Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 28 janvier 2020 à 15h00
Bioéthique — Article 10 ter

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Madame la ministre, j’ai entendu votre argumentation. Elle parle, je le crois, à tous ceux ici qui craignent que l’eugénisme puisse s’instiller et devenir une règle de la médecine dans notre société.

Pour ma part, je pense que, pour devenir une pratique, l’eugénisme exige plus qu’un dispositif extrêmement encadré, avec beaucoup de crans de sécurité, comme celui qui est défini à l’article 10 ter. Il est prévu de consulter la Haute Autorité de santé, les sociétés savantes et l’Agence de la biomédecine. Et je rappelle que l’avis du Comité consultatif national d’éthique était favorable.

L’eugénisme ne suppose pas simplement une loi. C’est avant tout une question politique. L’eugénisme a été pratiqué dans des conditions politiques particulières. Nous avons tous en tête celui des nazis. On songe moins à un autre eugénisme, beaucoup plus expéditif, qui a été pratiqué dans les pays du Nord au début du XXe siècle avec la stérilisation forcée des populations fragiles. Mais ce n’est pas de cela que nous parlons. Nous ne sommes pas en train de discuter de possibilités que la loi ouvrirait.

Permettez-moi de m’étonner. Pourquoi n’aurait-on pas confiance dans l’ensemble des autorités ? Madame la ministre, vous pouvez ne pas vouloir établir la liste, mais alors dites-le franchement !

Vous avez pris l’exemple de la mucoviscidose. Votre argumentation a une limite. Vous avez indiqué que l’on aurait « supprimé » des enfants atteints de mucoviscidose. Mais, aujourd’hui, si un premier enfant est né avec la mucoviscidose, on pratique le dépistage pour le deuxième ! Ce que vous craignez est donc déjà pratiqué – fort heureusement ! – et encadré. Et ce n’est pas plus ou moins immoral pour le premier enfant que pour les suivants. Il n’est pas possible d’aborder le débat dans de tels termes.

Je m’étonne de votre manque de confiance à l’égard de vos pairs. Les conditions politiques pour que l’on puisse craindre l’eugénisme aujourd’hui ne me semblent pas réunies. Et si elles l’étaient, ce n’est pas un tel article qui pèserait beaucoup par rapport à ce qui se passerait.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion