Mon propos ira dans le même sens que celui de mes collègues. Depuis le 1er décembre 2008, l’aide juridictionnelle peut être octroyée à tous les requérants qui remplissent les conditions exigées, comme le plafond de ressources, quelle que soit la régularité de leur entrée sur le territoire national.
La suppression de l’exigence d’entrée régulière sur le territoire français pour demander l’aide juridictionnelle date de la dernière loi sur l’immigration votée en 2006, et déjà vous nous demandez de légiférer en sens inverse !
L’article 74 bis, avant que la commission des lois du Sénat n’y apporte quelques sages, quoique insuffisantes, modifications, interdisait qu’un migrant puisse bénéficier de l’aide juridictionnelle dans le cadre d’un recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant la demande de réexamen de sa demande d’asile.
On le comprend bien, cet article laissait entendre que toute nouvelle demande de protection était par nature abusive. Pourtant, après le rejet définitif d’une première demande d’asile, seule la présentation d’éléments nouveaux permet le réexamen d’une demande. Cette mesure était donc une atteinte grave au droit d’asile.
Les modifications apportées par la commission des lois ne sont pas de nature à garantir le fait que les demandeurs d’asile puissent bénéficier d’un recours effectif devant la juridiction en étant défendus.
En effet, avec le nouveau dispositif adopté par la commission, l’aide juridictionnelle ne pourrait pas être accordée devant la CNDA dans le cas d’une demande de réexamen dès lors que le requérant a, à l’occasion d’une précédente demande, été entendu par 1’OFPRA ainsi que par la Cour, assisté d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle.
Selon le rapporteur, le fait de refuser à certains demandeurs d’asile la possibilité de demander l’aide juridictionnelle serait justifié par l’article 15 de la directive 2005/85/CE relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.
Il semble que l’on peut faire dire tout et son contraire au droit communautaire. Je ne veux pas entrer dans une querelle d’interprétation de la directive, je laisse cela à la Cour de justice de l’Union européenne, qui, vous ne manquerez pas de l’avoir remarqué, rend depuis quelques années des arrêts qui vont tous dans le sens d’une amélioration du niveau de protection des migrants, et en particulier des demandeurs d’asile, tandis que la sensibilité aux intérêts nationaux paraît plus circonstancielle.
Je souligne simplement que cette directive fixe des normes « minimales » concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres. Selon le principe de l’harmonisation minimale, largement utilisé dans le cadre de la construction européenne, les États sont libres d’adopter ou de conserver des normes plus protectrices.
C’est pourquoi nous proposons de conserver dans notre droit national la possibilité pour tous les demandeurs d’asile de demander l’aide juridictionnelle, d’autant que la loi de finances pour 2011 est déjà venue rogner ce droit en limitant à un mois le délai pour demander cette aide.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de supprimer l’article 74 bis.