Intervention de Muriel Jourda

Réunion du 21 janvier 2020 à 14h30
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Muriel JourdaMuriel Jourda :

À cet égard, nous ne disposons – j’en suis navrée – d’aucune étude scientifique véritablement fiable. Certes, un certain nombre d’études sont visées dans l’étude d’impact du Gouvernement, mais un nombre assez important de pédopsychiatres et l’Académie nationale de médecine nous ont affirmé, de manière extrêmement claire, qu’aucune n’avait la rigueur scientifique suffisante pour pouvoir appuyer un jugement.

Parmi les spécialistes de l’enfant que sont les pédopsychiatres, certains expliquent que, si un père et une mère ont des rôles différents, celui du père peut parfaitement être joué par la mère, en sorte qu’une mère pourrait être un père. D’autres, au contraire, estiment que, si des femmes sont parfaitement capables d’élever ensemble un enfant – encore une fois, nous n’en doutons pas –, ce n’est pas le tout pour un enfant ; que celui-ci ne peut se construire psychiquement que dans la mesure où il peut s’approprier une origine filiative crédible – hétérosexuelle, bien sûr, puisque seuls un homme et une femme peuvent avoir ensemble un enfant ; et que, faute d’une telle origine filiative crédible, sa construction psychique ne sera pas bonne.

De ces propos, chacun de nous retiendra peut-être ce qui lui convient. Mais l’important est moins de savoir ce qui nous convient que de décider si, devant des analyses contradictoires, nous prenons le risque que des enfants puissent, avec l’autorisation de la société, naître en ayant, peut-être, une construction psychique altérée dès la naissance.

Enfin, la troisième question que nous pouvons nous poser – et qui peut paraître plus technique – concerne le droit de la filiation.

Ce dernier est un droit d’ordre public, car c’est celui qui structure la société. Il n’est pas confié aux citoyens : il est réglé par l’État. Or, aujourd’hui, ce qui nous est demandé, c’est d’établir un lien de filiation en fonction de la volonté pure d’un individu qui déclare être parent. Or la volonté est infinie, mais elle est aussi fragile. Devons-nous structurer la société sur un fondement aussi fragile que celui de la volonté ?

Voilà, me semble-t-il, les questions que nous devons nous poser et auxquelles nous devons répondre.

Le désir d’enfant est respectable, mais la médecine a-t-elle pour rôle de satisfaire nos désirs ? Suffit-il à un enfant d’être l’objet de l’amour et du désir ? Enfin, pouvons-nous structurer la société sur le désir et la volonté ? Voilà ce dont nous serons, entre autres choses, amenés à parler pendant ces débats !

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