ces bébés français font l’objet d’une déclaration au consulat de Barcelone et sont, de ce fait, considérés comme nés à l’étranger et inscrits au fichier du service central de l’état civil de Nantes. Cet organisme public déconcentré dépend du ministère des affaires étrangères ; il délivre les actes de naissance pour les enfants nés à l’étranger de parents français.

Le territoire de compétence du GECT comprend une quarantaine de communes de montagne françaises. Ces bébés devraient donc être enregistrés dans la commune de résidence des parents, ainsi que le prévoit la proposition de loi de mon collègue Hervé Marseille.

Au fond, grâce à l’Europe, nous avons pu apporter aux habitants de ces communes de montagne une offre de soins de qualité, en permettant que les futures mères puissent accoucher à proximité de leur commune de résidence, au lieu de devoir faire cent kilomètres sur des routes souvent enneigées ou accidentées.

L’adoption du dispositif de cette proposition de loi permettrait de lever les contraintes que connaissent les ressortissants français dont l’enfant vient à naître au sein de l’hôpital transfrontalier de Puigcerdà, en leur ouvrant la possibilité de déclarer la naissance auprès de l’officier d’état civil de leur commune de domicile.

Cet établissement hospitalier a une vocation européenne. Les frontières administratives doivent être assouplies pour nos concitoyens. On doit privilégier le critère de proximité et considérer le lieu de résidence des parents, comme le rappelle très justement la proposition de loi et comme l’ont voulu les autorités française et espagnole en créant une offre de soins de proximité. Dans ce contexte, par exemple, les formalités administratives liées aux actes de naissance devraient s’effectuer non plus auprès du fichier du service central de l’état civil à Nantes, mais auprès des communes de résidence des parents.

De plus, cette évolution permettrait aux historiens et généalogistes des générations à venir de procéder à des relevés précis des naissances par commune, notamment en milieu rural.

Pour toutes ces raisons, je soutiens cette proposition de loi. Je suis favorable à l’expérimentation proposée et souhaite qu’elle inclue le cas particulier que j’ai évoqué pour que, dans nos communes de montagne, nous puissions enfin avoir la fierté d’inscrire des naissances dans les registres d’état civil. En effet, pour l’instant, nous n’enregistrons guère que des décès…

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