Depuis la loi du 10 décembre 2003, le préfet peut refuser d’admettre au séjour des étrangers originaires d’un pays estimé sûr.
En vertu de l’alinéa 2° de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un pays est considéré comme sûr « s’il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Or, la liste des pays d’origine sûrs, établie à partir des critères précités, est profondément insatisfaisante. Cela a été précédemment rappelé par ma collègue. Pour cette raison, depuis son arrêt du 13 février 2008, le Conseil d’État accepte de contrôler la légalité interne de cette liste.
Dans un récent arrêt du 23 juillet 2010, le Conseil d’État a franchi une étape supplémentaire en invalidant la présence du Mali, de Madagascar, de l’Arménie et de la Turquie dans cette liste. La fréquence des pratiques d’excision, la persécution des opposants au régime ou encore l’instabilité politique et sociale interne de ces États ont été autant de raisons invoquées par la plus haute juridiction administrative.
Aujourd’hui encore, il est possible de s’interroger sur la cohérence et le bien-fondé de cette liste. En effet, comment des pays pratiquant la peine de mort – le Bénin, la Tanzanie, la Mongolie ou le Ghana – peuvent-ils être considérés comme sûrs alors même qu’ils menacent la vie de leurs ressortissants ?
Nous sentons bien que cette liste n’a aucune légitimité en soi. D’ailleurs, à l’échelle communautaire, aucun accord sur l’élaboration d’une telle liste n’a été trouvé. Cette liste sert bien plus les intérêts diplomatiques de la France qu’elle ne protège les demandeurs d’asile. En effet, la « liste des pays d’origine sûrs » permet d’appliquer la procédure prioritaire au demandeur d’asile. Or, cette procédure est une entrave aux droits des demandeurs d’asile.
Dans cette hypothèse, les demandeurs ne bénéficient pas d’un droit au séjour et, s’ils peuvent saisir l’office français de protection des réfugiés et des apatrides, le recours devant la Cour nationale du droit d’asile n’est pas suspensif.
Autrement dit, dès que l’OFPRA a notifié sa décision de rejet, l’étranger peut être expulsé.
En fait, nous percevons parfaitement la logique que sous-tend la liste des « pays d’origine sûrs » : elle permet d’accélérer les reconduites à la frontière, en déclenchant la procédure prioritaire.
Si le zèle du Gouvernement en la matière n’est plus à démontrer, il doit cependant être combattu avec acharnement quand les droits fondamentaux des demandeurs d’asile ne sont pas respectés et qu’il n’existe pas de garanties quant aux risques de persécutions et d’exactions à leur encontre.
Le Gouvernement fait preuve – il faut le dire – d’une hypocrisie honteuse en prétendant protéger la vie et les droits des demandeurs d’asile, tout en déclenchant la procédure prioritaire.
Ainsi, l’amendement que nous proposons vise à supprimer la liste des pays d’origine sûrs, par essence difficile à établir. Les demandeurs d’asile seront alors véritablement protégés, et leurs droits certainement mieux respectés.