Je voudrais d’abord rappeler la chronologie.
En 2015 puis en 2017, la Cour de cassation a développé une jurisprudence sur la question des GPA réalisées à l’étranger. C’est un sujet très complexe et très sensible, et il faut se garder d’avancer des solutions simplistes, dans la mesure où le devenir d’enfants est en jeu.
La France a fait le choix d’interdire la GPA, au nom de principes éthiques sur lesquels il n’est pas question de céder. Il existe cependant une réalité : nos frontières sont ouvertes et des couples se rendent à l’étranger pour obtenir un enfant par le biais d’une GPA. Nier cette réalité pourrait conduire à pénaliser des enfants en raison de choix effectués par leurs parents. Il convient donc de trouver un équilibre entre l’effectivité de l’interdiction de la GPA et le droit, pour les enfants, à avoir un état civil et une vie familiale normale.
Il résultait de la jurisprudence de la Cour de cassation que, lorsqu’un couple avait eu recours à une GPA à l’étranger, la transcription de l’acte de naissance était possible en ce qui concerne le père biologique. En revanche, s’agissant du parent d’intention, la Cour de cassation renvoyait à une procédure d’adoption.
Le Gouvernement approuvait et approuve toujours cet équilibre, qui permet à la fois un contrôle du juge français sur les GPA réalisées à l’étranger et une protection des intérêts et des droits en présence, notamment, bien sûr, ceux de l’enfant.
Comme je l’ai indiqué à l’Assemblée nationale – je le dis notamment pour répondre aux observations formulées par Mme la sénatrice de la Gontrie –, je comptais adresser aux procureurs, mais aussi aux consulats, une circulaire pour assurer la bonne application de la solution que je viens de développer devant vous. Cela était d’autant plus souhaitable que cette solution avait été validée par la Cour européenne des droits de l’homme par un avis du 10 avril 2019 précisant que la jurisprudence de la Cour de cassation était compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme. La CEDH a posé des conditions relatives à l’accès à la procédure d’adoption, mais, en décembre dernier, elle a redit que la procédure d’adoption française permettait de donner aux enfants nés d’une GPA à l’étranger une filiation dans des conditions conformes à la jurisprudence et aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme.
Le 18 décembre dernier, la Cour de cassation est revenue sur sa jurisprudence antérieure, en permettant la transcription de plein droit des actes de naissance établis à l’étranger sans passer par l’adoption.
Techniquement, la Cour de cassation a modifié son interprétation de l’article 47 du code civil sur la régularité des actes de l’état civil étranger. Vous le savez sans doute, cet article dispose que, pour être reconnu en France, un acte de l’état civil étranger doit être « conforme à la réalité ».
Jusque-là, la Cour de cassation considérait que la « conformité à la réalité » s’appréciait au regard de la loi française. Pour la GPA, cela signifie que l’acte de naissance qui désigne la mère d’intention comme mère n’était pas conforme à la réalité, puisque, en droit français, nous l’avons dit, la mère est celle qui accouche.
Ainsi, depuis le 18 décembre dernier, la Cour de cassation juge que la conformité à la réalité d’un acte de l’état civil étranger s’apprécie au regard non plus des critères de la loi française, mais des critères de la loi nationale étrangère. Évidemment, cela change les choses.
Le Gouvernement ne peut se résoudre à ce nouvel état du droit, je le dis clairement. En effet, il supprime notamment tout contrôle juridictionnel sur les GPA réalisées à l’étranger. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous propose de revenir à la situation antérieure à cette nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation. Le passage par la procédure d’adoption me paraît indispensable en ce cas, car seule l’intervention du juge dans le cadre de la procédure d’adoption permet d’opérer un contrôle dans l’intérêt de l’enfant, notamment de s’assurer de l’absence de trafic d’enfants.
Le Gouvernement présente un amendement visant à préciser, à l’article 47 du code civil, que la conformité de l’acte étranger s’apprécie au regard des critères de la loi française.
Concrètement, cela signifie que l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA à l’étranger qui désigne la mère d’intention comme mère n’est pas conforme à la réalité, puisque, en droit français, la mère est celle qui accouche, hors hypothèse de l’adoption.