Intervention de Mireille Schurch

Réunion du 10 février 2011 à 14h45
Immigration intégration et nationalité — Article 75, amendement 236

Photo de Mireille SchurchMireille Schurch :

Madame la présidente, je défendrai en même temps l’amendement n° 236 rectifié.

Cette disposition résulte d’une décision du Conseil d’État, qui a qualifié de frauduleuse la demande d’une personne dont les empreintes dactyloscopiques n’ont pu être relevées dans le cadre du système EURODAC, en application du règlement Dublin II.

Cette réforme intervient surtout dans un contexte où la gestion expéditive des demandes d’asile ne cesse d’augmenter. Désormais, plus de la moitié des demandes examinées selon la procédure prioritaire sont des premières demandes d’asile.

Dans ce contexte d’absence de contrôle réel et efficace du recours à la procédure prioritaire et compte tenu de l’intérêt qu’elle représente pour le Gouvernement d’un point de vue budgétaire, les craintes de dérives sont bien réelles.

L’application de la procédure prioritaire prive en effet le demandeur d’une instruction effective de sa requête, sans possibilité de recours suspensif devant la Cour nationale du droit d’asile, tout en le contraignant, lorsqu’il n’est pas mis en rétention administrative, à vivre dans des conditions de grande précarité avec des droits sociaux et économiques fortement minorés.

La nouvelle précision comporte, d’une part, un élément matériel, à savoir la fourniture de fausses indications, la dissimulation d’informations concernant l’identité, la nationalité, les modalités d’entrée sur le territoire, et, d’autre part, un élément intentionnel, à savoir la volonté d’induire en erreur les autorités.

Dans cette nouvelle hypothèse de refus d’admission au séjour, le préfet devra donc démontrer qu’il a en sa possession des indications et des informations permettant d’établir que les déclarations de l’intéressé sont erronées ou avaient été dissimulées et que la personne avait réellement l’intention d’induire en erreur l’administration.

Avec la mise en œuvre de ce nouveau mécanisme, le demandeur sera exposé, dès ses premières démarches, à un service public préfectoral guidé par une logique de contrôle, alors qu’il a en général fui des persécutions ou a pu subir des actes de tortures ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants d’agents étatiques sans être protégé en raison de la défaillance des autorités du pays d’où il vient.

Or, dans une situation d’extrême vulnérabilité, psychologiquement fragilisé, le demandeur a souvent perdu toute confiance dans ce qui, à ses yeux, ressemble à l’autorité. Il peut, dans un premier temps, ne pas vouloir ou ne pas pouvoir révéler des informations au stade de son admission au séjour, alors que ses craintes de persécution en cas de retour sont fondées.

Par ailleurs, du fait d’un usage de la procédure prioritaire par les services préfectoraux, non réglementé en pratique mais régulièrement dénoncé par les associations, il est à craindre que l’invocation de cette nouvelle disposition ne devienne trop systématique, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour d’autres motifs légaux de refus d’autorisation de séjour provisoire.

Ainsi, par exemple, une personne pourrait-elle être soumise à la procédure prioritaire sur ce fondement lorsqu’elle se déclarera sous son identité réelle aux services d’une préfecture, mais que le fichage EURODAC révélera une identité différente, et donc fausse, fournie précédemment dans un autre État membre.

Il est à craindre que, dans le doute, les services préfectoraux préfèrent appliquer ce motif de refus d’admission au séjour et arguent de l’impossibilité de déterminer l’identité réelle de la personne.

C’est la raison pour laquelle nous demandons non seulement la suppression de cet article, mais aussi la suppression de la présomption de recours abusif prévue par le 4° de l’article L. 741-4.

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