Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 4 février 2020 à 14h30
Droits des usagers des transports en cas de grève — Discussion générale

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Les transports publics sont en effet essentiels à l’exercice de bon nombre de nos libertés. Beaucoup de nos concitoyens ont ainsi été dans l’impossibilité de se rendre sur leur lieu de travail. Beaucoup de commerces ont connu une faible fréquentation au moment qui aurait dû être le plus favorable pour eux en termes de chiffre d’affaires.

La grève est plurielle. Il y a celle qui a pour objet d’appuyer des revendications professionnelles dont la satisfaction dépend de l’employeur. C’est alors un outil de négociation dans les conflits du travail. Mais il est aussi des grèves qui appuient des revendications professionnelles dont la satisfaction ne dépend nullement de l’employeur. Que peut faire le patron de la SNCF ou celui de la RATP en matière de réforme des retraites ? Ont-ils le pouvoir de retirer le projet ?

La grève, nous dit-on parfois, est faite pour gêner. Mais gêner qui et pourquoi ? Ceux qui l’ont subie dans les transports collectifs sont des usagers, qui n’ont pas le pouvoir de retirer un projet de réforme. C’est à la démocratie de trancher ces sujets.

Nous assistons ainsi parfois à des abus : abus du droit de retrait, derrière lequel la grève peine à se dissimuler ; abus de l’exercice du droit de grève lui-même, chaque fois qu’il est détourné de sa finalité ou que les conditions de sa légalité ne sont pas respectées. C’est le cas aussi lorsque la grève se transforme en un instrument de pression sur des salariés non grévistes : ces pressions sont illégales et inacceptables.

La grève est un droit dont l’exercice doit respecter les formes prescrites et ne pas mettre en péril le nécessaire équilibre entre les différents droits et libertés de valeur constitutionnelle.

La question qui nous préoccupe aujourd’hui concernant les transports publics s’est déjà posée dans d’autres domaines : je pense notamment aux hôpitaux et à la télévision publique. Elle peut en réalité être soulevée pour tous les secteurs dans lesquels une grève est susceptible d’entraîner la paralysie du pays.

Le droit de grève peut être et doit être encadré afin de contenir d’éventuelles conséquences disproportionnées. Cela a déjà été fait par la loi de 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Cette loi a constitué une avancée en instaurant, pour les salariés qui souhaitent faire grève, l’obligation de respecter un préavis de quarante-huit heures, mais aussi en promouvant le dialogue au sein des entreprises, pour tenter d’atteindre au mieux les objectifs du plan de transport.

Ce préavis est essentiel. C’est pourquoi nous vous proposons d’étendre cette obligation aux contrôleurs aériens. Le groupe Les Indépendants avait déposé une proposition de loi en ce sens ; je vous suggère aujourd’hui de voter par amendement le dispositif adopté en commission. Car rares sont ceux qui savent que les contrôleurs aériens ne sont pas soumis à un préavis !

La loi de 2007 ne permet cependant pas d’empêcher les situations de paralysie, a fortiori quand les revendications professionnelles ne dépendent pas de l’employeur.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à établir un service minimum effectif, afin de satisfaire aux besoins essentiels de la population.

Le pouvoir de réquisition de salariés grévistes existe déjà dans le droit actuel. Il appartient au préfet, et cela également pour répondre à ces besoins.

Nous sommes sensibles à l’argument selon lequel les collectivités locales doivent également pouvoir exercer cette faculté de réquisition. Celle-ci ne trouvera à s’appliquer que lorsqu’elle est strictement nécessaire à la satisfaction des besoins essentiels de la population.

Nous devons cependant veiller à ce que cette nouvelle prérogative ne soit pas porteuse de risques juridiques pour les collectivités de nos territoires, mais aussi à ce que les collectivités n’aient pas à suppléer d’éventuelles carences de l’État, comme ce fut le cas avec la loi Darcos, qui oblige les communes à assurer un service minimum d’accueil des enfants en cas de grève dans l’éducation nationale.

Par ailleurs, nous considérons que la réquisition, quand elle est nécessaire, doit être immédiate. C’est le sens d’un amendement que nous vous proposerons de voter.

Nous voulions aussi encourager les personnels grévistes réquisitionnés à porter un signe distinctif pour signaler qu’ils sont en grève. Cela permettrait de respecter la volonté des personnes qui ont choisi de faire grève. Nous sommes également convaincus que cela pourrait susciter des échanges respectueux et constructifs entre les usagers et les grévistes, sortant de la logique d’affrontement.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants soutient et approuve cette proposition de loi, tout en restant attentif au respect des équilibres entre les différents droits et libertés.

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