Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du 28 janvier 2020 à 15h00
Bioéthique — Article 17

Frédérique Vidal :

Il est effectivement très important d’aborder ce titre IV par cet article. Je prendrai donc quelques instants pour préciser la position du Gouvernement sur la question des embryons chimériques et sur la portée de leur interdiction inscrite à l’article 17 du projet de loi.

J’ai écouté attentivement, lors de la discussion générale, l’intervention de Mme la sénatrice Imbert sur l’intention initiale du législateur. Il ne m’appartient pas de trancher ce débat d’interprétation sur une discussion intervenue voilà neuf ans. En revanche, la réalité, c’est que le droit interdit actuellement l’agglomération de matériel cellulaire animal sur un embryon humain.

C’est précisément ce qui justifie que la disposition adoptée en 2011 ait été insérée dans une partie du code de la santé publique relative à l’embryon humain, comme l’a confirmé l’avis du Conseil d’État. Naturellement, il n’est pas question de revenir sur cette interdiction.

Toutefois, la réalité du droit actuel, c’est aussi qu’il ne fixe aucun cadre interdisant de conduire des recherches sur des embryons animaux chimériques. Il n’existe aucun protocole de recherche de ce type en France à ce jour, mais aucune norme de bioéthique non plus dans ce domaine.

Les députés et le Gouvernement ont donc souhaité intégrer cette question au débat, afin qu’un cadre adapté à la conduite de ces recherches soit fixé et que le droit de la bioéthique soit réactualisé, à la lumière des perspectives scientifiques qui se sont ouvertes durant ces neuf dernières années.

C’est pourquoi il est vraiment très important que nous puissions débattre ouvertement de l’opportunité, ou non, de conduire des recherches sur des embryons animaux chimériques, celles-ci, je le rappelle, n’étant nullement interdites aujourd’hui par notre droit.

Ces recherches offrent des perspectives scientifiques intéressantes, pour deux raisons.

Premièrement, de nombreux mécanismes physiologiques ou pathologiques ne peuvent être compris que par l’utilisation de ce type de techniques, lorsqu’elles deviendront définitivement possibles, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. En effet, sur le plan scientifique, nous sommes encore très loin des perspectives de xénogreffes qui ont été évoquées, et la question sanitaire est bien évidemment essentielle.

Deuxièmement, nous sommes passés d’une époque où le caractère tout génétique prévalait à une époque où nous avons besoin de comprendre plus finement les mécanismes cellulaires fondamentaux, notamment les impacts environnementaux sur ces derniers.

Il est important que nous puissions le faire sur des embryons chimériques constitués d’agglomérations de cellules souches sur des embryons d’animaux. Soyons parfaitement clairs : nous nous plaçons bien entendu dans le cadre d’une recherche fondamentale, et absolument pas dans celui d’une recherche clinique.

Je veux être très clair avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il est totalement interdit, et cela le restera, de créer des embryons à des fins de recherche. De même, il est totalement interdit de réimplanter des embryons qui auraient été manipulés génétiquement, de quelque façon que ce soit. La loi est très claire à cet égard, et nous ne revenons pas sur ce point.

L’apparition de nouvelles formes de cellules pluripotentes, dérivées de cellules humaines adultes, a aussi été évoquée.

Il s’agit d’une véritable petite révolution scientifique, et nous avons besoin de démontrer la pluripotence réelle de ces cellules. Pour ce faire, de manière très classique, il faut les agglomérer à ces embryons animaux pour vérifier que, effectivement, elles sont capables de constituer au moins les différents feuillets embryonnaires, c’est-à-dire d’être pluripotentes. Et pour en être sûrs, nous devons aussi pouvoir les comparer aux cellules souches « étalons », si je puis dire, c’est-à-dire aux cellules souches embryonnaires.

Tels sont les objets des recherches qui commencent à être envisagées dans les laboratoires. Aussi, il nous est apparu important que les protocoles de recherche relatifs à ces embryons chimériques constitués de cellules souches – que celles-ci soient induites ou embryonnaires, agglomérées à des embryons animaux – soient soumis à déclaration pour contrôle auprès de l’Agence de la biomédecine (ABM) et respectent la cadre propre aux expérimentations animales, ce qui nous semble apporter une garantie supplémentaire.

Enfin, pour les chercheurs, il est très important que ce type de recherche soit sécurisé dans une loi de bioéthique. En effet, ils sont tout à fait conscients de la nécessité de disposer d’un cadre législatif clair pour mener leurs travaux et de penser des protocoles de recherche, dans leurs laboratoires, en sachant que ceux-ci sont admis par le législateur.

Je comprends tout à fait la position de la commission spéciale. J’entends les débats et l’appel à la vigilance extrême qu’a lancée le président Retailleau. Je partage l’idée qu’il est inadmissible de créer des embryons à des fins de recherche, tout comme il est inadmissible de réimplanter des embryons génétiquement modifiés, de quelque façon que ce soit.

Néanmoins, si nous voulons mieux comprendre ce qui nous apparaît aujourd’hui comme étant à côté de la génétique, notamment les impacts environnementaux, il faut que la recherche fondamentale, qui, en réalité, est encore très éloignée d’éventuelles applications pour l’homme, nous en donne la capacité.

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