La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.
La séance est reprise.
Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 6, présenté par Mme Doineau, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls les établissements de santé publics, privés et privés d’intérêt collectif habilités à assurer le service public hospitalier peuvent, lorsqu’ils y ont été autorisés, procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes mentionnés au deuxième alinéa du présent I.
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Ceux qui ont suivi nos débats sur l’article 1er auront certainement noté que la commission spéciale a ouvert la conservation des embryons au secteur privé. J’avais demandé qu’il soit précisé qu’il s’agit du secteur privé à but non lucratif, désormais appelé Espic depuis la loi HPST. Je défends ici la même demande de précision pour la conservation des gamètes.
L’amendement n° 252, présenté par M. Milon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls les établissements de santé publics, privés et privés d’intérêt collectif habilités à assurer le service public hospitalier peuvent, lorsqu’ils y ont été autorisés, procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes mentionnés au présent I. Cette activité ne peut donner lieu à dépassement d’honoraires.
La parole est à M. Alain Milon.
Mon amendement est sensiblement le même que le précédent. J’y ai simplement ajouté que l’activité ne pouvait donner lieu à dépassement d’honoraires.
L’amendement n° 286, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls les établissements publics de santé ou les établissements de santé privés à but non lucratif habilités à assurer le service public hospitalier peuvent, lorsqu’ils y ont été autorisés, procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes mentionnés au deuxième alinéa du présent I. Ces activités ne peuvent être exercées dans le cadre de l’activité libérale prévue à l’article L. 6154-1.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Je vais me permettre de prendre un peu de temps sur ce sujet à la fois important en soi et qui nous semble être un point majeur d’équilibre de l’article, voire du projet de loi dans son ensemble. Je veux rappeler à cette occasion comment a été construit l’article 2.
Si la mesure d’autoconservation des gamètes est défendue par le Gouvernement et partagée par un certain nombre de sénateurs, je le redis, il n’a jamais été dans ses intentions d’y associer une campagne d’incitation, en particulier à l’intention des jeunes femmes. Nous ne sommes confrontés ni à un déficit d’offre ni à un besoin d’augmenter le nombre d’établissements autorisés – je pense notamment aux établissements qui pourraient avoir pour objectif de recruter le plus de candidates possible.
Dans ce contexte, nous ne souhaitons pas modifier l’équilibre des lois relatives à la bioéthique, qui excluent les établissements privés à but lucratif de l’activité de conservation des éléments produits du corps humain. Aux termes de ses travaux, l’Académie nationale de médecine considère d’ailleurs que, pour éviter les « démarches mercantiles, seuls devraient être autorisés les centres publics à but non lucratif, offrant toutes les garanties techniques de succès de conservation des ovocytes ».
Par ailleurs, nous espérons que les gamètes non utilisés seront orientés, si la personne concernée y consent, vers le circuit du don. L’exercice de l’activité de conservation dans les établissements publics ou privés à but non lucratif facilitera, par construction, le transfert des gamètes vers le secteur du don.
Je suis assez confiant sur le fait que les limites posées par le projet de loi, notamment en termes de bornes d’âge – même si nous nous sommes opposés sur ce point lors des discussions de la fin de la matinée –, seront de nature à empêcher une inflation des demandes et un débordement des centres spécialisés.
Nous travaillons d’ores et déjà avec les professionnels de la procréation, notamment du secteur public, pour mieux anticiper la mise en œuvre de ces mesures.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous souhaitons revenir au texte initial du Gouvernement, ce que prévoit cet amendement.
Vous vous rappelez, mes chers collègues, que nous avons longuement discuté hier de la possibilité d’ouvrir aux centres privés à but lucratif l’activité de conservation des embryons. Là, il s’agit de l’autoconservation des gamètes.
En matière d’assistance médicale à la procréation, ces centres représentent plus de 50 % de l’activité ; dans de nombreux départements, ils représentent la seule offre médicale disponible. Ils sont soumis aux mêmes contrôles et au même régime d’autorisation et procèdent déjà à l’autoconservation des gamètes en cas de traitement de l’infertilité.
La commission a estimé qu’elle pouvait étendre cette activité à l’autoconservation à des fins personnelles.
La rédaction des deux premiers amendements est similaire, sauf la fin. Celui de M. Milon prévoit en effet qu’il ne pourra pas être pratiqué de dépassements d’honoraires. Je laisse à votre appréciation, mes chers collègues, ce qu’il convient de faire ; en tout cas, la commission a émis un avis favorable sur ces deux amendements et, de ce fait, un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement, qui va dans un sens inverse.
Je retire mon amendement au profit de celui de M. Milon.
Je précise que si l’amendement du Gouvernement était adopté, il faudrait modifier la dénomination employée. Depuis la loi HPST, il n’y a plus d’établissements de santé privés à but non lucratif, mais des Espic, c’est-à-dire des établissements de santé privés d’intérêt collectif.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° 286 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 200, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
cinq
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Avec cet amendement, nous avons repris l’une des remarques formulées par la fédération des Cécos (centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme).
La rédaction actuelle du texte prévoit un délai de dix années consécutives sans réponse de la personne qui a bénéficié d’une conservation de gamètes ou tissus germinaux pour procéder à un arrêt de leur conservation. Ce délai est le même qu’il s’agisse d’une conservation sur indication médicale ou hors indication médicale.
Nous proposons que ce délai de conservation avant destruction en l’absence de réponse au courrier de relance annuel soit réduit à cinq ans si la conservation des gamètes est effectuée en dehors des indications médicales. La démarche de conservation de gamètes hors indication médicale étant volontaire, aucun argument ne pourrait justifier l’absence de réponse au courrier concernant le devenir des échantillons conservés en dehors du décès de la personne.
Cette proposition est de bon sens et facilitera de manière importante, pour les Cécos, la gestion du stockage à long terme des échantillons biologiques des patients perdus de vue. Nous espérons donc qu’elle sera adoptée.
La commission spéciale n’ayant pas souhaité raccourcir ce délai, l’avis est défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 305, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Supprimer les mots :
et à l’assistance médicale à la procréation
La parole est à Mme le rapporteur.
Sans chercher à relancer le débat – il s’agit d’un simple amendement de coordination –, nous revenons sur l’absence de prise en charge par la sécurité sociale de l’AMP étendue. Il s’agit d’éviter des dispositions redondantes au sein d’un même article du code de la sécurité sociale.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 306, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Remplacer les mots :
ou la restauration de la fertilité ou
par les mots :
, la préservation de la fertilité ou la restauration
La parole est à Mme le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de précision. Nous indiquions qu’il fallait restaurer la fertilité : l’expression exacte est « la préservation de la fertilité ou sa restauration ».
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
L ’ amendement est adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 294, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
La commission spéciale a ouvert la possibilité au directeur général de l’ARS d’autoriser un établissement privé à but lucratif à réaliser des activités relatives au don de gamètes dans un département dépourvu d’établissement public ou privé à but non lucratif autorisé à pratiquer cette activité.
Depuis 2004, seuls les établissements publics et privés à but non lucratif peuvent être autorisés à pratiquer cette activité ; 34 établissements de ce type l’exercent effectivement sur le territoire. Par conséquent, il n’existe pas de déficit d’offre de soins dans ce domaine et rien ne justifie de remettre en question l’équilibre de la loi Bioéthique de 2004 – je le redis ici et tiens, en particulier, à être rassurant sur l’offre en outre-mer, qui n’a pas été spécifiquement évoquée.
Très bien !
L’offre est assurée par des établissements publics à La Réunion, sur la zone Antilles-Guyane permettant dès lors l’accès des populations concernées à cette activité.
C’est la raison pour laquelle je demande la suppression de la possibilité que vous avez ouverte en commission spéciale.
L’amendement n° 222, présenté par Mme Conconne, M. Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier, Blondin et Rossignol, MM. Daudigny, Jomier, Vaugrenard, Kanner et Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Après les mots :
un département
insérer les mots :
ou une collectivité territoriale unique
La parole est à M. Jacques Bigot.
Cet amendement a été suggéré par notre collègue Catherine Conconne, afin de tenir compte du fait que les départements de la Martinique et de la Guadeloupe n’existent plus, puisque ce sont désormais des collectivités territoriales uniques.
Je suis très étonné, monsieur le secrétaire d’État, que vous ayez dit que la situation des territoires d’outre-mer était garantie par une offre à La Réunion, couvrant à la fois ce territoire et les Antilles. Il y a, me semble-t-il, une certaine distance entre les deux zones… Cela prouve bien la légitimité de nos revendications, que nous défendons depuis hier et que nous poursuivons ici.
Sur l’initiative de Mme Conconne a été adopté par la commission spéciale un amendement visant à ouvrir la possibilité à un établissement de santé privé à but lucratif de pratiquer, de façon dérogatoire et sur autorisation, l’activité du don de gamètes s’il n’existe pas d’autre offre sur le territoire, soit privée à but non lucratif soit publique. Le Gouvernement entend revenir sur cette disposition par son amendement : l’avis est donc défavorable.
Quant à l’amendement n° 222, il apporte une précision juridique. L’avis est évidemment favorable.
L’avis est défavorable.
Je me permets de répondre au sénateur Bigot, qui a dû mal entendre mon intervention, qu’il n’y a pas une seule offre pour La Réunion et les Antilles, mais bien une offre dans les deux zones. Pour être vraiment précis, sachez que les Martiniquais et les Guyanais sont dirigés vers le centre d’AMP de la Guadeloupe. Je ne voudrais pas que mes propos soient détournés.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous apprêtez à voter l’article 2. Je vous ai dit combien le Gouvernement était favorable à une modification du régime de l’autoconservation. Pour autant, vous n’avez pas adopté les garde-fous que nous avions instaurés, c’est-à-dire la mise en place d’un dispositif encadré, notamment par des bornes d’âge fixées par décret en Conseil d’État après avis de l’Agence de la biomédecine. En outre, vous avez voté l’ouverture aux établissements privés à but lucratif de la possibilité de procéder à l’autoconservation.
Ces deux mesures combinées me conduisent à vous appeler à la plus grande prudence. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à l’article 2 en l’état et ne pourra qu’essayer de revenir sur sa rédaction à l’Assemblée nationale.
M. Roger Karoutchi s ’ esclaffe.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 71 :
Le Sénat n’a pas adopté.
(Supprimé)
L’amendement n° 166 n’est pas soutenu.
Chapitre II
Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés d’assistance médicale à la procréation
I A
I. – L’article L. 1244-6 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1244 -6. – Un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes, en cas de nécessité médicale, au bénéfice d’une personne conçue à partir de gamètes issus d’un don ou au bénéfice d’un donneur de gamètes.
« Ces informations médicales peuvent être actualisées par le donneur de gamètes ou la personne conçue de gamètes issus d’un don auprès des organismes et établissements mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 2142-1 du présent code. »
II. –
Non modifié
III. – Le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur
« Art. L. 2143 -1. – Pour l’application du présent chapitre, la notion de tiers donneur s’entend de la personne dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code ainsi que du couple, du membre survivant ou de la femme non mariée ayant consenti à ce qu’un ou plusieurs de ses embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme en application de l’article L. 2141-5.
« Lorsque le tiers donneur est un couple, son consentement s’entend du consentement exprès de chacun de ses membres.
« Art. L. 2143 -2. – Toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes de ce tiers donneur définies à l’article L. 2143-3.
« Elle peut également, si elle le souhaite, accéder à sa majorité à l’identité du tiers donneur, sous réserve du consentement exprès de celui-ci exprimé au moment de la demande qu’elle formule en application de l’article L. 2143-5.
« Le consentement exprès des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon à la communication de leurs données non identifiantes dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article est recueilli avant qu’il soit procédé au don. En cas de refus, elles ne peuvent procéder à ce don.
« Art. L. 2143 -3. – I. – Lors du recueil du consentement prévu aux articles L. 1244-2 et L. 2141-5, le médecin collecte l’identité des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon ainsi que les données non identifiantes suivantes :
« 1° Leur âge ;
« 2°
Supprimé
« 3° Leurs caractéristiques physiques ;
« 4° Leur situation familiale et professionnelle ;
« 5° Leur pays de naissance ;
« 6° Les motivations de leur don, rédigées par leurs soins en concertation avec le médecin.
« En cas d’opposition à la collecte de ces données, les personnes ne peuvent procéder au don.
« Les tiers donneurs peuvent procéder à la rectification de ces données en cas d’inexactitude ou à l’actualisation des données mentionnées au 4°.
« II. – Le médecin mentionné au I du présent article est destinataire des informations relatives à l’évolution de la grossesse résultant d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et à son issue. Il recueille l’identité de chaque enfant né à la suite du don d’un tiers donneur.
« Art. L. 2143 -4. – Les données relatives aux tiers donneurs mentionnées à l’article L. 2143-3, à leurs dons et aux personnes nées à la suite de ces dons sont conservées par l’Agence de la biomédecine dans un traitement de données dont elle est responsable en application du 13° de l’article L. 1418-1, dans des conditions garantissant strictement leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité, pour une durée limitée et adéquate tenant compte des nécessités résultant de l’usage auquel ces données sont destinées, fixée par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui ne peut être supérieure à cent vingt ans.
« Art. L. 2143 -5. – La personne qui, à sa majorité, souhaite accéder aux données non identifiantes relatives au tiers donneur ou à l’identité du tiers donneur s’adresse au conseil mentionné à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143 -5 -1. –
Supprimé
« Art. L. 2143 -6. – I. – Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles est chargé :
« 1° De faire droit aux demandes d’accès à des données non identifiantes relatives aux tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du 3° de l’article L. 2143-9 ;
« 2° De traiter les demandes d’accès à l’identité des tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du même 3° de l’article L. 2143-9, en interrogeant les tiers donneurs pour recueillir leur consentement en application de l’article L. 2143-2 ;
« 3° De demander à l’Agence de la biomédecine la communication des données non identifiantes et de l’identité des tiers donneurs ;
« 3° bis
Supprimé
« 4° De se prononcer, à la demande d’un médecin, sur le caractère non identifiant de certaines données préalablement à leur transmission au responsable du traitement de données mentionné à l’article L. 2143-4 ;
« 5° De recueillir et d’enregistrer l’accord des tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don pour autoriser l’accès à leurs données non identifiantes ainsi que la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine ;
« 5° bis
« 6° D’informer et d’accompagner les demandeurs et les tiers donneurs.
« II et III. –
Supprimés
« Art. L. 2143 -7. – Les manquements des membres du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, consistant en la divulgation d’informations sur une personne ou un couple qui a fait un don de gamètes ou a consenti à l’accueil de ses embryons ou sur une personne née à la suite de ces dons, sont passibles des sanctions prévues à l’article 511-10 du code pénal.
« Art. L. 2143 -8. – L’Agence de la biomédecine est tenue de communiquer les données mentionnées à l’article L. 2143-3 au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, à la demande de ce dernier, pour l’exercice de ses missions mentionnées à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143 -9. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, notamment :
« 1° La nature des données non identifiantes mentionnées aux 1° à 6° du I de l’article L. 2143-3 ;
« 2° Les modalités de recueil de l’identité des enfants mentionné au II du même article L. 2143-3 ;
« 3° La nature des pièces à joindre à la demande mentionnée à l’article L. 2143-5 ;
« 4°
Supprimé
III bis
1° Au début, il est ajouté un article L. 147-1A ainsi rédigé :
« Art. L. 147-1A. – Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles est placé auprès des ministres chargés des affaires sociales et de la santé.
« Il comprend deux formations, l’une compétente pour traiter les demandes relatives aux personnes pupilles de l’État ou adoptées qui ne connaissent pas leurs origines et l’autre compétente pour traiter les demandes relatives aux personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.
« La formation compétente à l’égard des personnes pupilles de l’État ou adoptées qui ne connaissent pas leurs origines est composée d’un magistrat de l’ordre judiciaire, d’un membre de la juridiction administrative, de représentants des ministres concernés, d’un représentant des conseils départementaux, de trois représentants d’associations de défense des droits des femmes, d’un représentant d’associations de familles adoptives, d’un représentant d’associations de pupilles de l’État, d’un représentant d’associations de défense du droit à la connaissance de ses origines, et de deux personnalités que leurs expérience et compétence professionnelles médicales, paramédicales ou sociales qualifient particulièrement pour l’exercice de fonctions en son sein.
« La formation compétente à l’égard des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur est composée d’un magistrat de l’ordre judiciaire, d’un membre de la juridiction administrative, de représentants des ministres concernés, de trois personnalités qualifiées choisies en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines et sociales et de six représentants d’associations dont l’objet relève du champ d’intervention de la formation.
« Afin de répondre aux demandes dont il est saisi, le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles peut utiliser le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques et consulter ce répertoire. Les conditions de cette utilisation et de cette consultation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Après l’article L. 147-1A tel qu’il résulte du 1° du présent III bis, est insérée une section 1 intitulée : « Missions à l’égard des personnes pupilles de l’État ou adoptées qui ne connaissent pas leurs origines » qui comprend les articles L. 147-1 à L. 147-11 ;
3° L’article L. 147-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : «, placé auprès du ministre chargé des affaires sociales, » sont supprimés et, à la fin, les mots : « au présent chapitre » sont remplacés par les mots : « à la présente section » ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
4° À l’article L. 147-11, les mots : « du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « de la présente section » ;
5° Est ajoutée une section 2 intitulée : « Missions à l’égard des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur » qui comprend un article L. 147-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 147 -12 – Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles exerce les missions qui lui sont confiées dans le cadre du chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
IV. – Le code civil est ainsi modifié :
1°
2° Après l’article 16-8, il est inséré un article 16-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 16 -8 -1. – Dans le cas d’un don de gamètes ou d’embryons, les receveurs sont les personnes qui ont donné leur consentement à l’assistance médicale à la procréation.
« Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès de la personne majeure née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, sur sa demande, à des données non identifiantes ou à l’identité de ce tiers donneur, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
V. –
Non modifié
VI. – A. – Les articles L. 1244-2, L. 2141-5, L. 2143-3, L. 2143-5, L. 2143-6 et L. 2143-8 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
B. – Les articles L. 2143-4 et L. 2143-7 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
C. – À compter d’une date fixée par décret, ne peuvent être utilisés pour toute tentative d’assistance médicale à la procréation que les gamètes et les embryons proposés à l’accueil pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes en cas de demande des personnes nées de leur don.
D. – À la veille de la date fixée par le décret prévu au C du présent VI, il est mis fin à la conservation des embryons proposés à l’accueil et des gamètes issus de dons réalisés avant le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VII. – A. – L’article L. 2143-2 du code de la santé publique s’applique aux personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article.
B. – Les tiers donneurs dont les embryons ou les gamètes sont utilisés jusqu’à la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article peuvent manifester auprès du conseil mentionné à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique leur accord à la transmission aux personnes majeures nées de leur don de leurs données non identifiantes d’ores et déjà détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code et à être recontactés en cas de demande d’accès à leur identité par ces mêmes personnes. Si le donneur faisait partie d’un couple et que le consentement de l’autre membre du couple a été recueilli au moment du don de gamètes en application de l’article L. 1244-2 dudit code, le donneur doit transmettre aux organismes et établissements susmentionnés, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, le consentement de cette personne s’il forme toujours un couple avec elle. Le consentement de cette personne doit également être transmis à l’organisme mentionné à l’article L. 2143-6 du même code lorsque le donneur forme toujours un couple avec elle et accepte la demande d’une personne majeure née de son don d’accéder à son identité. À défaut, il ne peut être fait droit à la demande d’accès à l’identité du donneur.
B bis. – À compter du premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi, et au plus tard l’avant-veille de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, les tiers donneurs qui ont effectué un don avant l’entrée en vigueur de l’article L. 2143-2 du code de la santé publique peuvent également se manifester auprès des organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code pour donner leur accord à l’utilisation, à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, de leurs gamètes ou embryons qui sont en cours de conservation. Ils consentent alors expressément, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, à la communication de leurs données non identifiantes aux personnes majeures conçues, à partir de cette date, par assistance médicale à la procréation à partir de leurs gamètes ou de leurs embryons qui en feraient la demande et à être recontactés en cas de demande d’accès à leur identité. Si le donneur faisait partie d’un couple et que le consentement de l’autre membre du couple a été recueilli au moment du don de gamètes en application de l’article L. 1244-2 dudit code, le donneur doit transmettre aux organismes et établissements susmentionnés, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, le consentement de cette personne s’il forme toujours un couple avec elle. Le consentement de cette personne doit également être transmis à l’organisme mentionné à l’article L. 2143-6 du même code lorsque le donneur forme toujours un couple avec elle et accepte la demande d’une personne majeure née de son don d’accéder à son identité. À défaut, il ne peut être fait droit à la demande d’accès à l’identité du donneur.
C. – Les personnes majeures conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à partir des embryons ou des gamètes utilisés jusqu’à la date mentionnée au C du VI du présent article peuvent se manifester, si elles le souhaitent, auprès du conseil mentionné à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique pour demander l’accès aux données non identifiantes du tiers donneur détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code et, le cas échéant, à l’identité de ce tiers donneur.
D. – Le conseil mentionné à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique fait droit aux demandes d’accès aux données non identifiantes du tiers donneur qui lui parviennent en application du C du présent VII si le tiers donneur s’est manifesté conformément au B.
E. – Les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique sont tenus de communiquer au conseil mentionné à l’article L. 2143-6 du même code, sur sa demande, les données nécessaires à l’exercice des missions de celle-ci qu’ils détiennent.
F. – Les B, B bis et C du présent VII sont applicables le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VIII. –
Supprimé
Je veux exposer sommairement l’objet de l’article 3 : il s’agit de la levée de l’anonymat du donneur de gamètes, avec la possibilité de révéler soit des informations non identifiantes, soit l’identité exacte du donneur, soit les deux.
Jusqu’à présent, vous le savez, mes chers collègues, il existe un principe général de bioéthique qui est l’anonymat. Cela signifie que l’identité de celui qui donne n’est pas connue de celui qui reçoit et que l’identité de celui qui reçoit n’est pas connue de celui qui donne.
Dans le don de gamètes, les choses sont plus complexes du fait qu’il y a une troisième personne issue du don : l’enfant. Le principe de l’anonymat lui a été étendu, de sorte qu’il ne connaît pas non plus le nom du donneur de gamètes, tout comme ce dernier ne connaît pas l’identité des enfants qu’il a pu engendrer par son don.
Cette situation a créé un malaise chez un certain nombre d’enfants issus du don, qui s’en sont fait l’écho médiatiquement – vous les avez sans doute déjà entendus – et qui ont fait part de la nécessité pour eux, pour leur construction psychique, de connaître l’identité de la personne qui avait donné un gamète pour permettre leur naissance. Le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont conclu à la nécessité d’une levée de l’anonymat.
Je dois préciser que, sur le nombre d’enfants nés du don, évalués à environ 70 000 en France, quoique les chiffres soient assez fluctuants, il semblerait – là aussi, nous avons des données assez parcellaires – qu’il n’y ait pas de majorité, loin de là, désireuse de connaître l’identité du donneur de gamètes. Un certain nombre d’enfants, ainsi qu’une association que nous avons auditionnée, ont même indiqué qu’ils ne souhaitaient pas la levée de l’anonymat.
La difficulté de la levée de l’anonymat est connue : il s’agit du risque de pénurie, mais nous ne savons pas quelle ampleur elle pourrait prendre. En effet, le public qui donnait ne sera pas nécessairement celui qui continuera à le faire avec ce nouveau régime, qui suppose tout de même d’indiquer son identité.
Ce risque de pénurie entraîne un autre risque qui va à l’encontre d’un principe bioéthique extrêmement important : la marchandisation des gamètes, c’est-à-dire la patrimonialisation du corps humain, que nous interdisons en droit français.
Madame le rapporteur, vous avez épuisé votre temps de parole. Je vous invite à conclure.
J’essaye de poser le cadre général du débat, mais je vais conclure, madame la présidente.
En Angleterre, par exemple, il y a eu une baisse subite des dons, lesquels ont repris ensuite. Je rappelle tout de même que l’exemple de l’Angleterre, souvent cité, est sensiblement différent de celui de la France, puisque là-bas les donneurs perçoivent une indemnité.
L’ensemble de ces éléments a conduit la commission spéciale à adopter un dispositif différent de celui de la levée systématique de l’anonymat. L’enfant né du don sollicitera la possibilité de connaître le nom du donneur ou ses données non identifiantes et le donneur sera à son tour sollicité pour faire droit ou non à cette demande, évidemment avec un accompagnement de l’un comme de l’autre. Je précise que nous avons étendu ce dispositif à l’ensemble des enfants nés du don, c’est-à-dire à ceux qui sont nés avant que ce projet de loi n’apparaisse.
Voilà le contexte général dans lequel vont s’inscrire nos discussions.
Cet article est l’un des plus emblématiques de ce projet de loi. Nous nous apprêtons en effet à permettre aux enfants nés par PMA d’accéder à certaines informations concernant leur donneur. Là aussi, la question est délicate et sensible. Doit-on considérer que le principe de l’anonymat du don entre en contradiction avec le droit de l’enfant d’avoir accès à ses origines ?
Nous avons entendu plusieurs associations d’enfants nés par PMA. Pour certaines d’entre elles, pouvoir disposer de ces données est indispensable à la construction individuelle. Cette impossibilité est pour l’heure source de souffrances. Pour d’autres, au contraire, cette quête d’identité, qui peut également être source de souffrances et de déception, n’est en rien utile, tant ces enfants font primer la parentalité sociale sur le biologique. Ceux-ci ont grandi et évolué dans une famille où ils ne ressentent pas le besoin d’en savoir plus sur leur géniteur.
Bien sûr, je distingue, dans les deux cas, le fait d’informer son enfant de son mode de conception du fait d’accéder à ses origines. On ne sait que trop combien les secrets, les non-dits, peuvent être lourds de conséquences dans une famille, notamment en termes d’histoire individuelle. Je fais partie de celles et ceux qui pensent qu’il faut révéler dès son plus jeune âge à l’enfant son mode de conception.
La question posée par l’article 3 est de savoir jusqu’où nous irons dans la transmission des données relatives au tiers donneur. S’agit-il uniquement des données non identifiantes ou bien également de son identité ?
Il me semble que l’article, tel qu’il a été réécrit par la commission spéciale, est satisfaisant : d’un côté, au moment du don, le donneur doit exprimer son consentement à fournir ses données non identifiantes en cas de demande de l’enfant à sa majorité ; de l’autre, lors de la demande de l’enfant – donc, au minimum, dix-huit ans après le don –, on sollicite le donneur pour savoir s’il accepte ou non de révéler son identité. Cela revient à considérer que les données non identifiantes sont les plus importantes et que l’identité du donneur peut être davantage source de troubles pour l’équilibre de la famille. Toutefois, je m’interroge également sur le fait que, en fonction du choix du donneur, les enfants ne seront pas placés devant le même régime, ils n’auront pas accès aux mêmes choses.
J’en termine avec deux points.
D’une part, pour moi, le principe de l’anonymat du don est garanti, et c’est essentiel. En effet, la garantie de l’anonymat entre le donneur et le couple receveur, au moment du don, empêche de pouvoir choisir son enfant – pardonnez-moi l’expression – sur catalogue.
D’autre part, la levée de l’anonymat peut entraîner une baisse des dons et, donc, une pénurie de gamètes. Aussi, je plaide pour la mise en place d’une campagne nationale, monsieur le secrétaire d’État, afin de sensibiliser l’opinion à cette question et d’accorder plus de moyens aux Cécos.
L’article 3 crée, dans sa version initiale, un droit d’accès, pour les personnes nées d’un don de gamètes, aux données non identifiantes et à l’identité du donneur, à partir de l’âge de 18 ans. Cet article revient ainsi sur le principe d’anonymat opposable aux enfants nés d’un don de gamète ou d’embryons, principe issu de la loi du 29 juillet 1994 et conservé lors de la révision de la loi Bioéthique de 2011.
Les personnes nées d’un don auront simplement la possibilité, si elles le souhaitent et à condition qu’elles sachent qu’elles sont nées d’un don, de saisir une commission dédiée, à l’instar de ce qui se passe en Suède, en Autriche, en Norvège, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Finlande ou encore en Allemagne. Les pays conservant un anonymat absolu, comme la France, se trouvent de plus en plus isolés en Europe.
Pourquoi lever ce voile ?
Une fois encore, la pratique n’a pas attendu la loi. Le principe d’anonymat devient obsolète en raison du développement des technologies génétiques, lesquelles permettent d’avoir facilement accès à ses données génétiques et, donc, de retrouver, éventuellement, son géniteur.
Il ne me paraît plus possible de méconnaître l’importance des quêtes identitaires de l’enfant et son besoin de se situer dans une histoire familiale. Les personnes conçues par ce biais et cherchant à connaître leurs origines génétiques ont déjà des parents ; ils sont non pas dans une quête affective ou à la recherche d’une famille, mais à la recherche d’une partie de leur histoire et de leur identité.
Par ailleurs, cela évite le risque de consanguinité et permet de connaître ses antécédents médicaux.
C’est un changement culturel assumé au nom, non de l’intérêt supérieur de l’enfant, mais de son meilleur intérêt.
L’accès à l’identité n’est pas un droit à la rencontre, qui pourrait venir percuter la vie du donneur. Celui-ci n’est pas un parent de substitution ; il est un donneur de gamètes. Il s’agit simplement de permettre à ceux qui le désirent d’avoir accès à un morceau non négligeable de leur identité, cela répond à un besoin profond chez certains enfants nés d’un don.
C’est donc un droit à l’identité, qui permet que chacun puisse avoir un accès aux informations permettant d’établir quelques racines de son histoire et les circonstances de sa naissance. L’ignorance des origines est souvent une cause de souffrances mise en lumière par des psychiatres, des psychanalystes et des sociologues.
Pour toutes ces raisons, nos amendements viseront à revenir à la philosophie initiale du texte, en ne distinguant pas entre les modalités d’accès aux données non identifiantes et les moyens de connaître l’identité du donneur.
L’article 3 propose, dans sa version initiale, le droit, pour les personnes nées d’une AMP avec tiers donneur, d’accéder, à leur majorité, à l’identité de celui-ci. Il revient ainsi sur le régime actuel, qui garantit l’anonymat des donneurs de gamètes.
Il me semble préférable de laisser au donneur la liberté de communiquer ou non son identité à l’enfant, à la majorité de celui-ci. J’ai proposé à la commission spéciale un amendement allant en ce sens. Celle-ci a modifié l’article pour adopter ce système.
Ainsi, tous les enfants pourront avoir accès aux données non identifiantes du tiers donneur, notamment aux antécédents médicaux, mais seuls les donneurs qui le souhaitent donneront leur identité aux enfants issus de leur don. Je pense que ce système est préférable, afin de ne pas décourager les donneurs et de préserver leur vie privée et celle de leur conjoint.
La mission consistant à mettre en œuvre ce droit est confiée au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, le CNAOP, ce qui me satisfait.
Ce sujet est extrêmement complexe et très personnel.
Je partage en grande partie les propos tenus à l’instant par Mme Cohen, à une différence près : je me place résolument du côté de l’enfant, du futur adulte, de l’adulte ou, parfois, de la personne vieillissante. En effet, cette personne, à un moment de sa vie – quand elle sera ado, quand elle se mariera, quand elle aura des enfants ou encore quand elle perdra l’un de ses parents de vie –, se posera la question de son origine. Sans vouloir faire du café du commerce, pour avoir été plusieurs fois témoin de personnes découvrant, autour de moi, qu’elles ne connaissaient pas leur identité biologique, je peux vous affirmer que cela peut prendre toute la place dans la vie, cela peut devenir une véritable obsession.
Si je comprends la nécessité de conserver l’anonymat au moment du don, car il ne faut pas faire de sélection – on ne doit évidemment pas faire d’eugénisme en choisissant le donneur –, je pense aussi qu’il faut laisser aux enfants nés de cette technique de procréation le droit de chercher leurs origines.
Il s’agit ici d’un choix extrêmement personnel, mais je voulais faire part du mien, car je pense que l’on doit parler de l’intérêt de ces enfants devenus adultes, puis personnes âgées.
L’amendement n° 240 rectifié, présenté par M. L. Hervé, Mme Billon, M. Cigolotti et Mme Férat, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Loïc Hervé.
Cet amendement de suppression de l’article est fondé sur ma volonté de ne pas voir évoluer le droit en la matière.
Je comprends les arguments de nos collègues, qui se fondent sur un besoin légitime de la personne née d’un don. Reste que, si les éléments permettant l’identification sont laissés à la discrétion du donneur, au moment du don, cela aboutira à la création de régimes différenciés, selon que le donneur veut ou non se faire connaître. Ce faisant, alors que le mot « égalité » fait l’objet, pour certains d’entre nous, dont je ne suis pas, d’une forme d’obsession conduisant à vouloir offrir les mêmes droits à toutes les personnes nées à l’issue d’un même processus technique, certains enfants – ceux qui seront nés des gamètes d’un donneur ayant refusé la transmission d’un certain nombre d’éléments – se heurteront au mur du refus.
En outre, moi qui siège à la CNIL, je me demande en quoi consistent ces données non identifiantes. Seront-elles suffisantes pour répondre à la soif d’informations d’un enfant né d’un don ?
Je souhaite donc que soit maintenu un principe éthique des différentes lois relatives à la bioéthique et qui n’a jamais été remis en cause : l’anonymat.
La commission spéciale n’a pas méconnu l’ensemble des arguments qui viennent d’être évoqués. Il s’agit, là encore – comme d’habitude, depuis mardi dernier –, d’une décision extrêmement difficile à prendre.
Il y a plusieurs intérêts en jeu : celui des enfants qui veulent savoir – même s’il y a aussi des enfants, majoritaires, me semble-t-il, qui ne veulent pas savoir –…
… et celui du donneur, le respect de sa vie privée. Être contacté dix-huit ans après avoir fait un don, voire un peu plus, peut représenter une irruption tout à fait néfaste dans la vie du donneur et sans commune mesure avec le geste altruiste qu’il a pu faire.
Nous avons donc tenté de trouver un équilibre, consistant à permettre, au travers d’un double cliquet – le fait à la fois de demander l’accès à ces informations et d’obtenir l’accord de la personne qui est à l’origine du don – et par l’intermédiaire de la structure désignée, d’entretenir, avec chaque acteur, une discussion, une analyse, une avancée sur ce qu’il convient de faire, sur la décision vers laquelle l’un et l’autre doivent s’acheminer.
C’est un système que nous pensons juste et équilibré, autant que faire se peut. La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Je vais revenir sur quelques-uns des points évoqués dans les prises de parole sur l’article, quitte à anticiper sur des débats à venir. Je veux au préalable rappeler, pour qu’il n’y ait aucune confusion, que l’anonymat du don d’éléments et de produits du corps humain, qui relève des grands principes qui structurent notre cadre bioéthique, n’est pas remis en cause. Ce principe s’exerce entre un donneur et un receveur. Or l’enfant né d’un don de gamètes constitue un tiers, tant à l’égard du donneur qu’à l’égard du receveur. Donc, j’y insiste, l’anonymat du don n’est pas remis en cause dans le système que nous proposons.
Cela dit, effectivement, les pédopsychiatres confirment la difficulté de se construire dans le secret et la frustration suscitée par ce qui s’apparente à un trou noir dans l’histoire et le récit des personnes nées de PMA avec don. Ainsi, le Gouvernement prévoit de compléter le cadre actuel de l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, en accordant aux seules personnes conçues par don anonyme qui le souhaiteront un droit d’accès à des informations relatives au donneur, y compris à son identité. Il n’est pas question de permettre au donneur ni au receveur de connaître l’identité l’un de l’autre, ni au moment du don ni ultérieurement, et personne ne fait ni ne doit faire l’amalgame entre un père et un donneur ; c’est un constat qui me paraît consensuel et qui a encore été souligné à l’occasion des États généraux de la bioéthique.
Par conséquent, cette ouverture ne menace en rien la famille fondée sur une filiation juridique et sociale ; un donneur n’est pas un parent, je le répète, ce n’est pas sa vocation, ce n’est pas ce que nous instaurons et ce n’est pas le sens de son geste. Toutefois, il est une pièce de l’identité de l’enfant que l’on ne peut pas dérober à ce dernier.
Mettons-nous un instant à la place de ces enfants, …
… comme vous nous y invitez, madame la sénatrice Primas. Un certain nombre d’entre eux nous indiquent avoir besoin, dans leur construction, dans leur développement, dans leur épanouissement, de connaître l’identité de leur donneur.
Pour autant, madame la rapporteure, ceux qui ne le souhaiteront pas n’y seront pas obligés ; ceux qui ne veulent pas connaître l’identité du donneur n’auront aucune obligation à en être informés, ils n’auront pas l’identité du donneur parmi leurs cadeaux d’anniversaire à leur majorité. De même, à l’inverse, connaître l’identité ne constitue pas un droit à la rencontre.
Or le système vers lequel vous êtes en train de vous diriger, mesdames, messieurs les sénateurs, consiste, du point de vue de l’enfant, à institutionnaliser le fait que certains auront le droit de connaître l’identité de leur donneur et que d’autres, non. Ainsi, à partir de l’adolescence – moment important de la construction de l’identité –, ces enfants commenceront à se poser, tel un supplice chinois, chaque jour, chaque semaine jusqu’à leurs 18 ans, la question de savoir si leur donneur sera ou non d’accord pour qu’ils connaissent son identité. Puis, patatras, le jour de leurs 18 ans, ils se heurteront à une porte fermée !
Tel est le système que vous êtes en train d’institutionnaliser. En soumettant la révélation de l’identité du donneur à l’accord de celui-ci, ce dispositif sera délétère pour une grande partie des enfants qui se verront refuser l’accès à ces données. Alors que, tout au long de la construction de leur identité, ils auront pu espérer la révélation de l’identité du donneur, cette porte leur sera fermée, je le répète, à 18 ans.
J’ai envie de vous dire, un peu par provocation – vous m’en excuserez –, qu’il vaut mieux, dans ce cas, préserver les fameux secrets de famille ; ne bougeons pas, ne créons pas une inégalité, un supplice de plus pour ces enfants.
Ils ont sauté avec l’instauration de la PMA pour tous, les secrets de famille !
Voilà ce que j’avais à vous dire à cet égard.
Par ailleurs, le projet du Gouvernement, confirmé par les députés, prévoyait que cette réforme ne valait que pour l’avenir. Il prévoyait aussi que les anciens donneurs ne seraient pas sollicités, mais qu’ils pourraient, sur leur initiative, se manifester auprès de la commission s’ils étaient favorables à la communication de leur identité aux personnes nées de leurs dons qui en feraient demande. Votre commission spéciale a adopté un amendement ayant pour objet de prévoir que l’on recherche les anciens donneurs. Nous aurons l’occasion d’y revenir ; nous avions prévu une campagne incitant les anciens donneurs à se rapprocher de la commission, sans le caractère systématique que vous prévoyez.
Enfin, dans les pays qui ont déjà modifié leur législation sur ce point, on a observé, c’est vrai, une baisse du nombre de donneurs de gamètes au moment du changement de législation. Il est vrai aussi que cette tendance s’est inversée et a fini par se stabiliser. Il est également vrai que la nature des donneurs et les raisons pour lesquelles ces derniers donnent ont changé ; ce ne sont plus les mêmes donneurs. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il y a moins de donneurs.
Je me permets de vous rappeler à cet égard que l’ouverture de la PMA aux femmes ne nécessite, a priori, que des spermatozoïdes et non des gamètes féminins. Or il n’existe aujourd’hui aucune tension sur les dons de spermatozoïdes ; depuis que les personnes n’ayant pas eu d’enfant ont le droit de donner leurs gamètes, il n’y a plus de pénurie de spermatozoïdes.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques points sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir. Vous le comprendrez, je serai particulièrement tenace sur la question de l’identité du donneur, parce que cela me semble fondamental pour les enfants de ce pays qui seraient nés d’un don. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
L’intelligence artificielle – je rappelle que ses données échappent au contrôle national – permettra à peu près certainement à tout enfant de remonter, avec une probabilité forte, à son parent, qui n’est certes qu’un donneur, mais qui sera ressenti, par l’enfant devenu adulte, comme tel.
Vous avez tout à fait raison, monsieur le secrétaire d’État, un donneur n’est pas un père, mais, quand on avance en âge, on s’intéresse beaucoup plus à ses parents que lorsque l’on est jeune – parfois, lorsque l’on est jeune, on les subit. On cherche à les comprendre et à savoir d’où l’on vient. D’ailleurs, les généalogistes vous le diront, ils sont très sollicités par des gens qui ont largement dépassé l’âge de l’adolescence et des crises post-pubertaires.
Il est assez légitime, quand on est un être humain, de se raccrocher à ses ascendants, à son histoire, à ses racines. Il y aura, pour cela, quoiqu’en dise la loi, un outil : le fichage absolu de toutes les données par des systèmes d’hébergement que, à cet instant, l’autorité nationale n’est pas, je le répète, en mesure de contrôler.
J’ai donc presque envie de vous soutenir dans votre volonté de lever l’anonymat du don, parce que, de toute façon, un donneur reste un parent, que vous le vouliez ou non. C’est un parent qui surgit dans un couple – je parle bien du couple, non de l’enfant – comme un intrus. Or cet intrus peut jouer un rôle considérable dans la maturation psychologique de l’enfant. C’est donc quelqu’un qui dérange ceux qui l’ont sollicité, mais qui rassure celui qui en est issu.
Il nous faut, pour de nombreuses raisons, tourner la page du secret, qui n’est plus adaptée aux demandes des enfants nés de dons et qui produit beaucoup de dégâts. Il faut tourner cette page en garantissant un double respect.
D’une part, il faut respecter les donneurs et les conditions dans lesquelles ils ont effectué leur don. À cet égard, je soutiens sans réserve la position de la commission spéciale, qui estime, puisque l’on change le cadre du don, qu’il faut contacter les anciens donneurs pour leur demander s’ils acceptent ce changement. Sans cela, il faudrait détruire ces gamètes, ce qui n’est pas souhaitable, en raison notamment du risque de pénurie.
D’autre part, il faut respecter l’intérêt supérieur de l’enfant, qui est d’avoir le droit de connaître ses origines, pour des raisons tant psychologiques que médicales. La connaissance des antécédents médicaux est importante. En cette matière, les données non identifiantes sont très clairement identifiantes. Il est donc inutile de s’accrocher à cette ligne de démarcation. Par conséquent, je soutiens la position du Gouvernement qui consiste à ne pas créer deux catégories différentes : les enfants qui auraient le droit de connaître leurs origines et ceux qui ne pourraient pas exercer ce droit parce que le donneur le refuserait. Il faut éviter de créer une inégalité entre les enfants.
Je ne soutiendrai donc évidemment pas cet amendement, qui tend à proposer d’en rester à un système qui n’est pas efficient et qui provoque, c’est peut-être compassionnel de le dire, beaucoup de malheur.
J’appuie les propos de Bernard Jomier.
J’ai pour ma part nourri ma réflexion de mon expérience de présidente d’un conseil de famille, dans lequel on examine la situation des enfants nés sous X et celle des parents – des mères seules, souvent – qui ont décidé d’accoucher sous X. Certaines de ces femmes choisissent – ce sera le cas des donneurs – de fournir leurs données. Cela est absolument nécessaire pour certains enfants. Il n’y a qu’à voir la progression de ces personnes quand, à l’adolescence ou à l’âge adulte, elles accèdent à ces données, même si celles-ci sont infimes ; cela leur permet de se construire.
Dans le cadre des conseils de famille, avant de confier les enfants nés sous X à des familles d’accueil, on leur demande souvent de constituer un album sur les premiers jours de vie. Rien que le fait de disposer de ces albums, qui atterrissent dans les mains du jeune en construction, qui devient, à sa majorité, adulte, permet à ces individus de se construire.
J’ai aussi nourri ma réflexion des propos de la sociologue Irène Théry, selon qui, aujourd’hui, on « distill[e] parcimonieusement “des renseignements non identifiants”, sans paraître se rendre compte de ce raffinement de cruauté ». C’est terrible pour certains enfants, pas pour tous – certains ne demandent rien –, mais pour ceux qui veulent se construire ; c’est un besoin essentiel. Sans cela, il s’agit, je le répète, d’un « raffinement de cruauté ».
Je maintiens évidemment mon amendement.
Je relève de cette discussion que des éléments de doute subsistent quant aux conséquences mêmes de ce nouveau droit.
Je veux demander au Gouvernement si l’on a étudié la question de l’apparition d’une éventuelle jurisprudence judiciaire ou administrative en la matière. À partir du moment où l’on constitue un droit opposable, le juge ne pourra-t-il pas se poser la question du rétablissement du principe d’égalité et passer outre la décision du donneur de ne pas révéler son identité ?
Ce débat n’est pas simple.
Jusqu’à présent, on garantissait l’anonymat du don, parce qu’il s’agissait d’organes. Nous sommes là face à un cas de figure différent : il ne s’agit pas de réparer ; les gamètes contribuent à donner la vie. Il est donc normal de se poser la question de savoir si la règle générale applicable au don d’organes l’est aussi, compte tenu de cette particularité, au don de gamètes.
J’ai une deuxième difficulté : on nous explique d’abord que, au fond, la PMA n’est pas très grave pour l’enfant, lequel peut être conçu sans père ; on nous explique ensuite que, pour sa construction, il faut quand même que cet enfant puisse avoir accès à ses origines… J’ai encore plus de mal à comprendre comment on met tout cela en cohérence avec l’article 4 portant sur la filiation.
On va ainsi avoir accès à un père, qui n’est pas un père mais qui est un géniteur, et on va appliquer un dispositif qui me semble terriblement incompréhensible.
Je n’ai pas de réponse à mes questions, mais j’aimerais bien que vous nous aidiez à résoudre toutes ces contradictions, monsieur le secrétaire d’État.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.
Dans ce cadre, la commission spéciale vise à surfer entre les deux positions, en indiquant que, si le donneur ne s’y oppose pas, l’enfant pourrait accéder aux données ; mais on se rend bien compte que ce n’est pas satisfaisant, au regard de l’égalité de droit entre enfants. En effet, selon que le géniteur s’y oppose ou non, on n’a pas le même droit.
Monsieur le secrétaire d’État, puisque c’est vous qui défendez ce projet de loi, auriez-vous la gentillesse de bien vouloir nous expliquer comment vous-même levez toutes ces contradictions ?
Je suis troublé, parce que, si j’ai voté pour l’ouverture de la PMA aux couples homosexuels et aux femmes seules, je réalise au fil des débats que l’on commence à avoir le bras engagé, moralement, politiquement, dans des choses qui me gênent beaucoup.
Dans mon esprit, quand on aide à la création d’un projet familial, quand on fait un don, on devrait s’inscrire soi-même dans un projet familial de don de gamètes ; selon moi, le conjoint devrait en être informé.
Dorénavant, parmi ses cadeaux pour ses 18 ans, comme le dit M. le secrétaire d’État, le jeune né par PMA aura le droit de demander des informations sur son géniteur, que l’on va interroger ; dira-t-il oui ou non ? Dès lors que celui-ci ne l’a pas indiqué lors du don de gamètes, cela complexifie les choses. Au contraire, aujourd’hui, l’anonymat entraîne tout de même moins de conséquences négatives que tout le système que l’on est en train d’instituer dans des poupées gigognes.
Je l’avoue, selon moi, lever l’anonymat engendrera beaucoup plus de problèmes que ça n’en résoudra. Par-dessus le marché, vous voulez rechercher, monsieur le secrétaire d’État, les anciens donneurs anonymes pour savoir s’ils acceptent la levée de leur anonymat, rendant ce changement de législation rétroactif.
M. Jean-Pierre Corbisez. Je suis très inquiet des conséquences de cette décision pour les couples dont l’un des membres a été donneur dix-huit ans plus tôt sans le dire à son conjoint.
M. Loïc Hervé applaudit.
Il y a, dans ce débat, deux positions cohérentes. L’une, celle de M. Hervé, qui souhaite conserver le droit actuel et, donc, ne pas lever l’anonymat. L’autre, qui me paraît plus conforme à l’évolution de la société, qui repose sur le constat qu’il y a parfois un besoin de connaître son géniteur, ses origines biologiques, puisqu’on ne parle effectivement pas du père. Cela répond à une demande forte.
Si j’étais taquin, je dirais que la commission spéciale a essayé de faire du « en même temps », …
Sourires.
… en disant que « ça dépendra du choix ». Mais cela pose une véritable question ; comme l’a dit le secrétaire d’État, c’est un peu la loterie : vous voulez connaître vos origines biologiques, mais cela dépendra d’une décision prise il y a bien longtemps par le donneur.
Il me semble que l’on introduit, ce faisant, une rupture d’égalité qui ne se justifierait – j’emploie le conditionnel, parce que je suis prudent – que par l’intention du donneur et non par la situation de l’enfant. Celui-ci se trouverait donc dans une situation différente selon un choix qui ne dépend pas de lui.
La position du Gouvernement me paraît donc être la bonne.
Si, à titre personnel, j’étais dans la situation qui nous occupe, je ne sais pas si je chercherais à connaître mon origine biologique. Il est toujours très compliqué de juger les hommes. Fontenelle disait : « Nous voulons juger de nous, nous en sommes trop près ; nous voulons juger des autres, nous en sommes trop loin. » Il faudrait être au milieu, mais nous n’y sommes jamais. Or nous ne sommes pas que des spectateurs, nous ne sommes pas que des habitants de la Terre, nous sommes des législateurs.
Je crois qu’il faut permettre à chacun de connaître son origine biologique, son géniteur, et qu’il faut le faire dans des conditions qui n’ajoutent pas une souffrance supplémentaire, c’est-à-dire sans rupture d’égalité.
Si nous nous disions simplement que nous sommes en train de légiférer en nous appuyant sur l’expérience induite des lois antérieures pour nous projeter vers l’avenir ?
L’un des sujets qui nous préoccupe est de savoir si l’on va intégrer à ces progrès de la médecine et de la conception l’idée que la filiation peut-être multiple. Issue d’un projet parental, c’est une filiation sociologique : un couple réalise son désir d’enfant grâce à l’assistance médicale à la procréation. On peut penser que ces enfants, qui vont recevoir tout l’amour et toute l’éducation que ces couples ont à donner, ne vont pas être malheureux.
Je repense aux propos d’Angèle Préville, ce matin, qui évoquait un de ses anciens élèves. On sent bien que la difficulté, dans ce cas précis, est venue du fait qu’on ne lui a pas parlé. Or l’expérience nous a justement appris qu’entretenir la fiction de la biologie dans un couple qui n’a qu’une filiation sociologique constitue une erreur.
Je rejoins ce qu’a dit notre collègue Gérard Longuet : l’enfant, arrivé à sa majorité, va peut-être se poser des questions sur ses origines, mais sa filiation sera d’abord sociologique. C’est celle-là qui va compter, c’est cette éducation qui a été portée.
Le donneur sait, au moment du don, que son identité pourrait être connue un jour. On lui dit aussi clairement qu’il n’y aura pas de lien de filiation, qu’il ne sera pas possible de reconnaître cet enfant, qu’il n’y aura pas de contrôle de l’ADN… Ce dispositif peut donc parfaitement fonctionner.
Par contre, monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison de souligner la souffrance de cet enfant à qui on va dire la vérité sur ses origines – les parents vont d’ailleurs être encouragés à lui en parler au fur et à mesure de son évolution, notamment à l’adolescence –, à qui on aura fait miroiter l’idée qu’il pourrait, comme le suggérait Gérard Longuet, retrouver l’identité du donneur et qui s’opposera finalement au refus de ce dernier.
Nous ne sommes pas dans la même situation que pour l’enfant né sous X, dispositif propre à la France qui n’existe pas dans les autres pays européens : l’enfant né sous X a été porté par sa mère pendant neuf mois. Or on sait que quelque chose se vit entre la mère et l’enfant durant la maternité, qu’il existe une relation entre l’enfant et celle qui le porte pendant toute la durée de la conception. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous sommes quasiment unanimes à penser que la GPA n’est pas la solution. Il ne s’agit pas du même sujet.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
De deux choses l’une : soit les enfants ne sauront jamais qui est leur géniteur biologique – pour lever la contradiction que relevait M. de Legge voilà quelques instants, je ne parle pas de « père » – et aucun d’entre eux ne pourra avoir accès à l’identité du donneur de gamètes. Cette situation entraînera une souffrance des enfants, si tant est qu’ils apprennent la vérité plus tard, et la recherche de leurs origines qu’évoquait Gérard Longuet. Aujourd’hui, on sait qu’un grand nombre d’enfants qui ne savent pas « d’où ils viennent » – PMA, adoption, nés sous X… – ont cette préoccupation. Pour certains, cela devient même un problème psychologique. Soit les enfants auront accès à l’identité du donneur.
Il me semble que la clarté commande de permettre à tous soit l’un, soit l’autre, et de ne pas offrir un aléa total.
Monsieur de Legge, permettre à l’enfant de savoir qu’il est né d’une PMA n’entraîne pas de confusion entre le père social, celui qui l’a élevé et aimé, et le gamète qui a permis sa naissance. Je ne vois aucune contradiction dans notre raisonnement. Dans mon esprit, il n’y a pas de confusion.
Le « en même temps » de la commission, qui constitue déjà une avancée sur laquelle nous avons beaucoup travaillé, n’est sans doute pas totalement satisfaisant. L’amendement du Gouvernement a le mérite de la clarté. Quand on veut faire du « en même temps », on peut aussi y aller carrément !
Dans les pays où un tel dispositif a été mis en place, le nombre de donneurs a effectivement diminué, mais dans un premier temps seulement. Ce problème ne s’est plus posé ensuite.
J’ai déposé un amendement à l’article 9 visant à ce que la levée de l’anonymat, qu’elle soit généralisée, comme le propose le Gouvernement, ou qu’elle se fasse sous condition, comme le propose la commission spéciale, soit traitée de la même façon pour les enfants nés d’un don de gamètes ou pour les enfants nés sous X.
Je rejoins les propos de Jacques Bigot : il s’agit de deux sujets différents. La maman a porté l’enfant pendant neuf mois et a établi un lien avec lui. À un moment, il faudra se poser la question de la levée de l’anonymat pour les enfants nés sous X.
Je reprends le début du propos de Gérard Longuet : c’est déjà presque une évidence, sans même l’ordinateur quantique, l’intelligence artificielle nous permettra d’accéder à ces informations.
Dans son livre Le Fils, dont je vous conseille la lecture, Arthur Kermalvezen montre comment il a retrouvé ses origines, contre toute attente, avec les seuls outils dont nous disposons aujourd’hui et sans trop faire appel à l’intelligence artificielle. L’intérêt de ce livre est double : il montre le ressort puissant qui vous pousse à rechercher le géniteur, le père, tout du moins celui dont vous procédez. C’est quelque chose d’inextinguible. Il montre aussi les technologies à notre disposition pour y parvenir.
Tout en respectant beaucoup sa position, qui est claire, je ne voterai pas l’amendement de Loïc Hervé. Entre la proposition du Gouvernement et celle de la commission spéciale, qui prévoient toutes deux la levée de l’anonymat, il n’y a pas photo : celle de la commission me paraît plus éclairée.
Le Gouvernement propose que le consentement se fasse au moment du don : le jeune adulte demandera cette levée dix-huit ans après, alors même que la volonté du donneur pourrait avoir changé. La commission, quant à elle, propose de faire coïncider le moment du consentement et celui de la demande. Il s’agit d’une grande différence. Je n’en avais pas fait ma doctrine, mais je me rallie à la position de la commission spéciale.
Cette question nous renvoie bien évidemment au grand débat sur la filiation que nous aurons dans quelques instants. On a pu parler de rupture anthropologique en raison de la suppression du lien symbolique entre engendrement et filiation. Vous avez parlé d’égalité, monsieur le secrétaire d’État, mais il y aura de facto un processus inégalitaire entre les enfants qui auront des pères et ceux qui n’en auront pas, entre ceux qui auront accès à leurs origines et ceux qui n’y auront pas accès, faute de consentement du donneur.
Quand la transmutation n’aura pas fonctionné, c’est à dire quand une femme, dans l’esprit du fils, ne sera pas devenue sa mère, l’enfant cherchera ses origines. Quand cette transformation n’aura pas bien fonctionné, ce qui peut arriver dans la construction de l’identité d’un adolescent, le « plan B » qui s’offrira à lui se trouvera du côté du biologique, du côté du géniteur. C’est toute la contradiction que relevait Dominique de Legge.
Cette contradiction apparaît aussi dès lors que nous avons accepté l’extension de la PMA. Nous reviendrons sur cette question, qui touche profondément au régime de filiation que nous établirons ou que nous n’établirons pas. Pour l’instant, nous parlons de fiction juridique fondée sur la vraisemblance.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Revenons à la question posée par M. Hervé, qui veut que nous en restions à loi de bioéthique actuelle.
J’ai voté ou rejeté avec lui un certain nombre de dispositions, mais je ne peux le suivre cette fois. Ce n’est pas parce que tous ne pourront avoir accès à l’identité du donneur qu’aucun ne doit y avoir accès. La grille de lecture qui passerait par une interprétation excessive du principe d’égalité pour savoir si, oui ou non, on doit permettre de connaître l’identité du donneur n’est pas la bonne porte d’entrée.
Face à des situations qui peuvent soit être bien assumées, soit témoigner d’une certaine détresse psychologique, la bonne porte d’entrée est de savoir si l’on doit interdire l’accès à l’identité du donneur si celui-ci est d’accord. Nous discuterons des modalités lors de l’examen d’autres amendements.
Comme l’ont souligné Gérard Longuet et Bruno Retailleau, les banques de données d’ADN deviennent si importantes qu’elles permettent déjà de retrouver des parents. Elles ne cessent de croître de manière exponentielle si bien que des enfants issus d’un don témoignent aujourd’hui qu’ils ont retrouvé leur géniteur – qui n’avait pourtant pas consenti à la révélation de son identité – de cette manière.
Tout cela relativise quelque peu la portée de ce que nous sommes en train de faire et permet surtout de montrer l’importance qu’accordent les personnes nées d’un don à la possibilité d’accéder, le cas échéant, à l’identité du donneur.
Je me suis assez peu exprimé pour l’instant. Ce texte pose un véritable problème de conviction : ce n’est pas un débat entre ceux qui détiennent la vérité et les autres. Chacun a une vision qui tient à sa sensibilité, à ses convictions. C’est avec beaucoup d’humilité que je me permets de prendre la parole. Même en tant que médecin, je n’ai pas encore osé m’exprimer sur ces questions hautement sensibles.
Ce débat nous montre que le père a tout de même une utilité dans la cellule familiale. Je suis rassuré, car il me semblait comprendre que le père n’était finalement pas d’une redoutable utilité.
Les arguments de Mme la ministre et les vôtres, monsieur le secrétaire d’État, semblent démontrer qu’il est tout de même utile.
Dans le cas d’un couple hétérosexuel, l’enfant peut trouver l’amour qu’il cherche auprès du père qu’il a déjà, même si ce n’est pas son père biologique. Dans le cas d’un couple homosexuel, l’enfant ne pourra trouver son père au sein de la cellule familiale. Si on ne lui donne pas la chance de pouvoir connaître un jour son père biologique, on risque de le pénaliser dans sa construction individuelle.
L’amendement de la commission, que je voterai, me paraît tout à fait équilibré en ce qu’il tient compte de la place de l’enfant et de l’ouverture de la PMA aux couples homosexuels.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
On ne peut comparer un enfant adopté de manière plénière ou un enfant né sous X qui veulent connaître leur histoire et leurs vrais parents et un enfant conçu par des dons anonymes de gamètes ou d’ovocytes. Selon moi, au risque de vous choquer, le donneur n’est pas le géniteur. Il fait un simple don de cellules.
Il me semble donc important de conserver l’anonymat et de réfléchir à un nouveau statut de l’embryon et du fœtus, ce qui pourrait résoudre pas mal de difficultés.
Le président Retailleau a raison d’évoquer la filiation : il y a une cohérence entre refuser l’accès aux données non identifiantes, et non l’accès aux origines, et refuser de porter la mention du don sur l’acte d’état civil de la personne issue de ce don. On protège ainsi le secret du mode de conception.
Sur cette question, la position du Gouvernement me semble quelque peu contradictoire : vous êtes favorable, monsieur le secrétaire d’État, à l’accès aux origines, mais vous refusez d’appliquer aux enfants nés d’un couple de femmes ou d’un couple hétérosexuel la même règle de connaissance de l’engendrement. La cohérence n’est donc pas du côté du Gouvernement, mais de ceux qui défendent l’amendement de Loïc Hervé.
La commission n’est pas dans une position facile : cumuler connaissance du mode de filiation et accès aux origines, cela fait beaucoup d’aléas pour un individu. Cette personne aura-t-elle appris de ses parents qu’elle est née d’un don de spermatozoïdes ? Aura-t-elle ensuite la chance d’avoir un donneur ayant consenti à la levée de son identité ? Encore une fois, cela fait beaucoup d’aléas pour une même personne.
J’ai beaucoup entendu parler du père, mais il me semble que la question de l’accès aux origines concerne aussi les ovocytes. Ne parlons pas que des spermatozoïdes et des pères, pensons aussi aux donneuses d’ovocytes.
Nous avons eu des débats passionnants, hier soir, sur la PMA post mortem. Nous entrons ici dans un débat encore plus « violent » et impressionnant. Ces questions peuvent parfois nous donner le vertige et nous faire ressentir la peur du vide.
Comme l’a souligné Gérard Longuet, nous sommes face à la rencontre de l’intelligence artificielle et des biotechnologies. Ces questions, très fortes et très lourdes, ont souvent été évoquées au cours des travaux de la commission spéciale, notamment sur le prix de ces thérapies et le maintien de la gratuité des soins. Le président Delfraissy en a parlé lors de son audition.
Pourrons-nous maintenir longtemps l’anonymat du don ? J’entendais l’un de nos collègues dire de l’anonymat qu’il était sacré. Certes, mais est-il possible de lui conserver ce caractère sacré ?
La commission spéciale n’a pas cherché un « en même temps », mais seulement à tenir compte des évolutions technologiques. Elle n’est pas partie du principe que les choses étaient sacrées ni qu’il fallait forcément interdire. Au contraire, elle est plutôt partie du principe qu’elle n’interdirait pas ce qu’on ne pouvait interdire.
L’essentiel, sur tous les sujets, était de se mettre en situation, en tenant compte de nos convictions, de notre expérience, voire de nos croyances, pour faire en sorte que les hommes et les femmes concernés gardent la main sur ces questions. Nous avons eu le souci permanent de tenir compte des évolutions scientifiques tout en encadrant et en humanisant les choses. Le texte de la commission me semble donc particulièrement équilibré.
La commission spéciale a mené une réflexion longue et pas toujours très facile.
Je voudrais revenir sur les interrogations de Dominique de Legge quant à la notion d’anonymat du don et à son origine.
La première loi de bioéthique a défini trois types de dons : le don de sang et ses dérivés, cas dans lequel on ne se préoccupe pas d’identifier le donneur qui vous a sauvé la vie ; le don d’organes, plus spécifique – si le don de reins est aujourd’hui autorisé sur être vivant, le don d’organes ne concernait jusqu’à présent que les personnes décédées, d’abord à cœur battant, puis arrêté, et l’anonymat était de règle pour protéger le receveur – ; enfin, le don de gamètes, pour lequel l’anonymat a constitué la règle, dans la continuité du don d’organes, sans que peut-être le gouvernement ou le législateur de l’époque ne s’interrogent sur la volonté des bénéficiaires de ce don de connaître celui qui leur aura permis la vie.
La commission s’est penchée sur tous ces sujets et a essayé de trouver une solution, hors intervention de l’intelligence artificielle dont nous parlerons à l’article 11. Elle propose donc que le donneur, à partir de l’entrée en vigueur de la loi, soit prévenu qu’il pourra être sollicité, dans le futur, pour une éventuelle levée d’anonymat. En outre, l’accès aux données non identifiantes sera automatique, le donneur devant nécessairement donner son accord pour la transmission des seules données identifiantes.
Comme l’ont souligné certains de nos collègues, cette position me semble sage, probablement définitive pour les cinq ans à venir… D’ici là, avec le développement de l’intelligence artificielle, cette position sera sans doute amenée à évoluer, comme l’ont souligné Gérard Longuet et Bruno Retailleau.
Je voudrais remercier le président Retailleau d’avoir cité l’ouvrage Le Fils d’Arthur Kermalvezen, mais je m’étonne des conclusions qu’il en tire, qui sont à l’opposé de celles de l’auteur comme de celles du Gouvernement.
La recherche de ses origines est effectivement un puissant besoin, une nécessité, un désir…
Je vais y venir, monsieur Retailleau, et j’évoquerai à mon tour une contradiction…
Il s’agit d’un puissant désir de rechercher non un père, mais bien un récit, une histoire. Les personnes qui ignorent être nées de dons le sentent sans le savoir. Une députée a fait un témoignage très émouvant sur ce sujet, expliquant qu’elle avait toujours su qu’il y avait quelque chose. Les psychologues, les pédopsychiatres soulignent l’importance de cette recherche d’une histoire dans la construction de soi. C’est une réalité.
Vous évoquez également, avec Gérard Longuet, la question du progrès technologique. Vous semblez souhaiter que les révélations continuent de se faire de façon sauvage. Ne préférez-vous pas encadrer cette relation entre l’enfant et son donneur ?
Le donneur saura, en toute conscience, que son identité pourra être révélée. Les conséquences de cette levée d’anonymat lui seront expliquées. L’enfant, âgé de 18 ans, sera accompagné par la commission durant tout le processus. Tout cela me semble préférable à ce que vous proposez, à savoir laisser la technologie conduire irrémédiablement à la révélation de l’identité du donneur, même sans son accord.
C’est n’importe quoi ! Ce n’est absolument pas la proposition de la commission !
Nous pensons qu’il est préférable d’accompagner les choses.
Au final, l’équilibre du projet de loi pensé par le Gouvernement repose sur le libre choix de tous : choix pour les nouveaux donneurs de donner ou non – s’ils ne veulent pas que leur identité puisse être levée – dans le cadre de la réforme ; choix pour les anciens donneurs de se manifester ou non auprès de la commission, conformément à l’engagement moral que nous avons pris envers eux voilà plusieurs années, au moment du don ; choix pour les personnes nées de dons de demander ou non l’identité de leur donneur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une fois encore, je ne peux que vous encourager à vous mettre à la place de l’enfant au moment d’exprimer votre vote.
Le problème dont nous sommes saisis est extrêmement compliqué. Les propositions qui nous sont soumises comportent des contradictions. Je le reconnais d’autant plus volontiers que, lors de mon intervention sur l’article, j’avais moi-même fait part de mes doutes et interrogations, avant d’indiquer que nous étions en accord avec la commission spéciale, considérant qu’elle était parvenue à un juste équilibre.
Puis, au fil du débat, les propos des différents orateurs ont fait émerger d’autres questionnements. À ce stade – peut-être faudrait-il mettre un terme au débat, sous peine de rebasculer
Sourires.
Nous soutiendrons donc l’amendement du Gouvernement, plutôt que la solution proposée par la commission spéciale.
M. Roger Karoutchi. Après une heure et demie de débat, plus personne ne sait ce qu’il doit voter. Celui qui arrivait sûr de ses convictions voilà une heure et demie ne sait plus où il en est !
Rires.
Pour ma part, je n’ai pas lu l’ouvrage essentiel que vous avez évoqué avec Bruno Retailleau, monsieur le secrétaire d’État ; il dépasse sans doute mon entendement.
Sourires.
Je sais que je ne lis malheureusement pas suffisamment. Je lisais beaucoup plus quand j’étais jeune, mais ça fait longtemps…
Rires.
J’ai participé aux travaux de la commission spéciale, et j’entends les arguments de Gérard Longuet. Soyons honnêtes : nous savons très bien que, du fait de l’explosion des technologies, il faudra revenir dans cinq ou dix ans sur ce que nous allons voter aujourd’hui. Sur de tels sujets, aucune solution n’est éternelle ou définitive. Tout bouge très vite.
Je m’étais rallié à la position de la commission spéciale, et je continue de la soutenir. Nous avons conversé pendant des heures avec l’inestimable Muriel Jourda. Pour ma part, je ne suis pas un savant, et je n’ai pas la vérité révélée. Simplement, j’ai le sentiment que la solution de la commission spéciale est une solution d’équilibre. Elle n’est sans doute pas parfaite, mais elle est applicable et peut être comprise par tout le monde. Sans doute faudra-t-il y revenir dans quelques années – Gérard Longuet a raison – du fait de la rapidité des évolutions technologiques, mais nous avons une solution raisonnable pour l’instant.
Les propositions des auteurs des autres amendements m’inquiètent, car elles créeraient à terme plus de problèmes que la solution retenue par la commission spéciale. Restons-en donc à celle-ci.
La position de la commission spéciale est une position d’équilibre.
Elle protège d’abord l’intérêt de l’enfant né du don. On nous a dit qu’il était plus important pour lui de connaître le secret de sa conception que l’identité du donneur. Les Cécos ont travaillé sur ce point. Nous les avons aidés en introduisant des pédopsychiatres et des psychologues spécialistes de l’enfance dans les équipes pluridisciplinaires. Les Cécos remettent des livrets aux parents pour apporter les explications adaptées aux enfants. L’enfant pourra donc connaître le secret de la conception et, éventuellement, l’identité du donneur ; certains peuvent y être sensibles.
Elle protège ensuite l’intérêt du donneur. Nous avons estimé que l’arrivée dans son univers d’un enfant issu de son don dix-huit ans, vingt ans ou vingt-cinq ans après son geste altruiste pourrait, dans certains cas, troubler sa vie privée. Or le donneur a aussi droit au respect de sa vie privée.
Elle protège enfin l’intérêt de la société. Ce point est important, car il est directement lié à la bioéthique. Nous l’avons souligné, le risque, c’est la pénurie de gamètes. Cela pourrait conduire à la marchandisation. Je le rappelle, une personnalité aussi éminente que le professeur Nisand expliquait voilà quelques semaines dans une tribune qu’il fallait discuter de la marchandisation. La présidente des Cécos a également évoqué ce risque devant nous. Dans d’autres pays, le problème de pénurie a été résolu par des importations de gamètes. Voulons-nous vraiment renoncer à la non-marchandisation des gamètes ?
Nous avons ainsi trouvé une position d’équilibre entre ces différents intérêts. La solution que nous avons retenue respecte les principes de bioéthique ; je le rappelle, il s’agit d’un texte de bioéthique.
Mme Catherine Procaccia et M. Bruno Retailleau applaudissent.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 122 rectifié, présenté par Mme Costes et MM. Arnell, A. Bertrand, Cabanel, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Labbé et Requier, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Supprimer les mots :
et à l’identité
II. – Alinéa 12
Supprimer cet alinéa
III. – Alinéa 25
Supprimer les mots :
ou à l’identité du tiers donneur
IV. – Alinéa 29
Supprimer cet alinéa.
V. – Alinéa 30
Supprimer les mots :
et de l’identité
VI. – Alinéa 34
Supprimer les mots :
et de leur identité
VII. – Alinéa 63
Supprimer les mots :
ou à l’identité
VIII. – Alinéa 70
1° Première phrase
Supprimer les mots :
et à être recontactés en cas de demande d’accès à leur identité par ces mêmes personnes
2° Deuxième et troisième phrases
Supprimer ces phrases.
IX. – Alinéa 71
1° Deuxième phrase
Supprimer les mots :
et à être recontactés en cas de demande d’accès à leur identité
2° Avant-dernière et dernière phrases
Supprimer ces phrases.
X. – Alinéa 72
Supprimer les mots :
et, le cas échéant, à l’identité de ce tiers donneur
La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
Il est possible que la levée de l’anonymat soit, à un moment, plus perturbante que l’ignorance de l’identité du géniteur.
Je suis un peu ennuyé que nous débattions déjà de l’amendement du Gouvernement alors qu’il n’a pas encore été présenté.
Notre amendement vise à maintenir l’anonymat du donneur. C’est la position de plusieurs collègues de mon groupe. Je la soutiens à cet instant. Toutefois, je souhaite entendre les précisions du Gouvernement.
L’amendement n° 233 rectifié, présenté par M. Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 13
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 2143 -2. – Toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l’identité de ce tiers donneur.
« Le consentement exprès des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryons à la communication de ces données et de leur identité dans les conditions prévues au premier alinéa est recueilli avant qu’il soit procédé au don. En cas de refus, elles ne peuvent procéder à ce don.
« Ces données peuvent être actualisées par le donneur.
La parole est à M. Yves Daudigny.
Par cohérence avec les positions que nous avons exprimées au cours de l’après-midi, cet amendement vise à ne pas distinguer les modalités d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du donneur.
Le groupe socialiste et républicain défend le principe d’accès aux origines de l’enfant né d’un don.
Nous souhaitons revenir à la philosophie initiale de l’article 3 tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale : considérer l’accès aux origines, entendu comme l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, comme un droit universel pour l’ensemble des personnes majeures nées d’un don.
L’amendement n° 292, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Après les mots :
à sa majorité
insérer les mots :
à l’identité et
II. – Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 13, première phrase
Remplacer les mots :
leurs données non identifiantes
par les mots :
ces données et de leur identité
IV. – Alinéa 29
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° De faire droit aux demandes d’accès à l’identité des tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du 3° de l’article L. 2143-9 ;
V. – Alinéa 33
Après les mots :
non identifiantes
insérer les mots
et à leur identité
VI. – Alinéa 67
Après les mots :
non identifiantes
insérer les mots :
et à la communication de leur identité
VII. – Alinéa 70, première phrase
Remplacer les mots :
et à être recontactés en cas de demande d’accès à leur identité
par les mots :
ainsi que leur accord à la communication de leur identité en cas de demande
VIII. – Alinéa 71, deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Ils consentent alors expressément, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité aux personnes majeures conçues, à partir de cette date, par assistance médicale à la procréation à partir de leurs gamètes ou de leurs embryons qui en feraient la demande.
IX. – Alinéa 73
Après les mots :
non identifiantes
insérer les mots :
et à l’identité
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Cet amendement, qui concerne un sujet qui nous tient évidemment à cœur, mais bien moins qu’aux enfants concernés, vise à rétablir la rédaction initiale du projet de loi : c’est avant le don que le donneur doit consentir une fois pour toutes à l’accès de ses données non identifiantes et à son identité.
Je le rappelle, nous voulons compléter le cadre actuel de l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur en accordant aux seules personnes conçues par don anonyme qui le souhaiteraient un droit d’accès à des informations relatives au donneur, y compris son identité. Encore une fois, madame la rapporteure, rien n’obligera l’enfant à avoir accès à cette identité s’il ne le souhaite pas.
À leur majorité, les enfants qui le souhaiteront pourront solliciter une commission placée auprès du ministre chargé de la santé. Celle-ci s’adressera alors à l’Agence de la biomédecine, qui conservera les données relatives aux donneurs, aux dons et aux enfants nés de dons.
Je le précise, le droit d’accès à l’identité du tiers donneur n’est pas un droit de rencontre ; c’est un droit à la connaissance d’une information. Le Gouvernement n’entend pas ouvrir un droit à contacter le tiers donneur ou à s’immiscer dans la famille de celui-ci. Réciproquement, cela vaut aussi pour le donneur : il n’y a pas de confusion entre la famille et le géniteur.
La commission spéciale a adopté un amendement tendant à prévoir le recueil du consentement du donneur lors de la demande d’accès à son identité par une personne majeure issue de son don. Comme je l’ai déjà indiqué, une telle option, qui n’exclut pas un éventuel refus du donneur, apparaît d’emblée comme inégalitaire.
Je suis souvent en accord avec l’excellent sénateur Julien Bargeton. Mais, en l’occurrence, il s’agit d’une question moins d’évolution de la société ou d’égalité, même si c’est évidemment aussi le cas, que de développement individuel de l’enfant.
Soyez pragmatiques. Mettez-vous à la place d’un enfant auquel on dirait dès le plus jeune qu’il aura peut-être accès à l’identité du donneur, ou peut-être pas. Imaginez son angoisse jusqu’à sa majorité. Songez à la situation dans laquelle vous le mettriez en votant un tel dispositif.
L’option que nous avons retenue présente au contraire l’avantage de placer tous les enfants issus d’un don sur un pied d’égalité. Elle donne acte aux personnes nées d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur de la légitimité de leur demande. Le droit qu’elle ouvre sera effectif en pratique.
Ne créons pas l’illusion d’instituer des droits nouveaux pour les enfants nés de dons si ces derniers ne peuvent pas les exercer en pratique : c’est ce qu’on peut leur faire de pire ! Ce que nous proposons est respectueux des donneurs, qui seront, vous l’avez compris, parfaitement informés du nouveau cadre législatif au moment d’effectuer leur don. Ils auront le choix et pourront décider de donner ou non. Effectivement, leur profil risque de changer par rapport à aujourd’hui.
Nous raisonnons trop dans le cadre actuel. Je pense notamment à M. Longuet, qui évoquait l’irruption dans la famille d’un donneur. Quand tout sera plus transparent, clair, assumé et désacralisé
M. Bruno Retailleau s ’ esclaffe.
Nous souhaitons donc que le dispositif que nous avions envisagé – permettre à tous les enfants nés d’un don d’accéder à l’identité de leur donneur – puisse être rétabli. C’est le sens du présent amendement.
L’amendement n° 244 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 293, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
La commission spéciale souhaite que l’on puisse rechercher les donneurs relevant du régime actuel pour obtenir leur consentement dès lors qu’une demande d’accès à leur identité a été formulée par une personne née de leur don.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire, nous ne souhaitons pas nous engager dans cette voie. Notre choix est que les anciens donneurs sous le régime actuel soient libres de se manifester ou non auprès de la commission chargée de l’accès aux données et qu’ils ne soient pas recherchés. Certains interpellent déjà l’Agence de la biomédecine pour se manifester. Ce débat est justement l’occasion de faire de la publicité sur la possibilité qui sera bientôt ouverte aux anciens donneurs.
En retenant le dispositif de la commission spéciale, nous serions en porte-à-faux avec le contrat moral que nous avons passé avec eux au moment de leur don sous un régime spécifique de non-consentement pour l’accès aux origines. Pour contourner la difficulté, vous proposez d’agir au cas par cas lors d’une demande spécifique formulée par une personne issue d’un don auprès de la commission chargée de l’accès aux données. Celle-ci contacterait le Cécos, qui se mettrait directement en relation avec le donneur pour lui demander son accord, mais sans aucune garantie pour la suite.
Pour notre part, nous voulons que la demande puisse recevoir une réponse. Nous avons choisi non de partir de la demande des personnes, mais d’organiser une vaste campagne d’information à l’attention du grand public pour proposer à tous ceux qui ont fait des dons dans les Cécos avant la présente loi de se manifester, afin de permettre un accès à leurs données non identifiantes, à leur identité ou aux deux. Nous souhaitons distinguer la démarche volontaire du donneur et une sollicitation intrusive. En outre, nous ne voulons pas d’une forme de rétroactivité pour les lois de bioéthique.
L’amendement n° 265 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, M. Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Patriat, Hassani, Marchand, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Lévrier, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 70, deuxième à dernière phrases
Supprimer ces phrases.
II. – Alinéa 71, troisième à dernière phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Cet amendement vise à supprimer l’obligation du recueil de consentement de l’autre membre du couple dans le cadre du nouveau droit d’accès aux origines.
D’abord, le don est un acte personnel. Ensuite, il est difficile pour les équipes de savoir si la personne est en couple ou non. Enfin, les échanges au sein même du couple relèvent de la sphère privée.
Nous considérons que l’accès à l’identité du donneur doit être accepté par lui.
L’amendement n° 281, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 70, deuxième à dernière phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Il s’agit d’un amendement de cohérence avec celui que j’ai présenté à l’article 2.
Nous souhaitons revenir au texte du Gouvernement, qui ne prévoit pas de recueillir le consentement de l’autre membre du couple lors d’un don de gamètes ni, par conséquent, lors d’une demande d’accès à l’identité du donneur. Comme je l’ai déjà souligné, la France serait le seul pays d’Europe à avoir une telle législation ; même si ce n’est pas un argument en soi, il me semble important de le rappeler.
Le don de gamètes engage chacun personnellement. Le fait que le donneur tienne son conjoint informé – qu’il soit pacsé, marié ou en concubinage – relève de la sphère privée, pas de la loi.
Par ailleurs, il est nécessaire d’adapter le don de gamètes aux évolutions de la société et de le sécuriser en permettant au seul donneur de gamètes de révoquer son consentement.
Vous avez assorti votre dispositif d’une vérification que l’autre membre du couple est toujours en couple avec le donneur au moment de la demande d’accès à l’identité de ce dernier. Rendez-vous compte de la complexité que cela peut représenter en pratique pour les équipes. Comment peuvent-elles vérifier cela vingt ans après ? Imaginez l’injustice que ce serait pour une personne née d’une AMP de ne pas pouvoir accéder à l’identité du donneur quand bien même celui-ci y serait favorable juste parce que son conjoint y serait opposé ! Or c’est ce qui résulterait du système que vous voulez instituer.
Quel est le système le plus juste ? Quel est le système le plus égalitaire ? Quel est le système qui heurte le moins ? Aucun système ne peut prétendre à la justice, à la justesse et à l’égalité parfaites.
Le système voulu par le Gouvernement laisse de côté tous ceux qui militent actuellement pour connaître leurs origines. Ils ne pourront pas être aidés. Le système adopté par la commission spéciale prévoit que les anciens donneurs seront recontactés pour savoir s’ils souhaitent lever leur anonymat, ce qui ne sera vraisemblablement pas possible si on ne fait rien. Le système de la commission spéciale paraît donc plus juste.
Trahissons-nous un contrat moral qui aurait été passé avec les donneurs ? Reprenons l’exemple des femmes ayant accouché sous X avant 2002, qui sont légion. Lors de l’accouchement, on ne leur a jamais dit qu’elles pourraient être recontactées. Pourtant, aujourd’hui, le CNAOP, le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, les recontacte à la demande des enfants concernés alors que le même contrat moral existait peut-être. La loi ne prévoyait rien en la matière. C’est exactement le même système que nous souhaitons mettre en place.
La justice, la justesse, l’égalité, chacun peut y prétendre sur un point et pas sur un autre. Encore une fois, nous avons cherché un point d’équilibre permettant que les principes bioéthiques ne soient pas écornés à terme. C’est, me semble-t-il, la moindre des choses dans une loi de bioéthique.
L’avis est donc défavorable sur l’ensemble des amendements qui viennent d’être présentés.
Avis défavorable sur les amendements n° 122 rectifié, 233 rectifié et 265 rectifié.
Nous retirons l’amendement n° 233 rectifié au profit de l’amendement n° 292 du Gouvernement.
L’amendement n° 233 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
L’amendement du Gouvernement vise à faire en sorte que le donneur autorise l’accès à ses données, y compris son identité. Faut-il en conclure qu’il ne pourra effectuer de don s’il ne consent pas à cette autorisation ?
Ceux qui auront donné jusqu’à la promulgation de la présente loi seront soumis à l’ancien régime juridique ; ils ne pourront pas être recontactés. Nous ne voulons pas d’une loi de bioéthique rétroactive. Cela mettrait en péril la confiance des Français envers les futures lois qui seront votées.
À partir d’aujourd’hui, nous demanderons aux nouveaux donneurs s’ils acceptent d’être recontactés. En cas de refus, ils ne pourront plus donner, afin d’éviter d’avoir des stocks différents à gérer. Nous reconstituerons un nouveau stock de gamètes avec les donneurs soumis au nouveau régime législatif. Une fois que le stock sera suffisant, nous détruirons l’ancien stock.
M. Philippe Bas. Plus nous avançons dans la discussion, plus nous comparons les différentes formules qui nous sont proposées et plus j’ai le sentiment que celle de la commission spéciale est vraiment la meilleure.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie s ’ esclaffe.
Le Gouvernement propose que quelqu’un puisse s’engager sur ce qu’il fera dans vingt ans si on lui pose la question de la révélation de son identité à une personne issue de son don. Une telle idée méconnaît tout ce qui peut se passer pendant ces vingt années !
Vous donnez vos gamètes en étant célibataire. Au cours des vingt années suivantes, vous pouvez vous être marié, avoir divorcé ou avoir constitué une famille recomposée. Si l’on vient vous voir au bout de vingt ans, vous saurez à ce moment-là si votre situation personnelle et familiale vous permet d’assumer la révélation de votre identité. Il est pratiquement impossible de le savoir, donc de prendre un tel engagement, vingt ans plus tôt !
Je trouve que la proposition du Gouvernement méconnaît profondément la réalité de la vie que le donneur va avoir devant lui pendant toutes les années où l’enfant issu du don va grandir. Je recommande vraiment à nos collègues de s’en tenir à la formule de la commission spéciale.
Exclamations sur les travées du groupe SOCR.
Monsieur le sénateur, pour beaucoup d’entre nous, il est effectivement très difficile de se projeter vingt ans plus tard. Simplement, des pays ont fait ce choix. On observe alors que le profil des donneurs n’est plus du tout le même. Désormais, les donneurs sont clairement des personnes très engagées qui font un geste altruiste, dans une démarche quasi militante ; ils en parlent beaucoup plus facilement à leur conjoint.
Je le rappelle, le donneur a toujours la possibilité de se rétracter tant que les gamètes ne sont pas utilisés, et tous les gamètes ne sont pas utilisés. Aujourd’hui, il y a environ 400 donneurs de gamètes masculins en France, et il y a seulement eu un peu plus de 200 naissances issues de leur don. Il n’est plus possible de se rétracter après l’utilisation des gamètes.
Nous avons fait ce choix en nous plaçant du point de vue de l’enfant. Si nous permettions aux donneurs de revenir sur leur engagement au bout de vingt ans en retirant l’autorisation d’accès à leurs données, les enfants seraient dans l’incertitude la plus totale. Le risque est que très peu d’enfants puissent avoir accès aux données non identifiantes, voire identifiantes.
Je le rappelle, c’est une commission qui évalue les besoins de l’enfant et qui recontacte les donneurs. Il n’y a pas de mise en contact direct. La commission d’experts recueille la demande de l’enfant et communique ensuite les données non identifiantes. Si cela ne suffit pas à la construction de l’enfant, l’étape suivante est éventuellement la communication des données identifiantes, avec la possibilité pour le donneur de gamètes de refuser le contact. L’obligation porte seulement sur les données identifiantes.
Si nous indiquions que l’accès aux origines est autorisé, mais que le donneur peut se rétracter au dernier moment vingt ans plus tard, la loi n’aurait plus aucune effectivité, et nous aurions un double régime : certains enfants auraient accès à leurs origines, et d’autres non
Le choix du Gouvernement a donc été clair. Nous ne proposons aux donneurs de recueillir leurs gamètes que s’ils s’engagent sur le long terme à permettre l’accès aux origines, c’est-à-dire les données non identifiantes dans le premier cas, puis les données identifiantes dans le deuxième cas.
Nos discussions avec des enfants nés de don ont montré que les données non identifiantes suffisaient souvent à la construction de l’enfant. Tous n’ont pas besoin de connaître le nom du donneur. De toute manière, rien n’obligera ce dernier à être mis en contact.
Pour le don d’organes, il y a aujourd’hui un registre des refus. Autrefois, des individus gardaient dans leur portefeuille un document précisant qu’ils étaient donneurs d’organes ou l’indiquaient à leurs proches dans l’hypothèse où il leur arriverait un accident. Je trouve que c’était un beau geste citoyen, voire supra-citoyen : on s’engageait pour autrui au-delà de la mort.
L’anonymat du don de gamètes permet à des personnes célibataires ou en couple, mariées ou non, de faire un geste citoyen, un geste familial, en permettant à d’autres d’avoir un enfant.
Si je comprends bien ce qui nous est proposé, la personne qui voudrait donner ses gamètes, mais qui ne souhaiterait pas autoriser l’accès à ses données identifiantes ne pourrait plus faire de don. Cela revient donc à empêcher ceux qui veulent rester des donneurs anonymes de continuer à faire un acte citoyen et à aider des couples en difficulté. Le fait qu’une personne refusant de communiquer ses données identifiantes ne puisse plus être considérée comme un donneur potentiel me gêne beaucoup.
On ne donne pas pour se faire plaisir. Le Gouvernement ne souhaite pas contenter des donneurs qui auraient envie de donner sous un autre régime, mais répondre à une problématique unanimement reconnue aujourd’hui : la nécessité pour un enfant né d’un don de connaître ses origines pour se construire. Je rappelle que ces enfants sont très peu nombreux, et, pour nous, aujourd’hui, la priorité, c’est bien la construction de l’enfant. C’est pourquoi nous ne souhaitons pas un double régime de donneurs anonymes et de donneurs qui accepteraient d’être connus. Nous voulons clarifier les choses.
Le plus souvent, les donneurs connaissent des couples qui ont des difficultés à avoir des enfants, et ils s’engagent dans une démarche de don pour des raisons personnelles très profondes.
Nous devons replacer l’anonymat dans son contexte historique.
Dans le cadre de l’AMP pour les couples hétérosexuels, on a toujours essayé de faire comme s’il n’y avait pas de don, comme si l’enfant était vraiment né de cette femme et de cet homme. C’est au fur et à mesure qu’on a accepté d’en parler dans les familles. Dès lors, la levée de l’anonymat, comme l’a souligné M. le secrétaire d’État, est une vraie quête de la part des enfants.
Le don est un geste généreux, citoyen, conçu pour permettre à des parents d’avoir un enfant, dans le cadre d’une vérité sociologique, et non biologique. C’est la raison pour laquelle la commission a prévu, à l’article 5 A, une valorisation des donneurs, sous la forme d’un statut honorifique.
Dès lors que le donneur saura, il n’y aura pas de difficulté.
Cela étant, nous ne souscrivons pas à l’amendement n° 293, présenté par le Gouvernement. Pour ce qui concerne le passé, nous nous rangeons plutôt à l’avis de la commission. Comme pour les enfants nés sous X, il s’agit de permettre à un enfant en quête de ses origines, et qui ne se contente pas de ce qu’il peut trouver dans les algorithmes américains, de demander à la commission d’accéder à l’identité du donneur. Dans ce cas, on consultera le donneur, lequel pourra alors accepter ou refuser.
Nous voterons en revanche les amendements n° 292, 265 rectifié et 281.
Je sais que vos débats ont été nourris sur la possibilité de recontacter les donneurs et, par analogie, sur le rôle du CNAOP, et l’adoption.
D’abord, je pense qu’un enfant né sous X, c’est-à-dire un enfant orphelin, qui n’a pas de famille, n’est pas tout à fait dans la même situation qu’un enfant né d’une PMA avec tiers donneur. Celui-ci a une famille aimante, mais il souhaite contacter une commission pour accéder à des informations qu’il n’a pas, parce qu’il sait qu’il est issu d’un don. Faire l’analogie entre ces deux situations me pose problème.
Ensuite, je vous alerte sur le fait que vous voteriez là, mesdames, messieurs les sénateurs, une disposition qui rendrait la loi rétroactive. Quelle confiance nos concitoyens pourraient-ils avoir en la législation si, brusquement, nous décidions de changer les règles et de revenir vers des donneurs qui – je reprends les arguments de M. Bas – ont construit leur vie en sachant qu’ils ne seraient jamais recontactés ? Un médecin du Cécos pourrait faire irruption dans leur vie vingt ou trente ans après leur don, alors que, à l’époque, l’engagement était parfaitement clair : ils n’auraient plus jamais de nouvelles du Cécos.
À l’inverse, les futurs donneurs sauront que, à tout moment, dans vingt ou trente ans, ils pourront être recontactés, car ils auront donné leur accord.
Je suis donc très prudente sur cette disposition, et je trouve assez choquant, à titre personnel, que l’on puisse ainsi revenir sur une loi précédente et sur un tel engagement moral. Cela fragilise, me semble-t-il, tous les engagements que nous pouvons prendre à l’égard des futurs donneurs.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Je n’ai peut-être rien compris, ce qui n’est pas exclu, madame la ministre, mais il me semble que le texte de la commission ne prévoit qu’un simple droit d’option. La personne contactée pourra dire non.
Autant je suis d’accord avec vous pour dire qu’on ne peut pas changer rétroactivement les règles du jeu, autant, dès lors que la personne contactée pourra refuser, je ne vois pas où est le problème.
Quoi qu’il en soit, je suis favorable à l’amendement du Gouvernement, et non à cette version du texte. Mais ne semez pas la confusion dans l’esprit de nos collègues en soulevant un problème qui, selon moi, n’existe pas.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour un rappel au règlement.
Je ne mets personne en cause, mais, hier, je note que des présidents de séance ont communiqué les résultats des scrutins à main levée, afin que tout le monde soit apaisé. Je pense que c’est utile pour chacun.
Ne troublez pas la qualité de ces débats en refusant de les donner. Ce serait dommage, madame la présidente.
Mon rappel au règlement porte sur l’ensemble des articles du règlement relatifs à la séance plénière.
L’autorité et le partage décidés par la présidence ne peuvent être ni précisés ni contestés par les sénateurs. C’est la règle.
Il est vrai que certains présidents communiquent le résultat du vote, mais ils ne devraient pas le faire, selon moi, car cela pourrait inciter certains de nos collègues à interpeller la présidence sur chaque vote pour en obtenir le résultat et, éventuellement, le contester. Tel n’est absolument pas le sens du règlement du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - MM. Daniel Chasseing et Loïc Hervé applaudissent également.)
Je veux dire ma confiance à l’égard de la présidence de séance, de tous les présidents de séance.
Je souscris entièrement aux propos de Roger Karoutchi. Je défie quiconque de trouver dans notre règlement une disposition qui impose à la présidence de dévoiler le résultat du vote. Tout ce que nous lui demandons, justement parce que nous lui faisons confiance, c’est de nous dire si l’amendement est adopté ou pas. J’ai cru comprendre que vous l’aviez fait, madame la présidente.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Pour moi, ce n’est pas une question de confiance. Quelle que soit la personne qui occupe le fauteuil, je ne remets pas en question sa présidence.
Seulement, nous avons eu un assez long débat, au cours duquel les positions des uns et des autres ont pu évoluer. Comme ce fut le cas hier, il aurait été intéressant d’avoir ces précisions. Je ne sais pas si cette possibilité figure dans le règlement, mais, dans le climat de confiance qui nous anime, c’est un élément qu’il ne me paraît pas absurde de communiquer dans une enceinte comme la nôtre.
Mes chers collègues, le décompte des voix sur l’amendement n° 292 est le suivant : 25 voix pour et 30 voix contre.
Je mets aux voix l’amendement n° 293.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 255 n’est pas soutenu.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 264 rectifié est présenté par M. Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, M. Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Patriat, Hassani, Marchand, Cazeau, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Lévrier, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 287 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéas 25 et 74
Remplacer les mots :
au conseil mentionné
par les mots :
à la commission mentionnée
II. - Alinéa 27
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 2143 -6. – I. - Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur est placée auprès du ministre chargé de la santé. Elle est chargée :
III. - Alinéa 37
Remplacer cet alinéa par onze alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2143 -7. – La commission mentionnée à l’article L. 2143-6 est composée :
« 1° D’un magistrat de l’ordre judiciaire, qui la préside ;
« 2° D’un membre de la juridiction administrative ;
« 3° De quatre représentants du ministère de la justice et des ministères chargés de l’action sociale et de la santé ;
« 4° De quatre personnalités qualifiées choisies en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines et sociales ;
« 5° De six représentants d’associations dont l’objet relève du champ d’intervention de la commission.
« L’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes qui la composent ne peut être supérieur à un.
« Chaque membre dispose d’un suppléant.
« En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Les membres de la commission sont tenus à une obligation de confidentialité.
« Les manquements des membres de la commission à l’obligation de confidentialité, consistant en la divulgation d’informations sur une personne ou un couple qui a fait un don de gamètes ou a consenti à l’accueil de ses embryons ou sur une personne née à la suite de ces dons, sont passibles des sanctions prévues à l’article 511-10 du code pénal.
IV. - Alinéa 38
Remplacer les mots :
au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, à la demande de ce dernier
par les mots :
à la commission, à la demande de cette dernière
V. - Alinéa 43
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 4° La composition et le fonctionnement de la commission prévue à l’article L. 2143-6. »
VI. - Alinéa 45
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° L’article L. 147-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
VII. - Alinéas 46 à 49 et 51 à 58
Supprimer ces alinéas.
VIII. - Alinéas 70, première phrase et 72
Remplacer les mots :
du conseil mentionné
par les mots :
de la commission mentionnée
IX. - Alinéa 73, au début
Remplacer les mots :
Le conseil mentionné
par les mots :
La commission mentionnée
La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 264 rectifié.
Le projet de loi vise à sécuriser les droits des enfants nés d’une AMP avec tiers donneur en leur donnant la possibilité d’accéder à leurs origines. Cela implique nécessairement une réflexion sur les procédures et les modalités concrètes de mise en œuvre de cette faculté, qui, nous le savons tous, ne sont pas neutres.
Le Gouvernement avait fait le choix, dans le texte initial, de recourir à la création d’une commission ad hoc, pour assurer les missions d’accueil et de prise en charge des personnes nées d’une AMP avec don, ainsi que des tiers donneurs. Ce choix nous paraît plus pertinent que celui fait par la commission spéciale d’étendre les missions du CNAOP, aujourd’hui compétent pour l’accès aux origines des personnes nées sous X. Certes, le CNAOP est riche d’une expérience de plus de quinze ans en matière d’accès aux origines. Cependant, comme cela a été réaffirmé à plusieurs reprises au cours des débats, l’existence d’une différence de situation peut utilement justifier une différence de traitement.
Les débats de notre assemblée l’ont également rappelé : le recours à l’AMP avec tiers donneurs, d’une part, et l’adoption, d’autre part, induisent des réalités et des questionnements différents. Les enfants nés d’un don de gamètes et les enfants nés sous le secret n’ont pas un parcours et une histoire personnelle comparables. Réciproquement, l’implication d’un donneur ne peut être mise sur le même plan que celle de parents biologiques dans le cadre d’un accouchement sous X. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de revenir au texte initial, qui prévoyait la création d’une commission ad hoc.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 287.
Vous vous en doutez, cette question a également fait l’objet de réflexions au sein du ministère. C’est la raison pour laquelle nous avions imaginé un système différent de celui retenu par la commission spéciale, que je vous propose de rétablir à travers cet amendement.
Il s’agit de confier à une commission ad hoc, et non au CNAOP, les missions d’accueil et de prise en charge des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation avec don. La commission spéciale du Sénat a choisi de confier cette mission au CNAOP, qui intervient, je me permets de le rappeler, dans le cadre de l’accouchement dans le secret.
Dans une première approche, le CNAOP pouvait sembler légitime pour remplir ce rôle, dans la mesure où son objectif essentiel est, en effet, de faciliter l’accès aux origines personnelles. Mais il s’est rapidement avéré que le CNAOP intervient dans un contexte qui s’accorde mal, selon nous, avec la spécificité du don de gamètes. En effet, la situation tant juridique que psychologique des enfants issus d’un don de gamètes et de ceux qui ont été abandonnés ou confiés à leur naissance est radicalement différente.
Confier les missions propres au don de gamètes au CNAOP créerait selon nous un parallélisme infondé entre la situation des enfants nés dans le secret et celle des enfants nés d’une AMP avec tiers donneur. De même, le « don » de gamètes, conçu comme un acte solidaire et responsable, ne place en aucun cas le donneur dans une situation de dilemme ou de détresse assimilable à celle qui caractérise l’abandon d’enfant dans la situation particulière de l’accouchement sous le secret.
Des effets délétères pourraient en résulter, tant pour les donneurs, en conférant une portée au don qui n’est pas légitime et qui peut constituer un frein à leur démarche, que pour les enfants nés d’une AMP avec tiers donneur, en suggérant que leur situation serait identique à celle des enfants relevant du CNAOP, avec finalement le risque de générer, par cet amalgame, un sentiment de « manque » et une souffrance inutile. En outre, la procédure de l’accouchement dans le secret pourrait se trouver déstabilisée du fait de ce rapprochement avec les problématiques spécifiques au don de gamètes et à l’assistance médicale à la procréation.
En résumé, la différence des situations commande la mise en place de dispositifs différents et d’une commission d’accès, destinée à assurer l’interface entre les personnes concernées, différente. Cela n’empêchera évidemment pas la commission ad hoc de tirer profit de toute l’expérience développée depuis des années par le CNAOP.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de rétablir le dispositif initial envisagé par le Gouvernement.
L’amendement n° 307, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 54
Après les mots :
Au premier alinéa,
insérer les mots :
au début, les mots : « Un Conseil national » sont remplacés par les mots : « Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles »,
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission spéciale sur les amendements identiques n° 264 rectifié et 287.
L’amendement n° 307 est rédactionnel.
Avec la levée de l’anonymat, qu’elle soit totale ou partielle, un organisme devra faire le lien entre les enfants nés d’un don et les donneurs. Le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont choisi de créer une commission ad hoc pour recueillir les éléments détenus par l’Agence de la biomédecine, qui elle-même recueille des informations auprès des Cécos. La commission spéciale a constaté qu’il existait un conseil national pour l’accès aux origines personnelles, dont l’intitulé et les fonctions nous ont semblé suffisamment vastes pour remplir cette tâche.
Ce conseil a actuellement pour mission de retrouver les femmes qui ont accouché sous X, à la demande des enfants nés dans ces conditions. Certes, ce n’est pas en tout point similaire, mais ce n’est pas non plus totalement différent. M. le secrétaire d’État vient d’ailleurs de souligner que la commission ad hoc tirerait profit de l’expérience du CNAOP.
Plutôt que de créer une nouvelle commission, nous proposons plus simplement de tirer profit de l’expérience du CNAOP et de lui adjoindre une formation spécialisée, en partie composée de membres du CNAOP. Je ne vois pas pourquoi le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles serait incapable de mener ce travail, à propos duquel le Gouvernement nous dit qu’il bénéficie déjà d’une expérience convenable. L’avis est donc défavorable sur les deux amendements identiques.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Il ne nous semble pas judicieux de mêler ces deux missions au sein de la même structure. Nous n’arrêtons pas de dire qu’un donneur de gamètes n’est pas un parent, qu’il se trouve dans une situation différente. Nous procéderions à un mélange des genres en faisant appel à une commission spécialisée ayant pour mission de retrouver des mères qui ont accouché sous X, nécessairement dans une forme de douleur familiale. Ce n’est pas la même expérience, et on ne peut pas tenir à ces personnes le même discours qu’aux donneurs de gamètes, qui se sont engagés dans un don altruiste, et qui ne sont en rien des parents.
Il me semble donc qu’il ne faut ni confondre, ni mélanger, ni associer ces deux missions, car le discours que l’on tiendra aux enfants nés d’un don altruiste et aux donneurs de gamètes ne pourra pas ressembler à celui que délivrent les psychologues et les responsables du CNAOP dans le cas d’un accouchement sous X. C’est pourquoi nous souhaitons deux instances différentes.
Nous pouvons être sensibles à vos arguments, madame la ministre. Or, pour une fois, nous avons la chance d’avoir un texte qui connaîtra une seconde lecture.
Nous discutons là d’un problème d’organisation administrative. Faire examiner les requêtes par une commission ad hoc plutôt que par le CNAOP va-t-il réellement changer les choses ? Le temps de la navette nous permettra de travailler sur cette question.
Comme je l’ai dit en commission, la solution n’est pas forcément de recourir au CNAOP, ni d’ailleurs de créer une nouvelle commission administrative, à l’heure où le Gouvernement entend plutôt supprimer de nombreuses commissions. C’est pourquoi je préfère que nous nous en tenions à la position de la commission spéciale du Sénat. Cela permettra de voir si, in fine, il n’est pas possible de créer deux structures différentes au sein de la même instance, l’une travaillant avec l’ASE, notamment, au niveau des départements, pour essayer de retrouver les mères, l’autre travaillant avec les Cécos sur les donneurs de gamètes.
Nous ne voterons donc pas les deux amendements identiques, en espérant que la deuxième lecture nous permette d’approfondir cette question. Ce n’est pas simplement un point de détail, même s’il est moins important que nombre de sujets que nous avons examinés depuis deux jours.
Je partage le point de vue de M. Bigot. Si l’instance dont nous parlons est composée de personnes assez fines, elles seront capables d’adapter leur discours et, selon les cas, de s’adresser aux enfants nés sous X ou aux enfants nés d’un don de gamètes.
Il s’agit plus, me semble-t-il, d’un affichage destiné à éviter tout mélange des genres, mais je ne suis pas sûre qu’il soit nécessaire. D’ici à la prochaine lecture, j’aimerais bien connaître le nombre d’enfants concernés dans chacune des deux catégories, pour savoir s’il est vraiment indispensable de créer deux organismes ou si tous les cas peuvent être traités par le même.
Nous avons souvent regretté la volonté de regrouper différentes commissions. En l’occurrence, il y en a déjà une, et l’on propose d’en créer une deuxième…
Depuis des années, les gouvernements successifs créent des commissions de ceci et de cela, des agences de ceci et de cela… Depuis des années, nous essayons de les regrouper, dans un souci d’économies et d’efficacité.
Le CNAOP est un organisme qui permet l’accès aux origines personnelles. Pour les enfants nés sous X, il s’agit de retrouver leur mère. Dans le cadre d’une AMP, il s’agira de retrouver un père ou une mère. C’est sensiblement le même travail, même si, au bout du compte, les résultats ne sont pas identiques.
Plutôt que de créer une commission ad hoc, qui aura besoin d’un secrétariat et de locaux dédiés, regroupons l’ensemble au sein du CNAOP et faisons en sorte que celui-ci puisse travailler sur les deux volets, avec du personnel complémentaire qui aura éventuellement suivi des formations différentes. Essayons de faire des économies. Le résultat sera efficace, car le CNAOP a l’habitude de traiter ces questions.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 201, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 67, remplacer les mots :
d’une date fixée par décret
par les mots :
de la cinquième année suivant la promulgation de la présente loi
II. – Alinéa 68
Remplacer les mots :
À la veille de la date fixée par le décret prévu au C du présent VI
par les mots :
Au plus tard le premier jour de la cinquième année suivant la promulgation de la présente loi
III. – Alinéas 69, 70, première phrase et 71, première phrase (deux fois)
Supprimer les mots :
par le décret prévu
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Cet amendement vise à allonger la période transitoire entre les deux régimes, celui en vigueur actuellement, caractérisé par l’anonymat du don, et celui qui entrera en vigueur si le projet de loi est adopté, fondé sur la levée de l’anonymat. Il est évident que ces deux régimes différents ne peuvent coexister, l’un permettant à des enfants d’avoir accès à leurs origines, l’autre ne leur permettant pas.
La levée de l’anonymat risque toutefois, dans un premier temps, de se traduire par une diminution du nombre de candidats au don, comme l’ont souligné les Cécos. Il est donc important de conserver le stock de gamètes constitué avec le principe de l’anonymat du don, le temps de reconstituer un nouveau stock. C’est ce vous avez dit, me semble-t-il, madame la ministre.
Le délai de treize mois après la promulgation de la loi nous paraît également beaucoup trop court. Nous proposons donc d’attendre cinq ans avant de détruire les stocks existants.
Au-delà des moyens supplémentaires à accorder aux Cécos, nous pensons qu’une des clés pour rendre réellement effective la PMA pour toutes est d’éviter la pénurie de gamètes.
Vous avez bien compris que nous allons passer d’un système d’anonymat à un système qui lèvera, dans les conditions qui prévaudront à l’issue des discussions de ce texte, l’anonymat du donneur. Plusieurs phases sont prévues.
Pendant la première phase, qui durera un an environ, une banque de données sera créée auprès de l’Agence de la biomédecine, à partir des données possédées par les Cécos.
Au cours de la deuxième phase, le stock de gamètes existant, qui a été constitué sous le régime actuel, coexistera avec les dons de nouveaux donneurs, qui seront soumis au régime prévu par le présent texte. La durée de cette phase transitoire, qui verra diminuer le stock existant et augmenter – nous l’espérons tout du moins – le stock à venir, est indéterminée pour l’instant. Elle sera fixée par décret.
Lors de la dernière phase, nous n’utiliserons plus que les gamètes donnés sous le nouveau régime, celui qui sera issu du présent projet de loi.
Cet amendement vise à fixer la durée de la phase transitoire à cinq ans, alors qu’elle est pour l’heure indéterminée. Or personne ne peut savoir de quelle façon va se constituer le nouveau stock. Nous craignons donc que cette durée de cinq ans ne soit trop courte ou trop longue, en tout cas trop rigide pour s’adapter à la réalité du nouveau stock de gamètes constitué sous l’empire de la loi à venir.
Nous faisons confiance au gouvernement, quel qu’il soit, pour apprécier la réalité des stocks et prendre la décision la plus adaptée. En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Nous vous remercions de faire confiance au gouvernement, quel qu’il soit. J’espère néanmoins que ce sera toujours le même…
Sourires.
M. Adrien Taquet, secrétaire d ’ État. C’est la période, nous sommes encore en janvier.
Nouveaux sourires.
Par souci de souplesse, l’avis est défavorable sur cet amendement.
L ’ article 3 est adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.
(Non modifié)
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Le titre préliminaire est ainsi modifié :
a) À l’article 6-1, le mot : « au » est remplacé par les mots : « aux chapitres Ier à IV du » ;
b) Il est ajouté un article 6-2 ainsi rédigé :
« Art. 6 -2. – Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs, sous réserve des dispositions particulières du chapitre II du titre VIII du livre Ier. La filiation fait entrer l’enfant dans la famille de chacun de ses parents. » ;
2° Les articles 310 et 358 sont abrogés ;
3° Le titre VII du livre Ier est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa de l’article 310-1 est complété par les mots : « ainsi que, dans les conditions prévues au chapitre V du présent titre, par la reconnaissance conjointe » ;
b) La section 3 du chapitre Ier est abrogée ;
c) La section 4 du même chapitre Ier devient la section 3 ;
d) Au troisième alinéa de l’article 311-21, après la référence : « l’article 311-23 », est insérée la référence : «, de l’article 342-12 » ;
e) À l’avant-dernier alinéa de l’article 311-23, après la référence : « du deuxième alinéa du présent article », est insérée la référence : «, de l’article 342-12 » ;
f) Il est ajouté un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« De l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur
« Art. 342 -9. – En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation.
« Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur.
« Art. 342 -10. – Les couples ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur doivent préalablement donner leur consentement à un notaire qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation ainsi que des dispositions du chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique.
« Le consentement à une assistance médicale à la procréation interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation, à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d’effet.
« Le consentement est privé d’effet en cas de décès, d’introduction d’une demande en divorce ou en séparation de corps, de signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités de l’article 229-1 du présent code ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de l’insémination ou du transfert d’embryon. Il est également privé d’effet lorsque l’un des membres du couple révoque son consentement par écrit et avant la réalisation de l’insémination ou du transfert d’embryon, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette assistance ou du notaire qui l’a reçu.
« Art. 342 -11. – Pour les couples de femmes, la filiation est établie, à l’égard de chacune d’elles, par la reconnaissance qu’elles ont faite conjointement devant le notaire lors du recueil du consentement mentionné à l’article 342-10.
« La reconnaissance conjointe est remise par l’une d’elles ou, le cas échéant, par la personne chargée de déclarer la naissance à l’officier de l’état civil qui l’indique dans l’acte de naissance de l’enfant.
« Tant que la filiation ainsi établie n’a pas été contestée en justice dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 342-10, elle fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation dans les conditions du présent titre.
« Art. 342 -12. – Lorsque la filiation est établie par reconnaissance conjointe, les femmes qui y sont désignées choisissent le nom de famille qui est dévolu à l’enfant au plus tard au moment de la déclaration de naissance : soit le nom de l’une d’elles, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par elles dans la limite d’un nom de famille pour chacune d’elles. En l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille pour chacune d’elles, accolés selon l’ordre alphabétique.
« En cas de naissance à l’étranger d’un enfant dont l’un au moins des parents est français, les parents qui n’ont pas usé de la faculté de choix du nom dans les conditions prévues au premier alinéa peuvent effectuer une telle déclaration lors de la demande de transcription de l’acte, au plus tard dans les trois ans suivant la naissance de l’enfant.
« Lorsqu’il a déjà été fait application du présent article, de l’article 311-21, du deuxième alinéa de l’article 311-23 ou de l’article 357 à l’égard d’un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour les autres enfants communs.
« Lorsque les parents ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu’un seul nom à leurs enfants.
« Lorsqu’il est fait application du troisième alinéa de l’article 342-12 et que la filiation de l’enfant s’en trouve modifiée, le procureur de la République modifie le nom de l’enfant par application du présent article.
« Art. 342 -13. – L’homme qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant. En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. L’action obéit aux dispositions des articles 328 et 331.
« La femme qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, fait obstacle à la remise à l’officier de l’état civil de la reconnaissance conjointe mentionnée à l’article 342-10 engage sa responsabilité.
« En cas d’absence de remise de la reconnaissance conjointe mentionnée au même article 342-10, celle-ci peut être communiquée à l’officier de l’état civil par le procureur de la République à la demande de l’enfant majeur, de son représentant légal s’il est mineur ou de toute personne ayant intérêt à agir en justice. La reconnaissance conjointe est portée en marge de l’acte de naissance de l’enfant. Toutefois, la filiation établie par la reconnaissance conjointe ne peut être portée dans l’acte de naissance tant que la filiation déjà établie à l’égard d’un tiers, par présomption, reconnaissance volontaire ou adoption plénière, n’a pas été contestée en justice dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre III du présent titre, par une action en tierce opposition dans les conditions prévues à l’article 353-2 ou par un recours en révision dans les conditions prévues au titre XVI du livre Ier du code de procédure civile. » ;
4° Le titre VIII du même livre Ier est ainsi modifié :
a) L’article 353-2 est ainsi modifié :
– le premier alinéa est complété par les mots : « ou au conjoint de l’adoptant » ;
– le second alinéa est complété par les mots : «, ainsi que la dissimulation au tribunal de l’existence d’un consentement à une procédure d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ou réalisée après le décès de l’un des parents et, le cas échéant, d’une reconnaissance conjointe tels que prévus au chapitre V du titre VII du présent livre » ;
b) Au cinquième alinéa de l’article 357, après la référence : « 311-23 », est insérée la référence : «, de l’article 342-12 » ;
5° L’article 372 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « ou, dans le cas d’un établissement de la filiation dans les conditions prévues au chapitre V du titre VII du présent livre, lorsque la mention de la reconnaissance conjointe est apposée à la demande du procureur de la République » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité parentale est exercée conjointement dans le cas prévu à l’article 342-11. »
II. – À l’article 847 bis du code général des impôts, la référence : « 311-20 » est remplacée par la référence : « 342-10 ».
III. – Le 8° du I de l’article 22 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est abrogé.
L’article 4 du projet de loi organise la filiation des enfants qui naissent à l’issue d’une AMP réalisée par le nouveau public bénéficiaire de ce dispositif, notamment les couples de femmes. C’est un article de droit pur, donc quelque peu aride, mais il est important.
L’avis de la commission spéciale a évolué sur le sujet. Lors de sa dernière réunion, elle a donné un avis favorable à l’amendement n° 67 rectifié ter de Mme Primas, qui diffère du texte que la commission spéciale a adopté. Le vote a été serré. Les arguments avancés ont notamment rappelé que le droit de la filiation est un élément structurant de notre société.
Du droit de la filiation découlent les rapports des enfants avec leurs parents, les droits et obligations de chacun, ainsi que le droit des successions ou encore la prohibition de l’inceste. Ce droit est si important qu’il n’a jamais été laissé aux mains des citoyens, dont la volonté pure ne suffit pas à l’influencer ou à le créer. C’est pourquoi il faut être extrêmement attentif, lorsqu’on entend le modifier, à conserver le contrôle de l’État. C’est ce que fait l’amendement de Mme Primas.
Je souhaitais rappeler ce contexte avant que nous n’entrions plus avant dans la discussion.
Le droit à l’AMP pour les couples de femmes ne saurait être pleinement effectif sans une reconnaissance juridique du lien de filiation entre l’enfant et ses deux mères et de la qualité de parents de ces dernières. Dans la suite logique de l’article 1er, l’article 4 du projet de loi consacre cette reconnaissance.
Le mécanisme de la reconnaissance conjointe anticipée constitue, selon nous, la meilleure option parmi celles débattues en commission spéciale et, plus globalement, parmi celles avancées et discutées jusqu’ici dans le débat parlementaire. Cependant, il est regrettable que le projet de loi crée un régime dérogatoire pour les couples lesbiens. En effet, le choix a été fait non pas d’unifier le régime de l’AMP, mais d’ajouter au régime de droit commun applicable aux couples hétérosexuels un régime spécifique pour les couples de femmes, ce qui ne permet pas, à notre sens, d’atteindre l’égalité.
Des discriminations subsistent. Il serait dommage de ne pas les supprimer au moment, que l’on pourrait qualifier d’historique, où nous mettons fin à une grande injustice, en concrétisant le droit pour toutes à l’AMP.
La première discrimination, c’est l’existence de deux modes d’établissement de la filiation distincts, selon qu’il s’agit d’un couple hétérosexuel ou d’un couple lesbien ayant eu recours à l’AMP.
La deuxième discrimination, c’est l’absence de reconnaissance d’un lien de filiation, même en l’absence d’un lien biologique, par le mécanisme de la possession d’état pour les femmes concubines ou en couple ayant un enfant.
La troisième discrimination, c’est l’absence de présomption de parentalité pour les couples lesbiens mariés, mécanisme reconnu pour les couples hétérosexuels mariés.
Outre ces discriminations, nous regrettons que le mécanisme de reconnaissance de filiation conjointe anticipée soit entre les mains du notaire, et non entre celles du juge. Il s’agit d’un pas de plus vers la déjudiciarisation de tous les actes importants qui touchent au droit de la famille, processus que nous avons déjà dénoncé.
Le groupe CRCE présentera des amendements visant à améliorer les dispositions de cet article afin, d’une part, de permettre la reconnaissance pleine et entière du lien de filiation entre l’enfant et ses deux mères sans qu’aucune discrimination subsiste dans la loi entre couples hétérosexuels et couples lesbiens et, d’autre part, de préserver les droits et l’intérêt de l’enfant, dont le mode de conception ne doit constituer ni une discrimination ni un obstacle à l’accès à ses origines.
Nous abordons une question très importante : qu’est-ce que la filiation ? Commençons par rappeler les bases.
La filiation, c’est l’instrument qui permet de déterminer un certain nombre d’obligations légales qu’un adulte a vis-à-vis d’un enfant et que cet enfant aura plus tard vis-à-vis dudit adulte. C’est tellement important qu’il faut que l’établissement et la preuve de la filiation se fassent dans les conditions les plus claires, objectives et factuelles possible. C’est la raison pour laquelle, en droit français et depuis toujours, la mère est la femme qui accouche.
Il est très important que, au moment où nous voulons reconnaître une égalité de droits et de devoirs de deux femmes vis-à-vis d’un enfant qu’elles ont décidé de faire naître, nous n’abandonnions pas cette règle essentielle que je répète : la mère est la femme qui accouche. Par l’accouchement, on détermine un certain nombre d’obligations de cette femme vis-à-vis de l’enfant, puis, plus tard, de cet enfant vis-à-vis de cette femme.
De mon point de vue, il n’est pas acceptable que l’on soit mère lorsque l’on accouche d’un enfant né d’un couple hétérosexuel et qu’on ne le soit pas nécessairement lorsque l’enfant naît d’un couple de femmes. Ce serait une inégalité majeure dans la preuve de la filiation et dans son mode d’établissement.
Nous devons être très attentifs sur ce point. De ce fait, il nous faut traiter le problème de la compagne de la mère, sans laquelle l’enfant n’aurait pas été conçu et ne serait pas né. Je crois que nous pouvons atteindre l’égalité de droits entre les deux femmes en prévoyant que l’épouse ou la compagne de la mère sera autant mère que celle-ci, parce qu’elle aura bénéficié de la possibilité – ce sera même une obligation – d’adopter cet enfant selon une procédure automatique qu’elle ne pourra pas refuser.
Je salue la présence de la garde des sceaux. Il est important qu’elle soit là pour l’examen de cet article.
L’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes nous conduit à aborder le droit de la filiation et la situation de l’enfant qui a deux mères, situation qui fera l’objet d’une inscription à l’état civil. Pour autant, la jurisprudence récente de la Cour de cassation admet qu’il peut y avoir transcription d’un acte dans auquel il y a deux pères – nous y reviendrons sans doute au cours de l’examen de l’article 4 bis.
Le présent projet de loi s’inscrit dans le cadre du titre VII du code civil, qui vise la filiation charnelle, celle dans laquelle la femme qui accouche est la mère. Le législateur a ensuite défini d’autres notions : la présomption de paternité du mari, qui disparaît petit à petit, surtout depuis 1972, et la reconnaissance par un homme. Je signale d’ailleurs que cette procédure de reconnaissance ne requiert pas de vérification – on pourrait très bien imaginer que l’on recherche une correspondance ADN ou un autre indice de paternité. Il peut ainsi y avoir une reconnaissance sans véritable paternité ; cela arrive fréquemment, lorsqu’un homme se marie avec une femme qui a déjà un enfant.
C’est de cette procédure de reconnaissance que le projet de loi s’inspire, ce qui explique la notion de reconnaissance conjointe par deux femmes. C’est sans doute la meilleure manière d’inscrire les deux mères à l’état civil.
Le texte n’aborde pas la question de la filiation pour des enfants nés par PMA de couples hétérosexuels, parce que, pour eux, le droit est resté dans le cadre du couple charnel, naturel.
Je me demande d’ailleurs si nous ne devrions pas un jour créer un nouveau titre au sein du code civil après celui consacré à la filiation charnelle, le titre VII, et celui consacré à la filiation adoptive, le titre VIII – dans le cas de l’adoption, l’enfant peut être majeur, mineur, venir de l’étranger, etc. En effet, une notion supplémentaire est apparue, celle de la filiation par décision parentale dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation. Faut-il inscrire à l’état civil le fait que l’enfant né d’un don est l’enfant de ses géniteurs d’un point de vue sociologique, même si ce n’est pas le cas d’un point de vue biologique ? Nous n’en sommes pas là.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 30 rectifié ter est présenté par Mme Deseyne, MM. de Legge et Bonne, Mmes Ramond et Sittler, MM. Danesi et Schmitz, Mme Bruguière, MM. Chaize, Paccaud, Morisset et Panunzi, Mmes Lopez et Lavarde, MM. Vaspart et Retailleau, Mme Lassarade, MM. Cuypers et Chevrollier, Mmes Eustache-Brinio, Deroche et Lamure, MM. Mandelli et Gilles, Mmes Chauvin et Micouleau et MM. H. Leroy, Bignon et Hugonet.
L’amendement n° 54 rectifié bis est présenté par MM. Reichardt, Kennel, Mayet et Piednoir, Mme Noël et M. Duplomb.
L’amendement n° 241 rectifié est présenté par M. L. Hervé, Mme Billon, M. Cigolotti et Mme Morin-Desailly.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° 30 rectifié ter.
L’article 4 tire les conséquences de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et crée un nouveau mode de filiation fondé sur la volonté et détaché de toute référence à l’engendrement de l’enfant. Avec cette nouvelle rédaction, la filiation se détache du modèle biologique et n’a plus aucun rapport avec la réalité, puisque l’enfant pourrait, prétendument, avoir deux mères. Le principe selon lequel la femme qui accouche est la mère disparaît donc.
Le présent amendement a pour objet, dans ce contexte, de supprimer cet article. J’ai cependant entendu les prises de parole de Mme la rapporteure et du président Bas. Je retire donc cet amendement au profit de celui que présentera Mme Primas dans quelques instants.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
L’amendement n° 30 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 54 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 241 rectifié.
L’article 4 est bien loin de la bioéthique, puisque, en tirant les conséquences de l’article 1er, il touche au droit de la filiation.
Après en avoir discuté avec des couples qui vivent ces situations, je considère que le droit actuel est satisfaisant et qu’il n’est pas nécessaire de modifier le code civil. Pour autant, comme ma collègue Chantal Deseyne, je retire cet amendement au profit de celui de Mme Primas, qui me semble apporter toutes les corrections nécessaires. Comme l’a très bien démontré Philippe Bas, nous devons mettre en place une filiation beaucoup plus fidèle à la réalité et non une fiction. L’enfant – il faut penser à lui ! – doit pouvoir se construire par rapport à cette réalité.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
L’amendement n° 241 rectifié est retiré.
L’amendement n° 67 rectifié ter, présenté par Mme Primas, MM. Babary, Bas et Bascher, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bignon, Mme Billon, MM. Bonhomme, Bonne, Bouloux, Brisson, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier et Cuypers, Mmes L. Darcos, Deroche, Di Folco, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Forissier et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta et Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené, Hugonet et Huré, Mme Imbert, MM. Karoutchi, Kennel et Kern, Mmes Lamure et Lassarade, M. Laugier, Mme Lavarde, MM. de Legge, Leleux et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras et Mandelli, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Paul, Pellevat, Piednoir et Pierre, Mmes Procaccia, Puissat, Raimond-Pavero et Ramond, MM. Rapin, Regnard, Reichardt, Retailleau, Schmitz, Segouin et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vaspart et Vial, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Après l’article 310-1, il est inséré un article 310-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 310 -1 -1. – Il ne peut être légalement établi deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles à l’égard d’un même enfant. » ;
2° Le chapitre Ier du titre VII du livre Ier est ainsi modifié :
a) La section 3 est abrogée ;
b) La section 4 devient la section 3 ;
3° Après le titre VII du même livre Ier, il est inséré un titre … ainsi rédigé :
« Titre …
« De la filiation en cas d ’ assistance médicale à la procréation avec tiers donneur
« Art. 342 -9. – En cas d’assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation.
« Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur.
« Art. 342 -10. – Les couples ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, doivent préalablement donner leur consentement à un notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation ainsi que des conditions dans lesquelles l’enfant pourra, s’il le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l’identité de ce tiers donneur.
« Le consentement donné à une assistance médicale à la procréation interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d’effet.
« Le consentement est privé d’effet en cas de décès, d’introduction d’une demande en divorce ou en séparation de corps, de signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités de l’article 229-1 ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de l’assistance médicale à la procréation. Il est également privé d’effet lorsque l’un des membres du couple le révoque, par écrit et avant la réalisation de l’assistance médicale à la procréation, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette assistance.
« Celui qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant.
« En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. L’action obéit aux dispositions des articles 328 et 331.
« Si les deux membres du couple en font la demande au notaire, le consentement donné à une assistance médicale à la procréation vaut consentement de la mère dont la filiation à l’égard de l’enfant qui en est issu est établie par l’effet de la loi ou par la reconnaissance volontaire, à l’adoption de cet enfant par l’autre membre du couple. Celui-ci s’engage à saisir le tribunal de grande instance d’une requête en adoption de l’enfant.
« Le cas échéant, les effets du consentement à l’adoption cessent en même temps que ceux du consentement à une assistance médicale à la procréation.
« Le membre du couple qui, après s’être engagé à saisir le tribunal de grande instance d’une requête en adoption de l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation, n’y procède pas, engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant.
« L’adoption de l’enfant peut, dans ce cas, être prononcée par le tribunal de grande instance à la requête de la mère dont la filiation est établie.
« Art. 342 -11. – La filiation de l’enfant issu du recours à une assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur est établie dans les conditions du titre VII du présent livre.
« Dans le cas visé à l’article 310-1-1, la seconde filiation ne peut être établie que dans les conditions du titre VIII du même présent livre. » ;
5° L’article 343 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « corps, », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les adoptants doivent être en mesure d’apporter la preuve d’une communauté de vie d’au moins deux ans ou être âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans. » ;
6° Le second alinéa de l’article 343-1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « corps, », sont insérés les mots : « lié par un pacte civil de solidarité ou en concubinage, » ;
b) Après le mot : « conjoint, », sont insérés les mots : « de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin » ;
c) La seconde occurrence du mot : « conjoint » est remplacée par les mots : « celui-ci » ;
7° L’article 343-2 est complété par les mots : «, du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;
8° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 344, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin, » ;
9° Après le premier alinéa de l’article 345, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’enfant est issu d’une assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, la condition d’accueil au foyer de l’adoptant prévue au premier alinéa n’est pas exigée. » ;
10° L’article 345-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;
b) Le deuxième alinéa est complété par les mots : «, de ce partenaire d’un pacte civil de solidarité ou de ce concubin » ;
c) Au troisième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, de ce partenaire d’un pacte civil de solidarité ou de ce concubin » ;
d) Au quatrième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;
e) Au dernier alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;
11° L’article 346 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : «, deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
12° L’article 353 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’enfant est issu d’une assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, le délai prévu au premier alinéa est fixé à un mois. » ;
b) Au quatrième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
13° Au premier alinéa de l’article 353-1, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
14° Le premier alinéa de l’article 353-2 est complété par les mots : « ou au conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin de l’adoptant » ;
15° Le second alinéa de l’article 356 est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
- après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;
- après la seconde occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
b) La seconde phrase est complétée par les mots : «, partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou concubins » ;
16° L’article 357 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
- après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;
- après le mot : « époux, », sont insérés les mots : « partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou concubins, » ;
- après la seconde occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin, » ;
b) Au quatrième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin, » ;
17° Au troisième alinéa de l’article 360, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
18° À l’article 361, la référence : « 350 » est remplacée par la référence : « 349 » ;
19° L’article 363 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du troisième alinéa, après les mots : « époux, », sont insérés les mots : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
- à la première phrase, après les mots : « conjoint, » sont insérés les mots : « du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin, » ;
- à la deuxième phrase, après les mots : « époux, » sont insérés les mots : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, » ;
20° Le premier alinéa de l’article 365 est ainsi modifié :
a) Après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;
b) Après la seconde occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « son partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, » ;
21° Au quatrième alinéa de l’article 366, après chaque occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;
22° Le premier alinéa de l’article 370-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « époux, », sont insérés les mots : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, » ;
b) À la deuxième phrase, après le mot : « époux », sont insérés les mots : «, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin ».
II. – À l’article 847 bis du code général des impôts, la référence : « 311-20 » est remplacée par la référence : « 342-10 ».
III. – Le 8° du I et le III de l’article 22 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice sont abrogés.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Je remercie mes collègues d’avoir retiré leurs amendements de suppression de l’article au profit de celui-ci, qui tend à établir la filiation de la mère d’intention par la voie d’une procédure d’adoption rénovée.
Cet amendement reprend le dispositif proposé par notre rapporteur Muriel Jourda en commission spéciale. Son postulat est simple : une fois que nous avons adopté et acté le principe de l’extension de l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes, notre devoir est d’établir la filiation des enfants qui en sont issus, et cela de manière sécurisée. Or nous pensons qu’il est possible de le faire avec les outils existants de notre droit.
Si le texte de l’Assemblée nationale était adopté, il aboutirait à un bouleversement du système actuel de la filiation, ce qui n’est pas nécessaire. Il permettrait en effet d’établir la filiation, hors adoption, sur un pur critère de volonté de la part des deux mères, ce qui ne correspond pas aux principes fondamentaux du système français de filiation. Dans notre système, la filiation est établie selon le modèle de la procréation charnelle, qui implique qu’on puisse vérifier la réalité d’un lien de filiation, et il n’est pas possible d’utiliser ce modèle pour la femme qui n’a pas participé à la procréation charnelle.
La question que nous devons nous poser est la suivante : souhaitons-nous réformer le système français de la filiation au détour d’un projet de loi relatif à la bioéthique ? Cela ne nous semble pas acceptable. Alors, que faire ? Nous connaissons déjà l’adoption, qui, dans notre droit, est l’unique possibilité d’établir une filiation élective, c’est-à-dire une filiation sur la base de la seule volonté. Telle est la voie que nous proposons avec cet amendement ; il est un peu complexe et long, mais il est en réalité assez simple.
Pour la femme qui accouche, nous ne changeons rien au droit existant ; ce serait toujours le seul accouchement qui entraînerait la maternité. Pour l’autre femme, celle qui ne participe pas à la procréation charnelle, l’amendement tend à instaurer une procédure d’adoption accélérée, dont le fonctionnement serait très simple. L’adoption serait ouverte à tous les couples, qu’ils soient mariés, concubins ou pacsés, comme le proposent d’ailleurs notre collègue Corinne Imbert et la députée Monique Limon. Le consentement à l’AMP chez le notaire vaudrait consentement à l’adoption, et la filiation pourrait être, au final, établie au jour de la naissance de l’enfant.
Selon nous, ce dispositif présente deux mérites : il répond à l’objectif que nous recherchons tous d’établir en toute sécurité juridique la filiation d’un enfant issu de l’AMP, lorsqu’un couple de femmes y a recours ; il utilise le droit existant, sans bouleverser les principes fondamentaux de la filiation. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d’adopter cet amendement, qui, je le répète, ne bouscule pas le droit existant et prévoit une filiation juridiquement sécurisée pour les enfants nés d’une AMP.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé et Mme Nadia Sollogoub applaudissent également.
La commission spéciale a émis un avis favorable sur cet amendement, que Mme Primas a excellemment présenté.
Nous ne sommes pas là pour réformer le droit de la filiation. La commission spéciale n’a d’ailleurs pas procédé aux auditions nécessaires pour le faire. Nous ne sommes pas là non plus pour modifier la situation des couples qui ont aujourd’hui recours à l’assistance médicale à la procréation, tout simplement parce que le système mis en place à cet effet dans le code civil fonctionne parfaitement – nous n’avons donc nullement besoin de le modifier. Nous sommes là pour ajouter de nouvelles bénéficiaires à l’AMP, notamment les couples de femmes, et pour trouver un lien de filiation cohérent qui permette à ces femmes d’avoir les mêmes droits et, surtout, les mêmes obligations que n’importe quel parent à l’égard des enfants qu’elles auront dans le cadre de cette AMP.
La proposition qui nous est faite par l’Assemblée nationale ne convient pas à cet égard, puisqu’elle permet à deux femmes qui ont recours à l’AMP de reconnaître les enfants l’une et l’autre. Je ne m’attarderai pas sur le fait que, en droit français, la reconnaissance est l’aveu de la participation à la procréation charnelle, ce qui est rigoureusement impossible pour une des deux femmes, celle qui n’accouche pas.
Cette proposition introduit finalement un critère, celui de la volonté pure, qui ne peut pas fonder un droit d’ordre public comme la filiation – je l’évoquais il y a quelques minutes. La volonté pure appartient au droit contractuel, celui qui est à la disposition des citoyens. Le droit de la filiation n’est pas à la disposition des citoyens, parce que ses conditions sont posées par l’État, et uniquement par lui. Nous ne pouvons pas décider si nous sommes d’accord ou non avec ce droit. Nous ne pouvons pas émettre une volonté en la matière – j’ajoute que cela serait à la fois délicat et dangereux, car ce que la volonté fait, la volonté peut le défaire.
Le grand mérite de l’amendement de Mme Primas est de rejeter le fondement si fragile de la volonté et d’utiliser les outils existants du droit de la filiation. Le président Bas l’a dit, la mère est la femme qui accouche, ce qui me paraît tout de même de bon aloi et ce qui fonctionne pour toutes les femmes. L’autre mère est une mère d’intention, elle n’a pas participé à la procréation.
La maternité d’intention existe depuis toujours, cela s’appelle l’adoption – on choisit d’être parent –, et il y a une procédure pour cela. Je vous rassure, cette procédure est extrêmement simple lorsqu’il s’agit de l’enfant du conjoint. Il est tout à fait possible d’avoir recours à l’adoption, certes en modifiant quelque peu ses conditions, mais sans bouleverser totalement le droit de la filiation comme le prévoit le texte de l’Assemblée nationale.
Ce qui vous est proposé par cet amendement me paraît donc parfaitement cohérent. J’ajoute, je l’ai toujours dit, que le désir d’avoir des enfants est parfaitement légitime, mais que nous légiférons pour une minorité. La majorité des parents continuera à bénéficier du régime du code civil de la procréation charnelle.
Alors, de grâce, ne fragilisons pas un système qui correspond finalement à la quasi-totalité des parents et des enfants en France. Au contraire, utilisons ce même système pour donner aux femmes qui vont dorénavant bénéficier de l’AMP les mêmes droits et obligations que les autres femmes. Le mode d’établissement de la filiation n’est pas important, mais celle-ci doit être solide.
L’avis de la commission spéciale est donc favorable sur l’amendement n° 67 rectifié ter.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
L’avis est défavorable sur cet amendement, même si nous avons un point d’accord : l’ouverture de l’AMP avec tiers donneur aux couples de femmes nécessite de réfléchir à l’établissement d’un lien de filiation. Votre proposition, madame la sénatrice Primas, s’inscrit dans ce cadre.
L’article 4 est indispensable, même si, vous avez raison, madame la rapporteure, madame la sénatrice Primas, l’objectif de cette loi n’est pas de bouleverser le droit de la filiation, en établissant des modalités pour tel ou tel système, selon tel ou tel précepte, mais d’établir un mode de filiation pour les couples de femmes effectuant une AMP avec tiers donneur. Nous sommes d’accord là-dessus.
Vous proposez d’établir un mode de filiation qui est connu, à savoir l’adoption, dans un titre VII bis. Je ne partage pas cette option, non par choix personnel, mais parce que l’ensemble des instances consultées dans le cadre de la préparation de ce projet de loi – qu’il s’agisse du Conseil d’État, de la mission d’information de l’Assemblée nationale ou de la CNCDH – ont toutes pointé que l’adoption n’était pas adaptée à la situation. Pourquoi ? Sans doute, et je partage cette explication, parce qu’il y aurait une forme d’incohérence à reconnaître un projet parental porté par deux femmes – elles ont décidé ensemble de s’engager dans la procréation médicale et de faire une déclaration conjointe – et à créer un décalage au terme du processus, c’est-à-dire à la naissance de l’enfant, entre celle qui accouche, laquelle est bien entendu la mère, …
… et celle qui a porté le même projet au même moment en s’engageant dans la même démarche.
Tel qu’il existe, il me semble que le système de l’adoption, que vous envisagez, ne permet pas d’établir un lien de filiation de manière simultanée. Vous le savez, il y a une démarche supplémentaire à effectuer : l’intervention du juge. Je ne suis pas sûre que cela apporte quelque chose en matière tant de sécurité que d’égalité par rapport au schéma que l’Assemblée nationale a proposé. Voilà la raison pour laquelle il ne me semble pas opportun de recourir à la procédure judiciaire de l’adoption, comme vous l’imaginez.
Je ne considère pas que votre proposition soit dénuée de sens, mais elle ne me semble pas cohérente avec ce que nous avons voulu faire en ouvrant la PMA avec tiers donneur aux couples de femmes. Elle pourrait apparaître un peu discriminatoire pour ces femmes. §Si le mot est un peu trop fort, considérons qu’elle introduit une différenciation avec les autres couples, qui n’est pas forcément utile.
Je voudrais simplement redire ici devant vous qu’avec les choix opérés par l’Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, nous avons l’ambition de faire reposer l’établissement de la filiation sur quelques principes clairs, que j’ai présentés lors de la discussion générale, mais que je tiens à réaffirmer ici.
En premier lieu, il s’agit pour nous d’offrir aux enfants nés d’une AMP au sein d’un couple de femmes exactement les mêmes droits qu’aux autres enfants.
Je ne doute pas que vous souscriviez à ce principe, mais nous l’inscrivons clairement dans un article 6-2 du code civil. C’est vraiment la réaffirmation de l’égalité entre les enfants, quel que soit le mode d’établissement de la filiation.
En deuxième lieu, nous apportons une sécurité juridique – pour nous, c’est une exigence forte – à la fois aux deux mères et à leurs enfants. Nous souhaitons sécuriser l’établissement de cette filiation, qui repose non pas sur la vraisemblance biologique, c’est-à-dire l’altérité sexuelle, mais sur un engagement commun.
En troisième lieu, nous voulons mettre en place une procédure simple, qui n’impose aucune démarche ou contrainte supplémentaire aux femmes qui s’engagent dans ce processus.
En quatrième lieu – nous l’avons rappelé à plusieurs reprises –, nous avons fait le choix de ne pas modifier les procédures applicables aux couples hétérosexuels ayant recours à l’AMP avec tiers donneur, considérant que cela n’était pas nécessaire.
Ces quatre principes s’appliquent, me semble-t-il, au mode d’établissement de la filiation que nous avons retenu. Pour autant, je crois que notre solution ne provoque pas un bouleversement du droit de la filiation. Elle va reposer sur un engagement commun, comme Mme la rapporteure le faisait observer, mais il ne s’agit pas de volonté pure ; c’est plutôt un consentement qui s’impose dans des conditions précisément fixées par la loi, selon des modalités très encadrées et avec des effets, eux aussi, précisément déterminés par la loi.
Nous sommes vraiment dans un mode d’établissement de la filiation qui prend en compte la spécificité de cette situation, mais qui ne vient pas bouleverser le droit de la filiation. Telles sont les raisons pour lesquelles je ne souhaite pas émettre un avis favorable sur l’amendement que vous portez, madame Primas.
Comme certains de mes collègues à droite, dont Sophie Primas, et au centre, j’ai voté l’extension de la PMA. Cette thématique autour d’un projet parental exprimé relève de la liberté, et nous ne nous sentions pas le droit de l’empêcher.
L’article 4, qui a trait à la filiation est nécessaire, car il faut effectivement trouver une solution.
Madame la garde des sceaux, j’écoute beaucoup tout ce qui se dit, parce que je n’ai pas de vérité révélée, pas plus sur cet article que sur les autres.
Bien sûr qu’il y a un projet commun à deux femmes. Sauf à être sourd, aveugle et totalement inconscient, force est de reconnaître qu’il y a bien une des deux femmes qui porte l’enfant ; il y a bien une des deux femmes qui vit la grossesse ; il y a bien une des deux femmes qui est la « mère biologique ». C’est tout l’esprit de l’amendement de Sophie Primas, que j’ai souhaité cosigner et que je vais voter.
Je suis d’accord pour dire que, dans la vie affective, dans la vie réelle de la famille à venir, deux femmes peuvent parfaitement élever un enfant, et c’est très bien ainsi. En revanche, qu’on invente un statut juridique un peu curieux, dans lequel la mère biologique n’a pas plus, si je puis dire, de validité en tant que mère que la mère d’intention, nous plonge, me semble-t-il, dans une confusion extrême.
Autant je suis pour une avancée sur la liberté et les droits, autant je ne suis pas pour la confusion, qui, de toute manière, à un moment ou à un autre, ne sera pas en faveur de l’enfant à naître. Il aura, certes, deux femmes, deux mères dans sa vie, mais inventer une modification de toutes les règles pour dire qu’il n’y a aucune différence entre la mère biologique et la mère d’intention pénalisera in fine l’enfant.
Restons-en au respect de nos principes : il y a la mère biologique et la mère d’intention, qui, par définition, ne pourra pas être évincée, l’amendement étant très clair sur l’automaticité. Ne nions pas la réalité quand nous voulons faire avancer le droit.
Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.
Je ne me suis pas exprimée depuis trois jours sur la place des enfants, mais je souhaite le faire maintenant. En effet, depuis le début de nos débats, j’ai l’impression que je suis issue d’une famille complètement déconnectée de la réalité d’aujourd’hui. J’ai entendu des choses sur la famille dans cet hémicycle qui me surprennent.
On remet beaucoup en cause la vieille France et la vieille famille. Je suis d’accord, la société doit évoluer, et nous avec, mais je ne peux que réagir quand je vous entends dire, madame la garde des sceaux, que vous voulez offrir à ces enfants les mêmes droits qu’aux autres enfants, c’est-à-dire à ceux qui ont un père et une mère, et non pas deux pères ou deux mères.
Les enfants issus de l’AMP, que je n’ai pas votée à l’article 1er, auront une seule maman. Comment peut-on être dans le déni à ce point pour refuser de dire à un enfant, qui va vivre dans l’amour porté par ces deux femmes, qu’il n’y en a qu’une qui l’a porté ? Vous parlez de sécuriser juridiquement les deux mères. Mais comment peut-on dire une chose pareille ? Il n’y a qu’une mère, madame la garde des sceaux.
De par mon histoire personnelle, je sais ce que c’est que de chercher son père et sa mère. On les cherche toute sa vie ! N’imposons pas aux enfants ces questionnements sur la façon dont ils sont venus sur Terre. Ils sont venus, parce qu’ils ont eu une maman. Cela ne remet pas en cause la place de la deuxième femme, qui peut l’aimer, l’adorer, mais cessons de vouloir trouver des solutions à un problème que l’on ne mesure pas, que l’on ne maîtrise pas.
Un enfant a toujours besoin de savoir. On ne ment pas à un enfant. On doit lui dire la vérité, même si elle est compliquée. Les adultes qui ont fait le choix d’être à deux mamans pour assurer la vie d’un enfant doivent avoir le courage de lui dire qu’il n’y en a qu’une qui l’a porté.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.
Sans refaire le débat, je rappelle que j’ai voté pour l’AMP, parce qu’il m’a semblé que des personnes avaient le droit de désirer et d’aimer un enfant et qu’il s’agissait d’une aspiration de la société.
Ici, nous sommes dans un débat sur la filiation. Autant j’étais favorable à l’idée qu’il fallait adapter la filiation à cette réalité nouvelle, autant j’ai le sentiment que ce texte, tel que le Gouvernement le veut, est non pas une adaptation, mais un bouleversement de ce droit. Il y a quand même une remise en cause du principe en vertu duquel la femme qui accouche est la mère. Philippe Bas l’a bien dit en commission.
Pourquoi cette position du Gouvernement ? C’est la quête d’égalité dans l’établissement de la filiation qui le guide, mais, au fond, il n’y arrive pas vraiment.
Faut-il d’ailleurs toujours rechercher l’égalité ? Est-ce que la vraie égalité suppose d’avoir exactement le même mode d’établissement de la filiation que son voisin ? Je ne le pense pas.
J’ajoute même, en faisant attention à bien peser mes mots, que l’adoption est un mode de filiation tout aussi légitime.
Je reste très prudent dans mon expression, mais il me semble que, derrière vos propos, madame la garde des sceaux, il y a comme une dévalorisation de la filiation établie par l’adoption. À titre personnel, j’en suis assez touché et je le ressens de manière assez forte, puisque ma femme est une enfant adoptée.
Je trouve que l’amendement de Mme Primas est tout à fait pertinent, car il prend en compte cette réalité de l’AMP sans bouleverser nos principes de filiation, dont nous avons longuement discuté en commission spéciale. En somme, je le trouve équilibré. C’est la raison pour laquelle je le voterai.
Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.
Madame la garde des sceaux, plusieurs principes dictent votre position à l’égard de cet amendement.
Vous refusez toute discrimination entre les deux femmes. Or vous aurez beau écrire tout ce que vous voulez dans le code civil, il n’en restera pas moins qu’il y aura une femme qui accouche et l’autre pas.
Il y a des règles naturelles intangibles contre lesquelles vous ne pouvez rien. En fait, avec votre dispositif, vous introduisez une discrimination entre les couples. Dans un couple hétérosexuel, il y a une femme qui accouche, comme dans un couple de femmes. En traitant les couples homosexuels et hétérosexuels de la même façon, nous refusons toute discrimination, contrairement à ce que vous dites.
Vous invoquez la sécurité juridique, mais, comme vient de la dire mon collègue, en quoi l’adoption n’est-elle pas juridiquement solide ? Selon moi, le fait de créer un titre VII bis dans le code civil reprenant les éléments de la filiation adoptive est extrêmement solide juridiquement.
Enfin, vous appelez de vos vœux une démarche simple, sans procédure supplémentaire. Je suis désolée de vous le dire, mais il y en aura bien une pour la femme qui accouche. Aujourd’hui, elle n’a pas besoin de faire de déclaration : elle est la mère, et elle n’a rien à faire. Avec votre dispositif, vous lui ajoutez une formalité juridique.
Vos arguments sont donc tout à fait réversibles et je ne les trouve pas convaincants au regard de vos objectifs. Heureusement, il y aura une navette, avec, je le pense, plusieurs allers-retours. Nous aurons tous, y compris le Conseil d’État, le temps de bien faire mûrir notre position sur cette problématique de la filiation. Reste que je suis persuadée qu’avec notre amendement nous répondons à vos exigences de non-discrimination, de sécurité juridique et de simplification des démarches.
Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.
J’ai également cosigné l’amendement de ma collègue Sophie Primas.
Madame la garde des sceaux, je ne sais pas si vous avez interrogé beaucoup de couples de femmes homosexuelles. Moi je l’ai fait, et je puis vous dire qu’elles sont toutes d’accord : celles qui vont porter l’enfant, ou qui sont en train de le porter, veulent être déclarées comme mère. Elles souhaitent simplement que leur conjointe puisse bénéficier d’une adoption plénière et que soit reconnue une deuxième maternité. La plupart des femmes dans ce cas font déjà cette distinction, et heureusement ! Cela n’empêchera pas l’épouse de porter ultérieurement un autre enfant pour être « à égalité ».
Comme l’a bien dit Sophie Primas, la question ne se pose même pas pour un couple hétérosexuel. C’est la mère qui accouche. Pour l’instant, heureusement, rien n’a changé dans le statut.
À mon sens, l’amendement est très équilibré, et je le voterai des deux mains.
Cet amendement n’est que la reprise de ce que la rapporteure Muriel Jourda nous avait proposé en commission, en vain, puisqu’elle n’a pas été suivie.
À l’article 310-1-1, que vous souhaitez créer avec votre amendement, il serait précisé qu’« il ne peut être légalement établi deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles à l’égard d’un même enfant ». Cela veut dire qu’il ne pourrait pas y avoir d’adoption plénière par une autre mère ou un autre père, ce qui est aujourd’hui possible. Il y a lieu de revoir ce point.
Nous sommes tous à peu près d’accord pour dire que l’assistance médicale à la procréation est possible et que cet enfant aura une mère, à savoir la femme qui aura accouché. Nous sommes également plutôt d’accord pour dire qu’il faut que ce soit clairement indiqué et pour définir la nature du lien avec celle qu’on appelle la mère d’intention. Le problème, c’est que votre amendement complexifie les choses, en obligeant à faire une démarche d’adoption après la naissance devant un tribunal. Il faut trouver les voies et moyens de simplifier la procédure.
Mme la garde des sceaux s’est efforcée de trouver une solution pour que, au moment du consentement donné devant notaire, il y ait d’ores et déjà la possibilité d’établir cette filiation à l’égard de la mère d’intention. Qu’importe si on appelle cela une adoption ou autrement. Vous avez fait le choix, madame la garde des sceaux, d’appeler cette procédure reconnaissance conjointe, le terme reconnaissance étant déjà dans le titre VII. Comme je vous l’ai dit en commission, madame Jourda, et vous le savez, la reconnaissance n’est pas la preuve absolue de la paternité de l’homme qui reconnaît, des reconnaissances pouvant se faire alors que l’enfant est né depuis quelques années.
Faut-il appeler cette procédure autrement ? J’ai dit lors de mon intervention préalable que je préférerais que nous introduisions dans le code civil un titre spécifique sur l’enfant né d’une assistance médicale à la procréation pour régler toutes les situations, ce qui permettrait aussi de traiter le problème de l’anonymat, dont nous avons parlé.
J’y insiste, votre amendement tend à complexifier les choses. Il ne peut donc pas répondre à l’attente des femmes. Je veux bien qu’on appelle différemment la mère d’intention, mais, de grâce, faisons en sorte de simplifier la vie de ces deux femmes, à qui nous permettons de réaliser un projet parental grâce à l’AMP. Tel sera le cas si tout est réglé dans l’acte notarié lors de la déclaration préalable conjointe. Ensuite, lorsque la mère aura accouché, une déclaration sera faite à l’officier d’état civil, ce dernier constatant qu’il y a une mère d’intention, comme vous l’avez prévu, madame la garde des sceaux. C’est cette voie simple qu’il faut rechercher, et pas la voie complexe de votre amendement, madame Primas, qui n’est d’ailleurs qu’une reprise de l’amendement de Mme Jourda, qui nous avait tous étonnés.
Excusez-moi de ne pas en avoir la seule maternité, monsieur Bigot ! Vos propos sont assez désagréables !
Sourires.
La vie conjugale, depuis toujours, n’est pas un long fleuve tranquille, comme en témoignent les chiffres de la divortialité tels que l’INED les a présentés récemment. La mère d’intention n’échappera pas aux difficultés qui rencontrent tous les autres couples. La probabilité du divorce, dès lors qu’il y a mariage, ou de la séparation de fait, dès lors qu’il n’y a que concubinage, est relativement élevée. Elle n’est pas plus faible chez les couples homosexuels que chez les couples hétérosexuels. Elle serait même plus forte chez les couples homosexuels féminins d’après les premières statistiques, mais nous n’avons pas encore suffisamment de recul.
Pour ma part, je voterai l’amendement de Mme Primas, car il permettra de créer un lien stable, durable entre l’enfant qui est né et la personne qui a accompagné la mère charnelle au moment de cette naissance. La déclaration d’intention est quelque chose de très sympathique, mais la volonté qu’elle fige à un moment donné n’est pas durable. La probabilité n’est pas nulle – elle est statistiquement de 45 % à 50 % – que ce couple disparaisse, la vie n’étant pas un long fleuve tranquille, comme je l’ai déjà dit. Qui gardera l’enfant ?
Le fait d’avoir une reconnaissance à travers cet acte fort que propose Mme Primas met les deux éléments du couple sur un pied d’égalité. Dans les familles hétérosexuelles, nous le savons, la garde de l’enfant est un problème majeur. Les pères, quelles que soient leurs qualités par ailleurs, en sont en général privés. Vous avez à envisager cette situation.
Si vous voulez la véritable égalité entre les deux personnes qui ont voulu cette naissance dans leurs relations à l’égard de l’enfant à naître, il faut tout simplement accepter la solution solide que propose Mme Primas.
Ce qui me gêne dans cet article 4, madame la garde des sceaux, c’est qu’il y a une totale décorrélation entre le possible et le vraisemblable. La PMA est possible. Pour autant, permet-elle à une femme qui n’a pas accouché de devenir mère ?
J’appartiens à un modèle familial totalement dépassé : je suis marié et j’ai quatre enfants dont je n’ai pas accouché. Pour autant, je ne m’en sens pas moins parent.
Il me semble que l’on confond tout dans cet article 4. Je rejoins ce qu’a dit notre collègue Olivier Henno : pensez-vous un seul instant que des parents adoptifs se sentent moins parents que d’autres ?
Je ne comprends pas pourquoi vous voulez absolument, au travers de cet article, rendre le droit invraisemblable et consacrer quelque chose qui n’existe pas, alors que nous avons tous les outils juridiques pour répondre aux objectifs que vous vous fixez.
Jusqu’à présent, j’étais plutôt favorable au mode d’établissement de la filiation par la déclaration anticipée de volonté devant notaire, censée permettre une filiation indivisible entre l’enfant et les deux membres du couple. C’est parce que nous avons rencontré des femmes ayant fait une PMA à l’étranger qui mettaient beaucoup de temps à pouvoir adopter.
La solution proposée par Mme Primas pourrait être tout à fait adaptée, mais je pose une question : est-ce que l’adoption pourrait être réalisée dès la naissance de l’enfant ?
Je pense aussi qu’il faut absolument voter l’amendement de Sophie Primas, qui reprend une proposition de la rapporteure Muriel Jourda. Il le faut, parce que l’on ne doit pas bouleverser le socle commun de la filiation prévu dans le code civil. C’est fondamental.
Madame la garde des sceaux, vous voulez mettre en place un cadre distinct, quand nous avons plutôt besoin de cadres communs aujourd’hui. L’objectif de la politique est non pas de fournir des réponses spécifiques pour chaque demande, mais d’organiser la société autour de règles qui nous rassemblent véritablement.
À mon sens, le choix que vous faites est non pas juridique, mais idéologique, un choix guidé par une volonté d’égalité mal comprise. En effet, les enfants de couples de femmes seront dans une situation d’inégalité par rapport aux enfants qui connaîtront un père. De même, certains de ces enfants subiront une inégalité dans la mesure où ils n’auront pas accès à leurs origines quand le donneur n’y aura pas consenti.
Nous pouvons mobiliser le régime juridique actuel. La femme qui accouche, selon l’ancien droit romain, devenu notre socle de la filiation, sera la mère. C’est le principe. Pour l’autre mère, il y aura l’adoption.
L’adoption est déjà aujourd’hui la voie empruntée par les couples de femmes qui se procurent des gamètes à l’étranger, selon le régime établi par la jurisprudence. La proposition de Sophie Primas consiste donc simplement à inscrire cette jurisprudence dans la loi. Par ailleurs, l’arrêt de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) du 12 décembre dernier ne s’oppose absolument pas, au contraire, à cette solution.
Pourquoi le Conseil d’État, dans l’avis qu’il a rendu le 28 juin, a-t-il très nettement déconseillé la solution que le Gouvernement a finalement choisie ? La première raison est qu’elle rompt avec le principe de vraisemblance de la parentalité. Au-delà de l’aspect strictement juridique, il ne faut pas briser ce lien charnel, qui nous unit à la réalité. Il ne faut pas tricher, il ne faut pas mentir ! En outre, en donnant toute puissance à l’intentionnalité, vous dégagez, pour demain, la voie pour la GPA. C’est une évidence ! Si vous voulez conserver un principe de prohibition de la GPA, alors n’ouvrez pas cette voie-là, car elle est très dangereuse !
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains – M. Loïc Hervé applaudit également.
On le sait, j’approuve l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, constatant l’émergence de nouvelles formes de couples et de parentalité.
Il y a un pas entre reconnaître que, dans certaines situations, la parentalité est déliée du biologique et l’effacement total de celui-ci. C’est ce qui me dérange dans la position du Gouvernement. J’entends qu’elle respecte parfaitement le principe d’égalité, qui est aussi une valeur essentielle. Personne ne doit se sentir stigmatisé ou dévalorisé dans cette affaire. Pour autant, l’amendement de Sophie Primas respecte la vérité biologique. Encore une fois, reconnaître de nouveaux modes de parentalité ne doit pas amener à cacher la réalité biologique. Je ne veux pas davantage que l’on cache leurs origines aux enfants : il faut tourner la page du secret, faire preuve d’honnêteté et ne pas mentir avec la réalité dans ces affaires extrêmement sensibles.
Cela étant, l’amendement de Sophie Primas me paraît trop complexe, pas suffisamment maturé. Je me trouve donc très ennuyé à l’heure du vote.
Je me félicite en effet de ce que la navette se poursuive et qu’il y ait une deuxième lecture.
La position du Gouvernement peut être entendue et je la partage sur beaucoup de points. Il importe de respecter la vérité de la biologie. Disant cela, je ne me projette pas sur d’autres sujets : il n’y a pas d’enchaînement mécanique en la matière.
J’écoute avec beaucoup d’attention les arguments échangés. Je reste, pour le moment, convaincu que la proposition du Gouvernement est, en l’état, la meilleure et la plus simple.
La procédure de l’adoption ne me paraît pas adaptée. Il ne s’agit nullement pour moi de dévaloriser les parents qui adoptent : j’en compte, comme beaucoup d’entre nous sans doute, parmi mes proches et dans ma propre famille. Ce n’est donc pas la question, mais je pense que le processus de conception par AMP pour un couple de femmes est d’une nature différente. Certes, la mère d’intention ne porte pas l’enfant, mais elle est partie prenante au projet parental à l’égal de la femme qui accouche, ne serait-ce que parce que les deux membres d’un tel couple doivent décider ensemble qui va porter l’enfant. Il y a donc une situation d’égalité, en matière d’intention, pour le recours à la PMA dans un couple lesbien. De ce point de vue, la place de la mère d’intention est singulière, et la démarche ne peut être assimilée à l’adoption.
J’ajoute qu’il ne sera demandé à aucun homme placé dans des conditions analogues de passer par l’adoption pour être reconnu comme le père.
Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.
Je considère que les deux membres d’un couple lesbien qui décident d’adopter ensemble sont à égalité. La procédure de l’adoption ne me paraît donc pas adaptée.
La procédure proposée par le Gouvernement est-elle parfaite ? Faut-il approfondir encore la réflexion ? Peut-être, mais, entre les deux solutions proposées à ce stade, j’opte pour celle du Gouvernement.
Dans ce débat a été affirmé le droit de connaître son histoire, ses origines ; à cet égard, la solution du Gouvernement n’est peut-être pas idéale, mais il faut aussi prendre en compte le couple qui partage un projet parental.
Il importe de faire en sorte qu’il y ait égalité absolue, sur le plan juridique, entre les deux membres de ce couple, ce qui n’enlève rien au droit pour chacun d’avoir accès à ses origines, à son histoire. Dans cette perspective, la solution proposée par le Gouvernement semble la plus adéquate.
On peut être interpellé par l’instrumentalisation de la procédure d’adoption que met en œuvre l’amendement de Mme Primas. Dans le cas d’espèce, celle-ci serait détournée pour répondre à la question de la connaissance de ses origines par l’enfant. Cela pourrait poser problème. La solution du Gouvernement me paraît préférable.
Rien, dans l’intelligence, qui n’ait d’abord été dans les sens ! Là, vous êtes sens dessus dessous, face à la lente dérive vers l’effacement du père et de la mère, remplacés par « parent un » et « parent deux ». La vérité, c’est qu’il y a un père et une mère. À force de vouloir étendre les possibilités de procréation, on suscite inévitablement des confusions sur le plan intellectuel.
Ainsi, à l’Assemblée nationale, le président de la commission est allé jusqu’à affirmer que l’accouchement n’était pas une preuve de filiation ! La femme qui accouche ne serait donc qu’une simple mère d’intention ? C’est tout simplement un mensonge ! La femme qui accouche est forcément la mère, et l’on devrait s’en tenir là. À force de tirer le fil, on en arrivera à des conceptions complètement ubuesques : des pères avec des utérus, que sais-je encore… C’est une négation de la vérité, de l’existence d’hommes et de femmes égaux mais différents !
Je soutiendrai l’amendement de Sophie Primas, car son dispositif est le plus proche du sens commun.
Voilà encore un débat extrêmement intéressant !
Certains l’ont dit, on ne peut pas nier le réel. Or faire de la politique, c’est se confronter au réel. Il y a bien une femme qui accouche et l’autre pas. Peut-on nier cette différence biologique ?
Cela étant, j’insiste à nouveau sur les principes de liberté et d’égalité. Deux femmes ayant la volonté d’avoir et d’élever ensemble un enfant sont à égalité dans leur projet parental. Or on voit bien que ce n’est pas le cas avec la procédure de l’adoption, qui ne correspond pas à ces nouvelles formes de familles ayant émergé, qu’on le veuille ou non, dans la société.
Il faudrait peut-être faire confiance aux familles, aux parents pour expliquer à l’enfant ce qu’a été l’histoire de leur couple et de leur projet parental.
Certes, on ne peut pas nier la réalité biologique, mais on ne peut pas non plus tourner le dos au principe d’égalité. Or l’amendement de Mme Primas crée une rupture d’égalité, …
… tandis que la proposition du Gouvernement permet de tenir compte de la réalité du projet parental.
C’est une solution plus satisfaisante que l’adoption. La navette permettra de régler un certain nombre de difficultés.
Vous créez une discrimination à l’égard des parents d’enfants adoptés ! C’est insupportable !
J’ai entendu parler d’égalité, de discrimination, de situations discriminatoires… L’égalité, ce n’est pas traiter tout le monde de la même façon.
La discrimination, c’est traiter différemment des personnes se trouvant dans une situation identique.
Nous avons bien conscience, les uns et les autres, qu’un couple de femmes n’est pas dans une situation identique à celle d’un couple hétérosexuel face à la procréation. Le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et, me semble-t-il, la Cour européenne des droits de l’homme l’ont d’ailleurs dit.
Instaurer l’égalité, en termes de filiation, c’est parvenir à ce que tous les parents aient les mêmes droits et, surtout, les mêmes obligations à l’égard de leurs enfants. Il faut qu’ils se retrouvent in fine tous placés dans la même situation. Au regard de cet objectif, le droit n’est qu’un outil, pour reprendre une expression qui nous est chère, à Mme le garde des sceaux et à moi-même. Mais il importe tout de même que cet outil soit conforme à la réalité. Or tel n’est précisément pas le cas, me semble-t-il, de la solution du Gouvernement, au contraire de l’amendement de Mme Primas. Encore une fois, dans un couple de femmes, celle qui n’a pas accouché sera reconnue en tant que mère d’intention. Voilà comment les choses peuvent se passer.
Monsieur Chasseing, la procédure d’adoption paraît toujours complexe, mais il s’avère que l’adoption de l’enfant du conjoint ne l’est pas, les exigences étant bien moindres ; il n’y a pas d’enquête sociale, par exemple. Le dispositif de l’amendement approuvé par la commission simplifie encore la procédure et permettra que la décision soit rendue plus rapidement. La requête en adoption sera déposée le jour de la naissance de l’enfant. La démarche sera d’autant moins complexe qu’un notaire aura déjà été saisi du dossier. Le jugement interviendra au plus tard un mois après et il sera rétroactif. Cela signifie que la filiation sera établie le jour de la naissance si les diligences nécessaires ont été faites.
J’ajoute que ce mode d’établissement de la filiation n’est pas discriminant, parce qu’il en existe déjà de nombreux. Un père marié n’a aucune démarche à accomplir pour reconnaître son enfant, parce que le simple fait qu’il soit marié avec la mère crée une présomption de paternité. En revanche, un homme qui n’est pas marié à la femme ayant accouché de l’enfant est dans l’obligation de faire une démarche pour reconnaître celui-ci. Parle-t-on de discrimination entre ces deux pères ? Non : les règles applicables sont différentes parce que les situations sont différentes.
Il ne faut pas mentir, disait M. Meurant : ce serait un mensonge institutionnel que de prétendre reconnaître que deux femmes ont pu participer à la procréation d’un enfant. Utilisons les outils qui existent et qui correspondent à la réalité de la filiation. Ne fragilisons pas le droit de la filiation, car si la reconnaissance a l’avantage de la simplicité, elle en présente aussi, s’agissant d’un droit d’ordre public, le danger. Imaginez que les liens de filiation se créent par l’effet de la simple volonté et qu’il suffise d’aller déclarer devant notaire que l’on veut être parent d’un enfant : il me semble que la structure de la société s’en trouverait très largement fragilisée, car ce que la volonté fait, la volonté peut le défaire.
Il ne manquerait pas d’arriver qu’un plaignant déclare vouloir renoncer à sa parentalité. Cela ne me paraît pas du tout être une vue de l’esprit…
Utilisons les outils existants, qui donnent les mêmes droits aux deux mères d’un enfant conçu par le biais d’une AMP et les placent en situation d’égalité au regard de tous les autres parents !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – M. Loïc Hervé applaudit également.
Je ferai plusieurs observations, après vous avoir tous écoutés avec beaucoup d’attention.
Madame la sénatrice Primas, je respecte tout à fait votre proposition, même si celle du Gouvernement me semble préférable.
Au fond, sans même parler de discrimination, madame la rapporteure, quel est l’intérêt d’une procédure d’adoption ? Une procédure d’adoption permet de confier à un juge un pouvoir de contrôle. En effet, pour adopter, il faut détruire un lien de filiation qui existait précédemment et en reconstruire un nouveau.
Le rôle du juge est donc de vérifier que le lien de filiation antérieur est bien aboli. Il me semble qu’il y a, dans ce processus, un intérêt qui n’est pas pertinent dans le cadre de la PMA avec tiers donneur, où il s’agit non pas de vérifier l’inexistence d’un lien de filiation antérieur, mais de prendre acte, par le mode d’établissement de la filiation, d’une reconnaissance conjointe de volonté, d’un consentement à l’AMP et, bien sûr, de l’accouchement. Le mode d’établissement de la filiation par l’adoption, en l’espèce, ne me semble pas utile. Madame Primas, vous renvoyez les femmes concernées devant un juge, alors que cela ne me paraît pas nécessaire et complexifie la situation. C’est cette complexité qui peut être perçue comme inutile, voire, dans certains cas, dévalorisante.
Je le dis clairement, le Gouvernement a fait le choix du principe d’égalité entre les deux mères ab initio.
Je ne dis pas le contraire. Les deux mères déclareront leur consentement à l’AMP, reconnaîtront conjointement l’enfant, ce qui, de facto, entraînera qu’elles seront mères à égalité dès le moment de la naissance.
La femme qui accouche est mère, c’est évident.
Personne n’a dit le contraire ici ! Dans le système que nous proposons, c’est la conjonction de l’accouchement et de la reconnaissance conjointe qui permet aux deux femmes d’être mères au même moment. La femme qui accouche est mère en toutes hypothèses, évidemment, mais elle serait mère célibataire, si je puis dire, s’il n’y avait cette reconnaissance conjointe qui bloque tout autre mode d’établissement de la filiation et qui fera que les deux femmes seront mères en même temps. C’est un système extrêmement simple, clair, qui place les deux femmes à égalité. Il est respectueux du projet parental et me semble parfaitement s’inscrire dans la démarche que nous souhaitons promouvoir.
Monsieur Longuet, vous avez fait valoir que l’adoption crée un lien plus stable et plus durable que tout autre mode d’établissement de la filiation. Je ne le crois pas. À partir du moment où la filiation est établie, elle emporte exactement les mêmes conséquences, qu’il s’agisse de l’adoption, du système que nous proposons ou de la filiation biologique.
Dans le cas d’une AMP avec tiers donneur, les deux mères sont mères de la même manière, au même moment. Dans le cas d’un couple hétérosexuel, qui garde l’enfant ?
Ce n’est pas toujours le cas, vous le savez, monsieur le sénateur ! Il revient aux parents de traiter cette question et, s’il y a une difficulté, le juge aux affaires familiales se prononce.
Monsieur Retailleau, vous avez évoqué la vraisemblance biologique. Il est vrai que tout notre droit de la filiation, hors l’adoption, est fondé sur l’altérité sexuelle. Il est également vrai que le schéma que nous proposons ne l’est plus, à partir du moment où deux femmes peuvent devenir mères d’un même enfant. On ne peut nier cette évidence.
Nous créons un mode d’établissement de la filiation pour répondre à cette évolution, à cette nouvelle donne. Pour autant, monsieur le président Retailleau, je ne crois pas que l’on dégage ainsi la voie, pour reprendre l’expression que vous avez utilisée, pour la GPA. En effet, les situations ne sont pas du tout les mêmes : dans le cas d’une AMP, la femme qui accouche n’est pas la seule mère, mais elle est mère, tandis que, dans le cas d’une GPA, la femme qui accouche n’est pas la mère.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la rapporteure, il n’y a aucun mensonge dans le système proposé par le Gouvernement : il s’agit purement et simplement de prendre en compte une réalité et d’instaurer, pour les femmes concernées, un mécanisme d’établissement de la filiation simple, clair et sûr.
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
Madame le garde des sceaux, sans entrer dans un débat de techniciens qui finirait par lasser tout le monde, je voudrais réagir à la réponse que vous avez faite à M. le président Retailleau. Votre dispositif n’ouvre pas la voie à la GPA, avez-vous affirmé. Or, contrairement à ce que vous avez indiqué, dans celui-ci, la femme qui accouche n’est pas la mère. C’est sans doute ce que vous pensez, mais ce n’est pas ce que vous avez écrit : « Pour les couples de femmes, la filiation est établie à l’égard de chacune d’elles par la reconnaissance qu’elles ont faite conjointement devant le notaire. » Dans votre système, c’est donc la reconnaissance qui établit la filiation.
Dissocier ainsi la maternité de l’accouchement amène immanquablement à évoquer les mères porteuses, dont on ne souhaite pas qu’elles deviennent mères du simple fait qu’elles ont porté l’enfant, car on veut leur substituer des parents d’intention. Je ne crois pas trahir le propos et la pensée de M. Retailleau en disant cela.
Sourires.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Par ailleurs, vous indiquez que, en cas d’adoption, le lien créé entre l’adopté et l’adoptant se substituera au lien de filiation antérieur. Dans le système que nous proposons, le seul lien de filiation est celui qui aura été créé avec la femme ayant accouché. Or précisément, dans ce cas, l’article 356 du code civil prévoit expressément, pour l’adoption de l’enfant du conjoint, que le lien de filiation avec la personne qui est déjà parent de l’enfant adopté demeure. Il n’y a donc aucune substitution, mais l’ajout d’un lien de filiation par adoption au lien de filiation créé par la procréation charnelle.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je pense que l’on progresse : le Gouvernement ne conteste pas que, du point de vue de l’effet sur les droits et obligations des parents, l’amendement proposé par Mme Primas et la solution du Gouvernement ont exactement la même portée, à savoir que les deux femmes seront pleinement investies des droits et obligations d’une mère. C’est déjà très important, car tel est bien le principal objectif visé par le Gouvernement à travers l’établissement de la filiation pour les enfants nés d’une assistance médicale à la procréation demandée par un couple de femmes.
Madame la garde des sceaux, vous avez invoqué un argument d’égalité. Permettez-moi d’en invoquer un qui me paraît beaucoup plus fort que le vôtre : je considère que l’établissement de la maternité doit être le même pour une femme qui accouche d’un enfant conçu avec un homme et pour une femme qui accouchera au terme d’un projet de naissance conçu avec une autre femme. Que deux femmes placées dans la même situation aient exactement le même traitement juridique du point de vue de l’établissement de la filiation, dont j’ai essayé de rappeler tout à l’heure à quel point il était important qu’il repose sur des bases objectivement constatées, là est l’égalité !
Par conséquent, tout le discours sur l’égalité et la discrimination se retourne complètement en faveur de la solution proposée par Mme Primas.
L’adoption ne serait pas une solution adaptée, nous dit-on. Je pense au contraire qu’elle est parfaitement adaptée. En effet, elle est destinée à permettre une vérification par le juge, mais surtout à établir une filiation maternelle à stricte égalité avec toute autre filiation maternelle.
Par ailleurs, afin de pouvoir tenir le discours de vérité dont nous admettons tous qu’il est indispensable au développement de l’enfant, il faut absolument que les modes d’établissement du lien de filiation entre l’enfant et ses parents reposent sur une réalité, et non sur une invention.
Enfin, un dernier argument me paraît peser fortement en faveur de la solution proposée par Mme Primas : celui de la prudence. Si, chaque fois qu’un problème se pose, on remet en cause des modes d’établissement de la filiation maternelle établis depuis plusieurs siècles, on n’en sortira pas : ce sera la confusion dans l’établissement de la filiation maternelle !
Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.
Mme Laurence Cohen. La reconnaissance conjointe anticipée semble constituer une véritable petite révolution par rapport à notre code civil. J’entends dire que cela fait des siècles que la filiation est établie comme elle l’est aujourd’hui, mais nous venons d’adopter l’ouverture de l’AMP aux femmes seules et aux couples de femmes : cette mesure révolutionne elle aussi la société ! Dès lors que l’on fonde la société sur une pluralité de modèles familiaux, et non plus sur un seul, il n’apparaît pas abracadabrantesque de revoir en profondeur notre code civil !
Sourires.
N’étant pas juriste, je reconnais avoir dû m’accrocher pour suivre ce débat d’une grande technicité, mais cet article me paraît de nature à répondre aux questions suscitées par l’extension de l’AMP que nous avons adoptée, quand bien même nous proposerons d’adopter des amendements visant à en améliorer encore le dispositif.
Il existera désormais des familles avec deux mères à égalité par rapport à la filiation de l’enfant, l’une ayant accouché et l’autre ayant effectué la démarche de reconnaissance anticipée, dans un même projet parental conçu ensemble. Certes, ce nouveau schéma nous bouscule, mais il s’agit selon moi d’un pas indispensable à accomplir après notre vote en faveur de l’extension de l’AMP.
Madame la rapporteure, l’acte d’état civil de l’enfant qui naîtra à la suite d’une AMP au sein d’un couple de femmes sera établi sur la base de la présentation à l’officier d’état civil du certificat d’accouchement – c’est une condition indispensable – et, simultanément, de la reconnaissance conjointe qui aura été signée en amont même de la conception. En effet, au moment où le projet parental est établi, on ne sait pas forcément laquelle des deux femmes portera l’enfant. La filiation de l’enfant avec les deux mères sera alors immédiatement établie.
Cela me semble à la fois plus simple et plus rapide que l’adoption préconisée par Mme Primas, tout en ouvrant les mêmes droits. En outre, cette solution offre plus de sécurité juridique que la procédure de l’adoption, puisque celle-ci dure entre quatre mois et demi et cinq mois au minimum.
Notre solution n’emporte aucune forme de mépris pour l’adoption en tant que mode d’établissement de la filiation, comme j’ai pu l’entendre dire. Bien au contraire, je considère que l’adoption est un mode d’établissement de la filiation absolument nécessaire dans un certain nombre de cas qui impliquent une déconstruction du lien de filiation initial et la reconstruction d’un nouveau lien par l’acte d’adoption. Cette démarche est valable et utile non pas dans tous les cas, mais dans un grand nombre d’hypothèses. Nous prévoyons d’ailleurs d’en simplifier la procédure ; nous travaillons actuellement avec des parlementaires en ce sens, afin de la rendre plus aisément utilisable par les nombreux couples qui ont besoin d’y recourir.
Sourires.
J’espère, monsieur le président Bas, que vous reconnaîtrez in fine que la solution proposée par le Gouvernement est préférable à la vôtre !
Nouveaux sourires.
Je mets aux voix l’amendement n° 67 rectifié ter.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 72 :
Nombre de votants333Nombre de suffrages exprimés303Pour l’adoption174Contre 129Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.
En conséquence, l’article 4 est ainsi rédigé, et les amendements n° 107 rectifié bis, 108 rectifié, 109 rectifié bis, 112 rectifié, 195, 27 rectifié bis, 111 rectifié, 113 rectifié, 63, 232, 242, 277 rectifié, 110 rectifié, 269 rectifié, 223, 327, 328, 329, 97 rectifié et 330 n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 229 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 316 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les couples de même sexe, la filiation ne peut être établie par reconnaissance qu’en apportant la preuve que les deux femmes ont eu recours ensemble à une assistance médicale à la procréation. Cette preuve est rapportée par la production du consentement notarié au don mentionné aux articles 342-10 et 342-13. » ;
2° Le chapitre V du titre VII du livre Ier est complété par un article 342-13-… ainsi rédigé :
« Art. 342-13- … – Les femmes qui, pour procréer ont eu recours, alors qu’elles étaient en couple avec une autre femme, à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur peuvent signer ensemble devant le notaire un consentement a posteriori au don, sous réserve de la production de preuves justificatives du recours à une assistance médicale à la procréation en France ou à l’étranger les mentionnant toutes deux. La liste des preuves est fixée par décret.
« Celle qui, après avoir consenti a posteriori au don, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant.
« En outre, sa filiation est judiciairement établie. L’action obéit aux dispositions des articles 328 et 331. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Cet amendement vise à organiser un mécanisme d’établissement de la filiation que l’on pourrait qualifier de a posteriori pour les enfants nés par AMP d’un couple de femmes avant que la loi que nous sommes en train d’élaborer ne soit entrée en vigueur.
Nous proposons d’instaurer une sorte de régime transitoire, de manière à sécuriser la filiation de ces enfants. Nous avions évoqué ce dispositif en commission spéciale. Je ne voudrais pas anticiper sur les propos de Mme la rapporteure, mais elle conviendra sans doute qu’il importe que ces enfants puissent recevoir un statut équivalent à celui dont bénéficieront les enfants qui naîtront dans les mêmes conditions après la promulgation de ce texte.
Il est défavorable, même s’il est vrai que le sujet de la régularisation de la situation des enfants déjà nés d’un couple de femmes à la suite d’une AMP à l’étranger mérite d’être creusé.
Néanmoins, cet amendement pose plusieurs difficultés.
D’abord, on ne voit pas très bien comment deux femmes pourraient prouver qu’elles ont eu recours à une AMP en France, alors que ce n’est pas encore autorisé. C’est pourtant ce qui est prévu par l’amendement.
Ensuite, concernant les enfants conçus par AMP à l’étranger, le recours à la reconnaissance volontaire suscite les mêmes critiques que celles que nous avons développées pendant une heure et demie ; il ne me paraît pas nécessaire d’y revenir.
Ajoutons à cela la difficulté qui pourrait naître de la création d’une filiation rétroactive dans des conditions qui n’étaient même pas envisagées à l’époque de la naissance de l’enfant.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
Il est également défavorable. Je relève en effet deux difficultés liées à cet amendement.
D’une part, toute rétroactivité de la loi civile sur des situations déjà constituées poserait un problème de constitutionnalité. C’est une question très sensible en matière d’état des personnes.
D’autre part, faire produire des effets à un consentement concernant un événement déjà passé ne relève pas, me semble-t-il, d’un réel consentement, d’autant que votre amendement tend à soumettre ces effets à la présentation d’éléments de preuve de l’existence d’un projet parental au moment de la PMA.
Tout cela me paraît extrêmement compliqué. On peut également se demander qui apprécierait ces éléments de preuve. Serait-ce l’officier d’état civil qui recevrait la reconnaissance, le consentement notarié et les preuves, ou bien le notaire ? Toutes ces interrogations démontrent que le dispositif proposé ne répond pas totalement à l’objectif de sécurisation qui est le nôtre.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 198 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 6-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, les dispositions prévues à la section 3 du chapitre II du titre VII s’appliquent que les parents soient de même sexe ou de sexe différent. » ;
2° L’article 311-2 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Elle peut être constituée à l’égard de parents de même sexe. Pour la constitution de la possession d’état, des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la présente loi peuvent être pris en compte. » ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Par le biais de cet amendement, nous souhaitons étendre le mécanisme d’établissement de la filiation par la possession d’état.
Ce mécanisme permet aux couples d’établir l’existence d’un lien de filiation avec leur enfant même en l’absence de lien biologique. Or, à ce jour, les couples de femmes ayant un enfant ne peuvent en bénéficier. Cela constitue une discrimination qui ne trouve aucune justification.
Lors des auditions de la commission spéciale, nous avons pu entendre, notamment, les explications du porte-parole de l’Association des familles homoparentales, qui revendique l’ouverture de l’établissement de la filiation par la possession d’état aux parents de même sexe.
Pour les enfants nés avant l’entrée en vigueur de ce texte, la seule possibilité pour l’établissement de la filiation sera l’adoption. Or, si un couple de femmes ayant eu un enfant par AMP se sépare, la femme qui a accouché peut tout à fait refuser une adoption de l’enfant par la mère sociale – j’insiste sur cette expression, car celle de « mère d’intention » est rattachée à la GPA, à laquelle notre groupe est opposé. La mère sociale n’aura alors aucun moyen juridique de faire établir une filiation, même si elle a participé au projet parental et à l’éducation de l’enfant.
Nous ne pouvons pas laisser perdurer cette situation injuste et assez dramatique alors même que le projet de loi reconnaît aux couples de femmes le droit de construire un projet parental au même titre que les couples hétérosexuels.
Nous proposons donc, par cet amendement de bon sens, de remédier à une injustice pour les enfants nés avant l’entrée en vigueur de ce texte et leurs mères.
Le droit de la filiation fait l’objet de deux titres du code civil : le titre VII, « De la filiation », a pour objet la filiation charnelle ; le titre VIII porte sur l’adoption.
Il se trouve, ma chère collègue, que le mécanisme juridique dont vous souhaitez l’extension – la possession d’état – a trait à la filiation charnelle, ce qui ne peut correspondre, à l’évidence, au cas de deux femmes ayant décidé d’avoir un enfant ensemble.
La possession d’état concerne le cas où une personne traite un enfant avec lequel elle n’a pas de lien biologique comme s’il était le sien et lui donne son nom, tout le monde connaissant cet enfant comme tel : voilà les trois caractéristiques de la possession d’état, qui doit être continue, paisible, publique et non équivoque. Or il me semble que ces conditions sont assez difficiles à réunir en l’espèce, car personne ne pourra croire que l’enfant soit celui de deux femmes. Il y a évidemment une équivoque lorsque deux femmes prétendent être la mère d’un même enfant. Ce système ne fonctionnerait donc vraiment pas. L’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.
Il est également défavorable. Je comprends parfaitement votre objectif, madame la sénatrice, puisque cette question a déjà été soulevée à l’Assemblée nationale, qui s’est interrogée assez longuement sur les moyens de remédier à ce qui apparaît comme une injustice pour des enfants nés avant l’entrée en vigueur de la loi que nous sommes en train d’élaborer.
Pour autant, le présent texte porte sur la bioéthique, et non sur les questions de filiation. Nous y avons simplement fait figurer l’article 4 parce qu’il était impossible d’ouvrir l’AMP à des couples de femmes sans établir de mode de filiation adéquat. Cependant, nous ne revisitons pas l’ensemble de notre droit de la filiation.
Par ailleurs, outre les arguments que Mme la rapporteure a invoqués, j’ajouterai que la possession d’état est un mécanisme conçu pour être employé de manière très exceptionnelle, dans des situations très particulières de succession ou de recherche d’héritier. Actuellement, la possession d’état concerne une dizaine de personnes environ chaque année. C’est donc un mécanisme qui est très rarement utilisé.
Il me semble que le dispositif de votre amendement ne constitue pas forcément la solution que vous recherchez. En revanche, sa mise en œuvre permettrait de lever un obstacle juridique pour des couples qui voudraient avoir recours à la GPA, en ouvrant la possibilité d’invoquer la possession d’état pour un couple d’hommes. Or le Gouvernement s’est engagé à ne pas du tout aller en ce sens.
Pour les raisons évoquées par Mme la rapporteure et celles que je viens de développer, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Au vu des explications données, je vais le retirer, dans la mesure où ce mécanisme pourrait constituer un point d’appui pour les partisans de l’autorisation de la GPA, à laquelle mon groupe est majoritairement opposé.
Néanmoins, fallait-il traiter de l’AMP dans un texte de bioéthique ?
Nous ne le pensons pas non plus. Quoi qu’il en soit, cela nous amène obligatoirement à traiter de la filiation, sans que nous puissions aller jusqu’au bout de la réflexion.
Pour ma part, je partage l’idée que le droit est un outil, que l’on peut transformer pour améliorer la vie en société. Je voulais lancer cet appel à prolonger la réflexion.
Cela étant dit, je retire l’amendement, madame la présidente.
L’amendement n° 198 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Cadic, Cazabonne et Détraigne, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 6-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, les dispositions relatives à la possession d’état contenues dans le présent code sont applicables à l’égard de toute personne, quelle que soit son orientation sexuelle. » ;
2° L’article 311-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle est indifférente à la réalité biologique et permet d’établir la filiation d’un enfant à l’égard de parents de même sexe. » ;
3° L’article 320 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, une filiation légalement établie ne fait pas obstacle à l’établissement, par la voie de la possession d’état, d’une filiation de même nature. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
Je devine ce que dira Mme la ministre de cet amendement, qui vise à permettre d’établir la filiation d’un enfant conçu par le biais d’un don par la voie de la possession d’état…
Précisons que la possession d’état permet de faire établir par notaire l’existence d’un lien de filiation, même en l’absence de lien biologique, sur la base de la réalité vécue par un enfant. Toutefois, ce dispositif n’est pas ouvert aux couples de même sexe.
Cet amendement concerne les enfants conçus à l’étranger au sein d’un couple de femmes avant l’entrée en vigueur du présent texte et dont la filiation à l’égard de la mère sociale n’a pu être établie par la voie adoptive.
La mère sociale pourrait, si cet amendement était adopté, faire reconnaître sa filiation à l’égard de l’enfant, nonobstant sa séparation d’avec la mère biologique ou le décès de cette dernière, par la voie de la possession d’état.
Cette faculté lui serait ouverte pendant une période de dix années suivant la date à laquelle cette possession d’état aurait cessé en raison, notamment, de la séparation ou du décès.
Il est défavorable : cet amendement appelle à peu près les mêmes observations que celui que nous venons d’examiner.
Même avis. Je profite de cette occasion pour ajouter que l’une des solutions que nous pourrions proposer, dans un autre texte, pour résoudre la question soulevée au travers de ces amendements pourrait être la simplification de l’adoption. C’est l’une des possibilités sur lesquelles nous travaillons.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 199 rectifié ter, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay, Gontard, P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 6-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, les dispositions prévues à l’article 312 sont applicables, que les parents soient de même sexe ou de sexe différent. » ;
2° L’article 312 est ainsi rédigé :
« Art. 312. – L’enfant conçu ou né dans le mariage a pour autre parent que la mère son époux ou son épouse. » ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Par cet amendement, nous proposons d’étendre aux couples lesbiens mariés le mécanisme de présomption de paternité, lequel établit automatiquement la filiation paternelle dans les couples hétérosexuels mariés.
Dans la continuité de nos précédents amendements, nous dénonçons le caractère dérogatoire du régime de la filiation applicable actuellement aux couples lesbiens.
En effet, nous ne voyons pas quel argument viendrait s’opposer à ce que les couples lesbiens mariés puissent prétendre au mécanisme de présomption de parentalité, sauf à créer une nouvelle fois une situation discriminatoire.
Il s’agit ici d’une mesure de simplification et d’égalité.
Ma chère collègue, vous proposez d’étendre un mécanisme de droit figurant au titre VII du code civil, relatif à la procréation charnelle.
La caractéristique du titre VII est de fonder la présomption de paternité non pas forcément sur la vérité, mais sur la vraisemblance. Il faut donc à tout le moins que le couple soit hétérosexuel.
La présomption de paternité est fondée sur le fait que, le couple étant marié et s’étant juré fidélité, dans les termes prescrits par le code civil, il est vraisemblable que la femme a fait l’enfant avec son mari. C’est ainsi que fonctionne la présomption de paternité. D’ailleurs, quand on n’est pas marié, cette présomption n’existe pas, car on ne s’est pas juré fidélité : on ne sait donc pas a priori qui est le père.
Dès lors, un couple de femmes ne peut en aucun cas bénéficier d’une telle présomption. Ce mécanisme, dont on peut admettre qu’il s’applique à l’immense majorité des cas de filiation en France, c’est-à-dire à la procréation charnelle, ne peut être étendu à un couple de personnes du même sexe. L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Madame la présidente, je demande la suspension de la séance, afin que la commission spéciale puisse se réunir pour examiner un amendement à l’article suivant.
J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale à la prospective a été publiée. Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.