Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 28 janvier 2020 à 21h30
Bioéthique — Article 15

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Mes chers collègues, nous entrons dans le vif du sujet, en abordant le cœur de la bioéthique.

L’article 15 peut paraître très scientifique : il l’est. Mais ses conséquences sur le modèle de société que nous voulons et sur l’espèce humaine tout entière sont assez vertigineuses.

Cet article instaure un cadre pour les recherches en matière de cellules souches pluripotentes induites, également appelées cellules iPS, qui sont capables de se multiplier indéfiniment et de se différencier en tout type de cellules qui composent l’organisme.

Le texte initial soumettait à une déclaration préalable auprès de l’Agence de la biomédecine deux types de recherches considérées comme sensibles sur le plan éthique : celles qui portent sur la différenciation de cellules iPS en gamètes et celles qui concernent l’agrégation de cellules souches pluripotentes induites avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires.

Nos collègues députés y ont ajouté les recherches visant l’insertion de ces mêmes cellules dans un embryon animal en vue de son transfert chez la femelle et de la constitution d’un embryon chimérique. Nous y reviendrons lors de l’examen de notre amendement de repli.

Cela étant, cet article pose déjà problème pour les deux premiers types de recherches. En effet, il revient à autoriser dans notre droit, en encadrant la pratique, la fabrication de gamètes artificiels à partir de cellules banales du corps humain.

Plusieurs universitaires et chercheurs lancent l’alerte : potentiellement innombrables, ces gamètes au génome éventuellement modifié pourraient créer de très nombreux embryons, parmi lesquels on choisirait le plus « convenable », sans imposer aux patientes les épreuves liées à la fécondation in vitro. « Qui refuserait alors, dans le futur, la promesse d’un bébé “zéro défaut ?” », s’interrogent les mêmes intellectuels.

Selon nous, le risque de dérive eugénique est tout à fait réel.

Certes, le régime déclaratif des recherches est accompagné d’un droit d’opposition de l’Agence de la biomédecine ; mais quels critères celle-ci retiendra-t-elle ? Face aux immenses problèmes soulevés, nous sommes pour l’heure sans réponse : c’est la raison même de cet amendement de suppression.

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