Intervention de Muriel Jourda

Réunion du 22 janvier 2020 à 15h00
Bioéthique — Article 1er, amendement 24

Photo de Muriel JourdaMuriel Jourda :

Chacun l’a bien compris au vu des explications qui ont été données : la situation visée est celle d’un couple qui, ayant un projet parental, a recours à l’AMP, mais dont le futur père décède alors que cette dernière n’a pas été totalement mise en œuvre. Les embryons existent, mais aucun n’a encore été implanté.

Faut-il dans ce cas autoriser la veuve à implanter l’un de ces embryons ? Le droit commun ne le permet pas, la mort mettant fin à la procédure d’assistance médicale à la procréation. La raison en est assez simple : lorsqu’un projet parental a été conçu à deux, il disparaît si l’un des deux membres du couple vient à manquer.

Ainsi, la question ne se posait guère jusqu’à présent, même si elle a déjà été abordée dans cet hémicycle, me semble-t-il. Si elle se pose aujourd’hui, c’est parce que cette femme veuve, qui acquiert le statut de femme seule, pourrait désormais accueillir un autre embryon ou d’autres gamètes, dès lors que les femmes seules peuvent bénéficier d’une procédure d’assistance médicale à la procréation. Mais en aucun cas elle ne pourrait avoir recours à l’embryon qu’elle a conçu avec son défunt époux. C’est un paradoxe, nous dit-on, mais un paradoxe apparent, selon moi, le projet parental n’existant plus en l’absence de l’un des deux parents.

On peut certes parfaitement comprendre la cruauté de la situation pour cette femme, qui pourrait avoir un enfant, mais pas de la façon qu’elle avait envisagée jusqu’alors, c’est-à-dire par AMP avec son époux. Il est cruel de perdre son mari ; il est tout aussi cruel de perdre l’espoir de concevoir des enfants à deux.

L’intérêt de la femme qui avait conçu ce projet est peut-être de bénéficier de cet embryon. Mais, en face, comme toujours dans ce projet de loi, il y a l’intérêt de l’enfant.

Or voilà un enfant qui naîtra orphelin de père et qui, excusez-moi de le dire aussi crument, naîtra d’un mort, ce qui me semble constituer une rupture anthropologique assez forte, de nature à abolir la distinction entre le vivant et le mort.

Voilà entre quoi vous devez choisir, mes chers collègues…

J’émets pour ma part les plus vives réserves sur ces amendements, mais cela n’a pas été le cas de la commission spéciale. Et comme je suis son rapporteur, je vous indique qu’elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 24, présenté par Mme Procaccia.

Conformément à l’avis du Conseil consultatif national d’éthique, cet amendement est celui qui encadre le plus cette procédure.

Il se limite au cas où l’homme décède, quand d’autres amendements prévoyaient aussi le cas de couples de femmes – cela n’aurait toutefois aucun sens, puisqu’il n’y a pas d’embryon dans ce cas.

Il prévoit en outre l’expression du consentement de l’homme à ce transfert post mortem et l’encadre par des bornes temporelles – la transplantation doit avoir lieu entre six et dix-huit mois après le décès. Il prévoit enfin une autorisation de l’Agence de la biomédecine et limite le nombre de naissances susceptibles d’intervenir dans ce cadre.

En revanche, la commission est défavorable à tous les autres amendements et sous-amendements.

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