Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous abordons à présent les dispositions relatives à la recherche sur l’embryon et les cellules souches.
J’ai demandé que soit examiné en priorité l’article 17, car il aborde la question fondamentale des interdits. La définition de ces derniers, s’agissant notamment des embryons chimériques, aura nécessairement un impact sur l’encadrement qui nous semble le plus opportun pour les recherches sur l’embryon et les cellules souches, traitées aux articles 14 et 15.
Avant d’aborder l’article 17, permettez-moi de clarifier les termes du débat autour des embryons chimériques, en rappelant ce qui est aujourd’hui interdit et ce qui ne l’est pas.
L’interdiction des embryons chimériques figure dans le code de la santé publique.
Deux types de chimères sont aujourd’hui interdits : d’une part, la modification d’embryons humains par l’insertion de cellules animales ; d’autre part, la modification d’embryons animaux par l’insertion de cellules souches embryonnaires humaines.
En revanche, rien ne régit les chimères à partir de cellules souches pluripotentes induites humaines, les fameuses cellules iPS. Ce silence de la loi permet actuellement d’expérimenter l’insertion dans un embryon animal de cellules iPS humaines : ce sont les seuls embryons chimériques possibles en France, expérimentés par des équipes françaises à partir d’embryons de lapins et de macaques.
Que propose le projet de loi du Gouvernement ? Il va résolument plus loin que ce qui est possible aujourd’hui. Il borne en effet l’interdiction des embryons chimériques à la seule modification d’embryons humains avec insertion de cellules provenant d’autres espèces.
Ce faisant, il autorise tout ce qui ne correspond pas à cette définition et ouvre donc une nouvelle voie d’expérimentation. Il permet ainsi la création d’embryons chimériques par insertion dans un embryon animal de cellules souches embryonnaires humaines.
La commission spéciale a refusé d’aller plus loin que ce qui est possible aujourd’hui, tout en ajoutant des verrous pour éviter toute dérive.
Dans ces conditions, la commission spéciale a réintroduit, à l’article 17, l’interdiction visant l’insertion de cellules souches embryonnaires dans un embryon animal.
Pour ce qui est des embryons chimériques recourant aux cellules iPS humaines, outre le respect des principes éthiques fondamentaux, elle encadre leur utilisation à l’article 15, d’une part, en prévoyant l’impossibilité de poursuivre à terme la gestation, et, d’autre part, en fixant une proportion minoritaire de cellules d’origine humaine pour limiter le taux de chimérisme, afin de s’assurer que ces embryons restent bien toujours des embryons animaux.
Voilà donc le cadre de notre débat. Ce qui est en jeu, c’est une ligne rouge de la bioéthique à la française, la question du franchissement de la barrière des espèces. Le CCNE a réclamé un encadrement de ces expérimentations, car insérer dans un embryon animal ne serait-ce que quelques cellules iPS humaines n’est pas une démarche anodine.
C’est à ce besoin d’encadrement que la commission spéciale a cherché à répondre. Ce sera évidemment au Sénat de décider si cet encadrement lui semble pertinent et suffisant.