La séance est ouverte à quinze heures.
Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 23 janvier 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
Monsieur le président, le 22 janvier 2020, lors du scrutin n° 69 sur l’article 1er du projet de loi relatif à la bioéthique, M. Bernard Delcros a été enregistré comme s’abstenant alors qu’il souhaitait voter pour.
Monsieur le président, le jeudi 23 janvier, lors du scrutin n° 70, M. Éric Kerrouche a été enregistré comme s’abstenant alors qu’il souhaitait voter contre ; lors du scrutin n° 71, il a été enregistré comme s’abstenant alors qu’il souhaitait voter pour ; et lors du scrutin n° 72, il a été enregistré comme s’abstenant alors qu’il souhaitait voter contre.
Lors du scrutin n° 75, j’ai moi-même été enregistrée comme votant pour alors que je souhaitais m’abstenir, tandis que, lors du scrutin n° 76, j’ai été enregistrée comme votant contre alors que je souhaitais voter pour.
Lors du scrutin n° 78, Mme Corinne Féret a été enregistrée comme votant pour alors qu’elle souhaitait s’abstenir.
Lors du scrutin n° 79, M. Éric Kerrouche et Mme Corinne Féret ont été enregistrés comme votant contre alors qu’ils souhaitaient s’abstenir.
Monsieur le président, lors du scrutin n° 71, Mme Marie Mercier souhaitait voter contre.
Monsieur le président, lors du scrutin n° 77, j’ai été enregistré comme m’abstenant alors que je souhaitais voter contre, tandis que M. Alain Fouché souhaitait apparaître comme n’ayant pas pris part au vote.
Lors des scrutins n° 75 et 76, ce même collègue souhaitait également apparaître comme n’ayant pas pris part au vote.
Lors du scrutin n° 72 portant sur l’amendement n° 67 rectifié ter présenté par notre collègue Sophie Primas, Alain Fouché souhaitait voter pour.
Acte vous est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins.
M. le président. Mesdames les ministres, mes chers collègues, je vous invite à vous lever.
Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre des solidarités et de la santé et Mme la ministre de l ’ enseignement supérieur, de la recherche et de l ’ innovation, se lèvent.
Au lendemain de la journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, je tiens, en votre nom, à associer notre Haute Assemblée aux commémorations marquant le 75e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz.
Soixante-quinze ans après, nous avons le devoir de rappeler la monstruosité de ces crimes et de maintenir le souvenir des victimes : 6 millions de morts sur notre continent ; 76 000 Juifs déportés de France, dont les noms sont inscrits, au Mémorial de la Shoah, sur le Mur des noms.
Au-delà de la commémoration, il nous revient aujourd’hui de continuer à faire vivre la mémoire de l’Holocauste pour ne jamais oublier.
Face à la montée de l’antisémitisme à travers le monde et à l’augmentation du nombre d’actes racistes et xénophobes dans notre pays, il nous faut plus que jamais nous souvenir et demeurer vigilants. Restons unis et intransigeants face à l’antisémitisme, au racisme, à la xénophobie et à l’intolérance.
La conférence des présidents, qui vient de se réunir, a décidé de s’opposer à l’engagement de la procédure accélérée sur le projet de loi organique relatif au système universel de retraite et sur le projet de loi instituant un système universel de retraite.
Cette décision sera notifiée à M. le président de l’Assemblée nationale.
Acte est donné de cette communication.
La conférence des présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande du groupe CRCE de création d’une mission d’information sur le thème : « Quel rôle, quelle place, quelles compétences des départements dans les régions fusionnées, aujourd’hui et demain ? »
La désignation des membres de cette mission en séance publique interviendra le mercredi 19 février, à seize heures trente.
J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et du projet de loi modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Monsieur le président, la commission spéciale demande l’examen en priorité de l’article 17 avant l’article 14.
Je suis saisi, par la commission spéciale, d’une demande de priorité sur l’article 17, afin qu’il soit examiné avant l’article 14.
Selon l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
La priorité est ordonnée.
Dans la discussion du texte de la commission spéciale, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier bis du titre II, à l’article 7 bis.
TITRE II
PROMOUVOIR LA SOLIDARITÉ DANS LE RESPECT DE L’AUTONOMIE DE CHACUN
Chapitre Ier bis
Conforter la solidarité dans le cadre du don de sang
(Division et intitulé nouveaux)
Le chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1221-5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « mineure », sont insérés les mots : « de moins de dix-sept ans » ;
– le mot : « légale » est remplacé par les mots : « juridique avec représentation à la personne » ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les personnes mineures de plus de dix-sept ans, le prélèvement peut être opéré à la condition qu’une des personnes investies de l’autorité parentale ou le représentant légal y consente expressément par écrit. » ;
c) Au deuxième alinéa, au début, le mot : « Toutefois » est remplacé par les mots : « Par dérogation au premier alinéa » et, après le mot : « mineurs », sont insérés les mots : « de moins de dix-sept ans » ;
d) Au début du troisième alinéa, le mot : « Le » est remplacé par le mot : « Ce » ;
2° L’article L. 1271-2 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de prélever ou de tenter de prélever du sang sur une personne mineure de plus de dix-sept ans sans avoir recueilli le consentement écrit de l’une des personnes investies de l’autorité parentale ou du représentant légal est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « mineure », sont insérés les mots : « de moins de dix-sept ans » et le mot : « légale » est remplacé par les mots : « juridique avec représentation à la personne ».
Nous voterons cet article sur le don du sang et je voudrais en profiter pour dire quelques mots sur le laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), créé en réponse à l’affaire du sang contaminé.
Le LFB, qui conçoit et fabrique des médicaments à partir de plasma, est détenu pour l’instant à 100 % par l’État. Malheureusement, il semblerait que des menaces pèsent sur cette maîtrise publique puisque des investisseurs privés pourraient entrer dans le capital de cette entreprise.
Je ne méconnais pas les difficultés financières du LFB et son plan stratégique de transformation, mais, madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer et nous indiquer si la participation de l’État va continuer à être à hauteur de 100 % ?
Je suis déjà intervenue, à plusieurs reprises, vous le savez bien, pour défendre cette participation essentielle de l’État. Les raisons en sont simples : si l’État ne détient pas cette majorité, c’est la porte ouverte à la marchandisation du don du sang, remettant en cause les principes éthiques de gratuité de ce don, comme elle est fixée par la loi du 21 juillet 1952.
Je ne doute pas du soutien de nombre de mes collègues compte tenu du consensus qui existe, en matière de bioéthique, contre la marchandisation du corps humain.
L ’ article 7 bis est adopté.
L’amendement n° 331 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 7 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre VI du livre II de la première partie du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Titre VI
« Don de corps à des fins d ’ enseignement médical et de recherche
« Art. L. 1261 -1. – Une personne peut consentir à donner son corps après son décès à des fins d’enseignement médical et de recherche. Le consentement du donneur doit être exprimé de manière écrite et expresse. Les dispositions de l’article 225-17 du code pénal ne sont pas applicables à ces recherches ni à ces enseignements.
« Ce don ne peut être effectué qu’au bénéfice d’un établissement de santé, de formation ou de recherche titulaire d’une autorisation délivrée par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
« Les conditions d’ouverture, d’organisation et de fonctionnement de ces établissements sont définies par décret en Conseil d’État. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre I er ter
Encadrer les conditions de dons de corps à des fins d ’ enseignement médical et de recherche
La parole est à Mme la ministre.
Le présent amendement a vocation à permettre au Gouvernement de répondre à la question de l’encadrement de l’activité des centres de dons des corps humains qui sont destinés à la recherche scientifique ou à la formation universitaire.
Donner son corps à la science est un geste tout à fait exceptionnel, mais, néanmoins, fondamental pour la recherche et la formation, notamment dans le domaine médical.
Les modalités du don sont bien établies depuis une loi de 1887, qui dispose que le don est issu de dispositions testamentaires.
Pour autant, si la manière dont on fait le don de son corps à la science est bien encadrée, ce qu’il en advient ensuite ne l’est pas suffisamment. L’actualité récente l’a mis en évidence. Une mission toujours en cours, conduite par nos deux inspections, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), nous a d’ores et déjà signalé le défaut, voire l’absence, de réel encadrement normatif de l’activité des centres qui reçoivent et conserve les corps donnés à la science.
En 2017, 27 centres de dons ont reçu les corps de 3 400 donateurs. Au-delà des chiffres, chacun comprend naturellement la nécessité, ne serait-ce que sur le plan éthique, de mieux contrôler et réguler l’activité et les modalités d’organisation de ces centres.
C’est tout l’objet de cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, qui prévoit de soumettre leur activité à un régime d’autorisation directement opéré par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et de renvoyer à un décret en Conseil d’État des dispositions réglementaires propres à l’organisation de ces centres.
Cet amendement nous permettra ainsi de garantir le plus haut degré d’exigence éthique que nous devons aux donneurs, à leurs familles, aux chercheurs et aux étudiants. Je vous invite donc à le voter.
Cet amendement vise à mieux encadrer le don du corps à des fins d’enseignement médical ou de recherche. Celui-ci ayant été déposé tardivement par le Gouvernement, la commission spéciale, qui l’a examiné jeudi dernier, n’a pu émettre qu’un avis de sagesse en raison de ce délai trop bref. Cela dit, il apparaît effectivement souhaitable d’offrir un cadre législatif au don de corps à des fins d’enseignement médical ou de recherche, qui est, pour l’heure, simplement régi par un article de la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales.
Je note d’ailleurs qu’entre-temps le Gouvernement a rectifié son amendement. Et puisque l’examen de ce projet de loi suit une procédure normale, heureuse, il sera possible, au cours de la navette, d’améliorer si nécessaire sa rédaction. C’est la raison pour laquelle il me semble, à titre personnel, qu’on peut émettre un avis favorable.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7 bis.
Chapitre II
Permettre la solidarité dans le cadre de la transmission d’une information génétique
I. –
Non modifié
« En outre, le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée nécessaires à la prise en charge d’une personne susceptible de faire l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques dans les conditions prévues au I de l’article L. 1130-4 soient délivrées au médecin assurant cette prise en charge, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. »
II. –
Non modifié
1° L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« En cas de décès du malade, l’accès au dossier médical de ce malade des ayants droit, du concubin, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du médecin prenant en charge une personne susceptible de faire l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques dans les conditions prévues au I de l’article L. 1130-4 s’effectue dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas du V de l’article L. 1110-4. » ;
2° La seconde phrase du dernier alinéa est supprimée.
III. – Au début du titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, il est ajouté un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« CHAPITRE PRÉLIMINAIRE
« Principes généraux
« Art. L. 1130 -3. – Par dérogation aux articles 16-10 et 16-11 du code civil, lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, l’examen ou l’identification peut être entrepris à des fins médicales dans l’intérêt de cette personne.
« Préalablement à la réalisation de l’examen ou de l’identification, le médecin s’assure que la personne ne s’y est pas opposée antérieurement auprès de la personne de confiance mentionnée à l’article L. 1111-6 du présent code, de sa famille ou, à défaut, d’un proche ou, le cas échéant, auprès de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne.
« Art. L. 1130 -4. – I. – Par dérogation à l’article 16-10 du code civil, lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté ou lorsqu’elle est décédée, l’examen peut être entrepris à des fins médicales dans l’intérêt des membres de sa famille potentiellement concernés dès lors qu’un médecin suspecte une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins. Lorsque la personne est décédée, l’examen est réalisé à partir d’échantillons de cette personne déjà conservés ou prélevés dans le cadre d’une autopsie à des fins médicales.
« II. – Dans les cas mentionnés au I, ce médecin s’assure de l’absence d’opposition de la personne dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 1130-3.
« En l’absence d’opposition de la personne, le médecin informe les membres de la famille potentiellement concernés dont il possède les coordonnées qu’il estime plausible l’existence d’une telle anomalie génétique.
« Il leur précise qu’ils peuvent accepter ou refuser par écrit la réalisation de l’examen mentionné au I du présent article et qu’il suffit que l’un des membres ait donné son accord pour que cet examen soit réalisé.
« III. – L’information sur la présence ou l’absence d’une anomalie génétique identifiée par l’examen prévu au I est accessible, à leur demande, à tous les membres de la famille potentiellement concernés, y compris ceux qui ont refusé que cet examen soit pratiqué, dès lors que le médecin les informe qu’il dispose de ce résultat.
« Si l’anomalie génétique mentionnée au même I est confirmée, le médecin invite les personnes qui ont demandé à recevoir l’information mentionnée au premier alinéa du présent III à se rendre à une consultation chez un médecin qualifié en génétique sans dévoiler à ces personnes l’anomalie génétique en cause ni les risques qui lui sont associés.
« Les membres de la famille qui souhaitent bénéficier d’un examen de leurs caractéristiques génétiques peuvent y accéder dans les conditions prévues au chapitre Ier du présent titre, notamment à l’article L. 1131-1.
« Art. L. 1130 -6. – I. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent chapitre.
« II. – Un arrêté du ministre chargé de la santé pris sur proposition de l’Agence de la biomédecine fixe les critères déterminant les situations médicales justifiant, chez une personne hors d’état d’exprimer sa volonté ou décédée, la réalisation d’un examen de ses caractéristiques génétiques à des fins médicales dans l’intérêt des membres de sa famille potentiellement concernés. »
III bis
« Art. L. 1243 -8 -1 – Un arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis de l’Agence de la biomédecine, de la Haute Autorité de santé et des représentants des établissements de santé et des laboratoires de biologie médicale, définit les règles de bonne pratique en matière de conservation et de traçabilité des échantillons biologiques humains prélevés à des fins diagnostiques ou thérapeutiques ou à l’occasion d’une autopsie réalisée à des fins médicales. »
IV. – La deuxième phrase du dernier alinéa de l’article L. 1211-2 du code de la santé publique est complétée par les mots : « sans préjudice des dispositions de l’article L. 1130-4 ». –
Adopté.
I. – Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Modalités de mise en œuvre des examens des caractéristiques génétiques et des identifications par empreintes génétiques et information de la parentèle » ;
2° L’article L. 1131-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1131 -1. – I. – Préalablement à la réalisation d’un examen des caractéristiques génétiques d’une personne, le médecin prescripteur informe celle-ci des risques qu’un silence ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés si une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins était diagnostiquée. Il prévoit avec elle, dans un document écrit qui peut, le cas échéant, être complété après le diagnostic, les modalités de l’information destinée aux membres de la famille potentiellement concernés afin d’en préparer l’éventuelle transmission. Si la personne a exprimé par écrit sa volonté d’être tenue dans l’ignorance du diagnostic, elle peut autoriser le médecin prescripteur à procéder à l’information des intéressés dans les conditions prévues au II.
« En cas de diagnostic d’une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave, sauf si la personne a exprimé par écrit sa volonté d’être tenue dans l’ignorance du diagnostic, l’information médicale communiquée est résumée dans un document rédigé de manière loyale, claire et appropriée, qui est signé et remis à cette personne par le médecin. La personne atteste de cette remise. Lors de l’annonce de ce diagnostic, le médecin informe la personne de l’existence d’une ou plusieurs associations de malades susceptibles d’apporter des renseignements complémentaires sur l’anomalie génétique diagnostiquée. Si la personne le demande, il lui remet la liste des associations agréées en application de l’article L. 1114-1.
« La personne est tenue d’informer les membres de sa famille potentiellement concernés dont elle ou, le cas échéant, son représentant légal possède ou peut obtenir les coordonnées, dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées. La personne ou, le cas échéant, son représentant légal communique aux personnes contactées les coordonnées du médecin prescripteur.
« II. – Si la personne ne souhaite pas informer elle-même les membres de sa famille potentiellement concernés, elle peut demander par un document écrit au médecin prescripteur, qui atteste de cette demande, de procéder à cette information. Elle lui communique à cette fin les coordonnées des intéressés dont elle dispose. Le médecin porte alors à la connaissance de ces derniers l’existence d’une information médicale à caractère familial susceptible de les concerner et les invite à se rendre à une consultation chez un médecin qualifié en génétique sans dévoiler à ces personnes le nom de la personne ayant fait l’objet de l’examen, ni l’anomalie génétique, ni les risques qui lui sont associés.
« III. – Si la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne ou est hors d’état d’exprimer sa volonté et que l’examen est réalisé dans son intérêt en application de l’article L. 1130-3, le médecin procède à l’information des membres de la famille potentiellement concernés dont il possède les coordonnées, dans les conditions prévues au II du présent article.
« IV. – Si la personne décède avant l’annonce du résultat ou avant d’avoir pu informer les membres de sa famille potentiellement concernés, le médecin procède à l’information de ceux dont il possède les coordonnées, dans les conditions prévues au II du présent article, sauf si la personne s’était opposée antérieurement à être informée du résultat ou si elle s’était opposée antérieurement à ce que les membres de sa famille potentiellement concernés bénéficient de cette information.
« V. – Dans tous les cas, le médecin qualifié en génétique consulté par la personne apparentée est informé par le médecin prescripteur de l’anomalie génétique en cause. » ;
3° L’article L. 1131-1-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1131 -1 -1 – I. – Lorsqu’est diagnostiquée chez un tiers donneur, au sens de l’article L. 2143-1, une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins, le médecin prescripteur saisit le responsable du centre d’assistance médicale à la procréation afin qu’il procède à l’information, dans les conditions prévues au II de l’article L. 1131-1, des personnes issues du don, des parents investis de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, du tuteur, si ces personnes sont mineures.
« II. – Lorsqu’est diagnostiquée chez une personne issue d’un don de gamètes ou d’un accueil d’embryon une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins, le médecin prescripteur saisit le responsable du centre d’assistance médicale à la procréation afin qu’il procède à l’information du tiers donneur dans les conditions prévues au II de l’article L. 1131-1.
« III
4° L’article L. 1131-1-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1131 -1 -2. – Lorsqu’est diagnostiquée chez une personne mentionnée aux 1° ou 2° de l’article L. 147-2 du code de l’action sociale et des familles une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins, cette personne, les parents investis de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, le tuteur, si cette personne est mineure, autorisent le médecin prescripteur à saisir le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles mentionné à l’article L. 147-1 du même code pour identifier, selon le cas, la ou les personnes mentionnées au 2° de l’article L. 147-2 dudit code ou l’enfant mentionné au 1° du même article L. 147-2.
« Dans les deux cas, ni l’anomalie génétique en cause, ni les risques qui lui sont associés ne sont mentionnés dans cette saisine.
« Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles porte alors à la connaissance de la personne ainsi identifiée, dans des conditions de nature à préserver le secret de cette transmission définies par décret, l’existence d’une information médicale à caractère familial susceptible de la concerner et l’invite à se rendre à une consultation chez un médecin qualifié en génétique, sans lui dévoiler le nom de la personne ayant fait l’objet de l’examen, ni aucune autre information permettant d’identifier cette seconde personne.
« Le conseil transmet au médecin consulté par la personne ainsi informée les coordonnées du médecin prescripteur pour la communication de l’anomalie génétique en cause. Aucune autre information n’est transmise à cette occasion par le médecin prescripteur.
« Afin d’accomplir la mission qui lui incombe en application du présent article, le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles peut utiliser le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques et consulter ce répertoire. Les conditions de cette utilisation et de cette consultation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
II. –
Non modifié
1° Après le troisième alinéa de l’article L. 147-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il est également chargé de porter à la connaissance des personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 147-2 l’existence d’une information médicale à caractère familial susceptible de les concerner dans les conditions prévues à l’article L. 1131-1-2 du code de la santé publique. » ;
2° L’article L. 147-2 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° La demande écrite formulée par un médecin prescripteur d’un examen des caractéristiques génétiques à des fins médicales transmise en application de l’article L. 1131-1-2 du code de la santé publique. »
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Lafon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Alinéa 7, dernière phrase
Supprimer les mots :
à une consultation
III. – Alinéa 9
1° Remplacer le mot :
s’
par les mots :
s’y
2° Supprimer les mots :
à être informée du résultat ou si elle s’était opposée antérieurement à ce que les membres de sa famille potentiellement concernés bénéficient de cette information
IV. – Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
V. – Alinéa 16
Remplacer le mot :
autorisent
par les mots
peuvent autoriser
VI. – Alinéa 20
Supprimer cet alinéa.
VII. – Après l’alinéa 23
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après le premier alinéa de l’article L. 147-2, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Le formulaire rempli par le personnel de santé contenant les informations données lors de l’accouchement telles que définies à l’article L. 222-6 ;
« …° Toute déclaration ultérieure de la mère ou, le cas échéant, du père de naissance visant à compléter les informations contenues dans le formulaire cité au 1° ; ».
VIII. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 222-6 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- la deuxième phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Le personnel de santé recueille systématiquement son identité et les informations la concernant sur un formulaire établi par arrêté, transmis et conservé par le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles. Le secret de son identité est préservé. » ;
- à la quatrième phrase, les mots : « donner son identité sous pli fermé ou » sont supprimés ;
- la cinquième phrase est supprimée ;
b) Après le même premier alinéa, sont insérés neuf alinéas ainsi rédigés :
« Les informations recueillies dans le formulaire mentionné au premier alinéa portent sur :
« 1° Les prénoms donnés à l’enfant et, le cas échéant mention du fait qu’ils l’ont été par la mère, ainsi que le sexe de l’enfant et la date, le lieu et l’heure de sa naissance ;
« 2° L’âge de la femme qui accouche ;
« 3° Son état général au moment de l’accouchement ;
« 4° Ses caractéristiques physiques ;
« 5° Sa situation familiale et professionnelle ;
« 6° Son pays de naissance ;
« 7° Les circonstances du renoncement à élever l’enfant ;
« 8° Les renseignements concernant le géniteur et une éventuelle fratrie. » ;
c) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « aucune pièce d’identité n’est exigée et » sont supprimés ;
2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 223-7, les mots : « pli fermé » sont remplacés par les mots : « formulaire établi par arrêté ».
La parole est à M. Laurent Lafon.
Avec l’article 3, nous avons autorisé la levée de l’anonymat pour les enfants nés de dons de gamètes. Cette évolution pose la question de la levée de l’anonymat pour les enfants nés d’un accouchement sous le secret.
Certes, les situations ne sont pas comparables et mon objectif, au travers de cet amendement, n’est pas de nier cette différence. Néanmoins, en levant l’anonymat pour les enfants nés de dons de gamètes, on suscite une interrogation, voire une incompréhension, pour ceux qui sont nés sous X, lesquels peuvent légitimement se demander : « Pourquoi pas nous ? »
D’autant que les arguments qui ont prévalu pour la levée de l’anonymat pour les enfants nés de dons de gamètes peuvent également être mis en avant pour ceux qui sont nés sous X.
L’intérêt supérieur de l’enfant dans sa recherche d’identité se double d’une recherche de sens, pour comprendre ce qu’il a vécu de sa conception à son placement auprès de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et dont nul ne peut ignorer les conséquences sur le reste de sa vie.
Le développement des grandes bases de données génétiques, comme l’expliquait la semaine dernière Gérard Longuet, fait qu’on peut aujourd’hui, par ces voies-là, découvrir son identité.
J’ajoute un argument en faveur de cet amendement à l’article 9 : l’argument de santé publique.
Cet article permet en effet aux enfants nés de dons de gamètes de prévenir les donneurs d’une maladie génétique pouvant être responsable d’une infection grave. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les mères qui ont eu recours à un accouchement sous le secret et aux enfants qui en sont nés ?
L’amendement n° 311, présenté par M. Henno, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
1° Après le mot :
informe
insérer les mots :
, en application des I et II du présent article,
2° Supprimer les mots :
en application des I et II du présent article,
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 3 rectifié.
L’amendement n° 311 étant rédactionnel, je ne développerai pas plus avant mon argumentaire.
En présentant l’amendement n° 3 rectifié, notre collègue Laurent Lafon a le mérite de soulever une question intéressante : celle de l’accouchement sous X. Il est vrai, mes chers collègues, que cette pratique n’a pas cours dans tous les pays ; pour autant, il ne nous semble pas opportun, dans le cadre de ce projet de loi relatif à la bioéthique, de modifier à ce point notre législation en matière d’accès aux origines des personnes nées dans le secret.
C’est la raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur cet amendement, qui, par ailleurs, tend aussi à supprimer le caractère automatique de la saisine du CNAOP (Conseil national d’accès aux origines personnelles) pour la transmission d’une information d’ordre médical entre une personne née dans le secret et l’un des parents de naissance en cas de détection d’une anomalie génétique potentiellement grave. Le cas échéant, il perdurerait une asymétrie en défaveur des personnes nées dans le secret.
Avis défavorable sur l’amendement n° 3 rectifié et avis favorable sur l’amendement rédactionnel n° 311.
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote sur l’amendement n° 3 rectifié.
Je ne voterai pas cet amendement de M. Lafon et je dis : « Attention : danger ! »
On se trompe là quelque peu de sujet : il s’agit non pas de gamètes, mais d’un enfant né sous le secret, d’un accouchement sous X. La loi de 2002 donne le droit aux femmes qui accouchent, en sécurité, en milieu hospitalier de fournir des informations, identifiantes ou non. Par expérience, ayant présidé, comme d’autres ici, un conseil de famille, je peux vous dire que, en Loire-Atlantique, environ deux tiers des femmes accouchant sous le secret donnaient soit sous pli cacheté, soit directement au personnel soignant de l’équipe gynécologique des informations sur leur situation, toujours singulière, toujours douloureuse.
Il ne faudrait pas, au travers de cet amendement tendant à faciliter les recherches génétiques de la mère vers l’enfant, de revenir sur cet équilibre entre le droit des femmes de pouvoir accoucher de manière anonyme et le droit de l’enfant de pouvoir être adopté quand il est confié à l’aide sociale à l’enfance.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 9 est adopté.
TITRE III
APPUYER LA DIFFUSION DES PROGRÈS SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES DANS LE RESPECT DES PRINCIPES ÉTHIQUES
L’article 16-10 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 16 -10. – I. – L’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique. Il est subordonné au consentement exprès de la personne recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’examen.
« II. – Le consentement prévu au I est recueilli après que la personne a été dûment informée :
« 1° De la nature de l’examen ;
« 2° De l’indication de l’examen, s’il s’agit de finalités médicales, ou de son objectif, s’il s’agit de recherche scientifique ;
« 3° Le cas échéant, de la possibilité que l’examen révèle incidemment des caractéristiques génétiques sans relation avec son indication initiale ou avec son objectif initial mais dont la connaissance permettrait à la personne ou aux membres de sa famille de bénéficier de mesures de prévention, y compris de conseil en génétique, ou de soins ;
« 4° De la possibilité de refuser la révélation des résultats de l’examen de caractéristiques génétiques sans relation avec l’indication initiale ou l’objectif initial de l’examen ainsi que des risques qu’un refus ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés, dans le cas où une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins serait diagnostiquée.
« Le consentement mentionne l’indication ou l’objectif mentionné au 2°.
« Le consentement est révocable en tout ou partie, sans forme et à tout moment.
« La communication des résultats révélés incidemment, mentionnés au 4°, est assurée dans le respect des conditions fixées au titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, lorsque l’examen poursuit des finalités de recherche scientifique, ou au titre III du même livre Ier, lorsque les finalités de l’examen sont médicales.
« III. – Par dérogation aux I et II, en cas d’examen des caractéristiques génétiques mentionné au I entrepris à des fins de recherche scientifique et réalisé à partir d’éléments du corps d’une personne prélevés à d’autres fins, les dispositions de l’article L. 1130-5 du code de la santé publique sont applicables.
« IV. –
Supprimé
L’amendement n° 208, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« IV. – Tout démarchage à caractère publicitaire portant l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne est interdit. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Nous voulons, avec cet amendement, réintroduire une disposition qui a été supprimée par la commission spéciale, à savoir l’interdiction de tout démarchage publicitaire en faveur de l’examen des caractéristiques génétiques.
Nous visons ici davantage les tests dits « récréatifs », qui se multiplient notamment via les réseaux sociaux, pour soi-disant connaître la diversité de ses origines.
Nous avons, bien sûr, entendu les arguments développés par le rapporteur et ceux qu’a exposés Mme la ministre, notamment en séance à l’Assemblée nationale. Mais il nous semble que, au contraire, ces précisions ne sont pas satisfaites par le code en vigueur.
Comme vous l’avez expliqué en octobre dernier, madame la ministre, un annonceur étranger a diffusé, à l’été 2018, sur plusieurs chaînes de télévision, une publicité pour les tests ADN, et vous aviez indiqué que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avait par la suite adressé aux chaînes concernées une mise en garde. La publicité avait alors été retirée.
Malheureusement, les démarchages fleurissent toujours, particulièrement sur les réseaux sociaux, en toute impunité. Nombreuses sont nos concitoyennes et nombreux sont nos concitoyens, moyennant quelques euros, qui envoient des données personnelles, qui sont stockées dans un pays étranger – avec quelle finalité ? On peut avoir bien des craintes – et qui reçoivent ensuite une fiche qui établit la composition, notamment géographique, de leur profil.
Au moment où l’on parle d’éthique, il nous semble, au groupe CRCE, que cela pose question !
Je crois qu’il est de notre responsabilité, d’une part, d’informer sur les dangers et dérives éventuelles, d’autre part, et surtout, de faire en sorte que ces publicités soient interdites et que les entreprises concernées soient sanctionnées pour de telles pratiques.
Madame la sénatrice, nous avons beaucoup réfléchi, au sein de la commission spéciale, sur cette question et nous émettons un avis défavorable sur cet amendement. L’interdiction de telles pratiques étant déjà prévue par le code de la consommation et celles-ci faisant l’objet de sanctions pénales, il nous a semblé inutile de l’insérer également dans le code de la santé publique.
La question est moins d’ajouter, dans un code, une interdiction déjà prévue dans un autre que d’être en capacité de faire respecter celle-ci, ce qui est tout autre chose.
Sur le fond, madame Cohen, et vous le savez bien, nous sommes parfaitement en accord ; pour autant, l’avis est défavorable. Tout simplement, toutes les peines nécessaires sont déjà prévues dans le code pour sanctionner ce type de pratique, mais, et c’est là le problème, encore faut-il qu’elles soient appliquées. Plutôt que de renforcer notre arsenal juridique, il convient donc d’abord d’appliquer la loi.
Je le rappelle, les peines principales encourues peuvent aller jusqu’à 300 000 euros d’amende et deux ans de prison, tandis qu’il existe même des peines complémentaires telles que l’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle pour le professionnel concerné.
Je le répète, en rajouter encore davantage dans l’arsenal juridique en vigueur ne rendra pas ces sanctions plus effectives. En revanche, nous avons besoin qu’elles soient appliquées.
En fait, je me doutais bien des réponses que me feraient à la fois M. le rapporteur – compte tenu des échanges que nous avons eus à ce sujet en commission spéciale – et Mme la ministre – je connais sa position.
Simplement, il me paraissait important d’évoquer de nouveau cette question dans notre hémicycle. Nous sommes face à un paradoxe énorme : effectivement, les sanctions existent, effectivement, elles sont importantes ; mais, tout aussi effectivement, elles ne sont pas appliquées. C’est quand même problématique : pourquoi ne le sont-elles pas et quel serait le cadre à prévoir pour faire en sorte qu’elles le soient à tout le moins ? Nos concitoyens et nos concitoyennes se plaignent auprès de nous de ces pratiques.
Il existe là une faille – pour ne pas dire plus –, il faut le dire ici au Sénat, s’en emparer pour corriger cette situation.
Je ne maintiendrai pas cet amendement, qui, de toute façon, ne serait pas voté, mais en soulevant ce problème, je souhaiterais au moins qu’un engagement soit pris pour rendre effectives les poursuites et qu’un vrai cadre existe.
L ’ article 10 est adopté.
I. – Après l’article 16-10 du code civil, il est inséré un article 16-10-1 ainsi rédigé :
« Art. 16 -10 -1. – Par dérogation à l’article 16-10 du présent code et aux articles L. 1131-1 et L. 1131-1-3 du code de la santé publique, l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne peut être entrepris à des fins de recherche généalogique, en vue de rechercher d’éventuelles proximités de parenté ou d’estimer des origines géographiques. Il est subordonné au consentement exprès de la personne recueilli préalablement à la réalisation de l’examen, le cas échéant sous format dématérialisé et sécurisé. Il ne peut donner lieu à la délivrance d’informations à caractère médical et ne peut faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie.
« Les examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique se conforment à un référentiel de qualité établi par l’Agence de la biomédecine en application du 9° de l’article L. 1418-1 du code de la santé publique. Cette conformité est attestée dans le cadre d’une procédure d’évaluation définie par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. L’attestation de conformité est transmise sans délai à l’Agence de la biomédecine.
« L’attestation de conformité prévue à l’alinéa précédent est notamment subordonnée au respect des conditions suivantes :
« 1° Le traitement des données associées aux examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique est assuré dans le respect des règles applicables définies par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 et la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;
« 2° Tout fournisseur d’un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique met à la disposition de la personne concernée une information rédigée de manière loyale, claire et appropriée relative à la validité scientifique de l’examen, de ses éventuelles limites au regard des objectifs poursuivis et des risques associés à la révélation d’éventuelles proximités de parenté ou d’origines géographiques jusqu’alors inconnues de la personne ou à l’absence de révélation de telles informations ;
« 3° Tout fournisseur d’un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique garantit à la personne concernée la possibilité de révoquer son consentement en tout ou partie, sans forme et à tout moment, à la réalisation de l’examen, à la communication du résultat de l’examen, à la conservation de l’échantillon à partir duquel l’examen a été réalisé, ainsi qu’au traitement, à l’utilisation et à la conservation des données issues de l’examen. Lorsque la personne le demande, il est procédé, dans un délai raisonnable, à la destruction de l’échantillon ou des données issues de l’examen.
« La communication des données issues d’un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique ne peut en aucun cas être exigée de la personne et il ne peut en être tenu compte lors de la conclusion d’un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé ou d’un contrat avec un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d’assurance, une mutuelle ou une institution de prévoyance, ni lors de la conclusion ou de l’application de tout autre contrat.
« Les informations et données tirées des examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique ne peuvent servir de fondement à des actions visant à établir ou infirmer un lien de filiation ou de parenté, ou à faire valoir un droit patrimonial ou extra-patrimonial.
« Le IV de l’article 16-10 n’est pas applicable aux examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique en application du présent article. »
II. – Le chapitre VI du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 226-25 du code pénal est ainsi modifié :
a) Les deux occurrences des mots : « ou de recherche scientifique » sont remplacées par les mots : «, de recherche scientifique ou de recherche généalogique » ;
b) Les mots : « l’article 16-10 » sont remplacés par les mots : « les articles 16-10 et 16-10-1 » ;
2° Après l’article 226-28, il est inséré un article 226-28-1 ainsi rédigé :
« Art. 226 -28 -1. – Le fait de procéder à un examen des caractères génétiques à des fins de recherche généalogique en méconnaissance des dispositions de l’article 16-10-1 du code civil est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » ;
3° À l’article 226-29, la référence : « et 226-28 » est remplacée par les références : «, 226-28 et 226-28-1 ».
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 204 rectifié bis est présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay, Gontard, P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli, Mme Lienemann et M. Collombat.
L’amendement n° 288 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 204 rectifié bis.
Au contraire de l’intention que sous-tend cet article, nous souhaitons, avec cet amendement de suppression, poser le principe de l’interdiction de la commercialisation de tests génétiques.
Nous assistons aujourd’hui à une recrudescence des entreprises privées étrangères proposant des tests génétiques en libre accès sur internet malgré leur interdiction actuelle en France, là encore sans que nous soyons en mesure de connaître le sort de ces données par nature extrêmement sensibles.
L’argument selon lequel les sanctions actuelles relatives à l’interdiction de la commercialisation de ce type de tests restent ineffectives n’est pas suffisant. C’est pourquoi nous proposons un encadrement spécifique, aujourd’hui inexistant.
Avec les collègues de mon groupe, nous pensons qu’il conviendrait d’informer davantage nos concitoyens sur le caractère incertain de ces tests, mais aussi sur le danger que représente le stockage de données génétiques dans des bases de données privées dont nous n’avons absolument pas la maîtrise.
En toute bonne foi, par une curiosité tout à fait légitime, un certain nombre de personnes se font d’une certaine manière « gruger » et voient leurs données, très sensibles, stockées, sans savoir comment elles seront utilisées. Ce n’est pas possible.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement identique – une fois n’est pas coutume – n° 288.
Il ne faut pas avoir d’a priori, monsieur le président…
Effectivement, le Gouvernement présente lui aussi un amendement de suppression de cet article, ajouté par la commission spéciale, qui permet la réalisation de tests génétiques généalogiques. Je souhaite exposer les raisons qui amènent le Gouvernement à être profondément défavorable à cette possibilité.
Le législateur a circonscrit, dès les premières lois de bioéthique de 1994, le recours aux examens génétiques. Ainsi, les finalités de ces examens sont limitées : ces tests peuvent être entrepris uniquement à des fins médicales ou de recherches scientifiques ainsi qu’à des fins judiciaires. Des garanties spécifiques entourent la réalisation de ces examens, quelles qu’en soient les finalités.
Lorsque le cadre est médical, le parcours de soins est très encadré et la discussion entre le médecin et le patient qui réalise le test est au cœur du processus. En recherche, les contraintes spécifiques pèsent sur les chercheurs, comme cela apparaît à l’article 18 de ce projet de loi.
Lorsque ces tests sont effectués à des fins judiciaires, seul un juge peut en ordonner la réalisation dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire.
Par ailleurs, toute discrimination sur des caractéristiques génétiques est bien entendu interdite, notamment dans le cadre des relations de travail. Les banques et les assurances ne peuvent pas prendre en compte ces caractéristiques, même si elles leur sont volontairement transmises par la personne concernée.
Je sais que ces tests génétiques, généalogiques, connaissent un fort développement à l’étranger et que certains de nos concitoyens y ont recours, malgré leur interdiction en France. Ces tests exposent à une multitude de risques peu connus, qui constituent toutefois une menace sérieuse pour la vie privée des consommateurs.
Les premiers risques qui peuvent être cités sont liés à l’incertitude sur la précision et la fiabilité des résultats obtenus. La qualité des résultats dépend des bases de données de référence utilisées pour comparer l’ADN avec un ADN de référence. Cela dépend notamment des tailles des échantillons dont disposent ces industriels, des types de population dont ils disposent dans leur base de données, des critères mobilisés pour créer des catégories, qualifier et délimiter des groupes de comparaison. Cela dépend aussi évidemment des algorithmes qu’ils ont mis au point. Cela explique les différences de résultats que l’on obtient en fonction de la marque du test utilisé.
Même les meilleures bases de données actuelles ne représentent qu’un échantillonnage très médiocre de la diversité génétique humaine mondiale. Ce manque de fiabilité transparaît dans les divergences de résultats obtenus pour un même ADN qui est envoyé à différents laboratoires.
Par ailleurs, les résultats obtenus sont potentiellement trompeurs, à tout le moins purement indicatifs. En effet, l’utilisation de populations contemporaines et non ancestrales pour la comparaison avec les ADN individuels testés ne fait qu’ajouter à la complexité des résultats et à leur interprétation.
Ces tests sont abusivement appelés tests d’origine ou d’ancestralité, mais ne révèlent pas d’où vient notre ADN dans le passé. Ils révèlent plutôt dans quelle mesure il ressemble à des ADN présents aujourd’hui sur la planète. Ces résultats imprécis et partiels ne sont donc à considérer qu’à titre indicatif.
Toutefois, bien au-delà de ces résultats non fiables, je tiens à alerter nos concitoyens et les législateurs que vous êtes sur les risques encourus. Ces tests sont également parfois utilisés à partir des données recueillies et exploitées à des fins commerciales. Nous ne sommes donc pas sûrs du respect de la protection de la vie privée, pas plus que de la confidentialité des données et il y a un manque de clarté sur les conditions générales de vente.
Par ailleurs, et c’est une utilisation que vous prévoyez, mesdames, messieurs les sénateurs, certaines entreprises offrent un service facultatif, en proposant à leurs utilisateurs de rechercher dans leur base privée de données d’autres usagers qui leur sont génétiquement similaires ou de préciser, pour chacun, leur degré de parentalité. Si cette recherche est utilisée par les personnes conçues à partir d’un don de gamètes ou de personnes adoptées nées sous X souhaitant, à partir d’une enquête généalogique et de déductions, retrouver leurs origines biologiques, ce service conduit parfois à des révélations inattendues au sein des familles, d’autant que les autres membres de la famille qui peuvent partager ce patrimoine génétique ne sont pas informés de la réalisation de ces tests et n’y ont donc pas consenti.
En outre, ces tests peuvent être volontairement détournés pour confirmer ou infirmer une paternité ou des liens de parenté.
Aux États-Unis, le Pentagone a également pris position sur ces tests, les militaires ayant fait l’objet de publicité de la part des sociétés qui les commercialisent. Une note visant à mettre en garde les soldats américains contre leur utilisation leur a été adressée par le secrétaire adjoint de la défense pour le renseignement. Elle mérite que l’on s’y attarde.
Cette note prévient que les tests ADN commerciaux, particulièrement non régulés, sont de nature à révéler des informations personnelles et génétiques, et pourraient avoir des conséquences imprévues pour les forces armées et leurs missions, ainsi que sur la carrière des militaires américains. Elle précise également que l’exposition d’informations génétiques sensibles à des tiers pose des risques personnels et opérationnels. La crainte des responsables du Pentagone est de voir tomber les données génétiques de ces soldats entre de mauvaises mains.
Cette note explique encore que la communauté scientifique est de plus en plus préoccupée par le fait que des tiers exploitent l’utilisation des données génétiques à des fins discutables, y compris la surveillance de masse et la possibilité de suivre les individus sans leur autorisation ou sans qu’ils en aient connaissance.
Par ailleurs, ces tests sont susceptibles de déceler de manière involontaire des marqueurs de certaines maladies et affections génétiques qui pourraient finir par affecter la carrière d’un militaire, comme celle de chacun d’entre nous, a commenté un porte-parole du Pentagone.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le comprenez : le risque est réel. Il est grave. Il constitue une véritable menace pour nos sociétés. L’ADN est une donnée fort utile pour qui cherche à trier, sélectionner, discriminer et assigner à des individus une identité figée sur la base d’informations biologiques pouvant être présentées comme scientifiques.
Si la lecture de la séquence d’un génome humain ne pose aucune difficulté – elle est même clairement démocratisée, si je puis dire –, son interprétation reste très complexe et dépend notamment des bases de données auxquelles on compare le génome ou les parties du génome que l’on examine. Elle doit être justifiée par des objectifs légitimes, notamment médicaux, et ne peut l’être uniquement par un pseudo-intérêt récréatif, qui peut entraîner des conséquences néfastes pour l’intéressé comme pour sa famille.
Il nous semble que ces tests n’ont de récréatif que le nom. Il n’y a pas de situation simple avec les tests génétiques. C’est pourquoi leur réalisation est très encadrée et très accompagnée en France.
À cet égard, il faut rappeler que le Conseil d’État a estimé, dans son étude « bioéthique » de 2018, que l’interdit visant des assurances « serait plus difficile à préserver dès lors que l’accès à l’information serait libéralisé et le séquençage banalisé ».
Nous devons nous positionner de façon rationnelle et raisonnable pour la responsabilisation des professionnels intervenant dans ce secteur, comme des consommateurs parfois attirés par ces nouveaux produits, en prenant en compte notre modèle bioéthique à la française, qui protège avant tout les droits et la liberté des individus.
La voix d’équilibre à privilégier nous paraît celle du maintien de notre cadre actuel, très protecteur en matière de génétique, a fortiori alors que nous permettons aux personnes nées d’AMP (assistance médicale à la procréation) avec tiers donneur d’accéder légalement à l’identité de ce donneur. C’est en garantissant ces limites aujourd’hui que nous pourrons ouvrir demain des développements, notamment issus d’une recherche bien encadrée, qui seront véritablement source de progrès médical et scientifique pour nos concitoyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour toutes ces raisons, je vous invite à voter en faveur de cet amendement de suppression proposé par le Gouvernement.
Madame la ministre, voilà un beau débat. La commission spéciale a beaucoup travaillé sur ce sujet, et ce dès le début de ses travaux, en procédant à l’audition du président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), M. Delfraissy. Je ne reviendrai pas sur votre argumentation sur les tests génétiques à visée généalogique. Le débat n’est pas de savoir s’il faut qu’ils existent ou si l’on doit favoriser leur existence : ils existent.
Aujourd’hui, je fais référence à un débat précédent, l’interdiction des tests génétiques en accès libre sur internet est totalement virtuelle. Voilà la réalité. La France est, avec la Pologne, l’un des seuls pays où c’est interdit. Plus d’un million de Français ont fait appel à ces tests génétiques à visée généalogique ; entre 100 000 et 150 000 encore l’année dernière.
Face à l’impossibilité d’interdire, qu’a confirmée le procureur général près la Cour de cassation et à laquelle il a apporté une réponse pragmatique en posant les bases d’un encadrement strict des examens génétiques à visée généalogique, le choix de la commission spéciale a été d’essayer d’encadrer, au lieu d’interdire. Cela me rappelle cette phrase de Péguy : « Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains. »
Interdire ce que l’on n’arrive pas à interdire me semble contre-productif. Il vaut mieux encadrer. Tel a été le choix de la commission spéciale.
L’encadrement vise d’abord à interdire la transmission d’informations médicales, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, puisque les données du million de Français qui ont eu recours à ces tests sans aucun encadrement sont envoyées dans la nature sans aucun contrôle. Il tend aussi à empêcher les conséquences en termes de patrimoine. Enfin, il s’inscrit dans le cadre du règlement général sur la protection des données (RGPD).
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
Sur cette question tout à fait importante, il me semble nécessaire de rappeler que, dimanche dernier – c’est tout récent –, dans leurs journaux respectifs de 20 heures, les chaînes TF1 et France 2 ont diffusé un reportage montrant le bonheur de deux Françaises ayant pu retrouver leur demi-frère et leurs demi-sœurs après avoir réalisé un test ADN généalogique. La journaliste de France 2 faisait d’ailleurs remarquer que cette pratique était interdite en France, mais la société installée aux États-Unis échappe à la législation française.
Pour ma part, je regrette la demande de suppression de cet article ajouté par la commission spéciale. La question qui se pose est de savoir si l’on se satisfait d’une situation qui, aujourd’hui, interdit en droit le recours à ces tests, alors que, dans les faits, la pratique est absolument constante ! On estime à plus d’un million le nombre de Français intéressés par la généalogie, qui ont fait faire à l’étranger – aux États-Unis, en Israël… – des tests de cette nature par le biais de sociétés qui, de ce fait, détiennent des informations et qui les utilisent selon leur législation nationale, et pas selon la nôtre.
Dans cette affaire, ce qui est en jeu, c’est la problématique économique. Il existe des sociétés françaises : Filae.com ou Geneanet.org. Cette dernière compte 3 millions de membres ; c’est la première société européenne en matière de généalogie en ligne et elle n’a pas accès à ce marché considérable en raison de la législation française. Or, si nous lui donnions le droit de faire réaliser ces tests, elle le ferait en respectant la législation française en matière tant de protection des données personnelles que de problématiques de nature médicale qui ne sont pas à méconnaître.
Pour ma part, comme la commission spéciale, je suis totalement favorable au maintien de cet article et voterai résolument contre ces amendements identiques de suppression.
Sans réserve, comme la quasi-totalité de mon groupe, j’appuierai par mon vote la position du Gouvernement.
Cet article porte un nom trompeur. C’est un faux ami pour le public extérieur. Il est question de tests génétiques « à des fins de recherche généalogique ». Qui peut être contre la généalogie ? La recherche des racines et des origines prospère et, avec elles, prospèrent également des visées clairement économiques et commerciales, comme vient de nous le confirmer Vincent Éblé, président de la commission des finances.
Je suis vraiment favorable à ce que l’on s’en tienne à l’encadrement actuel. Ces examens ne sont justifiés qu’à des fins médicales et, évidemment, judiciaires, vous l’avez rappelé, madame la ministre.
D’ailleurs, et cela me permet de défendre par avance l’amendement n° 291 que le Gouvernement a déposé à l’article 10 ter, qui porte sur une problématique équivalente, c’est un miroir aux alouettes. Ce dispositif sera parfaitement inefficace. Pourquoi ? Parce que, chaque année, environ un millier d’enfants naissent avec une maladie génétique grave et incurable. Or, neuf fois sur dix, il n’y a pas d’antécédent dans la famille.
J’ajoute que le dépistage préconceptionnel ne peut en aucun cas prévenir des maladies liées à des mutations de novo, c’est-à-dire qui surviennent par hasard au moment de la conception, sans être présentes dans le génome des parents.
M. Bernard Jomier renchérit.
Je défends en même temps l’amendement n° 288 et l’amendement n° 291. Dans les deux cas, c’est un miroir aux alouettes.
En revanche, les risques sont là et sont de trois ordres.
Ils concernent d’abord la protection des données personnelles, mais aussi les impacts familiaux que peut entraîner la révélation de telles informations.
C’est le premier impact.
Ils concernent ensuite la dérive eugénique. C’est le deuxième impact. Il ne faut pas se le cacher, on voit bien ce qu’il peut y avoir derrière ce type d’article.
Ils concernent enfin la financiarisation de nos existences. C’est le troisième impact. On ouvre toujours plus la voie à cette logique économique et financière.
Mes chers collègues, le texte que nous examinons n’a pas vocation à favoriser la recherche ou le développement économique : il s’agit d’un texte de bioéthique dans lequel il nous faut poser des limites. Posons-les !
Enfin, je récuse l’argumentation selon laquelle, parce que cela se fait ailleurs, la France doit s’aligner.
M. Bruno Retailleau. Je pense que notre modèle bioéthique doit au contraire éclairer les autres nations.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Luche et Mme Christine Herzog applaudissent également.
En commission spéciale, j’ai suivi l’avis du rapporteur. Il m’excusera de changer de vote.
En vérité, ces articles soulèvent un vrai sujet, au-delà d’ailleurs de leurs spécificités. On vote la loi, on décide de règlements et on se rend compte assez vite que leur application pose problème. Aujourd’hui, on a de belles lois et on se croit tous protégés, alors qu’en réalité, avec internet et les réseaux sociaux, on n’est protégé de rien.
J’entends bien ce que dit le président Éblé sur l’aspect économique. Toutefois, madame la ministre, comme Bruno Retailleau l’a remarquablement expliqué, les dérives représentent un véritable danger ! Certes, on ne peut pas empêcher les dérives à partir de tests de ce genre. Une fois que ces prélèvements partent aux États-Unis ou ailleurs pour être analysés, qui fait quoi des données ? Qui fait quoi des résultats ? Qui s’en sert ? Dans quel but ? Personne n’en sait rien !
Je ne suis pas obnubilé par la NSA, mais on n’est sans doute pas non plus obligé de transférer partout des éléments sans savoir où ils vont.
Personnellement, je préfère la prudence. Je voterai donc ces amendements identiques. Je ne suis pas du tout sûr que cela nous protège. En réalité, madame la ministre, il s’agit plus d’un vote d’appel.
Votons des lois, celle-là comme d’autres, mais il faut que le Gouvernement ait la capacité de trouver les mesures nécessaires pour faire appliquer les lois.
Si les lois et les règlements sont contournés chaque fois, à quoi servent-ils ?
Monsieur le président Éblé, vous avez raison : il n’existe peut-être pas de mesure dans l’immédiat. Toutefois, si l’on se dit cela à chaque fois, on finira par se dire qu’il n’y a pas besoin de lois, qu’il n’y a pas besoin de Parlement et qu’il n’y a pas besoin de règles. Alors là, bonjour le désordre !
La meilleure mesure, c’est de permettre aux sociétés françaises d’entrer dans le dispositif, comme cela se fait aux États-Unis et en Israël !
M. Roger Karoutchi. Pour être très franc, mesdames les ministres, comme je pense que, si j’envoyais une demande de cette nature aux États-Unis, on ne ferait pas de moi l’héritier de Charlemagne ou de Saint Louis, restons-en à ce que nous sommes !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé et Mme Christine Herzog applaudissent également.
Le groupe socialiste et républicain a déposé un amendement presque identique en commission spéciale et je remercie M. le rapporteur d’avoir mené la même réflexion.
Madame la ministre, l’argument que vous avez avancé pour supprimer cet article est précisément celui que l’on peut invoquer pour en justifier l’existence.
Vous parlez de la protection des usagers. En l’état, ce que l’on peut constater, c’est qu’au moins un million de Français font appel à ces sociétés étrangères. Ils peuvent transmettre la demande sur internet. D’ailleurs, certaines sociétés étrangères, pour respecter la loi française, ne transmettent pas les résultats en France ; il faut aller les chercher à l’étranger.
Ce que nous proposons là, c’est d’organiser, en France, un système qui soit protecteur des Français qui font appel à ces tests. C’est dans cet esprit que nous avions rédigé cet amendement et que le rapporteur a avancé ses explications.
Mes chers collègues, il ne s’agit pas ici d’autoriser quelque chose qui se fait ailleurs : il s’agit de permettre que les Français qui sollicitent ces tests ailleurs puissent faire appel en France à des sociétés dotées de systèmes de protection. C’est pourquoi l’alinéa 3 renvoie à des règles définies par décret en Conseil d’État, à l’avis de l’Agence de la biomédecine, à l’avis de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés). Ensuite, nous pourrons inciter les usagers intéressés à faire appel à des sociétés françaises, parce qu’ils seront protégés et que leurs données n’iront pas n’importe où, plutôt que d’aller sur internet.
Ce sera d’ailleurs tout le problème de ce texte, comme je l’ai souligné lors de la discussion générale. À quoi sert-il de poser des interdits si nous n’arrivons pas à les faire respecter ? Il vaut peut-être mieux, dans ces cas-là, protéger nos concitoyens.
Enfin, madame la ministre, vous m’avez rassuré sur un autre sujet. Vous avez évoqué l’avis du Conseil d’État. Votre intérêt pour le Conseil d’État me fait penser que vous allez changer d’avis sur les retraites !
Exclamations amusées. – Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.
Nous avons tous conscience qu’il est complexe de légiférer dans un monde ouvert. S’il est un sujet où cette question est particulièrement prégnante dans ce projet de loi, c’est bien celui des tests génétiques. En effet, il n’est pas nécessaire de se déplacer à l’étranger : tout se passe par internet et par courrier, en prélevant soi-même des cellules sur son corps. On ne peut donc pas éluder cette question, puisque nombreux sont nos compatriotes à pratiquer d’ores et déjà ces tests par le biais d’internet.
La véritable question qui nous est posée est donc de savoir comment garantir au mieux une réalisation éthique de ces tests. La réponse n’est jamais simple. Si le régime d’interdiction est très satisfaisant pour nous – nous votons pour dire non et faire en sorte que cela cesse –, nous savons très bien que cela ne s’arrêtera pas, que nous n’aurons pas les moyens de l’arrêter et que ces tests vont se développer.
En pensant faire du mieux-disant éthique, on livre nos compatriotes à du moins-disant, c’est-à-dire aux règles qui sont appliquées ailleurs, où il n’y a pas la même législation.
La décision n’est pas simple. Pour ma part, je ne veux stigmatiser personne ; je n’emploierai pas les mots de « marchandisation » ou d’« eugénisme » – il faut arrêter ces excès de langage. En l’occurrence, la marchandisation peut exister si ce n’est pas encadré ; quant aux risques d’eugénisme, ils ne se trouvent pas dans cet article, pas plus que dans les tests généalogiques.
L’alternative qui nous est posée est la suivante : soit encadrer au mieux ces pratiques pour essayer de donner la meilleure protection à nos compatriotes qui vont réaliser ces tests – c’est le travail qu’a accompli le rapporteur avec beaucoup de sagesse et de recul, selon moi –, soit faire un vote de satisfaction, qui aura comme conséquence de ne rien changer au comportement de nos compatriotes.
Je soutiens la sagesse du rapporteur.
On parle ici des tests ADN généalogiques. Or j’entends que ce serait une activité récréative. Pourtant, comme l’a rappelé Vincent Éblé, le journal télévisé de 20 heures nous a appris que deux jeunes femmes affirmaient avoir découvert grâce à ces tests qu’elles avaient un demi-frère et des demi-sœurs.
Pour ceux qui s’intéressent à la famille, c’est important et cela peut changer leur vie.
D’ailleurs, ces jeunes femmes ont partagé cette nouvelle, comme cela se fait régulièrement aux États-Unis : les rencontres ou les reconstitutions de familles sont relayées. Ce n’est pas forcément récréatif : chercher à connaître sa généalogie peut aussi avoir un intérêt.
Cela étant, nous sommes là pour voter la loi. Quelle est donc cette activité qui consiste à voter une loi qui ne peut pas être respectée et qui ne l’est pas ? Il suffit de revenir à l’audition du procureur François Molins : une interdiction est posée, mais personne n’est poursuivi. Qu’est-ce qu’une loi qui n’est pas appliquée ? C’est une mauvaise loi, tout simplement ! On peut se faire plaisir et présenter des textes, mais, s’ils ne sont pas applicables, il y a peut-être un problème du côté du législateur, non ?
C’est la raison pour laquelle je remercie la commission spéciale d’avoir compris cette situation et d’avoir proposé cet article, afin que ces tests puissent se faire en France. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir expliqué tous les dangers potentiels si une telle pratique n’était pas encadrée. C’est justement ce que nous proposons de faire en France.
Quelle est aujourd’hui la situation ? Les Français font réaliser ces tests aux États-Unis, ce qui fait que ce pays possède des données que nous n’avons plus.
Mon cher collègue Retailleau, vous pouvez construire une ligne Maginot ou un great great wall, mais ils seront de pacotille !
Je voterai les amendements du Gouvernement et du groupe CRCE. La disposition de l’article 10 bis, adoptée par la commission spéciale, est utopique.
Tous les Français qui sont à la recherche de leurs origines et qui, déjà depuis des années, comme cela se fait dans le monde entier, recourent à des prestataires qui se trouvent à l’étranger, continueront à le faire, et ce pour une raison très simple : les recherches généalogiques sont beaucoup plus efficaces lorsque l’on s’adresse à une banque de données qui regroupe des millions de données plutôt qu’à une société débutante. Ils continueront de se tourner vers l’étranger et tout cela n’aura été qu’un coup d’épée dans l’eau.
Peut-être, pour reprendre une expression que j’ai entendue dans le but de défendre la position de la commission spéciale, se sera-t-on fait plaisir, mais cela aura été en vain. On aura créé une fausse sécurité pour les Français. Ce sont de bonnes intentions, mais elles auront inévitablement une très faible portée opérationnelle.
Si l’on veut être efficace, il faut selon moi, loin de devenir les auxiliaires d’entreprises qui voudraient prendre position sur un marché prometteur, défendre la préservation des données de nos compatriotes, dont ils sont si soucieux. On l’a vu avec l’application du règlement général sur la protection des données que nous avons transposé dans cet hémicycle. Comme nous étions prudents ! Que de précautions avons-nous voulu prendre pour protéger nos données, qui étaient essentiellement des données matérielles, mais qui concernaient notre vie privée !
Là, ce sont plus que des données matérielles. Ce ne sont pas des questions de patrimoine ou d’argent. Ce sont des questions qui touchent à nos origines, qui sont véritablement au cœur de notre vie personnelle. Et l’on voudrait faire croire aux Français qu’ils peuvent se précipiter vers des entreprises françaises, parce qu’elles seraient encadrées, alors qu’ils vont continuer à consulter des sites étrangers pour avoir l’assurance d’accéder à des bases de données beaucoup plus volumineuses.
La prudence, c’est de dire à nos concitoyens : « Chers concitoyens, ne faites pas des tests génétiques au prétexte que vous êtes curieux de votre histoire, car vos données génétiques vont se balader dans le monde entier et vous ne savez pas ce que l’on en fera. »
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Christine Herzog applaudit également.
Je fais partie des gens qui s’adonnent à cette discipline qu’est la généalogie. Je puis vous dire que les tests dont nous parlons n’ont rien de généalogique. La généalogie, ce n’est pas cela. La généalogie, c’est la collecte d’informations dans les registres d’état civil afin d’établir un arbre généalogique et de reconstituer une famille telle qu’elle a pu exister.
Je suis d’accord avec Olivier Cadic, mais je ne tirerai pas les mêmes conclusions que lui. Bien sûr que ces tests n’ont rien de récréatif. Alors qu’on ne cesse depuis le début de l’examen de ce texte de parler des aspects positifs, j’évoquerai, moi, une tout autre situation, celle de deux enfants ayant découvert, après avoir fait des tests génétiques, qu’ils n’étaient, ni l’un ni l’autre, les enfants de celui qu’ils pensaient être leur père. Je vous raconte là non pas l’histoire de deux demi-sœurs vivant chacune d’un côté de l’Atlantique et s’étant retrouvées sous l’œil de caméras, mais celle d’une famille détruite par des tests dits « généalogiques », alors qu’il s’agit de tests purement génétiques, dont les conséquences peuvent être désastreuses pour certains.
Pour ma part, je suis pour l’interdiction de ces tests. Je pense que le rôle du législateur est d’interdire un certain nombre de choses, même si c’est difficile. En France, on n’autorise pas le cannabis, pourtant il est largement consommé ; cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas l’interdire.
Je partage les arguments de Mme la ministre : la France doit interdire ce type de tests ; ne faisons pas sauter la digue !
Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Christine Herzog applaudit également.
La raison en est simple : l’argument économique ne me semble pas suffisant pour justifier le vote de l’article 10 bis.
Vous avez raison, madame la ministre, les résultats des tests ne sont pas suffisamment fiables pour pouvoir être exploités ; malheureusement, ils le sont tout de même. Par ailleurs, vous l’avez dit, cette activité n’étant pas régulée, on assiste un peu à n’importe quoi. Je comprends donc que l’on veuille voter cet amendement de suppression.
Je rappelle toutefois que, lorsqu’on interdit sur le territoire national une pratique autorisée ailleurs, sans être ni régulée ni fiable, on prend le risque que des personnes s’adressent à des entreprises étrangères, ce qui peut avoir de nombreuses conséquences désastreuses.
Vous allez donc voter l’amendement de suppression, à juste raison. Ce qui serait bien, c’est que, et le rapporteur et votre ministère, madame la ministre, travaillent sur un texte susceptible d’offrir fiabilité et régulation à l’ensemble de nos concitoyens.
Cet amendement de suppression sera peut-être adopté, mais il ne serait pas inutile d’aller plus loin sur ce sujet. Il y a des lois qui posent certains interdits ; mais quand on voit des enfants « interdits » arriver en France, nous sommes bien obligés de les reconnaître.
Applaudissements sur des travées du groupe UC.
J’ai évidemment beaucoup de choses à dire.
La première, c’est que le Gouvernement est évidemment favorable à l’accès aux origines, le texte qui vous est présenté prévoyant cet accès pour les enfants nés de PMA (procréation médicalement assistée) avec tiers donneur, accès que nous avons encadré et sécurisé.
Je vous ai présenté un certain nombre d’arguments techniques sur la fiabilité des tests, mais, au-delà, l’argument principal est d’ordre symbolique. Les symboles, c’est important dans la loi. Nous avons réaffirmé un principe concernant la GPA : nous sommes contre, et pourtant elle se pratique ailleurs.
L’objet du présent projet de loi de bioéthique à la française est d’affirmer que nous souhaitons une régulation particulière applicable aux progrès médicaux, même si d’autres pays n’ont ni loi de bioéthique ni régulation. C’est ce qui fait notre différence, mais aussi notre fierté. Même si nous savons qu’un certain nombre de nos compatriotes font réaliser de tels tests en envoyant leur ADN à l’étranger, nous réaffirmons, à l’occasion de ce débat, qu’ils sont dangereux, parce qu’on ignore ce qui est fait ensuite des données, parce que les résultats des tests peuvent être erronés et provoquer des drames familiaux.
Les sociétés qui effectuent ces tests disposent ainsi d’informations sur les origines, mais également sur la totalité du génome humain. Le séquençage d’un génome permet de connaître les pathologies potentielles, les risques génétiques, etc.
L’argument selon lequel ces tests se pratiquent ailleurs ne peut pas être l’argument de ce projet de loi de bioéthique. Sinon, cela signifierait que tout ce qui est fait ailleurs pourrait être fait en France, comme la GPA. Je vous rappelle que les Chinois viennent d’effectuer des manipulations génétiques sur des embryons.
L’objectif du présent texte est justement de réaffirmer les limites et les interdits que nous nous fixons. La libéralisation de ces tests pourrait laisser croire à la population française qu’ils sont récréatifs, alors que les informations ainsi obtenues sont extrêmement sensibles.
Si nous autorisons ces tests en France – je vous confirme qu’il existe un marché et qu’il fait pression, car un séquenceur ne coûte rien, les tests sont réalisés en moins d’une journée, pour quelques centaines d’euros, 200 euros je crois –, …
… de nombreuses officines françaises, qui seront faciles à trouver, les effectueront. Si nous autorisons des officines françaises à les pratiquer, nous n’aurons aucun moyen d’interdire à des sociétés étrangères de les faire également. Toutes les entreprises américaines, chinoises que vous connaissez pourront s’implanter et auront donc accès au génome des Français, à l’ADN total des Français !
Ce que nous savons aujourd’hui, c’est que ces sociétés donnent déjà à un certain nombre de Français, en plus des informations de nature généalogique, des informations sur leurs pathologies et sur leurs facteurs de risques.
Si ces données appartiennent à des firmes étrangères, rien ne nous permettra d’encadrer leurs pratiques et de leur interdire, par exemple, leur transmission à l’étranger. Je ne pense pas que nos concitoyens seront en mesure de limiter les informations qui leur seront données.
Si nous autorisons ces tests, toutes les sociétés étrangères pourront s’implanter sur le sol français et accéder à toutes les informations possibles sur les maladies et sur les facteurs de risques génétiques de nos concitoyens.
Cela étant, je pense qu’un certain nombre de Français continueront de faire réaliser de tels tests par des firmes étrangères, comme ils le font déjà aujourd’hui, que nous allons progressivement assister à des changements de comportement et de législation, et que chaque Français pourra accéder à des données peu fiables, potentiellement médicales. Ces données influeront sur la vie ultérieure des gens, ils modifieront peut-être les comportements dans les couples avant une conception, comme l’a évoqué le président Retailleau à propos de l’amendement qui va suivre.
Notre devoir aujourd’hui est de réaffirmer à quel point ces tests sont dangereux, car ils donnent des informations qui peuvent bouleverser des vies, et qu’ils n’ont rien de récréatif. Nous devons dire aux Français qu’ils prennent des risques. C’est peut-être l’occasion pour le Gouvernement d’envisager une campagne d’information pour rappeler aux Français que ces tests sont interdits par la loi, sanctionnés, que nous n’en voulons pas sur notre sol à des fins purement mercantiles. Ne nous leurrons pas, il s’agit bien d’un marché.
Applaudissements sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 204 rectifié bis et 288.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains, l’autre, du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 80 :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 10 bis est supprimé, et les amendements identiques n° 183 rectifié ter et 189 rectifié ter ainsi que les amendements n° 276, 312, 313 et 314 n’ont plus d’objet.
Après l’article L. 1131-1-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1131-1-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1131 -1 -2 -1. – Par dérogation à l’article 16-10 du code civil, peut être autorisée, à titre expérimental, la prescription d’un examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles par un médecin qualifié en génétique ou un conseiller en génétique sans qu’il soit nécessaire pour la personne qui en fait la demande de présenter les symptômes d’une maladie à caractère génétique ou de faire état d’antécédents familiaux d’une telle maladie. Cet examen ne peut avoir pour but de diagnostiquer, chez la personne qui en fait la demande, que d’éventuelles anomalies génétiques pouvant être responsables d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins. Il peut également être prescrit aux membres d’un couple qui en font la demande dans le cadre d’un projet parental. Après consultation de l’Agence de la biomédecine, de la Haute Autorité de santé et des représentants des sociétés savantes en génétique médicale, les anomalies génétiques susceptibles d’être recherchées dans le cadre de cet examen peuvent être limitées à une liste fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche.
« La réalisation de cet examen est subordonnée au recueil du consentement de la personne dans les conditions prévues aux I et II de l’article 16-10 du code civil. Toutefois, le 2° et le sixième alinéa du II dudit article 16-10 ne sont pas applicables aux examens des caractéristiques génétiques prescrits en application du présent article.
« Les examens des caractéristiques génétiques prescrits en application du présent article ne peuvent faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie. Leur prise en charge est à la charge de la personne ou des membres du couple qui en font la demande. Ces examens peuvent, le cas échéant, faire l’objet d’une prise en charge, totale ou partielle, par l’organisme complémentaire d’assurance maladie de la personne ou des membres du couple.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine et de la Haute Autorité de santé. »
L’amendement n° 291, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
L’amendement du Gouvernement vise à supprimer cet article, que la commission spéciale a introduit pour autoriser l’extension du dépistage préconceptionnel et le dépistage en population générale.
Mes chers collègues, peut-être que vous ne vous en rendez pas compte, mais la multiplication des conversations particulières finit par rendre notre hémicycle aussi bruyant qu’un hall de gare !
Cet article pourrait entraîner un réel changement de comportement chez nos concitoyens, notamment avant la conception d’un enfant. En effet, il ouvre la possibilité pour les couples de réaliser des tests génétiques avant de s’engager dans un projet parental, afin de s’assurer que le père ou la mère ne souffre pas d’une maladie génétique susceptible d’entraîner une pathologie ou un handicap particulier chez leur enfant.
Aujourd’hui, les tests génétiques en situation préconceptionnelle sont autorisés lorsqu’il existe des maladies génétiques très graves dans une famille. On vérifie alors simplement si le gène de la maladie familiale est présent dans le génome des parents. Ces tests sont pratiqués dans les familles consanguines, par exemple, qui ont des risques accrus de pathologies génétiques. Ces familles font évidemment l’objet d’un suivi, sur prescription médicale.
Je le répète, aujourd’hui, seul le gène anormal, reconnu comme étant responsable d’une maladie, est recherché dans le cadre d’un dépistage préconceptionnel. Seules quelques familles à risque sont suivies dans les services de génétique français.
La commission spéciale propose d’ouvrir cette possibilité à tous les Français avant la conception d’un enfant. La première question que nous nous posons, c’est : quel gène devons-nous rechercher, quelle anomalie ? On nous dit que seraient concernées les maladies potentiellement graves et mortelles à la naissance ; mais peut-être aussi une maladie potentiellement grave et mortelle à l’âge de 5 ans, ou une maladie grave, pas mortelle, mais responsable d’un handicap à vie, ou une maladie mortelle à l’âge de 30 ans ou un Alzheimer à 40 ans. Qui fixera la limite ? Qui est aujourd’hui capable de décider quelles maladies nous ne souhaitons pas voir survenir à la naissance ?
Tel n’est pas du tout aujourd’hui l’objet du dépistage préconceptionnel en médecine, lequel vise uniquement à dépister une maladie dont souffre la famille concernée.
C’est le premier problème : quelles pathologies décidons-nous de repérer ?
Deuxième problème : quels changements de comportement un tel dépistage induira-t-il dans la société ? Avant de se marier, demandera-t-on désormais à connaître le génome de son conjoint pour savoir s’il souffre d’une pathologie grave ? Comment prendrons-nous en charge les enfants malades ou les enfants en situation de handicap dans dix ou vingt ans ? Reprocherons-nous à certains couples de ne pas avoir effectué ce dépistage et d’imposer à la société des enfants en situation de handicap ? De telles pratiques seraient contraires à la société inclusive que nous souhaitons aujourd’hui, société dans laquelle nous acceptons évidemment le risque d’une pathologie.
Je dois dire que j’ai été extrêmement surprise en lisant l’article 10 ter. Je suis intimement persuadée qu’il pourrait changer les comportements des jeunes couples, avant même le mariage. Je pense que tout le monde se sentira dans l’obligation un jour de faire des tests pour s’assurer que son enfant ne sera pas porteur du gène de telle ou telle pathologie. C’est le mythe de l’enfant sain. Or ce n’est pas parce qu’aucune anomalie génétique ne sera décelée que l’enfant ne souffrira pas d’une pathologie, d’un trouble psychique ou d’un handicap, nous le savons bien.
Cela donne l’image d’une société où le génome détermine tout, où l’humain contrôle sa descendance. C’est le mythe de générations futures indemnes. Or je ne pense pas que ce soit là la société à laquelle nous aspirons aujourd’hui. Je suis intimement convaincue que nous devons nous en tenir à la législation actuelle, qui prévoit que tout test génétique doit considérer un risque unique, dans une famille unique, dans le cadre d’un parcours de soins, sur prescription médicale.
La suppression de l’article 10 bis que vous venez de voter, mesdames, messieurs les sénateurs, montre votre attachement à la bioéthique à la française. Il s’agit de ne pas banaliser les effets d’analyses génétiques sur les générations ultérieures. Il me semble que l’article adopté en commission spéciale donne une vision de la société pure, indemne – pardonnez-moi de le dire ainsi –, totalement contraire à la société de la bienveillance et de l’inclusion à laquelle nous sommes intimement attachés.
Cet amendement n’est ni compassionnel ni utopique. Il n’est pas motivé par de bonnes intentions, encore moins par la volonté de nous aligner sur ce qui se passe dans d’autres pays. Il résulte du travail de la commission spéciale et des auditions d’un certain nombre de chercheurs et de personnalités, notamment du président du CCNE. Nous savions que ce sujet susciterait un débat. Nous avons d’ailleurs tous notre part de doute.
Cette proposition, qui a été formulée par le CCNE, est très largement soutenue par un certain nombre de chercheurs et de médecins. Il y a débat. Il nous a semblé que la dérive eugénique n’était pas constituée puisqu’il ne s’agit pas de sélection d’embryons. En effet, l’examen génétique envisagé n’intervient pas dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation. Aucun embryon n’a donc été conçu au stade de cet examen, que ce soit naturellement ou par AMP.
Il s’agit en réalité pour une personne de déterminer si elle est porteuse ou non d’une mutation génétique grave et d’évaluer le risque que cette mutation puisse donner lieu à une pathologie, ou que cette mutation puisse se transmettre aux enfants.
Lors de leur audition par la commission spéciale, les professionnels ont insisté sur le fait que certaines pathologies graves, comme la mucoviscidose ou l’amyotrophie spinale infantile, survenaient souvent chez un enfant sans que les parents sachent qu’ils étaient tous les deux porteurs de cette mutation, faute d’antécédent familial. Nous sommes donc là dans une logique de soins.
Aujourd’hui, ce n’est qu’après avoir eu un premier enfant porteur de la maladie que les parents peuvent avoir accès au diagnostic génétique afin de prévenir une nouvelle transmission de la mutation.
À cet égard, nous sommes quelques-uns à avoir été marqués par l’audition d’Alexandra Benachi, présidente de la Fédération française de centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, qui nous a indiqué : « Si nous pouvions, comme dans de nombreux pays, proposer aux jeunes couples de rechercher les principales anomalies génétiques pour leur éviter l’interruption de grossesse, soit en proposant un diagnostic préimplantatoire soit pour envisager une grossesse spontanée, cela éviterait de nombreuses souffrances. Aujourd’hui, il faut avoir souffert pour avoir droit au diagnostic prénatal. »
Ces examens répondent selon nous à un intérêt de santé publique. Il ne s’agit nullement d’une pratique eugénique. Ils pourraient donc être étendus. Je rappelle que l’article 10 ter permet au Gouvernement – Mme la ministre a évoqué cette question – de limiter les anomalies génétiques qui pourraient être ainsi recherchées.
La commission spéciale est donc défavorable à l’amendement du Gouvernement.
Je partage entièrement les arguments de Mme la ministre.
Mes chers collègues, je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de voir le film Bienvenue à Gattaca. Le scénario aujourd’hui est très exactement le même que celui de ce film. Le risque majeur est en effet de passer d’une demande individuelle, qu’on peut certes trouver normale, comme vient de le dire le rapporteur, afin de prévenir une souffrance, dans le cadre donc d’une approche compassionnelle, à une demande sociétale.
À un moment donné, la société ne va-t-elle pas demander des dépistages à titre préventif afin d’empêcher la naissance d’êtres affaiblis par telle ou telle maladie ? Là encore, de quelles maladies s’agira-t-il ? On va commencer par des maladies graves, potentiellement mortelles, puis, mutatis mutandis, on en viendra à des maladies moins graves, puis simplement à des caractéristiques physiques, selon qu’elles soient voulues ou non. Il me semble qu’il y a un risque de dérive extrêmement dangereuse.
En tant que simple praticien, permettez-moi de m’élever un peu contre l’argument des chercheurs, contre la dictature de l’expertise, même si le mot est un peu fort. Certes, les experts souhaitent que l’on fasse plus de recherche, que l’on acquière plus de connaissances, mais je pense qu’il faut bien faire le distinguo entre ce que la recherche veut, ce qu’elle permet, et ce qu’il y a de mieux pour la société et les êtres humains dans leur individualité.
Applaudissements sur des travées des groupes LaREM, Les Indépendants, UC et Les Républicains.
La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote, pour explication de vote.
Une fois de plus, nous abordons une question très difficile. Vous avez raison, madame la ministre, je vous invite toutefois à ne pas commenter les résultats des votes en expliquant qu’il y a d’un côté ceux qui respectent la bioéthique – ceux qui ont voté la suppression de l’article 10 bis – et ceux qui ne la respecteraient pas, qui ne respecteraient pas nos valeurs fondamentales. Restons-en à des arguments de qualité. J’entends très bien vos arguments et vos interrogations, sur lesquelles, je pense, le rapporteur a travaillé.
Actuellement en France, on propose à toute femme au début d’une grossesse un dépistage de la trisomie 21, par simple prise de sang. Si les résultats de cet examen sont compris dans une fourchette de risques donnée, on lui propose d’aller plus loin et de faire une recherche spécifique de la trisomie 21. Le but de ce dépistage est bien de permettre à la femme d’interrompre sa grossesse si elle le souhaite, ce que font environ 85 % des femmes concernées. Seule une minorité de femmes choisissent de poursuivre leur grossesse.
Aujourd’hui, la commission nous invite à réfléchir à d’autres hypothèses. Ce n’est pas parce qu’on met en place un dépistage qu’on le fait n’importe comment, sans respecter aucune règle. La science, c’est raisonner, poser un cadre strict afin d’éviter les dérives.
Il y a une différence entre l’eugénisme et la médecine : l’eugénisme sélectionne à partir de caractéristiques ; la médecine, elle, donne les moyens d’éviter des maladies et des pathologies. Certes, la frontière n’est pas évidente, j’en donne acte à chacun dans cette assemblée. Et il est complexe pour le législateur de fixer la frontière. Cela étant, si on va au bout de la logique du Gouvernement, alors on supprime le droit pour les femmes de procéder au dépistage de la trisomie 21 et d’interrompre éventuellement leur grossesse.
Nous souhaitons tous ici une société inclusive, mais il n’est pas juste de mélanger ces deux sujets. Pourquoi dépister la trisomie 21, mais non la trisomie 18, qui, elle, n’est quasiment pas viable ?
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote, pour explication de vote.
La quasi-totalité de mon groupe appuiera sans réserve la position de la ministre.
J’ai écouté les arguments du rapporteur et j’imagine que les discussions ont dû être serrées au sein de la commission spéciale.
Le premier argument qu’avance la commission spéciale, c’est qu’il faut écouter les chercheurs, les scientifiques. C’est, si j’ose dire, la loi de Gabor : ce qui est techniquement ou scientifiquement faisable se fera un jour. Non ! Notre rôle est de poser des limites. Posons-en !
Un deuxième argument est absolument récurrent : d’autres pays le font. C’est vrai. La Belgique vient d’ailleurs d’autoriser une telle pratique. Cela coûte environ 1 000 euros. Nous avons bien vu que c’était une nouvelle opportunité commerciale.
La mondialisation place effectivement notre système juridique, notre système bioéthique en concurrence directe ; les frontières sont de plus en plus perméables. Mais, en tant que parlementaires français, avons-nous à cœur de réaffirmer ce que nous sommes et de défendre ce que nous considérons comme notre ADN ? La question qui nous est posée est celle des limites face à la science, face à la technique, qui va très vite, et face au marché.
Honnêtement, je ne vois pas comment on pourrait contredire Mme la ministre sur le risque de dérives eugéniques. Quelle place voulons-nous dans notre société pour la vulnérabilité ? Quelle place accordons-nous aux personnes qui ne sont pas comme nous ? Nous savons très bien que la pression sur les futurs couples sera énorme. Il ne faut toucher à de telles limites qu’avec une main tremblante !
C’est pourquoi notre groupe votera l’amendement du Gouvernement.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Le ton monte. Certains mots sont de plus en plus souvent prononcés : « eugénisme », « dérives », « sélection »… De tout cela, il n’est pas question.
Encore une fois, je précise que la révision de la loi relative à la bioéthique a précisément pour objet de concilier les évolutions technologiques et les évolutions morales et politiques de notre société. En l’occurrence, tout est dit dans l’alinéa 2 de l’article 10 ter : « […] Après consultation de l’Agence de la biomédecine, de la Haute Autorité de santé et des représentants des sociétés savantes en génétique médicale, les anomalies génétiques susceptibles d’être recherchées dans le cadre de cet examen peuvent être limitées à une liste fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche. »
Nous voyons bien qu’un cadre est posé. Si nous le voulons, nous n’avons pas à craindre les évolutions scientifiques.
La présentation du rapporteur a été parfaitement claire et cohérente, et j’ai trouvé les arguments de certains de nos collègues – je pense à ceux qui ont été développés par Bernard Jomier et par Michelle Meunier – particulièrement convaincants.
L’article offre toutes les garanties. Le rapport présente quatre exemples de pathologies, dont la mucoviscidose ou l’amyotrophie spinale infantile. Le texte renvoie au pouvoir réglementaire, afin de limiter les excès que certaines et certains d’entre vous ont évoqués.
Plus généralement, l’objet de notre débat est d’évaluer comment les dernières découvertes scientifiques peuvent être traduites dans la pratique et dans le droit sans bouleverser ce que nous appelons les lois de bioéthique à la française. En l’occurrence, ce qui est proposé ne les bouleverse pas. Je ne voterai donc pas cet amendement.
Madame la ministre, j’ai le sentiment que, sous couvert de défendre une société inclusive – mais qui ne veut pas d’une société inclusive ? –, vous avez une position assez fermée en matière de traduction des avancées scientifiques dans le droit. Je le regrette.
Je ne partage pas la position de mon groupe. Je pense que le sujet a fait l’objet d’un examen approfondi de la part de la commission spéciale.
Le débat oppose ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, et non ceux qui ont raison et ceux qui ont tort. Ce n’est pas le jour contre la nuit !
Nous assistons effectivement à une évolution, ou à une involution – je ne sais –, sociétale. Je ne suis pas en mesure de dire si nous devons nous engager les yeux fermés dans cette voie. Simplement, le législateur doit, me semble-t-il, prendre un certain nombre de précautions : la science ne doit pas conduire au contraire de ce que nous souhaitons.
Pour ma part, je me rallierai à la position de la commission spéciale. Nous ne pouvons pas faire abstraction d’une telle évolution scientifique. Il faut la réguler. C’est ce qui est fait dans l’article. Des limites sont posées. Le cadre proposé permettra peut-être de prendre des décisions différentes dans quelques années ; c’est pour cela que les lois de bioéthique sont évolutives.
J’irai dans le sens de mon collègue René-Paul Savary. Je remercie la commission spéciale de son travail non seulement sur cet article, mais également sur d’autres qui ont ensuite été supprimés. Ses membres ont cherché à faire avancer le texte dans le bon sens.
Je ressens une certaine frustration. De véritables progrès étaient proposés. Parfois, il faut considérer que ce n’est pas parce que certains sont les plus nombreux qu’ils ont raison. L’avenir le dira.
J’avoue ne pas très bien comprendre l’alinéa 2 de l’article 10 ter. Il est indiqué que « la prescription d’un examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles » peut être faite « par un médecin qualifié en génétique ou un conseiller en génétique sans qu’il soit nécessaire pour la personne qui en fait la demande de présenter les symptômes d’une maladie à caractère génétique ou de faire état d’antécédents familiaux d’une telle maladie ». Il est ensuite précisé que cet examen « ne peut avoir pour but de diagnostiquer, chez la personne qui en fait la demande, que d’éventuelles anomalies génétiques pouvant être responsables d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins ».
Ainsi, on ne recherche plus d’antécédents familiaux, et un médecin décide de rechercher quelque chose, mais on ne sait pas quoi. Il prescrit – on ne sait pas en vertu de quoi – un diagnostic chez « la personne qui en fait la demande ». Pourquoi en fait-elle la demande, alors qu’elle n’a pas d’antécédents familiaux ?
Au troisième alinéa de l’article, le diagnostic est entouré – cela a été souligné par Mme Meunier – de nombreuses précautions : « La réalisation de cet examen est subordonnée au recueil du consentement de la personne […] » ; ainsi, après consultation « de l’Agence de la biomédecine, de la Haute Autorité de santé et des représentants des sociétés savantes », il est prévu « une liste fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche ».
Mais, mes chers collègues, la personne a ainsi toute latitude – je ne reprendrai pas le terme qui a été employé tout à l’heure – pour dire qu’elle ne veut pas d’enfant répondant à tel ou tel critère. Qu’on le veuille ou non, c’est un vrai tripatouillage. Personnellement, je ne peux pas accepter un tel choix.
Je suivrai donc la position de Mme la ministre et des collègues qui se sont exprimés en ce sens.
M. Bruno Retailleau applaudit.
Je crois que la maternité n’est pas une maladie. Arrêtons de stresser les parents – c’est un moment qui n’est déjà pas facile dans la vie d’un couple – et de médicaliser à outrance ce qui est un événement heureux en ajoutant des contraintes et une charge morale.
Bien entendu, le risque que les parents soient tentés de recourir à un diagnostic est extrêmement important. Tous les parents voudraient avoir le plus beau bébé du monde. Tous les parents souhaitent que leur enfant ait deux bras, deux jambes, une nuque pas trop épaisse et, si possible, qu’il leur ressemble. Il y aura forcément une dérive. Je vous remercie de nous alerter à cet égard, madame la ministre.
J’entends bien que des experts seront mobilisés. Mais, à mon sens, sur de tels sujets, ce n’est pas aux experts de décider. C’est aux spécialistes de l’éthique et aux parlementaires de définir ce qui est bon et ce qui ne l’est pas.
Mon groupe, dans sa majorité, votera l’amendement du Gouvernement. Au-delà, je souhaite formuler une observation. On a sans doute mis trop d’experts et pas assez de spécialistes de l’éthique dans les différents comités. Je pense notamment au Comité consultatif national d’éthique ; ce n’est pas normal qu’il ait émis un avis favorable sur une telle mesure.
Je n’ai peut-être pas été suffisamment claire tout à l’heure.
Des obstétriciens sont confrontés à des situations individuelles atrocement difficiles. Vous avez évoqué ma collègue Alexandra Benachi, avec laquelle j’ai travaillé pendant des années. Je connais son dévouement auprès des familles. Je sais le drame que c’est d’avoir un enfant qui naît malade ; aucun expert ne peut nier qu’il s’agit d’un drame. Si nous pouvons éviter aux familles de vivre cela, il faut le faire. Face à cela, le rôle du législateur est de définir quelle société nous souhaitons. C’est vraiment un équilibre à trouver.
La commission spéciale souhaite éviter aux familles de se retrouver avec des enfants potentiellement malades et fait le choix de demander à un groupe d’experts de définir des gènes responsables de maladies graves. Tous les Français seront ainsi autorisés à tester leurs génomes avant de faire un enfant et à vérifier si dix gènes ou vingt gènes sont présents chez le père ou la mère. Dans ce cas, on leur donne un conseil génétique, on trie les embryons et on leur garantit un enfant sans les dix ou vingt gènes pathologiques. Bien entendu, il n’y aura aucune sécurité : l’enfant ne sera pas nécessairement indemne de pathologies ; il sera seulement indemne de dix maladies qui auront été choisies comme trop graves pour être susceptibles d’être acceptées par la société et les familles.
(Applaudissements sur des travées des groupes Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains.) Ce n’est pas aux experts d’en décider. Je n’aurais jamais accepté de dire qu’une pathologie doit être viable ou pas viable dans notre société.
Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.
Sincèrement, je suis très troublée. On confie à des experts le soin de définir une liste – je rappelle qu’aucune liste n’a jamais été présente dans une loi de bioéthique à la française – de dix gènes qu’ils considèrent trop graves pour vivre. On donne notamment cette mission à la Haute Autorité de santé, instance que j’ai présidée. Et, comme présidente de la Haute Autorité de santé, j’aurais toujours refusé de définir quels enfants ont le droit de vivre et quels enfants n’en ont pas le droit. §
Prenons quelques exemples.
Les experts sont toujours effondrés quand un enfant naît avec une amyotrophie spinale. C’est une maladie atrocement douloureuse et grave : les enfants meurent à l’âge de 2 ans. Or une thérapie génique vient de sortir cette année ; elle coûte un million d’euros par enfant, mais elle marche. On peut considérer que c’est un coût trop élevé et dire : « Nous savons guérir cette pathologie, mais c’est trop cher. » Cela revient à décider qu’on n’a pas le droit de vivre quand on est atteint d’amyotrophie spinale.
Autre exemple : la mucoviscidose. Je pense à tous les parents dont un enfant est né avec la mucoviscidose. Voilà trente ans, un enfant qui naissait avec la mucoviscidose mourait à l’âge de 5 ans ou 10 ans. Progressivement, on a su prendre ces enfants en charge, et les amener jusqu’à 15 ans, 25 ans, puis 30 ans avec la transplantation cœur-poumons. Et une thérapie ciblée qui marche dans certaines formes de mucoviscidose a été découverte ; on va ainsi pouvoir prolonger les personnes au-delà de 30 ans, probablement plus. C’est à cela que sert le progrès médical. Avec un tel article, voilà cinq ou dix ans, il aurait fallu supprimer les enfants qui naissaient avec la mucoviscidose.
Exclamations sur les travées du groupe SOCR.
Pardonnez-moi : il aurait fallu non pas supprimer les enfants, mais mettre le gène de la mucoviscidose dans la liste des gènes à rechercher, car des enfants mouraient à l’âge de 5 ans. Nous avons plein de maladies comme cela.
Par ailleurs, toutes les maladies ne sont pas mortelles. Dans certaines, on a un handicap. Peut-être allons-nous trouver des traitements.
L’article 10 ter revient à dire que certaines pathologies sont trop graves et que l’on ne veut pas imposer cela aux familles – je peux l’entendre –, d’où le choix de confier à un groupe d’experts le soin de déterminer les dix gènes qu’il faut rechercher. Honnêtement, ce n’est pas, me semble-t-il, la société que nous souhaitons. Nous souhaitons une société du progrès médical, pas une société du tri. Nous voulons évidemment accompagner au mieux les familles. Nous pouvons le faire. Le conseil génétique permet aux familles avec une pathologie grave de rechercher le gène à temps. Mais il ne s’agit pas de dix ou vingt gènes.
Si nous ouvrons aujourd’hui la possibilité de rechercher dix gènes de maladies graves, peut-être refuserons dans vingt ou trente ans d’avoir un Alzheimer à 40 ans ou un diabète à 50 ans. Qui fixe la limite ? Ce serait la porte ouverte à tous les tris. Qui peut définir la limite de ce qui est acceptable et de ce qui ne l’est pas en termes de risques pour la société ?
L’article 10 ter me trouble effectivement énormément. Je ne pense pas que ce soit aux experts aujourd’hui de décider quel type de société nous souhaitons et de définir une liste de ce qui est acceptable ou pas.
Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.
Une fois de plus, nos débats sont extrêmement intéressants. Nous ne pensons pas qu’il y aurait les bien-pensants d’un côté et ceux qui auraient tort de l’autre.
Je fais partie de la commission spéciale. Il y a eu un réel travail. La proposition d’article qui nous est soumise se fonde sur une réflexion sur la prévention, sur la base de tout ce que nous avons entendu.
Faisons attention aux termes qui sont employés. Je le dis avec d’autant plus de force que notre groupe suivra Mme la ministre, dont la démonstration sur les acteurs légitimes pour décider et les possibles dérives nous convainc. Mais n’attribuons pas à la commission spéciale des intentions qu’elle n’a jamais eues. Les travaux de tous les rapporteurs ont montré ce qu’il en était tout au long de l’examen du texte. Bien entendu, on peut avoir des désaccords de fond.
Madame la ministre, vous avez évoqué – je sais que c’est une conviction forte pour vous – les traitements relatifs aux enfants et les progrès de la médecine. Nous nous demandons effectivement comment apporter le meilleur à chacune et à chacun, quelles que soient ses origines, ses difficultés et sa maladie. Mais cela met en lumière combien il est important d’avoir un système de protection sociale le plus haut possible pour tout le monde. Chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, ce qui implique une prise en charge à 100 % ; chaque traitement doit être accessible pour tout le monde, quel qu’en soit le coût.
En ce moment, je trouve que c’est largement oublié dans la politique du Gouvernement…
Madame la ministre, j’ai entendu votre argumentation. Elle parle, je le crois, à tous ceux ici qui craignent que l’eugénisme puisse s’instiller et devenir une règle de la médecine dans notre société.
Pour ma part, je pense que, pour devenir une pratique, l’eugénisme exige plus qu’un dispositif extrêmement encadré, avec beaucoup de crans de sécurité, comme celui qui est défini à l’article 10 ter. Il est prévu de consulter la Haute Autorité de santé, les sociétés savantes et l’Agence de la biomédecine. Et je rappelle que l’avis du Comité consultatif national d’éthique était favorable.
L’eugénisme ne suppose pas simplement une loi. C’est avant tout une question politique. L’eugénisme a été pratiqué dans des conditions politiques particulières. Nous avons tous en tête celui des nazis. On songe moins à un autre eugénisme, beaucoup plus expéditif, qui a été pratiqué dans les pays du Nord au début du XXe siècle avec la stérilisation forcée des populations fragiles. Mais ce n’est pas de cela que nous parlons. Nous ne sommes pas en train de discuter de possibilités que la loi ouvrirait.
Permettez-moi de m’étonner. Pourquoi n’aurait-on pas confiance dans l’ensemble des autorités ? Madame la ministre, vous pouvez ne pas vouloir établir la liste, mais alors dites-le franchement !
Vous avez pris l’exemple de la mucoviscidose. Votre argumentation a une limite. Vous avez indiqué que l’on aurait « supprimé » des enfants atteints de mucoviscidose. Mais, aujourd’hui, si un premier enfant est né avec la mucoviscidose, on pratique le dépistage pour le deuxième ! Ce que vous craignez est donc déjà pratiqué – fort heureusement ! – et encadré. Et ce n’est pas plus ou moins immoral pour le premier enfant que pour les suivants. Il n’est pas possible d’aborder le débat dans de tels termes.
Je m’étonne de votre manque de confiance à l’égard de vos pairs. Les conditions politiques pour que l’on puisse craindre l’eugénisme aujourd’hui ne me semblent pas réunies. Et si elles l’étaient, ce n’est pas un tel article qui pèserait beaucoup par rapport à ce qui se passerait.
Nous vous avons bien écoutée, madame la ministre. Dans son article, notre collègue rapporteur de la commission spéciale a opté pour un dispositif bien encadré, prudent, à titre expérimental. Il n’y a personne parmi nous qui ne souhaite pas une société inclusive. Nous travaillons évidemment en ce sens.
Mais s’il ne faut pas établir de liste et rechercher quelques gènes responsables de maladies graves, voire incurables, pourquoi continue-t-on à faire le dépistage de la trisomie 21 ? Vous souhaitez une société inclusive ? Très bien. Mais, dans ce cas, êtes-vous prête à supprimer le dépistage de la trisomie 21 qui est proposé à toutes les femmes enceintes ?
Applaudissements sur des travées des groupes UC, Les Indépendants et SOCR.
Le dépistage de la trisomie 21 n’a rien à voir. La trisomie 21 n’est pas une maladie génétique ; c’est une anomalie acquise pendant la fabrication de l’embryon. Comme c’est extrêmement fréquent à partir d’un certain âge, le dépistage est offert – nous aurons cette discussion sur le diagnostic préimplantatoire pour la recherche d’aneuploïdies (DPI-A) – aux femmes enceintes, sachant qu’un certain nombre d’entre elles décident de ne pas faire d’avortement médical. Trier en amont par rapport à une pathologie très fréquente à partir d’un certain âge et proposer une éventuelle interruption médicale de grossesse pour celles qui le souhaitent – un certain nombre de familles acceptent l’enfant –, ce n’est pas du tout la même démarche.
Le processus sociétal qui est envisagé est très différent. La société française proposerait à toutes les familles, à tous les citoyens de caractériser leur génome pour X maladies définies par une liste encadrée par un arrêté susceptible de changer d’année en année. Ainsi, dans dix ans, il y aura peut-être non pas dix, mais cinquante ou soixante gènes. Qui placera le curseur ? Comment celui-ci évoluera-t-il ?
On fait confiance à des sociétés savantes. Peut-être celles-ci avanceront-elles un jour un argument de coût sociétal. D’aucuns considéreront peut-être dans cinq ans que le traitement de l’amyotrophie spinale, un million d’euros par enfant, est trop cher.
On ouvre ainsi progressivement la porte vers le choix sociétal de ne pas accepter un certain nombre de pathologies. Cela n’a rien à voir avec la trisomie 21, qui n’est pas une maladie génétique ; c’est une anomalie acquise. Elle est dépistée uniquement chez les femmes déjà porteuses de l’enfant.
Je reviens sur l’interpellation de Mme Rossignol. Faut-il faire confiance à des médecins pour établir une liste de ce qui doit être accepté ou pas ? Quels critères choisit-on ? Est-il plus grave d’avoir une maladie mortelle à l’âge de 2 ans ou une maladie profondément handicapante dont on ne meurt jamais ? Qui met en balance le handicap et la souffrance psychique, la souffrance psychique et la souffrance physique, la souffrance physique et la mort ? Jusqu’à quel âge accepte-t-on la mort ? Jusqu’à quel âge ne l’accepte-t-on pas ? Je trouve que ce sont des questions abyssales.
Je ne sais pas pourquoi je laisserais à des généticiens, à des obstétriciens ou à des pédiatres le choix de décider que la souffrance physique, la souffrance psychique, la mort à 5 ans ou la mort à l’âge de 10 ans sont plus graves ou moins graves.
Nous devons prendre nos responsabilités. La liste ne peut pas relever d’un simple choix d’experts. Selon moi, si vous voulez prévoir le dépistage préconceptionnel, c’est au législateur de décider, et non à des experts. Sinon, parmi ceux qui seront désignés dans le groupe de travail, certains ne supporteront pas la mort d’un enfant à 2 ans quand d’autres ne supporteront pas le handicap… En réalité, c’est un choix impossible.
Je considère qu’on ouvre la porte à un champ des possibles effrayant : on commence par trois maladies graves mortelles à l’âge de 1 an et, dans dix ou vingt ans, on refusera des maladies trop coûteuses à l’âge de 30 ans. Il n’y a pas de critère propre qui permette de positionner le curseur. Il n’y a qu’un champ des possibles entre le handicap, la douleur, la mort, le prix et la capacité à soigner.
En plus, cela évolue dans le temps. L’amyotrophie spinale était une maladie mortelle à l’âge de 2 ans. Une thérapie génique arrive. Elle est très chère. Nous pouvons décider aujourd’hui de ne plus détecter cette pathologie puisqu’il existe un traitement. Mais peut-être que l’on ne voudra plus payer un million d’euros par enfant dans cinq ans.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une porte que je ne veux pas ouvrir. C’est peut-être personnel ; mais c’est aussi le choix du Gouvernement, un choix qui a été mûrement réfléchi. Bien entendu, nous vous laissons légiférer.
Je mets aux voix l’amendement n° 291.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 81 :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 10 ter est supprimé.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.
L’amendement n° 7, présenté par Mme Doineau, est ainsi libellé :
Après l’article 10 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1131-7 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1131-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1131- … . - La communication des résultats d’un examen des caractéristiques génétiques ne peut en aucun cas être exigée d’une personne et il ne peut en être tenu compte, même si ces résultats sont transmis par la personne concernée ou avec son accord, lors de la conclusion ou de l’application d’un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé ou d’un contrat avec un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d’assurance, une mutuelle ou une institution de prévoyance, ni lors de la conclusion ou de l’application de tout autre contrat. »
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Je retire cet amendement, monsieur le président. En effet, après le vote de l’amendement précédent, il n’a plus de sens.
Le chapitre Ier du titre préliminaire du livre préliminaire de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4001-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 4001 -3. – Lorsque, pour des actes à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique, le professionnel de santé envisage de recourir à un traitement algorithmique, il en informe préalablement le patient et lui explique sous une forme intelligible la manière dont ce traitement serait mis en œuvre à son égard. Seules l’urgence et l’impossibilité d’informer peuvent y faire obstacle.
« La saisie d’informations relatives au patient dans le traitement algorithmique se fait sous le contrôle du professionnel de santé qui a recours audit traitement.
« Aucune décision médicale ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement algorithmique.
« Les concepteurs d’un traitement algorithmique mentionné au premier alinéa s’assurent de la transparence du fonctionnement de l’outil pour ses utilisateurs.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les modalités d’application du présent article, notamment la mise en œuvre de l’information du patient, les conditions d’utilisation du traitement algorithmique par les professionnels de santé et celles dans lesquelles la transparence du fonctionnement dudit traitement est assurée par son concepteur. »
L’article 11 porte sur l’intelligence artificielle (IA) en santé, un domaine dans lequel nous sommes à la recherche d’un équilibre, comme sur les autres sujets de bioéthique.
L’environnement de l’IA étant très encadré par le règlement général sur la protection des données (RGPD) et par les normes nationales, une législation trop restrictive risquerait de bloquer l’innovation en France et de conduire les professionnels de santé et les patients à se tourner vers d’autres solutions conçues hors d’Europe, dont nous ne pourrions garantir le caractère éthique.
L’article 11 introduit donc trois nouvelles normes nécessaires : un devoir d’information du patient sur le recours à l’intelligence artificielle dans sa prise en charge ; un nouveau principe, fondamental, de garantie humaine de l’intelligence artificielle, permettant d’assurer que l’algorithme et son évolution resteront sous la supervision de professionnels de santé ; enfin, une obligation de traçabilité tout au long du processus de médecine algorithmique. Il me semble que ces normes apportent des garanties suffisantes.
Depuis sa reconnaissance par le CCNE, le principe de garantie humaine de l’intelligence artificielle en santé a été repris en Europe, mais aussi à l’échelon international, dans le cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
La France est donc à l’avant-garde d’une régulation positive de l’IA en matière de santé. Le moment est à la préparation active de sa mise en œuvre par un effort résolu de formation des professionnels médicaux et paramédicaux aux potentialités nouvelles, mais aussi aux risques éthiques associés à la diffusion de l’IA en santé. Il ne faut plus différer cette nécessaire préparation collective !
L’amendement n° 205, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le consentement exprès, libre et éclairé du patient ou de son représentant légal doit être recueilli préalablement et à toutes les étapes de sa mise en œuvre.
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La traçabilité des actions d’un traitement mentionné au I et des données ayant été utilisées par celui-ci est assurée et les informations qui en résultent sont accessibles aux professionnels de santé et aux patients ou à leur représentant légal concernés.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
L’intelligence artificielle soulève, en tant que telle, des enjeux considérables, a fortiori lorsqu’elle est appliquée au domaine de la santé.
Une question se pose plus particulièrement dans ce cadre : comment permettre à l’humain de garder la main ?
En la matière, le rapporteur en charge de cette problématique a fait un travail qui, selon nous, va dans le sens du respect de nos principes éthiques, notamment avec la consécration du principe d’une garantie humaine dans l’interprétation des résultats en cas d’utilisation d’un algorithme.
En ce sens, certaines recommandations de la CNIL, du CCNE et du Défenseur des droits ont été prises en compte. D’autres, en revanche, ont été laissées de côté. Nous souhaitons les intégrer au texte de la commission spéciale par cet amendement, qui vise à intégrer deux garde-fous supplémentaires au traitement algorithmique des données sanitaires, dont il nous semble important de ne pas faire l’économie.
Cet amendement a pour objet l’encadrement de l’utilisation d’un traitement algorithmique en matière médicale.
La commission spéciale a largement tenu compte des avis du CCNE dans ses travaux, notamment aux articles 10 bis et 10 ter.
Les positions du CCNE sur l’IA, notamment, nous semblent pertinentes. La commission spéciale a d’ailleurs déjà renforcé les garanties en matière de consentement exprès du patient, en prévoyant l’information préalable du patient, alors que le projet de loi ne la prévoyait qu’au moment des résultats.
Vous voulez également rétablir la mention de la « traçabilité » du traitement. La commission spéciale l’avait trouvée peu claire et l’avait remplacée par une obligation de transparence du traitement algorithmique, pour éviter que celui-ci ne fonctionne comme une boîte noire. Votre proposition serait donc redondante avec le texte de la commission.
Enfin, vous mentionnez dans l’objet de votre amendement qu’une décision médicale ne devrait pas exclusivement se fonder sur un traitement algorithmique. Ce point est d’ores et déjà satisfait, puisqu’il s’agit du souci, voire de l’obsession de la commission spéciale !
En conséquence, la commission spéciale sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
L ’ article 11 est adopté.
I. –
Supprimé
II. –
Non modifié
III. –
Supprimé
L’amendement n° 315, présenté par M. Henno, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
et d’exploration de l’activité
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 12 est adopté.
I. – Le titre V du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la fin de l’intitulé, le mot : « esthétiques » est remplacé par les mots : « sans finalité médicale » ;
2° Le chapitre Ier est complété par un article L. 1151-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 1151 -4. – Les actes, procédés, techniques, méthodes et équipements, à l’exception des équipements relevant des dispositifs médicaux au sens de l’article L. 5211-1, ayant pour effet de modifier l’activité cérébrale et présentant un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine peuvent être interdits par décret, après avis de la Haute Autorité de santé. Toute décision de levée de l’interdiction est prise en la même forme. »
II. –
Non modifié
« 16° Rendre les avis mentionnés aux articles L. 1151-3 et L. 1151-4 du code de la santé publique. » –
Adopté.
TITRE IV
SOUTENIR UNE RECHERCHE LIBRE ET RESPONSABLE AU SERVICE DE LA SANTÉ HUMAINE
Chapitre Ier
Aménager le régime actuel de recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires
L’amendement n° 316, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l’intitulé de cette division :
Encadrer les recherches sur l’embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites
La parole est à Mme la rapporteure.
Cet amendement vise à modifier l’intitulé du chapitre Ier du titre IV de ce projet de loi, sachant que son article 15 contient des dispositions relatives aux cellules pluripotentes induites.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’intitulé du chapitre Ier est ainsi modifié.
Nous allons maintenant examiner l’article 17 du projet de loi, pour lequel la priorité a été ordonnée.
Chapitre II
Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique
I. – Le second alinéa de l’article L. 2151-2 du code de la santé publique est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« La création d’embryons chimériques est interdite lorsqu’elle résulte :
« – de la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces ;
« – de la modification d’un embryon animal par adjonction de cellules souches embryonnaires humaines.
« La modification d’un embryon animal par adjonction de cellules souches pluripotentes induites d’origine humaine est subordonnée au respect des dispositions du II de l’article L. 2151-7. »
II. – Le dernier alinéa de l’article 16-4 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le mot : « prévention », sont insérés les mots : «, au diagnostic » ;
2° La première occurrence du mot : « génétiques » est supprimée.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous abordons à présent les dispositions relatives à la recherche sur l’embryon et les cellules souches.
J’ai demandé que soit examiné en priorité l’article 17, car il aborde la question fondamentale des interdits. La définition de ces derniers, s’agissant notamment des embryons chimériques, aura nécessairement un impact sur l’encadrement qui nous semble le plus opportun pour les recherches sur l’embryon et les cellules souches, traitées aux articles 14 et 15.
Avant d’aborder l’article 17, permettez-moi de clarifier les termes du débat autour des embryons chimériques, en rappelant ce qui est aujourd’hui interdit et ce qui ne l’est pas.
L’interdiction des embryons chimériques figure dans le code de la santé publique.
Deux types de chimères sont aujourd’hui interdits : d’une part, la modification d’embryons humains par l’insertion de cellules animales ; d’autre part, la modification d’embryons animaux par l’insertion de cellules souches embryonnaires humaines.
En revanche, rien ne régit les chimères à partir de cellules souches pluripotentes induites humaines, les fameuses cellules iPS. Ce silence de la loi permet actuellement d’expérimenter l’insertion dans un embryon animal de cellules iPS humaines : ce sont les seuls embryons chimériques possibles en France, expérimentés par des équipes françaises à partir d’embryons de lapins et de macaques.
Que propose le projet de loi du Gouvernement ? Il va résolument plus loin que ce qui est possible aujourd’hui. Il borne en effet l’interdiction des embryons chimériques à la seule modification d’embryons humains avec insertion de cellules provenant d’autres espèces.
Ce faisant, il autorise tout ce qui ne correspond pas à cette définition et ouvre donc une nouvelle voie d’expérimentation. Il permet ainsi la création d’embryons chimériques par insertion dans un embryon animal de cellules souches embryonnaires humaines.
La commission spéciale a refusé d’aller plus loin que ce qui est possible aujourd’hui, tout en ajoutant des verrous pour éviter toute dérive.
Dans ces conditions, la commission spéciale a réintroduit, à l’article 17, l’interdiction visant l’insertion de cellules souches embryonnaires dans un embryon animal.
Pour ce qui est des embryons chimériques recourant aux cellules iPS humaines, outre le respect des principes éthiques fondamentaux, elle encadre leur utilisation à l’article 15, d’une part, en prévoyant l’impossibilité de poursuivre à terme la gestation, et, d’autre part, en fixant une proportion minoritaire de cellules d’origine humaine pour limiter le taux de chimérisme, afin de s’assurer que ces embryons restent bien toujours des embryons animaux.
Voilà donc le cadre de notre débat. Ce qui est en jeu, c’est une ligne rouge de la bioéthique à la française, la question du franchissement de la barrière des espèces. Le CCNE a réclamé un encadrement de ces expérimentations, car insérer dans un embryon animal ne serait-ce que quelques cellules iPS humaines n’est pas une démarche anodine.
C’est à ce besoin d’encadrement que la commission spéciale a cherché à répondre. Ce sera évidemment au Sénat de décider si cet encadrement lui semble pertinent et suffisant.
Comme cela a été rappelé, cet article vient introduire des exceptions au principe extrêmement clair posé à l’article L. 2151-2 du code de la santé publique, à savoir que « la création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite ».
Pourquoi vouloir assouplir cette interdiction absolue ? Il me semble que la réponse à cette question est à chercher du côté de la technique des « ciseaux génétiques », scientifiquement dénommée CRISPR-Cas9.
Cette technique d’édition du génome a récemment bouleversé le monde de la recherche. Elle permet de mettre en œuvre, au niveau de la cellule, des ciseaux génétiques à base de protéines qui font automatiquement muter des séquences d’ADN, sans injection d’ADN extérieur. Autrement dit, cette technique permet d’introduire un gène à la place d’un autre, ou d’en supprimer.
Les ciseaux génétiques créent des mutations facilement et à un coût dérisoire par rapport aux anciennes techniques. Dès lors, on imagine aisément comment leur usage pourrait, à terme, devenir massif dans les laboratoires, même si tous leurs effets biologiques sont loin d’être maîtrisés.
Cette technique désormais bien connue révolutionne la fabrication d’OGM. Monsanto en possède une licence d’utilisation pour créer des semences génétiquement modifiées. Fin 2018, en Chine, elle a permis la naissance des premiers « bébés OGM », censément immunisés contre le virus du sida, et cela hors de tout cadre légal, provoquant un scandale planétaire. Le chercheur responsable vient d’ailleurs d’être condamné à trois ans de prison.
La levée, même partielle, de l’interdit chimérique et transgénique permettrait à CRISPR-Cas9 de passer officiellement de la semence agricole à l’humain. La nouvelle loi pourrait donc ouvrir la voie à l’industrialisation de la modification génétique des embryons humains à une vitesse encore jamais atteinte.
Considérant que cette technique n’a pas de portée médicale potentielle pour soigner des êtres humains déjà nés, on voit mal quelle finalité pourrait découler de cette autorisation de libéraliser la recherche, si ce n’est la possibilité d’engendrer des êtres humains génétiquement modifiés…
Un tel article mériterait à lui seul un débat philosophique et politique d’ampleur. Le voter à la va-vite dans cette loi ne nous paraît pas raisonnable.
Extrêmement mal à l’aise avec les dispositions potentiellement eugéniques de cet article, je plaide donc, avec les membres de mon groupe, pour sa suppression.
J’irai dans le même sens que M. Gontard.
Mes chers collègues, quoique nous pensions par ailleurs de ce texte, nous débattons là, comme Alain Milon l’a souligné, de deux lignes rouges qui n’ont jamais bougé depuis que les lois bioéthiques existent, à savoir la possibilité de créer des embryons transgéniques ou des embryons chimériques par introduction dans un embryon animal de cellules reprogrammées ou de cellules souches embryonnaires humaines – deux techniques équivalentes à mes yeux.
S’agissant des embryons transgéniques, on voit bien qu’il s’agit d’un désir des chercheurs de tester les fameux ciseaux CRISPR-Cas9, ou ciseaux moléculaires, pour modifier la descendance génétique. On toucherait en l’occurrence à un interdit qui n’est ni de droite ni de gauche. J’observe d’ailleurs que, dans une très belle tribune, José Bové et Jacques Testart, le père français de la FIV, la fécondation in vitro, s’y sont vivement opposés.
Quant aux embryons chimériques, ce serait un autre stade encore.
Dans son avis du 28 juin 2018, le Conseil d’État avait prévenu le législateur ; il avait suggéré de fermer l’angle mort de la législation, compte tenu de l’avancée des sciences et technologies.
Il avait alors décrit trois risques : celui de la transmission d’une zoonose de l’animal à l’homme, si l’expérimentation devait aller jusqu’à son terme ; celui d’une représentation humaine, l’Assemblée nationale ayant autorisé la transplantation d’embryons chimériques, tués juste avant la naissance, dans l’utérus d’une femelle ; enfin, celui, plus fondamental encore, de l’humanisation. Il s’agirait d’une sorte de conscience qui naîtrait dans le cerveau de l’animal par migration de cellules reprogrammées… Vous rendez-vous compte, mes chers amis, où nous en sommes ?
Rien ne justifie d’enfreindre cette ligne rouge, et nous pouvons, me semble-t-il, au-delà de nos attaches partisanes, nous réunir autour de cet interdit fondamental.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Franck Menonville applaudit également.
Il est effectivement très important d’aborder ce titre IV par cet article. Je prendrai donc quelques instants pour préciser la position du Gouvernement sur la question des embryons chimériques et sur la portée de leur interdiction inscrite à l’article 17 du projet de loi.
J’ai écouté attentivement, lors de la discussion générale, l’intervention de Mme la sénatrice Imbert sur l’intention initiale du législateur. Il ne m’appartient pas de trancher ce débat d’interprétation sur une discussion intervenue voilà neuf ans. En revanche, la réalité, c’est que le droit interdit actuellement l’agglomération de matériel cellulaire animal sur un embryon humain.
C’est précisément ce qui justifie que la disposition adoptée en 2011 ait été insérée dans une partie du code de la santé publique relative à l’embryon humain, comme l’a confirmé l’avis du Conseil d’État. Naturellement, il n’est pas question de revenir sur cette interdiction.
Toutefois, la réalité du droit actuel, c’est aussi qu’il ne fixe aucun cadre interdisant de conduire des recherches sur des embryons animaux chimériques. Il n’existe aucun protocole de recherche de ce type en France à ce jour, mais aucune norme de bioéthique non plus dans ce domaine.
Les députés et le Gouvernement ont donc souhaité intégrer cette question au débat, afin qu’un cadre adapté à la conduite de ces recherches soit fixé et que le droit de la bioéthique soit réactualisé, à la lumière des perspectives scientifiques qui se sont ouvertes durant ces neuf dernières années.
C’est pourquoi il est vraiment très important que nous puissions débattre ouvertement de l’opportunité, ou non, de conduire des recherches sur des embryons animaux chimériques, celles-ci, je le rappelle, n’étant nullement interdites aujourd’hui par notre droit.
Ces recherches offrent des perspectives scientifiques intéressantes, pour deux raisons.
Premièrement, de nombreux mécanismes physiologiques ou pathologiques ne peuvent être compris que par l’utilisation de ce type de techniques, lorsqu’elles deviendront définitivement possibles, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. En effet, sur le plan scientifique, nous sommes encore très loin des perspectives de xénogreffes qui ont été évoquées, et la question sanitaire est bien évidemment essentielle.
Deuxièmement, nous sommes passés d’une époque où le caractère tout génétique prévalait à une époque où nous avons besoin de comprendre plus finement les mécanismes cellulaires fondamentaux, notamment les impacts environnementaux sur ces derniers.
Il est important que nous puissions le faire sur des embryons chimériques constitués d’agglomérations de cellules souches sur des embryons d’animaux. Soyons parfaitement clairs : nous nous plaçons bien entendu dans le cadre d’une recherche fondamentale, et absolument pas dans celui d’une recherche clinique.
Je veux être très clair avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il est totalement interdit, et cela le restera, de créer des embryons à des fins de recherche. De même, il est totalement interdit de réimplanter des embryons qui auraient été manipulés génétiquement, de quelque façon que ce soit. La loi est très claire à cet égard, et nous ne revenons pas sur ce point.
L’apparition de nouvelles formes de cellules pluripotentes, dérivées de cellules humaines adultes, a aussi été évoquée.
Il s’agit d’une véritable petite révolution scientifique, et nous avons besoin de démontrer la pluripotence réelle de ces cellules. Pour ce faire, de manière très classique, il faut les agglomérer à ces embryons animaux pour vérifier que, effectivement, elles sont capables de constituer au moins les différents feuillets embryonnaires, c’est-à-dire d’être pluripotentes. Et pour en être sûrs, nous devons aussi pouvoir les comparer aux cellules souches « étalons », si je puis dire, c’est-à-dire aux cellules souches embryonnaires.
Tels sont les objets des recherches qui commencent à être envisagées dans les laboratoires. Aussi, il nous est apparu important que les protocoles de recherche relatifs à ces embryons chimériques constitués de cellules souches – que celles-ci soient induites ou embryonnaires, agglomérées à des embryons animaux – soient soumis à déclaration pour contrôle auprès de l’Agence de la biomédecine (ABM) et respectent la cadre propre aux expérimentations animales, ce qui nous semble apporter une garantie supplémentaire.
Enfin, pour les chercheurs, il est très important que ce type de recherche soit sécurisé dans une loi de bioéthique. En effet, ils sont tout à fait conscients de la nécessité de disposer d’un cadre législatif clair pour mener leurs travaux et de penser des protocoles de recherche, dans leurs laboratoires, en sachant que ceux-ci sont admis par le législateur.
Je comprends tout à fait la position de la commission spéciale. J’entends les débats et l’appel à la vigilance extrême qu’a lancée le président Retailleau. Je partage l’idée qu’il est inadmissible de créer des embryons à des fins de recherche, tout comme il est inadmissible de réimplanter des embryons génétiquement modifiés, de quelque façon que ce soit.
Néanmoins, si nous voulons mieux comprendre ce qui nous apparaît aujourd’hui comme étant à côté de la génétique, notamment les impacts environnementaux, il faut que la recherche fondamentale, qui, en réalité, est encore très éloignée d’éventuelles applications pour l’homme, nous en donne la capacité.
L’amendement n° 214 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Cet amendement de suppression a été excellemment défendu par Guillaume Gontard.
Le groupe CRCE veut surtout marquer son opposition à ces modifications majeures de la législation en matière de bioéthique, qui était l’une des plus encadrantes jusqu’à présent. Outre les arguments évoqués par M. Gontard, c’est aussi cet élément qui nous pousse à inviter à supprimer cet article. Mais place au débat !
M. le président de la commission spéciale a présenté un certain nombre d’arguments, voisins de ceux de Mme la ministre. À mon tour, je vais vous présenter les raisons qui ont conduit la commission spéciale à adopter cet article 17, lequel appelle des clarifications sur deux sujets à bien distinguer, chacun d’eux méritant d’être analysé et débattu : les embryons transgéniques, d’une part, et les embryons chimériques, d’autre part.
S’agissant de la recherche sur les embryons transgéniques, le Conseil d’État et le CCNE ont donc jugé les dispositions obsolètes. Soit dit entre parenthèses, j’ai beaucoup, peut-être trop, si l’on en croit certains de mes collègues, tenu compte des avis du CCNE et de son président. À entendre les différents orateurs, y compris le Gouvernement, je me suis parfois demandé si le CCNE avait une réelle utilité… Je vous taquine, mes chers collègues, mais je me permets de le dire.
L’objectif de la suppression de cette interdiction est de permettre d’évaluer les effets des techniques d’édition génomique, dont CRISPR-Cas9.
L’utilisation de cette technique conduira-t-elle, puisque telle est la question, à des bébés génétiquement modifiés en France ? La réponse est non ! En effet, le transfert à des fins de gestation des embryons faisant l’objet de recherches est interdit. Cette interdiction figure d’ailleurs à l’alinéa 19 de l’article 14 du projet de loi, que nous aborderons tout à l’heure.
Pour ce qui concerne à présent les embryons chimériques, les seules expérimentations aujourd’hui possibles en France sont celles qui consistent à introduire dans un embryon animal quelques cellules iPS humaines. En France, les laboratoires se sont limités à introduire de telles cellules, Mme la ministre l’a rappelé, dans des embryons de lapin et de singe. Ceux-ci ont été cultivés pendant trois jours, puis ont été détruits. Ils n’ont jamais été transférés.
Il s’agit non pas de verser dans la science-fiction, mais plutôt de nous interroger sur la raison pour laquelle les chercheurs souhaitent s’engager dans des expérimentations de ce type.
Lors de nos auditions, j’ai été marqué par le constat suivant : nos chercheurs ne sont pas des apprentis sorciers ! Ils ont aussi une conscience très forte, tout aussi légitime que la nôtre, mes chers collègues. Ils font d’abord ces recherches pour améliorer la santé humaine ; ce serait leur faire un bien mauvais procès que de penser le contraire.
En réalité, les embryons chimériques impliquant des cellules iPS présentent un intérêt particulier. Il s’agit d’expérimenter la régénération d’organes ciblés. Le président du CCNE est allé jusqu’à prédire la possible fin de l’orthopédie froide. C’est tout de même un défi !
Or, si nous ne sommes pas en capacité de mener ce type de recherche, je crains, mes chers collègues, que cela ne pose un problème de souveraineté et ne contrevienne au principe de l’égal accès aux soins. En effet, que va-t-il se passer ? Les États-Unis ne nous attendront pas, …
Eh oui ! Pour moi, c’est un risque, j’ose le dire.
Ce débat est tout à fait intéressant. Il s’agit d’expérimenter la régénération d’organes ciblés. Cela consiste à désactiver dans l’embryon animal le gène lié à la formation d’un organe particulier et à introduire quelques cellules iPS dans l’embryon animal capable de produire l’organe recherché. C’est ce que l’on fait déjà avec les greffes d’organes.
Je ne reprendrai pas tous les arguments avancés par M. le président de la commission spéciale, mais, naturellement, j’émets un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Madame la ministre, nous avons un point de désaccord.
Vous nous laissez entendre que, en l’état actuel du droit, la création d’embryons chimériques à partir de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal est possible, en faisant référence au titre V du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. Vous ne parlez que d’embryon.
Pourtant, l’intitulé du titre V est « Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ». Ce titre ne contient qu’un chapitre, et l’article L. 2151-2 est très clair : « La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite. » Il concerne donc bien des chimères à partir de cellules souches embryonnaires qui seraient introduites dans un embryon animal.
Mme la ministre fait un geste de dénégation.
C’est pour cette raison que, à l’article 14, la commission spéciale est revenue sur une disposition introduite par le Gouvernement.
Je voterai bien entendu cet amendement, que j’ai cosigné avec les membres de mon groupe.
Comme cela a été rappelé dans les interventions liminaires, il s’agit non pas seulement d’appeler à la vigilance, mais de marquer des interdits. Non, la recherche ne peut tout justifier dans nos rapports avec le vivant et, au-delà, dans le mélange et la rencontre des espèces !
Monsieur Henno, je vous entends, mais il est heureux que les chercheurs que vous avez auditionnés aient pris l’engagement devant la commission spéciale de ne pas se comporter en savants fous sur le point de créer des monstres ! Il est heureux qu’ils aient pris l’engagement de respecter le cadre !
Cependant, cela vaut pour ceux qui s’expriment aujourd’hui, mais qu’en sera-t-il dans quelques années, quand ils seront commandités par on ne sait qui. Et ensuite, mes chers collègues ? Une fois que la loi aura autorisé cette petite dérogation, qui, vous avez raison, est pour l’instant très limitée, quelle sera demain, puis après-demain, les autres petits pas ? Et dans dix ans, où en serons-nous dans ces autorisations qui seront données, ou non, au nom de la science, de la recherche et, sans aucun doute, de la santé publique ?
In fine, que faisons-nous au travers de ce texte ? Devons-nous défendre une recherche, qui, à terme, même si personne n’utilise le mot, tend vers l’eugénisme et vers une certaine uniformité ?
Bien sûr, madame la ministre, j’ai conscience d’être un peu caricaturale quand j’utilise cette expression, à ce moment-là, compte tenu de ce que le texte prévoit, mais je n’ai pas de garanties pour dans dix, vingt, trente ou quarante ans. Ce que je sais, c’est que, aujourd’hui, en fonction de ce que nous allons voter, ou non, nous ouvrons, ou non, le champ des possibles pour dans dix, vingt, trente ou quarante ans.
Je voterai donc cet amendement de suppression.
Moi aussi, je voterai cet amendement.
J’entends bien les propos de notre rapporteur, Olivier Henno. Mais s’agissant du désaccord entre Mme Imbert, elle aussi rapporteure, et Mme la ministre, c’est la première qui a raison : la loi de 2011, dernière loi bioéthique, dit clairement qu’il est interdit de travailler et de faire des recherches sur les embryons transgéniques et sur les embryons chimériques. C’est écrit en toutes lettres ; si la loi a été modifiée sans que le Parlement le sache, prévenez-nous, cela fera un courrier intéressant !
Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE.
Par ailleurs, même si nous sommes en République, nous ne sommes pas des dieux ! Or je commence à m’inquiéter d’entendre dire que les scientifiques et les chercheurs « veulent » telle ou telle technique. Dans leurs recherches pour le bien commun, par exemple pour mieux soigner chacun, ils ont des motifs légitimes de vouloir avancer, mais on a beaucoup entendu cet argument, pas seulement en 2020, mais au cours de l’Histoire. Et c’est rarement ce qui s’est produit finalement.
Je l’ai dit une fois dans cet hémicycle, ce qui m’a valu quelques remarques, je ne crois pas à la bonté fondamentale de l’être humain. Je crois que la pression sociale, sociétale et économique pousse à aller au-delà de ce que l’on voulait au départ.
Monsieur le rapporteur, bien sûr, il n’est pas question de créer des centaures. Bien sûr, on ne va pas rejouer La Planète des singes, et Le Monde de Narnia n’est pas pour nous. Très bien ! Pour autant, est-ce que le Parlement de la République ne peut pas dire aux scientifiques et aux chercheurs : « Oui, faites ce que vous pouvez pour le bien commun, mais, non, ne mettez pas l’espèce humaine dans une situation dangereuse » ?
Je ne m’adresse pas aux chercheurs d’aujourd’hui. Qui nous dit que, dans cinq ans, dans dix ans, dans quinze ans, certains scientifiques n’outrepasseront pas toutes les limites que l’on a évoquées, en se disant que la loi le leur permet ? Je sais bien que c’est une position de crainte, qui n’est pas forcément tournée vers l’avenir, mais, j’y insiste, le Parlement est là pour préserver et pour protéger.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Sur cette question, j’adopterai une position plus restrictive que celle du Gouvernement, à savoir celle qui figure dans le texte de la commission spéciale.
D’ailleurs, si vous votez l’amendement de suppression, mes chers collègues, le texte qui repartira à l’Assemblée nationale ne comportera plus cet article, et c’est la version du Gouvernement qui sera réintroduite à l’Assemblée nationale.
M. Roger Karoutchi s ’ exclame.
Je voudrais surtout dire, à cet instant, à la suite de l’intervention de Roger Karoutchi, que je suis marqué par la défiance qui s’exprime à l’égard du monde scientifique.
Mes chers collègues, sachez que la naissance d’Amandine, en 1982, n’aurait pas été possible avec nos lois actuelles. Toutes les recherches qui ont mené à la naissance d’Amandine auraient été impossibles avec nos lois de 2020 ! C’est tout de même problématique.
Les chercheurs, les scientifiques et les médecins sont ici, non pas vilipendés – je ne veux pas utiliser un terme trop fort –, mais traités comme des gens incontrôlables…
Ils n’ont pourtant pas attendu 1994 et le Parlement pour réfléchir aux enjeux éthiques. Respectons chacun ! En 1982, on faisait de la recherche sur la FIV, et il n’y a pas eu de dérapage. Il n’y a eu aucun eugénisme dans notre pays, que je sache !
On ne nous a pas attendus. Ils ne nous attendent pas. Des comités d’éthique, il y en a partout ; des réflexions, il y en a partout. Nous avons maintenant des corps intermédiaires en la matière, notamment le CCNE et l’Agence de la biomédecine, avec son conseil d’orientation. Ces acteurs intermédiaires, soudain, on ne les écoute plus. On est persuadé qu’ils vont se transformer en savants fous.
Un chercheur chinois a inséré un CCR5, un gène qui est censé protéger du VIH, chez un enfant. Il est en prison et mis au ban de la communauté internationale. Un Russe a annoncé qu’il allait faire la même chose, mais, comme le pouvoir de son pays lui a dit de faire attention, visiblement, il n’est pas passé à l’acte. Il se méfie ; il a raison !
Sourires.
Bien sûr, nous faisons la loi et nous devons garantir qu’il n’y aura pas de dérives, mais, si l’on refuse d’accorder la moindre confiance à nos chercheurs, l’on rejette tout projet. La recherche française en médecine de la reproduction a dégringolé du podium. Elle n’existe quasiment plus au niveau international. Il n’y a pas de quoi être fier !
Pour ma part, je le répète, sur cette question des chimères, je suivrai la position la plus restrictive, mais je ne soutiens certainement pas la suppression de l’article.
Mme Michelle Meunier applaudit.
Nous discutons d’une loi relative à la bioéthique, et non d’une loi qui vise la compétitivité de la France par rapport au reste du monde, ce qui justifierait tous les alignements possibles sur le moins-disant éthique. Je voterai, bien sûr, l’amendement qui a été proposé par le groupe CRCE.
Deux aspects ont été soulignés en défense, notamment par le rapporteur, M. Henno.
Premièrement, sur les embryons transgéniques, vous avez dit, grosso modo, que cela se limiterait aux laboratoires, sans aller au-delà. Je suis désolé, mais le laboratoire ouvre la porte vers une autre étape. Si le Gouvernement, du reste, se limite aujourd’hui aux laboratoires, c’est pour deux raisons.
Tout d’abord, il veut laisser penser que sa disposition est conforme à la convention internationale d’Oviedo, qui proscrit justement de modifier la descendance.
Or j’affirme que cette disposition est anti-conventionnelle, et le Gouvernement tente de s’en tirer en précisant que l’expérimentation se limite aux laboratoires.
Ensuite, il essaie de tromper l’opinion publique en proclamant que la France n’est pas la Chine, un pays où, effectivement, on a eu récemment recours à cette expérimentation, notamment pour essayer de protéger des jumelles contre le virus du VIH. J’affirme que ces éléments ne sont pas suffisants pour justifier vos dispositions sur les embryons transgéniques.
Deuxièmement, sur les chimères, mes chers collègues, de quoi est-il question ? Avec ce projet de loi, y compris dans le texte de la commission spéciale, vous permettrez la création d’embryons chimériques à partir de cellules reprogrammées iPS.
Ensuite, l’embryon, c’est-à-dire la chimère animal-homme, sera implanté dans l’utérus de la femelle et se développera jusqu’avant la naissance, puisqu’il sera détruit juste avant la parturition. C’est cela que l’on vous propose ! Est-ce que les Français sont d’accord avec ce brouillage des espèces ?
L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), ce n’est pas rien, monsieur Jomier. Il s’agit non pas d’élus, mais de scientifiques. Or ils parlent de « brouillage des espèces », celui-ci constituant une menace pour « notre identité et l’intégrité de notre humanité ». On parle d’une loi bioéthique et on oublierait ces éléments-là ?
Dans une revue anglophone chinoise, le Pekin National Science Review, a été publié en mars 2009 le résultat d’une expérimentation sur un singe dont les gènes du cerveau avaient été modifiés. Qu’a-t-il été constaté sur la descendance ?
Un retard de développement du cerveau, comme chez l’homme, et de meilleurs résultats aux tests de mémoire.
La question est là, mes chers collègues : cherche-t-on à humaniser l’animal ou à animaliser l’homme ?
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Fabien Gay applaudit également.
Pour ma part, je défendrai la position de M. le rapporteur.
La commission spéciale a encadré et clarifié la constitution d’embryons chimériques, en la rendant impossible avec des cellules souches embryonnaires humaines. En effet, le texte de la commission spéciale vise à interdire l’insertion de cellules d’autres espèces dans l’embryon humain, mais aussi l’insertion de cellules souches humaines dans un embryon animal, alors que le projet de loi initial prévoyait cette possibilité. C’est très clair.
M. Daniel Chasseing. Effectivement, le texte de la commission rappelle que l’insertion de cellules pluripotentes iPS est possible, mais cette faculté est encadrée : il faut qu’il y ait une interruption de la gestation et une proportion de cellules qui soit inférieure à 50 %.
M. Jean-Noël Cardoux s ’ exclame.
Si je suis favorable à cette disposition, c’est pour permettre à la recherche d’avancer, tout en l’encadrant. Je le rappelle, actuellement, cette recherche n’est pas interdite. Néanmoins, nous devons prendre des précautions. Est-ce que la simple déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine suffit ? Faut-il un régime d’autorisation ?
Il faut bien avoir à l’esprit que l’une des applications possibles de la recherche serait la production d’organes dérivant de cellules transplantables chez des personnes qui auraient besoin d’un greffon.
Je le répète, la commission spéciale clarifie ce qui, actuellement, n’est pas interdit. Je pense qu’il vaut mieux avoir un cadre législatif clair pour les chercheurs. C’est ce que nous nous efforçons de faire avec ce texte.
Nous sommes en démocratie et non pas en épistocratie, c’est-à-dire sous le régime des experts.
Il est vrai que sur des sujets comme ceux dont nous débattons maintenant depuis plus d’une semaine, et la commission spéciale depuis plus longtemps encore, on a tendance à se dire : « Que faut-il faire ? Écoutons les experts ! » Non, il s’agit effectivement d’une loi d’éthique. Prétendre que seuls les experts sauront ce qui est bon me semble un peu court.
D’ailleurs, madame la ministre, vous l’avez dit vous-même : le CCNE, sur telle disposition, a estimé que le rendu était « obsolète ». Une décision d’éthique rendue obsolète… Je ne sais pas ce qu’est une éthique obsolète, et cela m’inquiète. Il est donc bon, parfois, d’inscrire dans la loi un certain nombre d’éléments.
Il ne s’agit pas d’une forme de défiance vis-à-vis des chercheurs. J’ai toute confiance dans la recherche. Cependant, j’ai beau avoir confiance dans mes concitoyens, de temps en temps, je leur impose des limites dans la loi. J’ai beau avoir confiance dans les médecins, de temps en temps, je leur impose aussi des limites dans la loi.
Il n’est de société que de femmes et d’hommes, ce qui d’ailleurs fait naître la vie.
Je suis donc pour que les choses soient inscrites, de temps en temps, dans la loi, de manière ferme. Je refuse que quelques experts décident, sur un sujet aussi important, de créer des OGM ; d’ailleurs, il me semblait que la politique du Gouvernement était anti-OGM…
M. Bruno Retailleau applaudit.
Curieusement par rapport à certaines de mes prises de position, que certains ont qualifiées de « conservatrices » – effectivement, je n’ai pas voté pour l’ouverture de la PMA aux couples de femmes ou pour l’autoconservation des ovocytes –, je ne voterai pas cet amendement de suppression. Je m’en explique.
Comme notre collègue Karoutchi, je ne suis pas rousseauiste, car je ne pense pas que l’être humain est fondamentalement bon. Toutefois, ici, de quoi parle-t-on ? J’ai l’impression que l’on cède un peu à des fantasmes qui font appel aux monstres de la mythologie, comme le centaure. Or ce n’est pas de cela qu’il s’agit.
Ce texte vise simplement, au travers de techniques de recherche fondamentale, non pas à déboucher sur la création de nouvelles espèces, mais à permettre le travail sur de nouvelles cellules. Au fond, tout le débat tourne autour des recherches sur les cellules souches embryonnaires, sur les cellules pluripotentes et sur leur implantation au sein d’un embryon animal ; à aucun moment, il ne s’agit de créer des êtres génétiquement modifiés. Je crois qu’il y a confusion entre deux notions qui sont complètement différentes.
Comme l’ont dit un certain nombre de collègues et de confrères – je pense à Daniel Chasseing –, mais également Mme la ministre, s’il existe une possibilité d’améliorer un certain nombre de travaux, non pas pour céder à des caprices de chercheurs qui voudraient devenir, tout à coup, des apprentis sorciers, mais pour améliorer la médecine humaine au quotidien, il n’y a pas de raison de voter cet amendement.
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
J’ai déposé, à cet article, un amendement tendant à modifier l’alinéa 5.
Cet amendement vise à interdire la création d’embryons chimériques qui pourrait résulter de la modification d’un embryon animal par adjonction de cellules souches pluripotentes induites. En effet, cet alinéa permet l’insertion de telles cellules souches dans un embryon animal dans la perspective de son transfert chez la femelle.
Au vu des lourdes questions éthiques que cette question soulève, la commission spéciale du Sénat a adopté à l’article 15, que nous examinerons un peu plus tard, un amendement de Mme la rapporteure visant à renforcer l’encadrement de la création d’embryons chimériques, en imposant deux verrous : d’une part, l’impossibilité de mise à bas et de parturition, ainsi que l’interruption de la gestation dans un délai approuvé par l’Agence de la biomédecine ; d’autre part, la mise en place d’un seuil que la contribution des cellules d’origine humaine au développement de l’embryon chimérique ne saurait dépasser.
Je veux évidemment rendre hommage à cette volonté de Mme la rapporteure d’instaurer des garde-fous. Mais, au-delà de la recherche, permettre le transfert chez l’animal d’embryons chimériques hybrides entre l’animal et l’homme soulève toute une série de problèmes et d’interrogations éthiques et morales. On peut légitimement craindre une menace pesant sur le patrimoine génétique de l’humanité : il faut avoir le courage de le dire !
Je ne reviendrai pas sur l’avis du Comité consultatif national d’éthique : Bruno Retailleau a très bien rappelé les trois principaux risques qui y ont été relevés. Je veux simplement mettre l’accent sur le fait que, par le biais du présent article, au-delà de son alinéa 5, on assisterait à un véritable franchissement de la barrière des espèces.
Après réflexion, je voterai donc en faveur de l’amendement de suppression qui nous est proposé par le groupe CRCE.
Je le rappelle, l’article 17, dans sa rédaction présente, dispose bien que la création d’embryons chimériques est interdite, que ce soit dans le cadre de la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces, ou de celle d’un embryon animal par adjonction de cellules souches embryonnaires humaines.
La seule possibilité qui est ici offerte, sous des conditions extrêmement strictes, est celle d’insérer des cellules souches pluripotentes induites dans un embryon animal pour une durée limitée, afin de déterminer comment l’évolution de ces cellules souches se distingue de celle d’une cellule souche embryonnaire et d’effectuer une comparaison.
Non ! Cela ne va pas au-delà.
Je tiens à rappeler un autre élément qui me semble important, après avoir écouté les interventions de Mme la ministre et des différents orateurs sur cette question. Tout à l’heure, mes chers collègues, vous avez voté contre les dépistages préconceptionnels. Vous l’avez fait pour différentes raisons, telles que la lutte contre l’eugénisme, mais notamment parce que des traitements nouveaux sont trouvés contre ces maladies, en particulier contre la sclérose latérale amyotrophique.
Or ces traitements nouveaux ont été découverts dans le cadre, non pas d’une recherche fondamentale traditionnelle, biochimique, mais d’une recherche génétique, en particulier sur les cellules souches, qui est autorisée par les lois relatives à la bioéthique.
D’ailleurs, en ce qui concerne la sclérose latérale amyotrophique, ceux d’entre vous qui ont visité avec moi le Genopole savent bien que ces découvertes ont été accomplies par la recherche génétique française. Elles ont ensuite été exploitées à l’étranger, parce que nous n’avons pas eu les moyens de financer la phase industrielle du développement de cette thérapie…
Cet article traite précisément d’une recherche de ce type : il s’agit d’introduire des cellules souches pluripotentes induites dans un embryon animal, pour une durée limitée, de manière à déterminer quelles sont les compétences de ces cellules iPS par rapport à celles d’une cellule souche embryonnaire. Cela ne va pas au-delà ! Voilà ce qu’a mis en place Mme la rapporteure dans ce projet de loi.
Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement de suppression de l’article.
Au vu des explications très claires de M. le président de la commission spéciale, mon intervention sera brève. Certains de nos collègues craignent, à juste titre, des dérives de la recherche ; pour ma part, je constate aujourd’hui des dérives dans les argumentations employées !
L’histoire retiendra peut-être que le Sénat, aujourd’hui, aura interdit que la recherche conduise à ce que des chimpanzés aient, demain, une intelligence humaine, ou encore à ce que des êtres humains aient des caractéristiques de chimpanzés. Mais ce n’est pas le sujet ! Cela vient d’être rappelé : dans toutes les recherches qu’il est prévu d’encadrer, les naissances sont interdites.
Pour ma part, je fais, confiance au travail de la commission spéciale, mais aussi à celui de nos chercheurs et à l’encadrement de la recherche. Tel est bien l’objet de notre débat d’aujourd’hui. Je ne voterai donc pas cet amendement de suppression de l’article 17.
Exclamations sur les travées du groupe CRCE.
Je mets aux voix l’amendement n° 214 rectifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains, l’autre, du groupe CRCE.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 82 :
Nombre de votants303Nombre de suffrages exprimés291Pour l’adoption170Contre 121Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
En conséquence, l’article 17 est supprimé, et les amendements identiques n° 88 rectifié ter et 114 rectifié octies, les amendements n° 89 rectifié quater, 297 et 150 rectifié, les amendements identiques n° 137 rectifié ter et 175, ainsi que les amendements n° 99 rectifié ter, 58 rectifié, 247 rectifié ter, 185, 134 rectifié bis et 139 rectifié bis, n’ont plus d’objet.
Nous reprenons l’ordre normal de discussion des articles.
Chapitre Ier
Aménager le régime actuel de recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires
I. –
Non modifié
« Art. L. 2141 -3 -1. – Des recherches menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation peuvent être réalisées sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon conçu in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation, si chaque membre du couple ou la femme non mariée y consent. Dans ce cadre, aucune intervention ayant pour objet de modifier le génome des gamètes ou de l’embryon ne peut être entreprise. Ces recherches sont conduites dans les conditions fixées au titre II du livre Ier de la première partie. »
II. – Le second alinéa de l’article L. 1125-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1°
2° À la fin de l’alinéa, la référence : « au V de l’article L. 2151-5 » est remplacée par la référence : « à l’article L. 2141-3-1 ».
III. – Le chapitre unique du titre V du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° A
1° L’article L. 2151-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2151 -5. – I. – Aucune recherche sur l’embryon humain ne peut être entreprise sans autorisation. Un protocole de recherche conduit sur un embryon humain ne peut être autorisé que si :
« 1° La pertinence scientifique de la recherche est établie ;
« 2° La recherche, fondamentale ou appliquée, s’inscrit dans une finalité médicale ou vise à améliorer la connaissance de la biologie humaine ;
« 3° En l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée, avec une pertinence scientifique comparable, sans recourir à des embryons humains ;
« 4° Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil, les principes éthiques énoncés au présent titre et ceux énoncés au titre Ier du livre II de la première partie du présent code.
« II. – Une recherche ne peut être menée qu’à partir d’embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation qui ne font plus l’objet d’un projet parental et qui sont proposés à la recherche par le couple, le membre survivant du couple ou la femme dont ils sont issus en application du 2° du II de l’article L. 2141-4, du dernier alinéa de l’article L. 2131-4 ou du troisième alinéa de l’article L. 2141-3.
« III. – Les protocoles de recherche sont autorisés par l’Agence de la biomédecine après que celle-ci a vérifié que les conditions posées aux I et II du présent article sont satisfaites. La décision de l’agence, assortie de l’avis de son conseil d’orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche, qui peuvent conjointement, dans un délai d’un mois, demander un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision :
« 1° En cas de doute sur le respect des principes mentionnés au 4° du I ou sur la pertinence scientifique d’un protocole autorisé. L’agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours, durant lequel l’autorisation est suspendue. En cas de confirmation de la décision, la validation du protocole est réputée acquise ;
« 2° Dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, lorsque le protocole a été refusé. L’agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours. En cas de confirmation de la décision, le refus du protocole est réputé acquis.
« En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l’autorisation, l’agence suspend l’autorisation de la recherche ou la retire. L’agence diligente des inspections comprenant un ou plusieurs experts n’ayant aucun lien avec l’équipe de recherche, dans les conditions fixées à l’article L. 1418-2.
« IV. – Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite, en application du présent article, ne peuvent être transférés à des fins de gestation. Il est mis fin à leur développement in vitro au plus tard le quatorzième jour qui suit leur constitution. Toutefois, à titre dérogatoire, le développement in vitro d’embryons peut être poursuivi jusqu’au vingt et unième jour qui suit leur constitution dans le cadre de protocoles de recherche spécifiquement dédiés à l’étude des mécanismes de développement embryonnaire au stade de la gastrulation.
« V. –
Supprimé
2° Les articles L. 2151-6, L. 2151-7-1 et L. 2151-8 deviennent, respectivement, les articles L. 2151-8, L. 2151-10 et L. 2151-11 ;
3° L’article L. 2151-6 est ainsi rétabli :
« Art. L. 2151 -6. – I. – Les protocoles de recherche conduits sur les cellules souches embryonnaires sont soumis à déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine préalablement à leur mise en œuvre.
« II. – Une recherche sur les cellules souches embryonnaires ne peut être menée qu’à partir :
« 1° De cellules souches embryonnaires dérivées d’embryons dans le cadre d’un protocole de recherche sur l’embryon autorisé en application de l’article L. 2151-5 ;
« 2° De cellules souches embryonnaires ayant fait l’objet d’une autorisation d’importation en application de l’article L. 2151-8.
« III. – Le directeur général de l’Agence de la biomédecine s’oppose, dans un délai fixé par voie réglementaire, à la réalisation du protocole de recherche mentionné au I du présent article si la recherche fondamentale ou appliquée ne s’inscrit pas dans une finalité médicale ou ne vise pas à améliorer la connaissance de la biologie humaine, si la pertinence scientifique de la recherche n’est pas établie, si le protocole ou ses conditions de mise en œuvre ne respectent pas les principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil, les principes éthiques énoncés au présent titre et ceux énoncés au titre Ier du livre II de la première partie du présent code, ou en l’absence des autorisations mentionnées au II du présent article.
« Lorsque le protocole mentionné au I a pour objet la différenciation des cellules souches embryonnaires en gamètes ou l’agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires, l’opposition formulée en application du premier alinéa du présent III est prise après avis public du conseil d’orientation de l’agence.
« À défaut d’opposition du directeur général de l’Agence de la biomédecine, la réalisation du protocole de recherche peut débuter à l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent III.
« IV. – Le directeur général de l’Agence de la biomédecine peut à tout moment suspendre ou interdire, après avis public du conseil d’orientation de l’agence, les recherches mentionnées au I qui ne répondent plus aux exigences mentionnées au III. » ;
4° L’article L. 2151-7 est abrogé ;
5° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2151-8, tel qu’il résulte du 2° du présent III, les mots : « ces cellules souches ont été obtenues » sont remplacés par les mots : « le demandeur de l’autorisation atteste de l’obtention de ces cellules » ;
6° Il est ajouté un article L. 2151-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 2151 -9. – Tout organisme qui assure, à des fins de recherche, la conservation d’embryons doit être titulaire d’une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine.
« Toutefois, les laboratoires de biologie médicale autorisés conformément à l’article L. 2142-1 peuvent conserver des embryons proposés à la recherche en application du 2° du II de l’article L. 2141-4 sans être titulaires de l’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent article.
« La délivrance de l’autorisation mentionnée au même premier alinéa est subordonnée au respect des principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil, des principes éthiques énoncés au présent titre et de ceux énoncés au titre Ier du livre II de la première partie du présent code, des règles en vigueur en matière de sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site et des dispositions applicables en matière de protection de l’environnement ainsi qu’au respect des règles de sécurité sanitaire.
« En cas de non-respect des dispositions mentionnées au troisième alinéa du présent article, l’Agence de la biomédecine peut, à tout moment, suspendre ou retirer l’autorisation.
« L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est informée des activités de conservation d’embryons à des fins de recherche réalisées sur le même site que des activités autorisées par elle en application de l’article L. 1243-2.
« Tout organisme qui souhaite assurer, à des fins de recherche, la conservation de cellules souches embryonnaires doit effectuer une déclaration à l’Agence de la biomédecine préalablement à leur conservation. Le directeur général de l’Agence de la biomédecine peut à tout moment suspendre ou interdire la conservation des cellules souches embryonnaires si cette conservation n’est pas en accord avec le respect des principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil, des principes éthiques énoncés au présent titre et de ceux énoncés au titre Ier du livre II de la première partie du présent code, des règles en vigueur en matière de sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site et des dispositions applicables en matière de protection de l’environnement, ainsi qu’au respect des règles de sécurité sanitaire.
« Les organismes mentionnés aux premier et deuxième alinéas du présent article ne peuvent céder des embryons qu’à un organisme titulaire d’une autorisation délivrée en application du présent article ou de l’article L. 2151-5. Les organismes mentionnés à l’avant-dernier alinéa du présent article ne peuvent céder des cellules souches embryonnaires humaines qu’à un organisme ayant déclaré un protocole de recherche en application de l’article L. 2151-6, lorsque l’Agence de la biomédecine ne s’est pas opposée à la réalisation de celui-ci dans les conditions fixées au même article L. 2151-6. L’organisme destinataire de la cession de cellules souches embryonnaires effectue également la déclaration prévue à l’avant-dernier alinéa du présent article. L’Agence de la biomédecine est informée préalablement à toute cession. » ;
7° L’article L. 2151-10, tel qu’il résulte du 2° du présent III, est complété par les mots : « ou déclarées en application de l’article L. 2151-6 ».
IV. – La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code pénal est ainsi modifiée :
1° L’article 511-19-2 est ainsi rédigé :
« Art. 511 -19 -2. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende :
« 1° Le fait de conserver des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans avoir obtenu l’une des autorisations ou avoir effectué l’une des déclarations mentionnées à l’article L. 2151-9 du code de la santé publique ou alors que cette autorisation est retirée ou suspendue ou que le directeur général de l’Agence de la biomédecine a suspendu ou interdit la conservation en application de l’avant-dernier alinéa du même article L. 2151-9 ;
« 2° Le fait de conserver des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans se conformer aux règles mentionnées aux troisième ou avant-dernier alinéas dudit article L. 2151-9 ;
« 3° Le fait de céder des embryons ou des cellules souches embryonnaires à des organismes n’ayant pas déclaré leur projet de recherche auprès de l’Agence de la biomédecine conformément à l’article L. 2151-6 du même code ou n’étant pas titulaires de l’autorisation délivrée en application des articles L. 2151-5 ou L. 2151-9 dudit code ;
« 4° Le fait d’avoir cédé des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans en avoir informé préalablement l’Agence de la biomédecine. » ;
2°
V. – Le chapitre III du titre VI du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les troisième à dernier alinéas de l’article L. 2163-7 sont ainsi rédigés :
« “1° Le fait de conserver des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans avoir obtenu l’une des autorisations ou avoir effectué l’une des déclarations mentionnées à l’article L. 2151-9 du code de la santé publique ou alors que cette autorisation est retirée ou suspendue ou que le directeur général de l’Agence de la biomédecine a suspendu ou interdit la conservation en application de l’avant-dernier alinéa du même article L. 2151-9 ;
« “2° Le fait de conserver des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans se conformer aux règles mentionnées aux troisième ou sixième alinéas dudit article L. 2151-9 ;
« “3° Le fait de céder des embryons ou des cellules souches embryonnaires à des organismes n’ayant pas déclaré leur projet de recherche auprès de l’Agence de la biomédecine conformément à l’article L. 2151-6 du même code ou n’étant pas titulaires de l’autorisation délivrée en application des articles L. 2151-5 ou L. 2151-9 dudit code ;
« “4° Le fait d’avoir cédé des embryons ou des cellules souches embryonnaires sans en avoir informé préalablement l’Agence de la biomédecine.” » ;
2°
VI. –
Non modifié
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, un certain nombre d’entre vous regrettaient que l’extension de la PMA à toutes les femmes ait été intégrée à un projet de loi relatif à la bioéthique. En revanche, cette après-midi, nous nous trouvons bien au cœur des sujets bioéthiques.
Le Conseil d’État, dans son avis sur ce texte, avouait que la révision des lois de bioéthique était un exercice juridiquement semé d’embûches. Nous les avons bien mesurées depuis le début de cet après-midi.
À l’article 14, nous allons aborder la question de la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires. L’article 15, quant à lui, porte sur la recherche qui a trait aux cellules souches pluripotentes induites.
Je voudrais m’excuser par avance de l’aspect peut-être un peu trop technique de mes commentaires sur les divers amendements en discussion : de fait, les sujets que nous abordons sont techniques. J’essaierai de vous expliquer le mieux possible, à chaque fois, de quoi nous parlons : il est vrai que, entre embryons, cellules souches embryonnaires et cellules souches pluripotentes induites, il y a parfois de quoi perdre son latin !
Il faudra aussi bien distinguer entre la recherche sur l’embryon destiné à être implanté en vue d’une gestation et celle qui porte sur un embryon surnuméraire, qui a été obtenu par fécondation in vitro dans le cadre d’un processus de PMA et qu’un couple qui n’a plus de projet parental a décidé de donner à la recherche.
Voilà quelques-uns des sujets que nous allons aborder au cours de la discussion qui s’ouvre.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la manipulation de l’embryon est un sujet fondamental et complexe, dans la mesure où l’on légifère sur le vivant et où il faut, par conséquent, éviter tout projet aventureux.
J’ai déposé un amendement de suppression de l’article 14, mais je tiens à être clair sur un point : naturellement, je ne m’oppose pas à la recherche. Je suis favorable à la formule qui sert d’intitulé au titre IV : « Soutenir une recherche libre et responsable au service de la santé humaine ». Je soutiens la recherche dès lors qu’elle sert l’homme.
Cependant, même si j’ai confiance dans le discernement éthique des chercheurs, je considère que le Parlement doit assurer sa mission de contrôle en encadrant ces recherches. J’ai donc déposé plusieurs amendements sur cet article. Celui-ci est en effet stratégique. Il opère une distinction entre les cellules souches embryonnaires et les embryons, et prévoit de remplacer l’autorisation de recherche aujourd’hui requise par une simple déclaration du chercheur.
Une fois de plus, on assouplit la législation. Je rappellerai les étapes précédentes de ce mouvement. En 1994, la loi a semblé interdire toute recherche. En 2004, elle a ouvert une dérogation temporaire. En 2011, cette dérogation a été pérennisée et la recherche a été ensuite autorisée, sous conditions. En 2016, on a ouvert une dérogation dans la dérogation afin de faciliter la recherche visant à améliorer la PMA. Aujourd’hui, on supprime toutes les conditions. Quelle est la prochaine étape ?
À chaque nouvelle loi de bioéthique, on nous invite à assouplir la législation pour libérer la recherche. Aujourd’hui, le monde scientifique reconnaît pourtant que la recherche sur l’embryon n’a pas franchi le stade clinique. N’est-ce pas le constat d’un échec ? Quel est le bilan de ces recherches ? Pourquoi ne pas privilégier les cellules pluripotentes induites, qui sont, selon l’Académie nationale de médecine, l’Agence de la biomédecine et l’Inserm, tout aussi efficaces que les cellules souches embryonnaires humaines ?
Nous ne nous demandons pas si l’on peut conduire ces recherches ; nous nous interrogeons simplement sur un tel assouplissement de la législation. Pourquoi passer d’un régime d’autorisation à un régime déclaratif ? Pourquoi abaisser ainsi nos exigences éthiques ?
S’il est indéniable qu’une cellule souche embryonnaire n’est pas un embryon humain en soi, le législateur ne peut oublier qu’elle en émane et que son prélèvement en provoque la destruction.
Le présent article soulève de nombreuses questions, qui sont d’ordre non pas scientifique, mais sociétal. La France veut-elle produire des enfants génétiquement modifiés ? La levée de l’interdit de créer des embryons transgéniques permettra la création en laboratoire d’embryons humains génétiquement modifiés.
La responsabilité des politiques est grande, d’autant qu’il n’y a eu aucun débat digne de ce nom sur la fécondation in vitro à trois parents ou le ciseau moléculaire.
Le Gouvernement essaie de nous rassurer en posant un interdit sur le transfert à des fins de gestation d’embryons génétiquement modifiés, mais l’expérimentation en laboratoire a-t-elle une autre finalité que d’aboutir, à terme, à une expérimentation clinique ?
Il est donc de notre responsabilité de dénoncer toutes les menaces qui pèsent déjà aujourd’hui sur les êtres humains et qui pèseront demain sur les générations futures. Je me demande si l’article 14 protège vraiment l’humain.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Mme Hélène Conway-Mouret remplace M. David Assouline au fauteuil de la présidence.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons entamé l’examen du titre IV : « Soutenir une recherche libre et responsable au service de la santé humaine ».
Avant d’entrer dans le détail, je tenais à exprimer un point de vue plus général sur cette division du projet de loi. Nous allons discuter de plusieurs articles qui assouplissent, de manière parfois problématique, les possibilités de recherche sur les embryons, les cellules souches et le génome.
Ce projet de loi déploie un arsenal juridique considérable pour favoriser la recherche afin de lutter contre l’infertilité. Ce problème, de plus en plus prégnant dans nos sociétés modernes, concerne près d’un couple sur huit dans notre pays.
Il est dès lors dommageable que rien, ou presque, dans ce texte n’ait trait à la recherche sur les causes de l’infertilité ou de certaines malformations fœtales. Les députés se sont timidement emparés du sujet, mais l’on reste loin du compte !
Pourtant, si les causes environnementales de l’infertilité sont identifiées, elles ne sont pas parfaitement comprises. Je pense tout particulièrement aux perturbateurs endocriniens, aux ondes électromagnétiques et aux pesticides, toutes choses dont on connaît ou suspecte les effets : baisse de la fertilité du sperme, endométriose, bébés sans bras, et j’en passe !
Ainsi, selon les données de l’Inserm, pour 25 % des couples qui consultent, la science n’est pas en mesure de déceler les causes de l’infertilité. Un couple sur quatre qui ne peut pas avoir d’enfant ne saura pas pourquoi !
Alors que nous dépensons un temps et un argent considérable à la recherche visant à soigner ou à pallier l’infertilité, il faudrait orienter une partie de cet effort vers la recherche sur ses causes.
Un esprit méfiant verrait une explication simple à ce choix unidimensionnel du Gouvernement : prévenir les problèmes de santé est bien moins lucratif pour les laboratoires pharmaceutiques que les soigner. Pour ma part, j’y vois une nouvelle preuve de l’incapacité de l’humanité à accepter les conséquences délétères de son mode de vie sur notre environnement et sur notre propre santé.
Comme pour le réchauffement climatique, nous préférons fuir en avant : on dépense une énergie considérable à chercher des palliatifs, plutôt que d’agir pour tenter de corriger les problèmes à la source.
Ainsi, de la même manière que l’on invente des bateaux pour nettoyer le plastique des océans ou que l’on cherche un moyen de stocker le carbone, on tente de corriger, à grand renfort de manipulations génétiques, les causes de l’infertilité, alors qu’il conviendrait en premier lieu de cesser de produire du plastique jetable, de diminuer les émissions de carbone et de se débarrasser des perturbateurs endocriniens et autres pesticides.
C’est pourquoi nous défendrons un amendement relatif, notamment, à la recherche sur les perturbateurs endocriniens.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 55 rectifié est présenté par MM. Reichardt et Danesi, Mme Eustache-Brinio, MM. Kennel, de Legge et Morisset, Mmes Troendlé et Sittler, M. L. Hervé, Mme Férat, M. Mayet, Mme Noël et MM. Duplomb, Retailleau et H. Leroy.
L’amendement n° 90 rectifié quater est présenté par MM. Chevrollier et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Meurant, Rapin, Cambon, Chaize, Bignon, Mandelli, Segouin et Hugonet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.
En substituant un régime de déclaration à un régime d’autorisation, cet article crée, pour les cellules souches embryonnaires humaines, un régime distinct de celui qui s’applique en cas de recherches sur l’embryon humain.
À mon sens, différencier les protocoles de recherche applicables, d’une part, à l’embryon humain et, d’autre part, aux cellules souches embryonnaires humaines revient à banaliser la recherche sur les lignées de cellules souches embryonnaires.
Compte tenu des enjeux de ce type de recherche et, notamment, de l’industrialisation des cellules souches embryonnaires, il est nécessaire que l’Agence de la biomédecine, garante des principes éthiques des activités médicales et de recherche, instruise en amont les protocoles de recherche portant sur les cellules souches embryonnaires humaines et autorise expressément leur mise en œuvre.
Dès lors, par le biais du présent amendement, nous entendons supprimer l’article 14, qui vise à faciliter la recherche sur ces cellules souches embryonnaires en supprimant le régime d’autorisation sous conditions.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour présenter l’amendement n° 90 rectifié quater.
En complément des propos de mon collègue, je ferai simplement remarquer que chercher ainsi à mettre à part l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires revient à masquer ce que sont en réalité ces cellules, à savoir l’être même de l’embryon. Il n’y a pas d’embryon sans ces cellules souches, et réciproquement.
La croissance, voire l’industrialisation de la production de ces cellules souches embryonnaires est l’un des enjeux du business de l’industrie pharmaceutique. Rendre ainsi disponibles ces cellules peut susciter un risque majeur d’industrialisation de l’humain.
Au regard de l’atteinte portée à l’embryon humain et des enjeux de ce type de recherche, il est nécessaire que l’Agence de la biomédecine, garante du cadre légal et des principes éthiques, mène en amont une instruction sur les protocoles de recherche.
En somme, nous proposons au travers de cet amendement le maintien du droit actuel.
La suppression de l’article 14 du projet de loi empêcherait certaines adaptations du cadre juridique des recherches sur l’embryon, adaptations rendues nécessaires par l’évolution des connaissances et des techniques, ne serait-ce que pour instituer un délai limite de culture in vitro des embryons surnuméraires, délai qui n’existe pas aujourd’hui.
Par ailleurs, cette suppression reviendrait sur la mise en place d’un régime de déclaration préalable des recherches sur les cellules souches embryonnaires, en lieu et place de l’actuel régime d’autorisation.
Or si le projet de loi procède à une différenciation des régimes juridiques applicables aux recherches sur l’embryon et à celles qui portent sur les cellules souches embryonnaires, c’est précisément pour acter la différence de nature entre l’embryon et les cellules souches qui en sont issues.
Une fois dérivées d’un embryon, les cellules souches n’ont pas la capacité d’en former spontanément un nouveau. Elles n’ont en rien le caractère symbolique de la personne potentielle qu’on attribue à l’embryon, comme l’a rappelé le Comité consultatif national d’éthique.
De plus, une fois qu’elles sont constituées, les lignées de cellules souches embryonnaires n’impliquent plus la destruction d’un embryon.
Dans ces conditions, le maintien d’un régime d’autorisation analogue à celui qui est applicable aux recherches sur l’embryon ne se justifie plus, éthiquement, pour les recherches qui portent sur les cellules souches embryonnaires.
Par ailleurs, je tiens à répondre à une inquiétude exprimée par les auteurs de l’amendement n° 90 rectifié quater : il convient de préciser que toute dérivation d’une lignée de cellules souches à partir d’un embryon suppose l’établissement d’un protocole de recherche sur l’embryon, qui restera soumis à autorisation préalable, dans la mesure où cela implique la destruction de l’embryon.
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.
Nous avons souhaité établir deux régimes différents.
De fait, les lignées de cellules souches embryonnaires sont dérivées depuis plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années. Les laboratoires qui travaillent sur ces lignées établies, dans leur très grande majorité, n’ont jamais eu accès à un embryon humain pour produire ces lignées.
Il me paraît donc important de bien réaffirmer que ce n’est pas parce que les cellules souches embryonnaires sont potentiellement capables de reconstituer n’importe quelle partie d’un embryon qu’elles constituent un embryon en tant que tel. Il est donc très important de pouvoir distinguer ces régimes, en conservant un régime d’autorisation très strict pour l’embryon, tout en instaurant un régime de déclaration pour les cellules souches.
Précisons que l’Agence de la biomédecine aura toujours la possibilité de refuser le protocole : le fait qu’il s’agisse d’une déclaration n’implique pas qu’aucun contrôle ne sera effectué ; simplement, le processus sera simplifié.
Là encore, le rôle des chercheurs, que ce soit en France ou dans le reste du monde, est avant tout de produire de la connaissance. En aucun cas ils ne le font de manière désinvolte, surtout quand il s’agit de recherche sur les embryons.
On compte actuellement 19 000 embryons, dont, en l’absence de projet parental, on a proposé qu’ils soient utilisés pour la recherche dans des délais raisonnables. À ce propos, j’ai peine à écouter sans réagir ceux qui affirment que la recherche sur l’embryon n’a rien apporté : je pourrais en débattre pendant des heures ! Au total, quelque 3 400 autorisations d’utilisation d’embryons à des fins de recherche ont été accordées par l’Agence de la biomédecine : vous le voyez, on est bien loin d’une utilisation totalement irraisonnée de ces embryons.
Les chercheurs utilisent de manière raisonnée les outils qui sont à leur disposition. Ils demandent une telle autorisation seulement quand aucun autre choix n’est possible. Chaque fois qu’il a fallu le démontrer, cela a été fait. Parfois, recevoir cette autorisation a requis plusieurs mois, parce que l’on essayait de bloquer les recherches sur l’embryon humain, mais les chercheurs ont toujours pu démontrer in fine que ces recherches ne pouvaient pas se faire sur un autre matériel.
L’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques est donc défavorable.
J’estime que ce texte pose des bornes correctes. La constitution d’embryons à partir de cellules souches est de toute façon inacceptable aux termes de la convention d’Oviedo. Il est ici question d’embryons qui ne relèvent plus d’un projet parental, et de recherche dont les fins sont purement médicales.
On voit bien que ces recherches génétiques peuvent avoir des débouchés intéressants et permettre de sauver nos enfants. Quand nous avons visité le Genopole, structure que je connais particulièrement, nous avons bien vu à qui nous avions affaire. Les chercheurs qui y travaillent ont bien les deux pieds sur terre ! Leur vocation est bien d’aller trouver une innovation médicale qui soit acceptable par la société. Ce n’est pas pour eux-mêmes qu’ils cherchent, mais dans l’intérêt général.
On sait bien qu’il y aura encore des pas à franchir. L’intérêt de ces recherches est notamment les progrès qu’elles permettent en matière de médecine prédictive. La prévention ne suffit pas : demain, il faudra acquérir, à travers la recherche génétique et les thérapies géniques, la possibilité de prédire un certain nombre de pathologies. Aujourd’hui, on ne sait pas encore le faire ; y parvenir nécessite encore de nombreuses années d’effort et, notamment, des recherches portant sur les cellules embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites.
Notre rôle est surtout d’offrir un cadre à ces recherches. J’ai pour ma part confiance dans la réflexion qui a été menée.
Or le cadrage est évolutif. C’est le principe d’une loi de bioéthique : la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. Il faut anticiper, afin que la vérité de demain soit adaptée à notre société et qu’il n’y ait pas de dérives.
C’est pourquoi j’estime que l’encadrement proposé est correct ; je soutiendrai donc la position de la commission spéciale au sujet de ces recherches.
Je soutiendrai moi aussi la position de la commission spéciale.
Je voudrais rappeler le cadre proposé dans ce projet de loi : il s’agit d’établir une différence entre la recherche effectuée sur l’embryon et celle qui porte sur les cellules souches. Celles-ci, tirées de l’embryon, peuvent, du fait de leur caractère pluripotent, former n’importe quel tissu du corps humain et recevoir par conséquent de très vastes applications, par exemple après un infarctus.
Les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh), quant à elles, après avoir été extraites de l’embryon originel et cultivées, sont incapables de former un nouvel embryon et, donc, un être humain potentiel.
Il est important que l’article 14 maintienne le régime d’autorisation des recherches sur l’embryon, en conservant certains principes éthiques, comme l’interdiction de la constitution d’embryons humains par clonage, l’interdiction de l’adjonction de cellules d’une autre espèce dans un embryon humain, l’interdiction de l’utilisation d’embryons à des fins commerciales, ou encore l’interdiction de constituer par clonage un embryon humain à des fins thérapeutiques.
L’introduction d’un régime de déclaration préalable pour faciliter les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, même si un contrôle subsiste, me paraît tout à fait licite. Ce régime est aussi sécurisé sur le plan juridique que le celui qui s’applique aux recherches sur l’embryon. Il permettra des avancées dans la compréhension du développement embryonnaire dans le respect des principes éthiques.
Il est très important de connaître la façon dont les cellules souches embryonnaires humaines se développent à partir de l’embryon avant de devenir des organes différenciés.
Je soutiens par conséquent la position de la commission spéciale.
En fin de compte, on sait très peu de choses sur l’embryon. L’épigénétique, qui se développe à grande vitesse, nous enseigne que les gènes ne s’expriment pas nécessairement, contrairement à ce que l’on croyait il y a dix ou vingt ans. En réalité, ils peuvent s’exprimer, ou non, en fonction de paramètres environnementaux, au sens large.
Aujourd’hui, on découvre que ce qui se passe pendant la vie embryonnaire est essentiel à cet égard. Un certain nombre de pathologies survenant à l’âge adulte – je pense aux recherches sur l’infarctus du myocarde et sur certaines maladies neurologiques, comme la maladie de Parkinson ou la chorée de Huntington – trouvent potentiellement leur origine dans cette phase embryonnaire. C’est pourquoi il est très important de poursuivre les recherches dans ce domaine.
Il est également très important de continuer ces recherches dans le cadre de la PMA, car le taux d’échec en matière de FIV est très élevé, ce qui résulte d’une problématique multifactorielle.
Je dis cela évidemment en ayant un immense respect pour ce qui constitue, de fait, du matériel humain, des cellules humaines : nous devons fixer un ensemble de garanties qu’il est hors de question d’abandonner. Ce dont il est question dans le texte qui nous est proposé par le Gouvernement, texte qui a été affiné et même amélioré, à mon sens, par la commission spéciale, c’est de maintenir l’ensemble de ces garanties et de ne rien céder. Cet objectif nous réunit.
Il faut prendre conscience de la chance immense qui s’offre à nous grâce à des embryons qui, évidemment, ne peuvent toujours pas être créés pour la recherche, modifiés ou transplantés. Toutes les garanties sont maintenues : il faut donc très clairement continuer à développer ce domaine de la recherche, qui est prometteur pour notre santé.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 55 rectifié et 90 rectifié quater.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 75, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les recherches sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires humaines sont suspendues pour un an, le temps que l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques dresse un bilan de quinze ans de recherche sur l’embryon humain et ses cellules souches en France, en les comparant aux résultats annoncés depuis quinze ans.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Cet amendement a pour objet de suspendre les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
En effet, chaque fois que la loi modifie le régime s’appliquant aux recherches sur les embryons humains et les cellules souches embryonnaires humaines, certains chercheurs annoncent des résultats spectaculaires et à portée de main. Ces déclarations ont poussé le Parlement à consentir des dérogations, puis à autoriser les recherches sur l’embryon et les cellules souches.
En 2011, on nous disait que les cellules souches embryonnaires humaines permettraient de créer des pansements provisoires pour les grands brûlés. En 2013, on nous disait que l’on était sur le point de guérir les patients… Les mêmes arguments ont été avancés pour élaborer le présent texte. Ces annonces ont toujours émergé au moment des débats législatifs, sans qu’aucune suite ait été donnée à ces résultats.
Aujourd’hui, peut-on guérir des grands brûlés grâce aux cellules souches embryonnaires humaines ? La réponse est non. Les avancées dans le domaine des thérapies pour traiter certaines myopathies nécessitent-elles des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines ? Il n’y a aucune thérapie effective en la matière. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Quel bilan peut-on dresser de ces dérogations et autorisations ?
Avant d’aller plus loin, mes chers collègues, je vous propose d’écouter la voix de la sagesse, en laissant à une autorité compétente, en l’occurrence l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), le soin d’établir un premier état des lieux. Tel est le sens de cet amendement.
L’amendement, tel qu’il est rédigé, tend à réécrire intégralement l’article 14, pour le cantonner à une disposition suspendant, pour une période d’un an, les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines dans l’attente d’une évaluation de ces recherches par l’Opecst.
Or la loi charge déjà l’Agence de la biomédecine d’évaluer, dans son rapport annuel d’activité, l’état d’avancement des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, en incluant un comparatif avec les recherches concernant les cellules souches adultes, les cellules pluripotentes induites et les cellules issues du sang de cordon, du cordon ombilical et du placenta, ainsi qu’un comparatif avec la recherche internationale.
Réécrire totalement l’article reviendrait à supprimer les dispositions qui y figurent actuellement. La commission spéciale est donc défavorable à l’amendement.
Je précise tout d’abord que, entre le moment où l’on entame des recherches et celui où l’on aboutit à un médicament, il y a évidemment, et fort heureusement, un certain nombre d’étapes, qui sont essentielles et qui permettent de garantir la sécurité du médicament. J’évoque ici des phases qui sont très en aval de la recherche.
Pour vous répondre, monsieur le sénateur, je citerai un premier essai clinique complété sur le traitement de l’insuffisance cardiaque, un essai clinique sur le traitement de la rétinite pigmentaire, qui vient de commencer, ainsi que deux projets conduisant au développement de produits de thérapie cellulaire, qui sont en train d’être déposés pour un essai clinique, notamment ce qui concerne les ulcères de la peau liés à la drépanocytose ou le traitement des maladies métaboliques du foie.
Je mentionnerai également deux projets, qui ont permis d’identifier des molécules utilisées dans des essais cliniques sur des patients atteints d’une forme génétique d’autisme et de la myotonie de Steinert, qui est une maladie génétique orpheline.
Enfin, j’évoquerai deux projets qui visent à élucider les mécanismes permettant de comprendre la pluripotence et à découvrir si, de la même façon que nous avons maintenant des cellules souches pluripotentes induites, nous pourrions avoir d’autres cellules pluripotentes ayant des origines diverses.
Je le répète, entre le moment des recherches en laboratoire et le moment où l’on aboutit à un médicament, il y a fort heureusement le temps des différents essais cliniques. Avant ces essais cliniques, des essais sont aussi menés en laboratoire de manière à assurer la sécurité des essais cliniques eux-mêmes. Bref, pour les médicaments qui arrivent sur le marché humain, la phase de développement dure toujours entre dix et quinze ans au minimum.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 129 rectifié bis, présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz et Morisset, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ, Cuypers et Mayet, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mme Ramond et MM. Regnard, Longuet, Leleux, H. Leroy, Meurant et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Dominique de Legge.
J’ai un léger souci avec la rédaction de l’alinéa 2, qui dispose que les recherches menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation « peuvent être réalisées sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon conçu in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation ». En effet, à l’alinéa 19 du même article, on lit exactement le contraire : « Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite, en application du présent article, ne peuvent être transférés à des fins de gestation. »
Mon amendement a pour objet de tenter de mettre en cohérence l’alinéa 2 avec l’alinéa 19 de cet article.
L’amendement n° 71 rectifié quater, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Panunzi, Vial, Chaize, Meurant, H. Leroy, Segouin et Mayet, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ces recherches ne peuvent porter atteinte à l’embryon humain, elles sont menées au bénéfice de celui-ci.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Cet amendement vise à encadrer plus strictement les recherches dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation (AMP).
Ce régime de recherches biomédicales était censé réhabiliter le régime d’études sur l’embryon qui avait été supprimé par la loi du 6 août 2013. Cependant, à l’époque, le régime d’études sur l’embryon disposait de deux réelles garanties : celle que l’étude ne puisse pas porter atteinte à l’embryon et celle qu’elle soit menée à son bénéfice.
Le régime de recherches biomédicales en matière d’AMP, qui date de 2013, ne prévoit pas de telles garanties. C’est étonnant, car il oblige le transfert de l’embryon à des fins de gestation. De telles garanties permettraient de responsabiliser les professionnels et de poser des limites, afin d’éviter que des embryons humains ne soient utilisés comme cobayes durant les essais menés dans le cadre de ces recherches.
L’amendement n° 130 rectifié bis, présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz et Morisset, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Mayet, Piednoir et Mandelli, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mme Ramond et MM. Regnard, Leleux, H. Leroy, Meurant et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ces recherches ne peuvent porter atteinte à l’embryon humain.
La parole est à M. Dominique de Legge.
Cet amendement est dans la même veine, si j’ose dire, que celui que vient de présenter notre collègue Guillaume Chevrollier.
Au travers de cet amendement, nous espérons un apaisement. Le fait que des recherches puissent être menées uniquement pour la recherche suscite l’inquiétude de nombre d’entre nous. On en voit certes l’intérêt, mais il nous semble que l’embryon doit être respecté – on a employé tout à l’heure un mot que je n’aime guère, celui de « matériau humain »…
La précision que tend à introduire cet amendement consiste à rappeler la finalité de la recherche. Elle nous paraîtrait bienvenue, car elle serait de nature à apaiser, en partie tout au moins, toutes celles et tous ceux qui craignent que nous ne nous orientions vers des recherches pouvant déboucher sur une certaine forme d’eugénisme.
L’amendement n° 72 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Meurant, H. Leroy, Chaize et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces recherches relèvent de la catégorie des recherches définies au 3° de l’article L. 1121-1.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Le Conseil constitutionnel, dans la décision qu’il a rendue sur la loi du 26 janvier 2016, distingue les recherches « interventionnelles » des recherches « observationnelles » dans le cadre de l’AMP, et valide uniquement ces dernières.
Or le décret d’application du 4 mars 2016 étend les recherches aux recherches interventionnelles.
Seules les recherches observationnelles dénuées de risques sont envisageables et éviteront la manipulation génétique des gamètes ou des embryons. Tel est le sens de cet amendement de précision.
L’amendement n° 187, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La création de gamètes à partir de cellules souches embryonnaires ou à partir de la dérivation de cellules somatiques est interdite.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
À partir de cellules souches embryonnaires de la dérivation de cellules somatiques iPS, il serait possible de fabriquer de manière artificielle, in vitro, des gamètes.
L’exposé des motifs du présent projet de loi précise pourtant que « la recherche sur ces cellules [n’est] pas exempte d’interrogations éthiques lorsqu’il s’agit, par exemple, d’envisager de les différentier en gamètes ».
De plus, selon l’article 16-4 du code civil, « nul ne peut porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine », et l’article 16-2 du même code rappelle que « le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher […] les agissements illicites portant sur des éléments ou des produits » du corps humain.
Or les gamètes sont des cellules particulières, obtenues après un long processus dans les gonades, favorisant la réalisation, à partir de cellules précurseurs, du phénomène de méiose, qui permet un brassage génétique favorable à l’espèce humaine, ainsi que le passage de quarante-six à vingt-trois chromosomes.
Il convient donc de rappeler l’interdiction d’un processus intégrant une maturation et une méiose artificielles aboutissant à la création artificielle de gamètes.
L’amendement n° 73 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Regnard, Mme Deroche et MM. Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Panunzi, Chaize, Meurant, H. Leroy, Bonhomme et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Une mission d’information est mise en place pour faire un état des lieux des recherches menées depuis 2016 en application du V de l’article L. 2151-5. Les recherches biomédicales menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation sont, le temps de cette mission d’information, suspendues pour une durée de trois ans à compter de la loi n° … du … relative à la bioéthique.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Le présent amendement a pour objet de créer une mission d’information faisant un état des lieux des recherches dans le cadre de l’AMP.
En effet, les recherches biomédicales pour la procréation médicalement assistée sont autorisées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), seulement pour celles qui ont un caractère interventionnel à risque.
Ces autorisations ne sont pas publiées au Journal officiel. Il s’agit aujourd’hui de recherches dont on ne sait rien : on ne connaît ni la nature des travaux qui ont pu être menés depuis trois ans, ni leur finalité, ni, enfin, le résultat obtenu.
La manipulation des gènes peut constituer un vrai danger, dans la mesure où les modifications génétiques peuvent avoir des répercussions sur plusieurs générations. S’agissant du travail mené sur l’embryon, les chercheurs n’ont aucune visibilité.
Au regard des enjeux liés à ces recherches, qui pourraient conduire, dans quelques années, à la naissance de bébés génétiquement modifiés, il me semble plus que légitime de mettre en place une mission d’information, qui permettra de faire le bilan des travaux menés sur les gamètes ou les embryons depuis trois ans, et de savoir s’ils ont été implantés.
Après tout, c’est la mission du Parlement que d’assurer ce contrôle.
L’incohérence que tend à supprimer l’amendement n° 129 rectifié bis n’en est pas une. En effet, l’alinéa 2 se rapporte à l’article L. 2141-3-1 du code de la santé publique, alors que l’alinéa 19 vise l’article L. 2151-5 du même code. D’ailleurs, pour éviter toute impression d’incohérence, la commission spéciale avait pris soin de préciser à l’alinéa 19 que celui-ci concernait des recherches conduites « en application du présent article ».
Dans le cadre de l’alinéa 2, les recherches cliniques menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation sont destinées à améliorer l’efficacité des procédures. Ce type de recherche a notamment pour objet d’améliorer l’état de fécondation des ovocytes par les spermatozoïdes, d’améliorer la maturation de l’embryon in vitro avant transfert, ou de faciliter son implantation dans l’utérus.
L’alinéa 19, quant à lui, porte sur des recherches réalisées à partir d’embryons surnuméraires : nous sommes certes dans le cadre d’un processus d’assistance médicale à la procréation avec une fécondation in vitro et la création d’embryons, mais il n’y a plus de projet parental.
Le couple, dans cette situation, a trois possibilités : soit il donne ses embryons, pour qu’ils soient accueillis par un autre couple – cela arrive, mais c’est peu fréquent –, soit il fait le choix de les détruire, soit il décide de donner ces embryons surnuméraires à la recherche. L’alinéa 19 traite de ces embryons surnuméraires.
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
S’agissant de l’amendement n° 71 rectifié quater, les recherches menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation ne sont autorisées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé que si les conditions sont réunies pour préserver la sécurité et l’intégrité, tant de l’embryon que de la femme.
De fait, tout risque pour l’embryon ne peut, dans l’absolu, être écarté dans le cadre d’un essai clinique, comme c’est le cas pour tout autre essai clinique interventionnel, notamment lorsque l’essai consiste à expérimenter un milieu de préparation de cultures destinées à favoriser la maturation et l’implantation de l’embryon.
Dans ce cas, la recherche sera assortie de toutes les garanties qui s’attachent aux recherches biomédicales et ne sera entreprise qu’avec l’autorisation expresse de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Celle-ci se prononcera notamment au regard du caractère satisfaisant de l’évaluation des bénéfices et des risques attendus.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur l’amendement.
L’amendement n° 130 rectifié bis a le même objet que l’amendement n° 71 rectifié quater. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission spéciale est donc également défavorable à cette proposition.
En ce qui concerne l’amendement n° 72 rectifié ter, il faut savoir que les recherches menées sur l’embryon dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation sont nécessairement considérées comme des recherches interventionnelles, et ce pour deux raisons.
Premièrement, elles impliquent un transfert dans l’utérus de la femme et comportent, donc, à tout le moins, une intervention sur cette dernière.
Par ailleurs, plusieurs recherches autorisées dans ce cadre par l’ANSM ont pu impliquer des interventions sur l’embryon par l’expérimentation de milieux de culture favorisant une meilleure maturation ou une meilleure implantation, mais également des interventions sur la femme au travers de stimulations ovariennes ou hormonales.
Deuxièmement, les recherches non interventionnelles ne font pas l’objet d’une autorisation expresse de l’ANSM. Elles ne sont soumises qu’à un avis conforme d’un comité de protection des personnes (CPP) ou, pour certaines recherches, à une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). L’assimilation des recherches menées sur l’embryon dans le cadre de l’AMP à des recherches non interventionnelles serait donc moins protectrice pour l’embryon concerné.
En outre, l’article 14 du projet de loi précise déjà – c’est important – qu’aucune intervention de nature à modifier le génome des gamètes ou de l’embryon n’est possible dans le cadre de ce type de recherche.
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale demande à son auteur de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
L’amendement n° 187 tend à inscrire l’interdiction de la différenciation de cellules souches embryonnaires ou pluripotentes induites en gamètes dans les dispositions relatives aux recherches menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation.
Or ces recherches ne peuvent en aucun cas donner lieu à ce type d’expérimentation : elles portent uniquement sur des gamètes issus de donneurs tiers ou du couple candidat à l’AMP, ou sur l’embryon constitué dans ce cadre. Ces gamètes ou embryons ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une manipulation génétique, comme, par exemple, une différenciation, ce que l’alinéa 2 précise clairement.
Enfin, je le redis, aucune intervention ayant pour objet de modifier le génome des gamètes ou de l’embryon ne peut être entreprise : la commission spéciale est défavorable à l’amendement.
S’agissant de l’amendement n° 73 rectifié ter, on ne sait pas si la demande concerne la mise en place d’une mission d’information parlementaire ou d’une mission gouvernementale.
S’il est envisagé de créer une mission d’information parlementaire, cela a évidemment trait à l’organisation des travaux d’une assemblée parlementaire ; cela ne relève donc pas du domaine de la loi.
S’il s’agit de mettre en place une mission gouvernementale, qui se conclurait par la remise d’un rapport, le rapport annuel d’activité de l’ANSM semble plus pertinent pour dresser le bilan des recherches menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation. Une audition de l’ANSM sur l’initiative de la commission des affaires sociales du Sénat serait probablement un meilleur moyen de mettre un coup de projecteur sur un tel bilan.
Au reste, les résultats des essais cliniques autorisés par l’ANSM et conduits dans le cadre d’une procédure d’assistance médicale à la procréation sont ou seront disponibles en fonction de l’état d’avancement de la recherche sur le site clinicaltrials.gov.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission spéciale demande à son auteur de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Tout d’abord, je souhaite remercier Mme la rapporteure, qui a très bien exposé les raisons pour lesquelles le Gouvernement est également défavorable à l’ensemble de ces amendements.
J’évoquerai plus particulièrement deux points.
Tout d’abord, il ne faut absolument pas confondre la recherche menée sur des embryons, pour lesquels il n’y a plus de projet parental et qui ont vocation à être détruits, de la recherche menée dans le cadre d’une procréation médicalement assistée, qui est un acte médical ayant pour objet de favoriser la grossesse. Cette distinction est très claire dans la loi, et ces dispositions ne figurent pas du tout aux mêmes alinéas.
S’agissant de l’amendement n° 187, il est très important que nous puissions travailler en parallèle sur les questions d’infertilité.
Or une grande partie des cas d’infertilité est justement liée à la différenciation des gamètes. Il est donc primordial que nous disposions de modèles cellulaires n’impliquant pas de modèles animaux, car ils nous permettront de mieux comprendre la différenciation des gamètes et, donc, potentiellement, de trouver des solutions aux problèmes d’infertilité.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Madame la rapporteure, je n’ai pas vraiment été convaincu par vos explications sur l’amendement n° 129 rectifié bis. Un embryon est un embryon, indépendamment du statut ou du projet parental. C’est pourquoi je maintiendrai cet amendement.
Ensuite, très franchement, je regrette que vous ne soyez pas favorable à l’amendement n° 130 rectifié bis, dans la mesure où son dispositif figurait déjà dans la loi de 2011. Aujourd’hui, vous assumez le choix de retirer ces dispositions, ou de ne pas les rétablir : c’est une indication lourde de conséquences, je tenais à le souligner.
En ce qui concerne l’amendement n° 71 rectifié quater, Mme le ministre et Mme la rapporteure indiquent que toutes les garanties sont apportées. Certes, mais le sont-elles vraiment sur l’embryon humain lors des essais cliniques ?
J’ai déposé cet amendement, non pour étouffer la recherche, mais pour fixer un cadre, afin que les chercheurs soient plus libres, mieux protégés, et qu’ils connaissent les limites de leurs interventions.
S’agissant de l’amendement n° 72 rectifié ter, la loi en vigueur rend effectivement possibles les recherches interventionnelles et observationnelles sur l’embryon. Mon amendement vise justement à ne permettre que les recherches observationnelles, qui sont dénuées de risques, donc à interdire les recherches interventionnelles qui, elles, sont à risque. Il faut fixer des limites : le régime que je propose est plus protecteur pour l’embryon humain.
Enfin, pour ce qui est de l’amendement n° 73 rectifié ter, je suis tout à fait ouvert à ce que la mission d’information soit mise en place sur l’initiative du Gouvernement et que le Parlement joue son rôle en matière de contrôle. En effet, je considère que ce que la science veut n’est pas forcément souhaitable pour l’homme. C’est au politique d’encadrer et de suivre de telles évolutions.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 298, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Les recherches conduites dans le cadre de la prise en charge médicale de personnes ayant recours à une assistance médicale à la procréation sont des essais cliniques et relèvent du régime des recherches impliquant la personne. C’est le droit en vigueur, et il n’est pas modifié par le présent projet de loi.
Ces recherches peuvent être proposées aux personnes souhaitant accéder à une AMP.
C’est pourquoi les termes « recherche impliquant la personne », que l’amendement du Gouvernement vise à rétablir, demeurent les plus appropriés. Ces personnes doivent consentir à leur inclusion dans un protocole de recherche et bénéficient du régime protecteur de la recherche impliquant la personne humaine (RIPH) : avis du comité de protection des personnes, assurance, vigilance, etc.
Supprimer une telle mention pourrait créer une ambiguïté dans le code de la santé publique.
La commission spéciale a souhaité mettre un terme à toute confusion, pour une recherche dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation, sur le statut du gamète ou de l’embryon concerné qui, au stade de la recherche, n’ont pas le statut de personne humaine.
L’article L. 1125-3 du code de la santé publique modifié figure dans un chapitre intitulé « Dispositions particulières à certaines recherches », au sein du titre spécifiquement consacré aux « Recherches impliquant la personne ». Je suis d’accord avec vous sur ce point, madame la ministre.
Cependant, la modification apportée par la commission spéciale ne change rien au fait que les recherches conduites dans le cadre d’une AMP sont bien soumises aux règles applicables aux recherches impliquant la personne et impliquant une autorisation de l’ANSM et un CPP.
La commission spéciale émet donc défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 74 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, H. Leroy, Meurant, Bonhomme et Segouin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ces autorisations font l’objet d’une publication au Journal officiel. »
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Cet amendement vise à prévoir la publication au Journal officiel des autorisations de l’ANSM pour les recherches dans le cadre d’une PMA.
Depuis 2016, c’est le directeur de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé qui est chargé d’autoriser les recherches biomédicales en PMA. Ces recherches, qui portent sur l’embryon humain, ne sont pas publiées au Journal officiel. C’est d’autant plus étonnant que les autorisations de recherche sur l’embryon qui sont, elles, délivrées par l’Agence de la biomédecine, sont publiées au Journal officiel.
Je vous rappelle que les recherches biomédicales menées dans le cadre d’une PMA portent sur l’embryon humain, au même titre que celles qui sont menées dans le cadre de la recherche sur l’embryon. Elles doivent être rendues publiques et être accessibles à tous. Ces recherches touchent à des enjeux très importants pour l’avenir de la société : les Français sont en droit de savoir ce qui se passe dans ce cadre.
Tous les protocoles de recherche autorisés par l’ANSM, dont ceux qui portent sur l’embryon dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation, sont déjà publiés sur le site de référence clinicaltrials.gov, qui est d’accès libre.
Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre des règlements européens relatifs aux essais cliniques, un portail européen sera bientôt mis en place pour regrouper toutes les informations et données relatives aux essais autorisés.
Pour ces raisons, l’avis de la commission spéciale est défavorable.
J’ai bien entendu Mme la rapporteure évoquer une communication par le biais d’un site officiel. Mais à moins d’être chercheur, on n’en est pas informé… En tout cas, moi, j’ai essayé de le trouver et je n’y suis pas parvenu !
Quant au portail européen, il est à venir. Je pense donc que, sur ces questions, une publication nationale au Journal officiel serait justifiée. Je maintiens donc cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 180, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Après le mot :
humain
insérer les mots :
ou sur les cellules souches embryonnaires
La parole est à M. Sébastien Meurant.
Il s’agit de réhabiliter la nécessité, pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires, de prouver, lors du dépôt du protocole par un chercheur, qu’il n’y a pas de solutions de rechange à l’utilisation de ces cellules.
Contrairement à ce que son objet indique, cet amendement va bien au-delà du rétablissement d’un critère d’absence de méthodologies alternatives pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires. Son adoption conduirait, en réalité, à restaurer un régime d’autorisation préalable par l’Agence de la biomédecine pour la mise en œuvre des recherches sur ces mêmes cellules.
Or la principale novation du projet de loi en matière de recherche consiste à acter la différence de nature entre les recherches sur l’embryon et celles sur les cellules souches embryonnaires, qui ne soulèvent pas les mêmes questions éthiques.
En effet, une fois dérivées, les cellules souches embryonnaires n’impliquent plus la destruction de l’embryon et ne sont pas en capacité de former spontanément un nouvel embryon, comme nous l’observions précédemment. Un régime de déclaration préalable pour ces recherches, avec un pouvoir d’opposition que l’Agence de la biomédecine peut exercer dans un délai fixé par voie réglementaire, si elle constate la méconnaissance de certains prérequis et des principes éthiques fondamentaux, apparaît donc plus pertinent.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 179, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
ou à des cellules souches embryonnaires
La parole est à M. Sébastien Meurant.
Il s’agit de reprendre les dispositions de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique en vigueur, aux termes desquelles cette recherche n’est possible que si « en l’état des connaissances scientifiques, [elle] ne peut être menée sans recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires ».
Il s’agit en réalité d’un amendement de coordination avec le précédent, que nous venons de rejeter. J’émets donc un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 230, présenté par M. Jacques Bigot, Mme Blondin, M. Daudigny, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, MM. Vaugrenard, Kanner et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Alinéas 13, 27 et 39, seconde phrase
Remplacer les mots :
aux articles 16 à 16-8
par les mots :
à l’article 16-4
La parole est à M. Jacques Bigot.
Cet amendement a simplement pour objet d’éviter, par des précisions juridiques, la multiplicité de recours pouvant exister, notamment contre les futurs protocoles de recherche acceptés par l’Agence de la biomédecine. En effet, on le sait, certaines associations en introduisent facilement, et ces recours freinent souvent les recherches en France.
Les alinéas 13, 27 et 39 de l’article 14 du projet de loi font référence aux articles 16 à 16-8 du code civil, qui concernent la protection du corps humain.
C’est précisément autour de ces articles que le débat sur le statut de l’embryon s’est toujours articulé. Or il est désormais clair – cela a été dit à plusieurs reprises – que l’embryon ne bénéficie pas du système protecteur instauré par eux, surtout une fois qu’il n’est plus destiné qu’à la recherche.
Nous proposons donc, aux trois alinéas susmentionnés de l’article 14, de faire référence uniquement à l’article 16-4 du code civil qui, lui, n’évoque que l’espèce humaine et interdit, notamment, les pratiques eugéniques. Cet article, contrairement aux autres, peut concerner l’embryon.
Cet amendement tend donc à apporter une protection contre de possibles abus en matière de recours, tels que nous en avons déjà connus. Ces abus, je le rappelle, freinent la recherche.
Au considérant 10 de sa décision relative à la loi de 2013 ayant modifié le régime juridique des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines, le Conseil constitutionnel a rappelé que les principes éthiques applicables à ces recherches découlent des « principes fixés notamment aux articles L. 2151-1 et suivants du code de la santé publique, relatifs à la conception et à la conservation des embryons fécondés in vitro, et aux principes fixés notamment aux articles 16 et suivants du code civil et L. 1211-1 et suivants du code de la santé publique, relatifs au respect du corps humain ».
Les embryons surnuméraires et les cellules souches embryonnaires humaines sur lesquels des recherches peuvent être pratiquées doivent en effet avoir été produits dans un cadre respectueux de la dignité du corps humain, encadré, justement, par les articles 16 à 16-8 du code civil.
Ces articles impliquent non seulement l’interdiction des pratiques eugéniques et du clonage, figurant à l’article 16-4, mais également l’inviolabilité du corps humain – article 16-1 –, le consentement de la personne à toute intervention sur son corps et les éléments qui en sont issus – article 16-3 – et l’impossibilité pour ces éléments de faire l’objet d’un droit patrimonial – article 16-1.
Comme il est nécessaire de conserver la référence à l’ensemble des principes éthiques inscrits dans le code civil, l’avis de la commission spéciale est défavorable.
L’amendement n° 230 est retiré.
L’amendement n° 132 rectifié bis, présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz, Morisset et Brisson, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ, Cuypers, Mayet, Piednoir et Mandelli, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mme Ramond, MM. Regnard, Longuet, Pointereau, Leleux et H. Leroy, Mme Micouleau et MM. Meurant et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
« II. – Une recherche ne peut être menée qu’à partir d’embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l’objet d’un projet parental. Que l’embryon, ou les cellules souches qui en sont dérivées, proviennent de l’étranger ou de France, la recherche ne peut être effectuée qu’avec le consentement écrit préalable du couple, par ailleurs dûment informé des possibilités d’accueil des embryons par un autre couple ou d’arrêt de leur conservation.
« Dans le cas où le couple ou le membre survivant du couple consent à ce que ses embryons surnuméraires fassent l’objet de recherches, il est informé de la nature des recherches projetées afin de lui permettre de donner un consentement libre et éclairé.
« Le consentement écrit et préalable du couple dont les embryons sont issus, ou du membre survivant de ce couple, est joint au protocole de recherche.
« À l’exception des situations mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 2131-4 et au troisième alinéa de l’article L. 2141-3, le consentement doit être confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois. Le consentement des deux membres du couple ou du membre survivant du couple est révocable sans motif tant que les recherches n’ont pas débuté.
La parole est à M. Dominique de Legge.
Le projet de loi tend à supprimer l’évocation expresse du consentement écrit et préalable du couple géniteur, ainsi que de l’information qui lui revient.
Autrement dit, on supprime l’obligation faite à l’Agence de la biomédecine de vérifier que le couple géniteur a effectivement consenti à ce que son embryon soit donné à la recherche, et qu’il a été dûment informé des autres possibilités s’offrant à lui : arrêt de la conservation ou don à un autre couple. Nous souhaitons revenir sur ce point ; tel est l’objet de cet amendement.
L’adoption de cet amendement conduirait à mettre en place une information systématique du couple ayant cédé ses embryons à la recherche sur la nature des recherches susceptibles d’y avoir recours.
Or l’article R. 2151-4 du code de la santé publique prévoit déjà qu’« une information sur les différentes catégories de recherches susceptibles d’être mises en œuvre dans le cadre de l’article L. 2151-5 est délivrée ». Ce même article précise également que « le responsable de la recherche doit pouvoir justifier à tout moment au cours de celle-ci du recueil des consentements ».
Il nous semble, par conséquent, que l’amendement est satisfait, et nous demandons son retrait. À défaut, l’avis de la commission spéciale serait défavorable.
Actuellement, les personnes ayant accompli un parcours d’assistance médicale à la procréation sont interrogées, un an après, par le centre d’AMP ou le Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (Cécos) sur leur volonté de poursuivre, ou non, un projet parental avec les embryons conservés à l’issue de la démarche.
Un document d’information et de consentement leur est transmis, indiquant les choix qui leur sont ouverts, et l’Agence de la biomédecine édite un modèle de documents à cet effet. On propose aux personnes de conserver les embryons pour un futur projet parental – dans ce cas, elles seront, chaque année, reconsultées –, de les confier à la recherche ou de demander l’arrêt de leur conservation, c’est-à-dire leur destruction immédiate.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, une nouvelle disposition a été adoptée, permettant aux membres d’un couple de se prononcer de manière anticipée sur la possibilité de proposer des embryons à d’autres personnes ou à la recherche, au cas où l’un d’entre eux viendrait à décéder.
L’amendement est donc satisfait, et l’avis du Gouvernement défavorable.
Je ne suis pas vraiment certain que cet amendement soit satisfait, et ce malgré les explications données. En effet, il s’agit là d’un consentement écrit… Nous soulevons un problème de forme, pas de fond !
C’est la raison pour laquelle je maintiens l’amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L’amendement n° 101 rectifié ter est présenté par Mme Deseyne, MM. Retailleau et de Legge, Mmes Ramond et Sittler, MM. Danesi et Schmitz, Mme Bruguière, MM. Paccaud, Morisset et Panunzi, Mmes Lopez et Lavarde, MM. Vaspart et Chevrollier, Mmes Eustache-Brinio, Deroche et Lamure, MM. Mandelli et Gilles, Mme Chauvin, M. Rapin, Mme Micouleau et MM. H. Leroy, Cambon, Bignon et Hugonet.
L’amendement n° 177 est présenté par M. Meurant.
L’amendement n° 248 rectifié bis est présenté par MM. Capus, Guerriau, Decool et Bignon.
L’amendement n° 300 est présenté par le Gouvernement.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 19, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° 101 rectifié ter.
Cet amendement vise à supprimer l’autorisation qui pourrait être donnée au développement in vitro d’embryons jusqu’au vingt et unième jour suivant leur constitution, dans le cadre de protocoles de recherche.
Le texte initial prévoit déjà un allongement de sept à quatorze jours. Où s’arrêtera-t-on ? En outre, la limitation à quatorze jours fait largement consensus dans la communauté scientifique internationale.
Pour ces raisons, mes chers collègues, je vous propose de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 19.
La parole est à M. Sébastien Meurant, pour présenter l’amendement n° 177.
La limite de quatorze jours correspond à un événement majeur du développement embryonnaire : la gastrulation.
Cet événement aboutit à la mise en place des trois feuillets embryonnaires qui seront à l’origine de l’ensemble des organes : l’ectoderme, à l’origine de la peau et du système nerveux ; le mésoderme, qui formera les muscles ou le squelette ; l’endoderme, à l’origine du tube digestif ou des voies respiratoires. La séparation de ces trois feuillets aboutit à la formation de la ligne primitive, qui donnera plus tard, au dix-neuvième jour, l’ébauche du tube neural et des futures cellules nerveuses.
La limite de quatorze jours est donc regardée comme marquant l’apparition des premières ébauches du système nerveux central.
Au jour 17 du développement embryonnaire commence l’apparition d’îlots sanguins dans la vésicule vitelline et l’ébauche du système cardiaque.
Il est donc essentiel de maintenir cette limite.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° 248 rectifié bis.
Le développement in vitro d’embryons à des fins de recherche doit être soumis au critère du développement des premières cellules nerveuses chez l’embryon. Or, le consensus scientifique s’établit sur une limite de quatorze jours. Il n’est donc pas souhaitable d’outrepasser cette limite.
Tel est l’objet de cet amendement : supprimer l’ajout de la commission spéciale, qui vise à introduire un régime dérogatoire pour des manipulations sur des embryons jusqu’à vingt et un jours, alors que le texte initial prévoit déjà un allongement de cette durée de sept à quatorze jours.
Cet amendement du Gouvernement tend également au rétablissement de la durée maximale de culture in vitro des embryons à quatorze jours, dans le cadre des protocoles de recherche.
Cette limitation, présente dans le projet initial du Gouvernement, fait largement consensus au plan international.
Elle a été définie, dès 1984, par le comité d’éthique britannique, dans un rapport qui fait encore référence de nos jours. Elle a été retenue par de nombreux autres États. Comme cela a été particulièrement bien expliqué, elle correspond au stade où apparaissent les premières ébauches du système nerveux et où l’embryon s’individualise réellement : c’est effectivement à partir de ce stade qu’il ne peut plus se scinder pour donner de vrais jumeaux.
Il ne nous semble donc pas souhaitable d’aller au-delà de cette limite de quatorze jours, celle-ci ouvrant déjà la voie à un approfondissement des connaissances dans le domaine de l’embryologie, afin de mieux comprendre les questions relatives au développement des embryons.
L’amendement n° 226 rectifié, présenté par MM. Jomier et Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mmes Harribey et Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Alinéa 19, dernière phrase
1° Remplacer les mots :
au stade
par les mots :
aux stades de la segmentation, de la prégastrulation,
2° Compléter cette phrase par les mots :
, de la neurulation ou de la délimitation
La parole est à M. Bernard Jomier.
J’ai déposé cet amendement pour préciser, en rapport avec la position de la commission spéciale, les différents stades auxquels il est intéressant de mener des recherches.
La commission spéciale pose effectivement une limite à vingt et un jours, faisant suite à celle de quatorze jours, qui est très ancienne, puisqu’elle remonte aux années 1980.
À cette époque, d’ailleurs, on ne savait pas cultiver les embryons au-delà de quelques jours. En effet, mes chers collègues, il ne suffit pas de mettre un embryon dans de l’eau salée ou de l’eau sucrée pour lui permettre de se développer ; c’est un peu plus complexe que cela… Ce n’est que depuis relativement peu de temps que nos capacités à rallonger la durée d’étude des embryons se sont accrues.
Le stade de la gastrulation, mentionné dans le texte de la commission spéciale, est celui de la troisième semaine de développement, donc jusqu’à vingt et un jours, et c’est ce stade qui débouchera sur l’élaboration des différents tissus, puis sur l’organogenèse. On reste donc en amont, tout de même, de cette phase : la différenciation des tissus intervient au terme de la gastrulation.
Cet amendement vise à préciser que d’autres stades que celui de la gastrulation présentent un intérêt. La période de segmentation, par exemple, est tout aussi intéressante à étudier.
Cela étant, je le signale tout de suite, ma proposition contient une imprécision ; Mme la rapporteure l’a certainement remarqué : la délimitation survient après la gastrulation.
Du fait de cette imprécision, je ne soumettrai pas l’amendement au vote, mais il me semblait important que l’on évoque bien l’ensemble de ces phases, qui, toutes, sont nécessaires pour produire de la connaissance sur l’embryon.
In fine, je me rallie à la position de la commission spéciale et retire donc cet amendement, madame la présidente.
L’amendement n° 226 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission spéciale sur les amendements identiques ?
Nous examinons quatre amendements identiques tendant à supprimer l’apport de la commission spéciale en matière de prolongation des recherches sur l’embryon.
Il faut préciser que nous parlons de recherches menées dans un cadre bien précis : il s’agit d’embryons surnuméraires obtenus par fécondation in vitro dans le cadre d’un processus d’AMP ; le couple n’a plus de projet parental et il décide, plutôt que de faire détruire ses embryons, de les confier à la recherche, ce qui est aussi respectable.
Effectivement, il existe un consensus international sur le délai de quatorze jours. On le voit, les Anglais étaient très en avance, puisque, vous l’avez rappelé, madame la ministre, voilà trente-six ans qu’ils l’ont établi !
Une meilleure compréhension des étapes du développement embryonnaire entre le quatorzième et le vingt et unième jour, qui concernent effectivement la période dite de gastrulation, présente un intérêt scientifique majeur. Les scientifiques insistent sur l’importance d’étudier ces mécanismes de développement chez l’embryon humain, afin de mieux appréhender le contrôle de la différenciation des cellules souches embryonnaires humaines et pluripotentes induites, ainsi que les retombées médicales potentiellement associées.
Ces mêmes scientifiques ont mis en avant le fait que cette troisième semaine, c’est-à-dire la phase de gastrulation, est une période critique, au cours de laquelle environ 20 % des grossesses s’arrêtent spontanément à la suite d’une anomalie du développement embryonnaire. Comprendre les causes de ces anomalies du développement embryonnaire et apprendre à les prévenir constitue donc un enjeu important. D’où la nécessité, pour la commission spéciale, de permettre aux scientifiques de se pencher sur le sujet.
Le délai de quatorze jours – nous l’avons dit, ainsi que Mme la ministre – est aujourd’hui réinterrogé par la communauté scientifique, et plusieurs pays envisagent de l’étendre. Ce n’est pas pour autant qu’il faut le faire, bien entendu, mais j’insiste sur le fait que le délai de vingt et un jours proposé a vocation à rester exceptionnel. C’est une mesure dérogatoire ; tous les protocoles ne nécessitant pas d’aller au-delà de la limite des quatorze jours resteront soumis au délai de droit commun.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable sur ces amendements identiques.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 101 rectifié ter, 177, 248 rectifié bis et 300.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 83 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 178, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Le produit d’obtention de l’agrégation de cellules souches embryonnaires avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires sur lesquels une recherche a été conduite ne peut être transféré à des fins de gestation. Il est mis fin à leur développement au plus tard au septième jour après leur constitution.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
Dès lors que les cellules souches embryonnaires sont issues d’un embryon humain, dès lors que leur agrégation avec des tissus extra-embryonnaires vise à recréer les fonctionnalités embryonnaires, il convient d’appliquer le même régime commun de sept jours pour la durée de conservation.
L’amendement n° 186, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéas 24 à 26
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
Les cellules souches embryonnaires sont toujours issues d’un embryon. Modifier les prérequis pour une partie de l’embryon annule la portée de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique.
Le nouvel article L. 2151-6 du même code, tel que proposé dans cet article 14 du projet de loi, opère une distinction entre l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Selon la logique retenue, les recherches sur l’embryon resteraient conditionnées à une autorisation, tandis que celles sur les cellules souches seraient soumises à une simple déclaration.
Dès lors, les prérequis demandés pour la recherche sur l’embryon ne s’appliqueraient plus à la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Il ne serait plus nécessaire que la pertinence scientifique de la recherche soit établie. La recherche, fondamentale ou appliquée, s’inscrirait dans une finalité médicale car, en l’état des connaissances scientifiques, elle ne pourrait être menée sans recourir à ces embryons.
L’amendement n° 78 rectifié quater, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, Meurant, H. Leroy, Segouin et Mayet, est ainsi libellé :
Alinéas 25 et 26
Rédiger ainsi ces alinéas :
« 1° De lignées de cellules souches établies et existantes sur le territoire français avant la promulgation de la loi n° … du … relative à la bioéthique ;
« 2° De lignées de cellules souches établies et existantes à l’étranger, dans le respect des principes éthiques 16 à 16-8 du code civil, et ayant fait l’objet d’une autorisation d’importation.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Cet amendement tend à cantonner le régime de recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines aux lignées déjà existantes.
Un des problèmes éthiques de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines réside dans la destruction de l’embryon humain dont elles sont extraites. Ce problème éthique peut être résolu en partie par la possibilité de rechercher exclusivement sur les lignées de cellules souches déjà existantes.
L’amendement n° 136 rectifié bis, présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz et Morisset, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Mayet, Piednoir, Mandelli, Bascher et B. Fournier, Mme Ramond, MM. Regnard, Longuet, Leleux et H. Leroy, Mme Micouleau et MM. Meurant et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Le produit d’obtention de l’agrégation de cellules souches embryonnaires avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires sur lesquels une recherche a été conduite ne peut être transféré à des fins de gestation. Il est mis fin à leur développement au plus tard au septième jour après leur constitution.
La parole est à M. Dominique de Legge.
Dès lors que les cellules souches embryonnaires sont issues d’un embryon humain, il convient d’appliquer le même régime commun de sept jours pour la durée de conservation.
L’amendement n° 79 rectifié quater, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, Bonhomme, Meurant, H. Leroy, Segouin et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La liste des lignées de cellules souches embryonnaires humaines dérivées en France ou susceptibles d’être importées, existantes au jour de la promulgation de la loi n° … du … relative à la bioéthique, et sur lesquelles des recherches peuvent être menées en France, dans le respect des principes éthiques des articles 16 à 16-8 du code civil, est établie par arrêté du ministre de la recherche.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Cet amendement vise à établir, par décret du ministère de la recherche, une liste des lignées existantes, françaises ou étrangères, sur lesquelles une recherche peut être menée.
La recherche sur des cellules souches embryonnaires humaines peut se concentrer exclusivement sur les lignées existantes et déjà établies en France ou à l’étranger. Cela permet de résoudre le conflit éthique associé à la dérivation de nouvelles lignées, qui implique la destruction d’embryons humains.
Les lignées de cellules souches embryonnaires humaines sur lesquelles les chercheurs travaillent dans le monde et en France sont connues. Elles peuvent donc faire l’objet d’une liste, qui permettra de limiter ces recherches aux seules lignées déjà existantes.
S’agissant de l’amendement n° 178, l’agrégation de cellules souches embryonnaires à des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires conduit à la constitution de modèles embryonnaires à usage scientifique susceptibles de mimer certaines phases du développement embryonnaire. Ces modèles ne constituent pas des embryons, puisque ces derniers sont le résultat de la fécondation de deux gamètes.
Dans la mesure où les modèles embryonnaires peuvent mimer certaines fonctionnalités embryonnaires, ils feront précisément l’objet d’une vigilance particulière de la part de l’Agence de la biomédecine : celle-ci pourra en effet s’opposer à tout protocole de ce type qui violerait les principes éthiques fondamentaux, avec, systématiquement, un avis public de son conseil d’orientation.
La commission spéciale demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
L’adoption de l’amendement n° 186 aurait pour effet de supprimer l’obligation, pour les cellules souches embryonnaires faisant l’objet de recherches, d’avoir été dérivées dans le cadre d’un protocole de recherche autorisé par l’Agence de la biomédecine ou d’avoir été importées dans le cadre d’une autorisation d’importation également délivrée par l’Agence de la biomédecine.
Or ces autorisations permettent précisément de garantir que les cellules souches embryonnaires utilisées ont été dérivées dans des conditions respectueuses de nos principes éthiques.
Supprimer cette obligation reviendrait à permettre des recherches à partir de cellules souches embryonnaires ne présentant pas ces garanties éthiques.
La commission spéciale demande donc également le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 78 rectifié quater. Le fait de limiter les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines aux seules lignées déjà existantes aurait pour effet de restreindre considérablement les potentialités de telles recherches.
En effet, cela conduirait à exclure la possibilité de mener des recherches sur des lignées de cellules souches embryonnaires nouvellement dérivées, à partir d’embryons présentant des caractéristiques jusqu’ici inconnues, comme, par exemple, une anomalie génétique tout juste identifiée.
Pour ces raisons, de nouveau, l’avis de la commission spéciale sera défavorable si l’amendement n’est pas retiré.
Il en va de même pour l’amendement n° 136 rectifié bis, qui vise un objectif similaire.
Enfin, s’agissant de l’amendement n° 79 rectifié quater, toutes les lignées de cellules souches embryonnaires humaines disponibles en Europe, donc en France, sont répertoriées dans le registre européen des cellules souches pluripotentes humaines, accessible à tous. Il n’y a donc pas lieu d’acter par décret l’existence de ces lignées.
La commission spéciale émet un avis défavorable.
Selon vous, madame la rapporteure, l’adoption de l’amendement n° 78 rectifié quater limiterait les potentialités de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.
Pourtant, les recherches autorisées par l’Agence de la biomédecine sont réalisées sur des cellules souches embryonnaires humaines dérivées voilà plusieurs années.
Ainsi, Mme Cécile Martinat, chercheur sur les cellules souches embryonnaires et présidente de la Société française de recherche sur les cellules souches, soutenait lors de son audition devant notre commission spéciale :
« Cela fait bien longtemps que l’on n’a pas dérivé de cellules souches embryonnaires humaines. Cela fait un peu plus de 15 ans que je travaille sur ces cellules. Je n’ai jamais détruit un embryon. J’utilise des lignées qui ont été dérivées voilà maintenant 20 ans. L’Allemagne, elle, cantonne sa recherche sur l’embryon aux lignées de cellules souches embryonnaires humaines importées ; elle n’est pas pour autant en retard dans ce domaine de recherche. »
Il semble donc opportun de faire de la recherche exclusivement sur les lignées de cellules souches déjà existantes. Je maintiendrai donc cet amendement.
Par ailleurs, vous estimez que l’amendement n° 79 rectifié quater est satisfait.
Peut-on avoir plus d’informations sur le décret que vous évoquez ? Par cohérence, celui-ci devrait au minimum prévoir des lignées de cellules souches en provenance de pays signataires de la convention d’Oviedo, qui protège l’embryon, donc de pays ayant les mêmes références éthiques que la France.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 76 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Morisset, Regnard, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, Meurant, H. Leroy, Reichardt et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’expérimentation de l’utérus artificiel est interdite.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Cet amendement a pour objet l’utérus artificiel, qui, mes chers collègues, n’est pas de la science-fiction ! Nul ne doute que les scientifiques mettront au point cette technique, qui permettra d’externaliser complètement la grossesse du corps de la femme.
L’utérus artificiel est d’ailleurs aujourd’hui techniquement possible et, à l’étranger, son expérimentation est en cours. C’est notamment le cas aux États-Unis, en Angleterre et en Israël, où des chercheurs ont déjà réussi à modéliser une paroi utérine humaine. Le fait, en parallèle, que la France repousse la limite de conservation des embryons humains jusqu’à vingt et un jours ne peut que rendre plus utile l’interdit de l’utérus artificiel, pour éviter toute tentation de conserver plus longtemps l’embryon humain.
Comme le rappelait le médecin et philosophe Henri Atlan, qui a étudié cette technique en France, « sans doute cette technique aura-t-elle d’abord des fonctions thérapeutiques, remplaçant les incubateurs actuels pour maintenir en vie les grands prématurés. Mais personne n’est dupe. […] Comme les inséminations artificielles et les fécondations in vitro, les utérus artificiels seront utilisés pour des “désirs d’enfant” que la procréation naturelle, non médicalisée, ne permet pas de satisfaire. »
Bien que cette problématique ne figure pas dans le projet de loi, il semble important d’inscrire explicitement l’interdiction de l’expérimentation de l’utérus artificiel, afin de s’assurer que cette ligne rouge n’est pas franchie. Et avant qu’il ne soit trop tard !
Cet amendement a pour objet l’utérus artificiel, qui, mes chers collègues, n’est pas de la science-fiction ! Nul ne doute que les scientifiques mettront au point cette technique, qui permettra d’externaliser complètement la grossesse du corps de la femme.
L’utérus artificiel est d’ailleurs aujourd’hui techniquement possible et, à l’étranger, son expérimentation est en cours. C’est notamment le cas aux États-Unis, en Angleterre et en Israël, où des chercheurs ont déjà réussi à modéliser une paroi utérine humaine. Le fait, en parallèle, que la France repousse la limite de conservation des embryons humains jusqu’à vingt et un jours ne peut que rendre plus utile l’interdit de l’utérus artificiel, pour éviter toute tentation de conserver plus longtemps l’embryon humain.
Cette interdiction de l’expérimentation de l’utérus artificiel ne me paraît pas appropriée à cet endroit du texte, car l’alinéa 19 prévoit déjà explicitement que les embryons surnuméraires ayant fait l’objet d’une recherche ne peuvent être transférés à des fins de gestation. Ils ne pourront donc pas, a fortiori, être transférés dans un utérus artificiel.
Par ailleurs, je rappelle que, lorsque des recherches sont menées sur un embryon dans le cadre d’une procédure d’assistance médicale à la procréation, elles relèvent des recherches biomédicales et ont pour objectif un transfert de l’embryon chez la femme.
Ces embryons ne peuvent donc pas faire l’objet d’un transfert dans un utérus artificiel. Lorsque des recherches sont menées sur des embryons surnuméraires, le transfert à des fins de gestation est, lui, interdit. L’interdiction de l’expérimentation de l’utérus artificiel à des fins de gestation humaine n’est donc pas nécessaire à ce stade.
En conséquence, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
Cet amendement vise à interdire une technique qui n’en est, au mieux, qu’à un stade très préliminaire. Peut-être considérer qu’une couche de cellules ressemble à un utérus ?
Le terme d’« utérus artificiel » recouvre aujourd’hui les couveuses que l’on utilise pour maintenir en vie les très grands prématurés. Aucun utérus artificiel proprement dit n’est fabriqué à l’heure actuelle, et les travaux de recherches auxquels vous faites allusion ne constituent qu’une couche cellulaire incapable d’accueillir un embryon.
Par ailleurs, cela a été rappelé, le Gouvernement a souhaité, même s’il respecte la volonté du Sénat de porter les expérimentations sur embryons à vingt et un jours, cesser l’observation des embryons à quatorze jours. Il n’envisage donc en aucun cas l’implantation des embryons dans quelque utérus que ce soit ; il y est même profondément hostile.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 215 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La recherche sur les causes de l’infertilité est encouragée, notamment en ce qui concerne les effets des perturbateurs endocriniens ou des ondes électromagnétiques. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
L’alinéa qu’a adopté l’Assemblée nationale, selon lequel « La recherche peut porter sur les causes de l’infertilité. », a été supprimé en commission spéciale.
Nous le déplorons, et souhaitons, sinon ouvrir la possibilité pour la recherche de se pencher sur ce sujet, du moins l’encourager, notamment en ce qui concerne les conséquences des perturbateurs endocriniens et des ondes électromagnétiques sur l’infertilité. En effet, ne serait-il pas plus logique de réfléchir à l’infertilité en la traitant par ses causes et non par ses conséquences ?
Or rien n’est fait en ce sens, aucune recherche n’est réalisée sur les facteurs environnementaux – pesticides, pollution, perturbateurs endocriniens – ou sur le mode de vie – tabagisme, sédentarité, etc. Aucune mention d’une quelconque campagne d’information et de prévention n’apparaît dans le texte. Une prise de conscience serait salutaire pour renforcer la recherche médicale sur ce problème de santé publique.
En l’état actuel de la législation, rien n’interdit de mener sur les embryons des recherches portant sur les causes de l’infertilité. À ce jour, sur les 23 protocoles de recherche sur l’embryon qui ont été autorisés par l’Agence de la biomédecine, 9 concernent l’étude du développement embryonnaire préimplantatoire, avec un lien direct sur sa qualité ou la capacité d’implantation de l’embryon.
Par ailleurs, l’Agence de la biomédecine autorise les protocoles de recherche sur la base de critères objectifs, notamment au regard de leur pertinence scientifique ; en revanche, elle n’a pas vocation à les hiérarchiser selon leur objet. Elle n’a, de toute façon, aucun moyen d’encourager un type de recherche par rapport à un autre. Rendre prioritaires certaines recherches par rapport à d’autres serait contraire au principe de liberté de la recherche.
Par conséquent, la commission spéciale sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Madame la sénatrice, par cette proposition, vous souhaitez appeler l’attention sur la nécessité de mener des recherches sur les causes de l’infertilité, ce qui ne peut qu’être approuvé. Toutefois, les textes en vigueur permettent déjà ce type de recherches, dès lors qu’elles satisfont au cadre éthique lui-même en vigueur.
Le Gouvernement émet donc un avis de sagesse sur cet amendement.
J’apporte mon soutien à l’amendement n° 215 rectifié.
En parallèle à nos débats, qui ont porté tant sur l’extension de la PMA que, à l’instant, sur les recherches sur l’embryon, il me paraît nécessaire de considérer plus en détail les raisons qui amènent à constater une hausse des situations infertilité.
Les motifs évoqués ici, à savoir l’influence des perturbateurs endocriniens ou les ondes électromagnétiques sur le développement embryonnaire, suscitent de nombreuses inquiétudes au sein de la population. En Loire-Atlantique, où je suis élue, sont survenus des cas d’anomalie congénitale, avec la naissance de bébés sans bras. Dans le même département, on a assisté à une recrudescence des cas de cancers pédiatriques dont la prévalence très localisée est inexpliquée.
De manière plus générale, la recherche scientifique publique ne parvient pas à lever les doutes de la population. Certains facteurs sont étudiés isolément et sans que soient établies de causalités. Les familles concernées souhaitent que la puissance sanitaire publique approfondisse ses investigations en s’intéressant à l’effet cocktail ou multifactoriel, par exemple.
Dans ce flou, les boucs émissaires sont vite trouvés – les entreprises industrielles qui utilisent des pesticides, etc. –, sans que de vraies preuves soient apportées. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation nébuleuse. Les élus des communes concernées sont aussi désemparés.
Nous devons être attentifs aux attentes de la population. Il est du devoir de l’autorité sanitaire publique d’y répondre, faute de quoi la tentation sera grande, pour les proches des malades ou les parents des bébés, de confier à des laboratoires privés étrangers la charge de faire la lumière sur la survenue de ces pathologies, au risque de confier au marché le diagnostic sanitaire de notre population.
Je voterai cet amendement. Il est en effet grand temps de se pencher sur cette problématique bien réelle : des médecins nous alertent déjà sur la baisse drastique – le mot n’est pas trop fort – de la fertilité sur certains de nos territoires.
Si l’on s’en tient à la qualité des spermatozoïdes, celle-ci a été divisée par deux depuis les années 1950, en moyenne, sur le territoire national, et ce n’est pas tout : des études alarmantes ont conclu, notamment en Occitanie et plus particulièrement à Toulouse, que la qualité des spermatozoïdes a été divisée par trois chez les hommes trentenaires.
Il faut regarder le problème en face et ne pas se contenter de permettre des recherches sur l’infertilité. Nous devons chercher à savoir ce qui se passe réellement.
Je comprends les remarques de Mme la rapporteure, car il est impossible de dresser dans la loi une liste exhaustive des facteurs aggravants. Mais, comme l’ont développé mes collègues, ce sujet est extrêmement important et mérite toute l’attention des pouvoirs publics.
L’avis de sagesse de Mme la ministre nous conforte dans notre position : je maintiens donc cet amendement, madame la présidente.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 151 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Morisset, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Vaspart et Brisson, Mmes Lanfranchi Dorgal, Ramond et Bories et M. Bonhomme, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 23
Après le mot :
embryonnaires
insérer les mots :
, en dehors de ceux impliquant l’insertion de cellules souches embryonnaires humaines à un embryon animal dans le but d’un transfert chez la femelle,
II. – Après l’alinéa 30
Insérer onze alinéas ainsi rédigés :
« V. – L’insertion de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal, en cas de projet de transfert chez la femelle, ne peut être entreprise sans autorisation. Un tel protocole de recherche ne peut être autorisé que si :
« 1° Il est mis fin à la gestation dans un délai approuvé par l’agence de biomédecine ;
« 2° La contribution des cellules d’origine humaines au développement de l’embryon ne peut dépasser un seuil approuvé par l’agence de biomédecine ;
« 3° La pertinence scientifique de la recherche est établie ;
« 4° La recherche, fondamentale ou appliquée, s’inscrit dans une finalité médicale ou vise à améliorer la connaissance de la biologie humaine ;
« 5° En l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée, avec une pertinence scientifique comparable, sans recourir à des expérimentations de ce type ;
« 6° Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil, les principes éthiques énoncés au présent titre et ceux énoncés au titre Ier du livre II de la première partie du présent code.
« VI. – Les protocoles de recherche sont autorisés par l’Agence de la biomédecine après que celle-ci a vérifié que les conditions posées au V du présent article sont satisfaites. La décision de l’agence, assortie de l’avis de son conseil d’orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche, qui peuvent conjointement, dans un délai d’un mois, demander un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision :
« 1° En cas de doute sur le respect des principes mentionnés au 6° du même V ou sur la pertinence scientifique d’un protocole autorisé. L’agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours, durant lequel l’autorisation est suspendue. En cas de confirmation de la décision, la validation du protocole est réputée acquise ;
« 2° Dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, lorsque le protocole a été refusé. L’agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours. En cas de confirmation de la décision, le refus du protocole est réputé acquis.
« En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l’autorisation, l’agence suspend l’autorisation de la recherche ou la retire. L’agence diligente des inspections comprenant un ou plusieurs experts n’ayant aucun lien avec l’équipe de recherche, dans les conditions fixées à l’article L. 1418-2. » ;
La parole est à M. Arnaud Bazin.
Dès lors qu’un embryon humain porteur même d’une seule cellule animale est interdit – c’est une bonne chose –, il est important de contrôler que l’adjonction de cellules humaines dans un embryon animal, par le biais des procédures autorisées par l’article 17, qui a maintenant disparu, ne conduise pas à des organismes, même embryonnaires ou fœtaux, dont le statut d’espèce serait indéfini.
Le Comité consultatif national d’éthique précise en outre, dans son avis 129, que de telles expérimentations pourraient « faire l’objet d’une évaluation et d’un encadrement par une instance ad hoc […], a fortiori si ces embryons sont transférés dans l’utérus d’un animal […] ».
Dans cet esprit, le présent amendement a pour objet de soumettre à un encadrement plus strict les expérimentations, dès lors qu’un transfert chez la femelle d’un embryon chimérique est envisagé, en mettant en place un régime propre d’autorisation, subordonnée à la fois aux dispositions introduites par la commission spéciale au nouvel article L. 2151-7 du code de la santé publique et aux mesures d’autorisation prévues pour les protocoles de recherche sur l’embryon humain.
Dans la mesure où l’Agence de la biomédecine sera chargée de définir les délais de gestation autorisée et les seuils des pourcentages de cellules humaines dans l’embryon chimérique qu’impliquent les nouvelles conditions requises au V des articles L. 2151-6 et L. 2151-7 du code de la santé publique, et que cette agence est l’autorité compétente pour traiter les demandes d’autorisation, cet amendement vise à donner toute sa cohérence à un régime d’autorisation en lieu et place d’un régime de déclaration dans ces cas, afin de donner des garanties plus importantes, sous la réserve bien entendu que la disparition de l’article 17 n’affecte pas la pertinence de cette décision.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 56 rectifié est présenté par MM. Reichardt et Danesi, Mme Eustache-Brinio, MM. Kennel et Morisset, Mmes Troendlé et Sittler, M. L. Hervé, Mme Férat, M. Piednoir, Mme Noël et MM. Duplomb et H. Leroy.
L’amendement n° 131 rectifié ter est présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz, de Nicolaÿ et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, M. Mayet, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mme Ramond, MM. Regnard, Longuet, Pointereau, Leleux et Rapin, Mme Micouleau et MM. Meurant et Segouin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 23
Remplacer les mots :
déclaration auprès de
par les mots :
autorisation par
La parole est à M. René Danesi, pour présenter l’amendement n° 56 rectifié.
Depuis la loi du 6 août 2013, qui a autorisé sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, ces deux types de recherche obéissent à un régime commun d’autorisation par l’Agence de la biomédecine.
C’est au regard des garanties effectives apportées par ces autorisations que le Conseil constitutionnel a notamment jugé, dans sa décision du 1er août 2013, que les dispositions de ce régime « ne méconnaissent pas le principe de sauvegarde de la dignité de la personne ».
Or l’article 14 dissocie les régimes applicables respectivement à la recherche sur l’embryon et à celle sur les cellules souches embryonnaires humaines. En substituant un régime de déclaration à un régime d’autorisation, cet article crée un régime de recherche, sur les cellules souches embryonnaires humaines, qui soit distinct du régime de recherche sur l’embryon humain.
Vouloir sortir les cellules souches embryonnaires humaines du régime légal de la recherche sur l’embryon pour ne les soumettre qu’à une simple déclaration est une proposition qui ne tient pas compte de la réalité ontologique de l’embryon humain. Cela place également les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines hors de contrôle, en les livrant à l’industrialisation.
Au regard de l’atteinte portée à l’embryon humain et des enjeux de ce type de recherche, il apparaît nécessaire que l’Agence de la biomédecine, garante des principes éthiques des activités médicales et de recherche, instruise en amont les protocoles de recherche portant sur les cellules souches embryonnaires humaines et autorise expressément leur mise en œuvre.
Le présent amendement tend donc à maintenir le régime commun, qui repose sur une autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine, tel qu’il est actuellement applicable aux deux types de recherche, sur l’embryon, d’une part, et sur les cellules souches embryonnaires humaines, d’autre part.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° 131 rectifié ter.
Nous souhaitions maintenir le principe que les recherches ne peuvent porter atteinte à l’embryon.
Or cette disposition, qui figurait antérieurement dans la loi, n’a pas été retenue. Dans la même logique, il est maintenant question de remplacer la demande d’autorisation par une simple déclaration…
Il nous paraît important, à défaut de réaffirmer le principe au début de cet article comme nous le souhaitions, selon lequel l’Agence de l’État peut apprécier non seulement la pertinence de la recherche, mais aussi sa mise en œuvre éthique, c’est-à-dire conformément à la loi.
L’amendement n° 266 rectifié, présenté par MM. Amiel et Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, M. Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Patriat, Hassani, Marchand, Cazeau, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Lévrier, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les protocoles de recherche conduits sur des cellules souches embryonnaires ont pour objet leur insertion dans un embryon animal, ils sont soumis à autorisation auprès de l’Agence de la biomédecine. Ces protocoles de recherche respectent les conditions de mise en œuvre énoncées à l’article L. 2151-5 du présent code.
La parole est à M. Michel Amiel.
Je retire cet amendement, madame la présidente, au profit de l’amendement n° 299 du Gouvernement, qui sera examiné par la suite.
L’amendement n° 266 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Deux sujets sont abordés dans cette discussion commune : d’une part, la constitution des embryons chimériques par introduction de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal ; d’autre part, le rétablissement d’un régime d’autorisation préalable pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires, en lieu et place du régime de déclaration prévu par le projet de loi.
S’agissant de l’amendement n° 151 rectifié, la suppression de l’article 17 revient à supprimer la création d’embryons chimériques, soit par l’introduction de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal, soit par l’introduction de cellules souches pluripotentes induites dans un embryon animal. Par cohérence avec le vote sur l’article 17, j’émets un avis défavorable.
Concernant les amendements identiques n° 56 rectifié et 131 rectifié ter, la mise en place d’un régime de déclaration préalable des recherches sur les cellules souches embryonnaires permet effectivement d’acter la différence de nature entre ces dernières et l’embryon.
J’ai eu l’occasion de le rappeler plusieurs fois, une fois dérivées, les lignées de cellules souches embryonnaires ne sont pas capables de constituer spontanément un embryon. Les recherches portant sur ces cellules ne soulèvent donc pas les mêmes enjeux éthiques que l’intervention sur l’embryon.
Le régime d’autorisation des recherches sur l’embryon se justifie en grande partie par le fait qu’elles impliquent à un moment sa destruction. Toute dérivation d’une lignée de cellules souches embryonnaires, bien qu’elle implique la destruction de l’embryon, reste cependant bien soumise, cela a aussi été dit précédemment, à un régime d’autorisation, puisqu’il s’agit d’une opération conduite sur un embryon.
Pour toutes ces raisons, à défaut d’un retrait, la commission spéciale émettra un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Je partage l’avis de Mme la rapporteure, et je vais en préciser les raisons pour que les choses soient bien claires.
La déclaration qui est faite à l’ABM permet à cette dernière de s’opposer éventuellement au protocole. Il ne s’agit pas d’une simple déclaration qui n’entraîne aucun contrôle. Simplement, par rapport à l’autorisation, la procédure est accélérée et moins lourde en termes de démarches administratives.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 56 rectifié et 131 rectifié ter.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 80 rectifié quater, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, Meurant, H. Leroy, Segouin et Mayet, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Après les mots :
n’est pas établie,
insérer les mots :
si, en l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines,
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Cet amendement vise à réintégrer la condition de l’absence d’alternative pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Supprimer cette condition revient à dire que l’on ne vise pas un objectif qui peut être atteint autrement et que la finalité est l’utilisation de ces cellules.
Enfin, il est acté de façon consensuelle aujourd’hui que la recherche de l’industrie pharmaceutique, notamment, peut être menée sans recourir aux cellules souches embryonnaires humaines. Puisque des solutions de rechange à ces cellules souches existent, il faut les privilégier.
L’amendement n° 181 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Le maintien du prérequis de l’absence de méthodologie alternative n’est pertinent que pour les recherches sur l’embryon, et non pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines. En effet, celles-ci ne présentent plus les mêmes propriétés qu’un embryon, puisqu’elles n’ont pas la capacité de former spontanément un nouvel embryon.
En outre, ce prérequis a eu jusqu’ici pour effet de fragiliser les protocoles de recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, puisqu’il laissait entendre que le recours aux cellules pluripotentes induites pouvait constituer une solution de rechange pertinente.
Or l’on sait désormais que, si elles sont proches, les cellules souches embryonnaires et les cellules iPS n’ont pas exactement les mêmes propriétés, les cellules iPS résultant d’une reprogrammation de cellules adultes avec de possibles altérations.
Pour ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 299, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 28
1° Remplacer le mot :
ou
par le signe :
2° Après le mot :
extra-embryonnaires
insérer les mots :
ou leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle
La parole est à Mme la ministre.
Dans la mesure où cet amendement visait à mettre le texte en cohérence avec l’article 17, je le retire, madame la présidente.
L’amendement n° 299 est retiré.
L’amendement n° 82, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Remplacer les mots :
l’opposition formulée en application du premier alinéa du présent III
par les mots :
l’autorisation délivrée en application de l’article L. 2151-5
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Le texte initial vise à soustraire au contrôle de l’Agence de la biomédecine les recherches visant à différencier les cellules souches embryonnaires en gamètes.
L’Agence se voit ainsi privée de son pouvoir de décision et de contrôle, qui est si important au vu des enjeux. Cet amendement vise donc à le rétablir.
Outre que ses dispositions présentent une incohérence, cet amendement vise à soumettre des recherches sensibles sur les cellules souches embryonnaires à une procédure d’autorisation préalable. Pour ce faire, il tend à renvoyer au régime d’autorisation applicable aux recherches sur l’embryon.
Or les recherches sur l’embryon et celles qui portent sur les cellules souches embryonnaires font l’objet de régimes distincts, inscrits désormais par le projet de loi à deux articles différents du code de la santé publique. Il ne suffit donc pas de faire référence au régime applicable à l’embryon pour le rendre applicable aux cellules souches embryonnaires.
Par ailleurs, l’article 14 prévoit précisément une procédure de vigilance particulière de la part de l’Agence de la biomédecine, pour des recherches sur les cellules souches embryonnaires qui sont aussi sensibles que peuvent l’être celles qui concernent la différenciation en gamètes ou la constitution de modèles embryonnaires.
L’Agence peut en effet s’opposer à ces protocoles si elle estime qu’ils violent les principes éthiques fondamentaux, et, dans ce cas, la décision d’opposition sera systématiquement précédée d’un avis public de son conseil d’orientation.
Je rappelle que la recherche sur les cellules souches embryonnaires n’est possible à partir d’embryons qu’après une autorisation par l’Agence de la biomédecine du protocole de recherches sur l’embryon. Quant aux recherches sur des cellules souches embryonnaires qui ont été importées, il faut aussi une autorisation d’importation de l’ABM.
Pour ces raisons, l’avis de la commission spéciale est défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 135 rectifié quater est présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz et Morisset, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Mayet, Piednoir et Mandelli, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mme Ramond, MM. Regnard, Longuet, Leleux et H. Leroy, Mme Micouleau et M. Segouin.
L’amendement n° 182 est présenté par M. Meurant.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 28
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les gamètes ainsi créés ne peuvent en aucune façon servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou obtenu par don, pour constituer un embryon.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° 135 rectifié quater.
Par cet amendement, nous souhaitons préciser que, en aucune façon, les gamètes dérivés de cellules souches pluripotentes induites ne peuvent être fécondés pour concevoir un embryon.
L’amendement n° 182 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
L’amendement n° 135 rectifié quater vise à préciser que les gamètes obtenus par différenciation de cellules souches embryonnaires ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une fécondation pour constituer un embryon.
La commission spéciale a d’ores et déjà précisé que la création d’embryons par fusion de gamètes, quelle que soit l’origine de ces derniers, est interdite. Bien qu’elle soit redondante a priori, la précision apportée par l’amendement peut néanmoins permettre d’insister sur l’interdiction absolue de constituer des embryons à des fins de recherche.
C’est la raison pour laquelle la commission spéciale émet un avis favorable.
Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.
L’interdiction de la conception in vitro à des fins de recherche est inscrite dans la loi depuis 2004. Elle figure donc déjà parmi les grands principes éthiques qui guident nos réflexions et n’a pas été modifiée.
Cela s’applique bien évidemment aux recherches sur les cellules souches embryonnaires comme aux recherches sur les cellules souches pluripotentes induites.
Votre demande est donc satisfaite, monsieur le sénateur. C’est la raison pour laquelle je vous demande de le retirer ; à défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
Monsieur de Legge, l’amendement n° 135 rectifié quater est-il maintenu ?
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 317, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 31
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteure.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 77 rectifié quater, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Regnard, Mme Deroche et MM. Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Chaize, Meurant, H. Leroy, Segouin et Mayet, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
5° Après le premier alinéa de l’article L. 2151-8, tel qu’il résulte du 2° du présent III, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’importation de cellules souches embryonnaires ne peut être autorisée que lorsque ces cellules souches ont été obtenues dans un pays signataire de la convention d’Oviedo. » ;
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Cet amendement tend à prévoir que l’importation de cellules souches embryonnaires humaines ne peut être autorisée que lorsque ces cellules souches ont été obtenues dans un pays signataire de la convention d’Oviedo.
Il est en effet étonnant que de nombreuses autorisations d’importation délivrées par l’Agence de la biomédecine portent sur des lignées de cellules souches provenant des États-Unis, d’Israël, d’Angleterre, autant de pays qui ont refusé de signer la convention d’Oviedo, dont l’article 18 a pour objet, je le rappelle, de protéger l’embryon. Ces pays sont dotés d’une législation moins protectrice de l’embryon que la France.
Pour éviter un contournement de la loi française ou internationale qui constituerait une fraude à la loi, la France doit autoriser des importations de lignées en provenance de pays qui ont les mêmes exigences qu’elle, et non de pays moins-disants éthiques.
L’amendement tend à restreindre l’importation de cellules souches embryonnaires humaines aux seules lignées provenant de pays signataires de la convention d’Oviedo.
Néanmoins, le code de la santé publique prévoit déjà que l’importation de ces cellules souches ne peut être autorisée par l’Agence de la biomédecine que si elles ont été obtenues dans le respect des principes éthiques fondamentaux prévus par notre législation, principes qui découlent précisément de la convention d’Oviedo.
Que des lignées soient importées de pays n’ayant pas signé ou ratifié la convention d’Oviedo n’implique pas en effet nécessairement que ces lignées aient été produites en méconnaissance des principes éthiques posés par cette convention.
Chaque fois qu’elle autorise une importation de cellules souches embryonnaires, l’Agence de la biomédecine vérifie que ces cellules ont bien été obtenues dans le respect des principes éthiques. À titre d’information, dans son rapport d’activité publié en 2019 et concernant l’année 2018, une seule autorisation d’importation de cellules souches embryonnaires a été délivrée par l’Agence de la biomédecine.
Pour ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable.
Le véritable enjeu dans ce domaine, et ce point de vue est sans doute largement partagé, est que les lignées utilisées, notamment les lignées importées, aient été dérivées dans le respect des principes éthiques.
C’est ce que nous réaffirmons dans le projet de loi, et tel est l’objet du contrôle rigoureux exercé par l’Agence de la biomédecine avant toute autorisation d’importation.
En restreignant le droit d’importer des lignées de cellules souches embryonnaires aux seuls États signataires de la convention d’Oviedo, l’on priverait les équipes de recherche françaises de la possibilité d’utiliser des lignées qui font référence partout dans le monde et qui – le fait est attesté – respectent les exigences éthiques. J’émets donc un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 153 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Morisset, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Vaspart et Brisson, Mme Lanfranchi Dorgal et M. Bonhomme, est ainsi libellé :
Alinéas 47 et 54
Après la référence :
L. 2151-5
insérer la référence :
, L. 2151-6
La parole est à M. Michel Vaspart.
Cet amendement vise à assurer la coordination induite par l’amendement n° 151 rectifié, discuté précédemment ; mais, compte tenu de la suppression de l’article 17, ces dispositions n’ont plus d’intérêt. J’émets donc un avis défavorable.
L’amendement n° 153 rectifié est retiré.
L’amendement n° 318, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéas 47 et 54
Compléter ces alinéas par les mots :
ou n’ayant pas déclaré leurs activités de conservation de cellules souches embryonnaires conformément à l’avant-dernier alinéa du même article L. 2151-9
La parole est à Mme la rapporteure.
L ’ amendement est adopté.
Je mets aux voix l’article 14, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 84 :
Le Sénat a adopté.
Mme la présidente. M. le président de l’Assemblée nationale a informé M. le président du Sénat que la conférence des présidents de l’Assemblée nationale, réunie ce jour, a décidé de ne pas s’opposer à l’engagement de la procédure accélérée pour le projet de loi organique relatif au système universel de retraite et pour le projet de loi instituant un système universel de retraite.
Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.
En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des lois a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – 22 voix pour, 3 voix contre et 5 bulletins blancs – à la nomination de M. Didier Migaud aux fonctions de président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.