Je souhaite répondre à certains des arguments qui ont été avancés.
La position de la commission spéciale, qui propose une expérimentation, doit nous conduire à nous interroger. Si une telle technique était reconnue dans le monde comme utile, voire nécessaire, il n’y aurait pas besoin d’expérimentation. Le choix de la commission spéciale d’employer le terme « expérimental » prouve bien qu’il y a débat.
Le Gouvernement a répondu en proposant de financer un protocole de recherche qui permettra d’évaluer l’intérêt de cette technique par rapport à la technique actuelle, où l’on regarde simplement l’aspect des embryons et la morphologie. Selon l’étude américaine que j’évoquais, le DPI-A ne semble pas plus efficace que l’examen morphologique. Mais l’étude française permettra d’évaluer avec nos outils et nos chercheurs si cette technique a un intérêt réel pour améliorer l’efficience de l’AMP. Selon la Société américaine de médecine de la reproduction, ce n’est pas prouvé scientifiquement aujourd’hui. C’est donc bien un débat entre scientifiques.
L’expérimentation dont parle la commission spéciale implique de fait une ouverture ; il sera ensuite très difficile d’encadrer la pratique. Le Gouvernement fait le choix de financer un protocole selon la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite loi Huriet, avec les critères d’encadrement que vous connaissez. Ce protocole pourra démarrer cette année.
Malgré tout le respect que j’ai pour M. le président de la commission spéciale, je ne crois pas que l’on puisse mettre sur le même plan une interruption médicale de grossesse et le fait de trier des embryons avant la réimplantation. Je ne vois pas comment des médecins informés de la présence d’une anomalie chromosomique viable, comme la trisomie 21 – mais il y en a d’autres –, pourraient implanter un embryon dans ces conditions.
Par conséquent, l’article rédigé par la commission spéciale ne me paraît pas satisfaisant. Les médecins auront la totalité de l’information en effectuant le test. Ils ne pourront pas choisir de ne pas voir. C’est le même test qui donne l’information des trisomies ou d’autres anomalies viables. Le dispositif proposé par la commission spéciale empêchera la réimplantation de tout embryon aneuploïde, alors que le dépistage prénatal laisse un choix aux familles. Selon l’Agence de la biomédecine, aujourd’hui, sur 8 000 interruptions médicales de grossesse proposées, 1 500 familles choisissent de garder un enfant avec anomalie viable. Cela prouve bien que les deux cas de figure sont totalement distincts : dans l’un, l’élimination est a priori systématique ; dans l’autre, les familles ont le choix. Je ne peux donc pas admettre un tel argument.
La même technique permet aussi de détecter des anomalies génétiques, au-delà de celles qui sont liées au nombre de chromosomes. Il est ainsi possible d’aller plus loin et d’analyser également le génome. Tout cela nécessiterait donc d’être aujourd’hui déployé à grande échelle pour tenir compte du nombre de FIV par an. Je le rappelle, on dénombre cinq centres de DPI pour 800 embryons triés pour des anomalies chromosomiques intrafamiliales. Si cette technique était appliquée sur 100 000 embryons, elle serait largement déployée en France, avec le risque qu’un certain nombre d’équipes aillent plus loin dans la détection d’anomalies génétiques.
Pour toutes ces raisons, il nous semble pour l’instant nécessaire de continuer la recherche sur la technique.