Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 4 février 2020 à 14h30
Bioéthique — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec honneur et fierté, mais aussi non sans une certaine difficulté que je vais tâcher de donner la position du groupe La République En Marche sur le projet de loi relatif à la bioéthique.

Comme dans chaque groupe, des convictions personnelles divergentes se sont exprimées, tant les mesures contenues dans ce texte se situent à la croisée de chemins philosophiques, scientifiques, médicaux et sociétaux. Les nombreuses mises au point au sujet de votes en témoignent. De ce point de vue, notre groupe n’a pas fait exception.

Au cours de l’examen du projet de loi, nous avons abordé certains sujets avec des convictions fortes, sans toujours réussir à les faire partager.

Je pense bien évidemment à l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes. Je reste, pour ma part, convaincu de la justesse de cette mesure. Les réticences des uns et des autres sont non pas éthiques, mais culturelles, voire cultuelles.

Je suis, à ce titre, déçu – oui, déçu ! – que le Sénat ait ouvert un droit nouveau pour aussitôt en restreindre l’accès, en réintroduisant le critère pathologique et en excluant, ce faisant, les femmes seules ou les couples lesbiens du remboursement par l’assurance maladie.

Permettez-moi de rappeler qu’actuellement 15 % des couples hétérosexuels qui recourent à l’AMP ne présentent aucune infertilité médicalement constatée. Devra-t-on les exclure du recours à cette technique ? Qu’en sera-t-il également des couples qui, après avoir recouru à une AMP, ont un enfant naturellement ? Avec le système que vous avez mis en place, seront-ils contraints de rembourser la sécurité sociale ? Qu’est-ce qui empêchera les femmes de continuer à se rendre à l’étranger et de se faire rembourser en France, comme c’est déjà le cas ? Vous voyez bien que cette exclusion ne tient pas la démonstration et qu’elle cherche à induire une rupture d’égalité d’accès au droit, en distinguant celles qui auront les moyens des autres !

Je le réaffirme : l’extension de l’AMP à toutes les femmes n’opérera pas de glissement irréversible vers la gestation pour autrui. L’Espagne et la Norvège n’ont pas autorisé la GPA. En revanche, l’Estonie et la Lituanie, qui l’ont permise, refusent l’AMP aux couples de femmes.

À l’occasion de ces débats, nous avons tous, à quelques rares exceptions près, pu rappeler notre opposition farouche à la GPA, laquelle est interdite dans notre pays à tout le monde, ainsi que notre préoccupation pour le sort des enfants qui en sont issus.

Une telle précision dans ce débat m’est apparue inutile, tout comme celle qui vise à rappeler que nul n’a de droit à l’enfant. L’intérêt supérieur de l’enfant a d’ores et déjà valeur constitutionnelle et supraconstitutionnelle. Où est cet intérêt lorsque l’on s’oppose à la transcription totale dans les actes d’état civil des actes de naissance de ceux qui sont nés à l’étranger à la suite d’une GPA ?

S’agissant de la levée de l’anonymat du donneur ou de la donneuse de gamètes, que l’on oublie trop souvent, à l’égard de l’enfant issu d’un don, il me paraît cruel et inégalitaire de laisser ce dernier dans l’incertitude jusqu’à sa majorité. Mettre fin à la tourmente à laquelle peut – je dis bien « peut » – exposer la quête de ses origines, c’est précisément ce que le texte cherchait à faire.

Enfin, je continue de croire que l’autoconservation des gamètes n’incitera pas les femmes à reporter leur grossesse. Elle leur donnera, au contraire, une chance supplémentaire de préserver leur fertilité jusqu’à ce qu’elles rencontrent un partenaire sérieux. Soyons honnêtes, messieurs : ce ne sont pas les femmes qui procrastinent le plus concernant la parentalité…

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