Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 28 janvier 2020 à 15h00
Bioéthique — Article 10 ter

Agnès Buzyn :

Sincèrement, je suis très troublée. On confie à des experts le soin de définir une liste – je rappelle qu’aucune liste n’a jamais été présente dans une loi de bioéthique à la française – de dix gènes qu’ils considèrent trop graves pour vivre. On donne notamment cette mission à la Haute Autorité de santé, instance que j’ai présidée. Et, comme présidente de la Haute Autorité de santé, j’aurais toujours refusé de définir quels enfants ont le droit de vivre et quels enfants n’en ont pas le droit. §

Prenons quelques exemples.

Les experts sont toujours effondrés quand un enfant naît avec une amyotrophie spinale. C’est une maladie atrocement douloureuse et grave : les enfants meurent à l’âge de 2 ans. Or une thérapie génique vient de sortir cette année ; elle coûte un million d’euros par enfant, mais elle marche. On peut considérer que c’est un coût trop élevé et dire : « Nous savons guérir cette pathologie, mais c’est trop cher. » Cela revient à décider qu’on n’a pas le droit de vivre quand on est atteint d’amyotrophie spinale.

Autre exemple : la mucoviscidose. Je pense à tous les parents dont un enfant est né avec la mucoviscidose. Voilà trente ans, un enfant qui naissait avec la mucoviscidose mourait à l’âge de 5 ans ou 10 ans. Progressivement, on a su prendre ces enfants en charge, et les amener jusqu’à 15 ans, 25 ans, puis 30 ans avec la transplantation cœur-poumons. Et une thérapie ciblée qui marche dans certaines formes de mucoviscidose a été découverte ; on va ainsi pouvoir prolonger les personnes au-delà de 30 ans, probablement plus. C’est à cela que sert le progrès médical. Avec un tel article, voilà cinq ou dix ans, il aurait fallu supprimer les enfants qui naissaient avec la mucoviscidose.

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