Je remercie mes collègues d’avoir retiré leurs amendements de suppression de l’article au profit de celui-ci, qui tend à établir la filiation de la mère d’intention par la voie d’une procédure d’adoption rénovée.
Cet amendement reprend le dispositif proposé par notre rapporteur Muriel Jourda en commission spéciale. Son postulat est simple : une fois que nous avons adopté et acté le principe de l’extension de l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes, notre devoir est d’établir la filiation des enfants qui en sont issus, et cela de manière sécurisée. Or nous pensons qu’il est possible de le faire avec les outils existants de notre droit.
Si le texte de l’Assemblée nationale était adopté, il aboutirait à un bouleversement du système actuel de la filiation, ce qui n’est pas nécessaire. Il permettrait en effet d’établir la filiation, hors adoption, sur un pur critère de volonté de la part des deux mères, ce qui ne correspond pas aux principes fondamentaux du système français de filiation. Dans notre système, la filiation est établie selon le modèle de la procréation charnelle, qui implique qu’on puisse vérifier la réalité d’un lien de filiation, et il n’est pas possible d’utiliser ce modèle pour la femme qui n’a pas participé à la procréation charnelle.
La question que nous devons nous poser est la suivante : souhaitons-nous réformer le système français de la filiation au détour d’un projet de loi relatif à la bioéthique ? Cela ne nous semble pas acceptable. Alors, que faire ? Nous connaissons déjà l’adoption, qui, dans notre droit, est l’unique possibilité d’établir une filiation élective, c’est-à-dire une filiation sur la base de la seule volonté. Telle est la voie que nous proposons avec cet amendement ; il est un peu complexe et long, mais il est en réalité assez simple.
Pour la femme qui accouche, nous ne changeons rien au droit existant ; ce serait toujours le seul accouchement qui entraînerait la maternité. Pour l’autre femme, celle qui ne participe pas à la procréation charnelle, l’amendement tend à instaurer une procédure d’adoption accélérée, dont le fonctionnement serait très simple. L’adoption serait ouverte à tous les couples, qu’ils soient mariés, concubins ou pacsés, comme le proposent d’ailleurs notre collègue Corinne Imbert et la députée Monique Limon. Le consentement à l’AMP chez le notaire vaudrait consentement à l’adoption, et la filiation pourrait être, au final, établie au jour de la naissance de l’enfant.
Selon nous, ce dispositif présente deux mérites : il répond à l’objectif que nous recherchons tous d’établir en toute sécurité juridique la filiation d’un enfant issu de l’AMP, lorsqu’un couple de femmes y a recours ; il utilise le droit existant, sans bouleverser les principes fondamentaux de la filiation. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d’adopter cet amendement, qui, je le répète, ne bouscule pas le droit existant et prévoit une filiation juridiquement sécurisée pour les enfants nés d’une AMP.