Intervention de Philippe Bas

Réunion du 21 janvier 2020 à 14h30
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en matière de bioéthique, nous ne partons pas de rien ! C’est en effet la cinquième fois que nous légiférons, en comptant la loi de 2013 relative à la recherche sur l’embryon humain.

Il y a un peu plus de vingt-cinq ans, j’ai eu le privilège d’être associé à l’élaboration des premières lois de bioéthique, aux côtés de Simone Veil. Le sujet était alors entièrement à défricher, et la France se voulait pionnière.

Aujourd’hui, nous disposons d’une législation de bioéthique moderne et unique au monde. Il me semble que nous ne devrions la modifier que d’une main tremblante, en sachant préserver ses principes fondateurs.

En 1993, nous ignorions bien sûr quels seraient les développements à venir des sciences du vivant. Mais, justement, le Parlement a voulu poser des principes à l’épreuve des temps, des principes qui ne seraient pas subordonnés à l’état de la science.

Ces principes expriment d’abord une vision de l’homme et des valeurs de notre société. Ils ne sont pas contingents. Ils se veulent au contraire permanents, et même intangibles : primauté de la personne humaine ; respect de la dignité de l’être humain dès le commencement de la vie ; interdiction de toute discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques ; interdiction de la création d’embryons humains pour la recherche et encadrement strict de celle-ci ; intégrité de l’espèce humaine et, donc, interdiction de toute pratique eugénique reposant sur la sélection des embryons humains ; refus de toute manipulation du génome humain, ce qui implique bien sûr l’interdiction de la création de chimères, c’est-à-dire de cellules hybrides, en partie humaines, en partie animales ; enfin, indisponibilité du corps humain et de ses éléments, parce que le corps n’est pas une chose, il est la personne même et l’homme ne peut pas en faire ce qu’il veut. C’est aussi ce qui rend incompatibles avec notre civilisation l’esclavage, le contrat de prostitution ou la gestation pour autrui.

Ce sont des règles fondamentales. De l’aveu même du Conseil constitutionnel, elles concourent au « respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine », ce qui n’est pas tout à fait secondaire en matière de droits fondamentaux ! Cela n’interdit pas de faire évoluer les modalités d’application de ces principes. Mais, pour l’essentiel, notre devoir me paraît être de les conforter et non de les fragiliser.

L’idée qu’il faudrait changer nos principes en fonction des besoins de la recherche porte en elle la négation même de ces principes, un peu comme si nous devions réviser régulièrement la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour l’adapter à de nouvelles exigences. Ce serait une façon de s’en remettre par avance au principe d’utilité, admettre que désormais utilité fait loi. Est-ce bien la société que nous voulons ?

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