Je pense aussi qu’il faut absolument voter l’amendement de Sophie Primas, qui reprend une proposition de la rapporteure Muriel Jourda. Il le faut, parce que l’on ne doit pas bouleverser le socle commun de la filiation prévu dans le code civil. C’est fondamental.
Madame la garde des sceaux, vous voulez mettre en place un cadre distinct, quand nous avons plutôt besoin de cadres communs aujourd’hui. L’objectif de la politique est non pas de fournir des réponses spécifiques pour chaque demande, mais d’organiser la société autour de règles qui nous rassemblent véritablement.
À mon sens, le choix que vous faites est non pas juridique, mais idéologique, un choix guidé par une volonté d’égalité mal comprise. En effet, les enfants de couples de femmes seront dans une situation d’inégalité par rapport aux enfants qui connaîtront un père. De même, certains de ces enfants subiront une inégalité dans la mesure où ils n’auront pas accès à leurs origines quand le donneur n’y aura pas consenti.
Nous pouvons mobiliser le régime juridique actuel. La femme qui accouche, selon l’ancien droit romain, devenu notre socle de la filiation, sera la mère. C’est le principe. Pour l’autre mère, il y aura l’adoption.
L’adoption est déjà aujourd’hui la voie empruntée par les couples de femmes qui se procurent des gamètes à l’étranger, selon le régime établi par la jurisprudence. La proposition de Sophie Primas consiste donc simplement à inscrire cette jurisprudence dans la loi. Par ailleurs, l’arrêt de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) du 12 décembre dernier ne s’oppose absolument pas, au contraire, à cette solution.
Pourquoi le Conseil d’État, dans l’avis qu’il a rendu le 28 juin, a-t-il très nettement déconseillé la solution que le Gouvernement a finalement choisie ? La première raison est qu’elle rompt avec le principe de vraisemblance de la parentalité. Au-delà de l’aspect strictement juridique, il ne faut pas briser ce lien charnel, qui nous unit à la réalité. Il ne faut pas tricher, il ne faut pas mentir ! En outre, en donnant toute puissance à l’intentionnalité, vous dégagez, pour demain, la voie pour la GPA. C’est une évidence ! Si vous voulez conserver un principe de prohibition de la GPA, alors n’ouvrez pas cette voie-là, car elle est très dangereuse !